Théologie de l’Ancien Testament

§ 30. Les quarante, ou plus exactement les trente-sept ans dans le désert. Premières conquêtes.

Le Pentateuque ne dit presque rien de ces longues années de punition. Nous savons par Amos 5.25 que le peuple, même sous la verge, fut infidèle à son Dieu, et nous pouvons conclure de Deutéronome 1.46 qu’il fit un assez long séjour à Kadès. Mais nous ne partageons pas l’opinion de Schultz qui, dans son Commentaire sur le Deutéronome, prétend que le peuple a passé les quarante ans entiers à Kadès. Tout au plus pourrait-on admettre qu’une partie du peuple y demeura par obstination, tandis que Moïse avec le reste des Israélites s’enfonça de nouveau dans le désert, après quoi, au bout des quarante ans, les deux fractions se seraient réunies à Kadès. Mais c’est donner beaucoup d’importance à un changement de personne qui peut fort bien n’avoir point ce sens. « Ainsi vous demeurâtes à Kadès bien des jours. Alors nous revînmes en arrière » (Deutéronome 1.46 ; 2.1).

De Kadès donc le peuple rentre dans le désert en suivant les stations indiquées à partir du verset 19e du ch. 33e des Nombres. Il tourne longtemps autour de la montagne de Sébir (Deutéronome 2.1) et, au premier mois de la quarantième année, il se retrouve à Kadès-Barné. C’est ce second campement en ce lieu qui est mentionné au commencement de Nombres ch. 20. La génération nouvelle née dans le désert montre la même obstination que ses pères ; elle conteste avec ses conducteurs ; la méchanceté des enfants d’Israël affaiblit la foi de Moïse et d’Aaron, qui se voient enlever l’honneur d’introduire le peuple dans la terre promise. (Nombres 20.10, 12 ; Psaumes 106.32 et sq.). Plus tard Moïse reviendra sur cet épisode pénible de sa vie. « L’Éternel s’est même mis en colère contre moi à cause de vous, disant : Tu n’y entreras pas non plus. » (Deutéronome 1.37 ; 3.26). S’il parle ainsi, ce n’est point pour chercher à se disculper ; il sait qu’il a manqué en cette occasion. Il veut seulement faire sentir aux Israélites que c’est leur péché qui l’a fait tomber en faute (Deutéronome 32.51). L’incrédulité de toute une génération ne suffit pas à excuser une seule défaillance dans la foi des instruments que Dieu s’est choisis. Telle est l’obéissance, telle est la fidélité que Dieu est en droit d’attendre de ses serviteurs !

Les Edomites refusent passage à leurs frères. Israël doit s’éloigner une fois de plus de la frontière de Canaan et faire le tour des montagnes de Séhir pour aborder la terre promise du côté de l’Orient (Nombres 20.14 et sq.). Une nouvelle désobéissance est l’occasion d’un nouveau châtiment, mais aussi d’une manifestation frappante de la force salutaire de la foi (Nombres 21.4 et sq.). Le serpent d’airain suspendu à une perche représente le mal réduit à l’impuissance, mis hors d’état de nuire par la puissance et la grâce de Dieu. Dans le paganisme, le serpent est le symbole de la guérison ; chez les Phéniciens et en Egypte, il représente, enroulé sur lui-même, l’éternité et l’immortalité, notions voisines de celle de guérison. Mais ici le serpent représente le mal, le châtiment qu’Israël s’est attiré par son péché ; et, quand le Seigneur dira que, comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle (Jean 3.14-15), cela signifiera que quiconque regarde avec foi Celui que Dieu a fait péché pour nous (2 Corinthiens 5.21), est par là même délivré de la puissance du péché qui s’est glissé en lui comme un venin mortel. Pourquoi mettre le serpent d’airain en rapport avec le culte des serpents auquel se livraient les Egyptiens, puisque nous savons par Hérodote 2.74, que les serpents sacrés des Egyptiens étaient d’une espèce inoffensive ? Mais en revanche il se peut fort bien que le culte des serpents, qui était répandu, non seulement en Egypte, mais aussi en Phénicie, ait été l’occasion des désordres dont il est parlé 2 Rois 18.4 : « Ezéchias brisa le serpent d’airain que Moïse avait fait, parce que les enfants d’Israël lui faisaient des encensements. »

Enfin la lutte commence et les victoires qu’ils remportent sur les Amorrhéens et sur Hog, roi de Basan, viennent prouver aux Israélites qu’ils ont un Dieu fidèle. Après un pareil début, le peuple peut aller de l’avant avec bon courage : il vient dresser ses tentes dans la plaine de Moab, en face de Jéricho. Il n’est plus séparé de la terre promise que par le Jourdain. Balak, le roi des Moabites, cherche à conjurer le danger ; il appelle à son aide Balaam, le voyant des bords de l’Euphrate ; il compte sur ses malédictions pour arrêter les progrès du peuple envahisseur. Mais Balaam est contraint par l’Esprit de l’Éternel à bénir Israël ; il parle, et il annonce la gloire future du peuple de Dieu ; il parle, et il annonce la ruine des royaumes païens. Une grande puissance asiatique domptera tous les peuples voisins, mais elle sera domptée, à son tour par un roi venant de l’Ouest ; tandis que de Jacob procédera une brillante étoile et que d’Israël s’élèvera un sceptre puissant. Tout ce passage (Nombres 24.17-25) est une prophétie messianique, car on ne peut pas se représenter un sceptre sans un roi pour le tenir. Les Amalécites sont un peuple fort antique ; les Kéniens habitent des rochers qui semblent inexpugnables ; n’importe ! Tous les peuples païens, même ceux qui se croient à l’abri de tout danger, périront. Ils tomberont d’abord sous les coups d’une puissance asiatique ; puis, quand ils lui auront été incorporés, ils seront entraînés dans sa ruine. Une flotte viendra de Kittim, de la mer Méditerranée, et un nouveau royaume terrestre succédera au premier, jusqu’à ce que l’Éternel ayant fait table rase de tous ces empires, le peuple de Dieu reste seul maître du terrain. C’est là une de ces grandioses prophéties dans le genre de celle de Noé (Gen. ch. 9, voyez en particulier Genèse 9.27), à côté desquelles paraissent d’autant plus mesquines les explications que l’école soi-disant historique prétend en donner. Hitzig voit dans cette flotte de Kittim je ne sais quelle expédition de pirates qui doit avoir eu lieu au viiie siècle sur les côtes de l’Asie.

Comme prophète, Balaam n’a rien pu contre Israël. Comme homme, il donne à Balak un conseil qui ne sera que trop bon dans son genre (Nombres 31.16 ; 25.1 et sq.). Il s’agit de faire tomber les Israélites dans l’idolâtrie et dans les actes d’impureté qui accompagnent toujours le culte de Bahal-Péhor. Le peuple se laisse séduire ; mais les Madianites sont châtiés exemplairement, et ainsi s’achève la conquête du pays qui s’étend à l’Orient du Jourdain. C’est un pays des plus propres à l’élève du bétail ; Ruben, Gad et la demi tribu de Manassé demandent de pouvoir y demeurer. Ce district ne fait pourtant pas, à proprement parler, partie de la terre promise. La terre de la possession de l’Éternel (Josué 22.19) est tout entière comprise entre le Jourdain et la Grande Mer (Nombres 34.1 et sq.). Le territoire beaucoup plus vaste s’étendant du Nil à l’Euphrate, dont il est parlé déjà dans Genèse 15.18 et plus tard avec plus de détail Exode 23.31), est le vaste domaine sur lequel Israël étendra un jour sa domination. (Voyez encore Deutéronome 1.7 ; 11.24 ; Josué 1.4)

Le nouveau dénombrement qui a lieu dans les campagnes de Moab (Nombres ch. 26) présente un résultat à peu près pareil à celui du dénombrement qui s’était fait quarante ans auparavant au pied du Sinaï : 601 730 hommes en état de porter les armes, au lieu de 603 550. En revanche, il s’est produit de grands changements dans la population de telle ou telle tribu prise isolément ; ainsi la tribu de Siméon se trouve réduite au tiers à peu près de ce qu’elle était à la sortie d’Egypte (Comparez Nombres 1.23 ; 26.14). Il est probable que les Siméonites auront été particulièrement atteints par les divers châtiments que le peuple s’est attirés : Zimri (Nombres 25.14) était de la tribu de Siméon.

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