Théologie de l’Ancien Testament

§ 77. De la mort et de l’état de l’homme après la mort — Rapport qu’il y a entre le péché et la mort.

La mort est la suite du péché. Ce n’était que dans l’état d’innocence que l’homme pouvait ne pas mourir, qu’il possédait ce posse non mori et cette immortalité relative dont nous avons parlé vers la fin du § 72a. La relation qu’il y a entre le péché et la mort est positivement signalée dans la fameuse menace Genèse 2.17 : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras. » Cette parole a embarrassé, car enfin Adam a encore vécu bien longtemps après avoir mangé du fruit défendu. Faut-il peut-être élargir le sens du mot jour et y voir toute une période plus ou moins longue ? Mais non, puisque la mort doit avoir lieu dans le même jour où le fruit sera mangé. Comparez 1 Rois 2.37, passage tout-à-fait pareil au nôtre, où Salomon dit à Scimhi : Au jour où tu sortiras de Jérusalem, tu mourras sans rémission. — Ou bien dirons-nous, avec Knobel et Bœttcher, que Moïse, qui rapporte la menace, ne la considérait pas comme ayant été faite sérieusement ? — Encore moins, car, outre que l’A. T. n’a pas l’habitude de prendre à la légère ce que Dieu dit, nous voyons dans Genèse 3.19 reparaître la mort comme étant désormais l’issue fatale de l’existence terrestre. « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage jusqu’à ce que tu retournes en terre, car tu en as été tiré ; tu es poudre et tu retourneras en poudre. » Ces mots : Jusques à ce que tu retournes en terre, n’indiquent pas le terme jusqu’auquel l’homme devra travailler à la sueur de son visage, car dans ce cas la fin du verset ne se comprendrait pas ; ils indiquent à quoi aboutira toute la série des châtiments depuis le travail pénible jusqu’à la mort. Dans Genèse 2.17, comme cela est souvent le cas dans des sentences prophétiques, le bois de la lance n’est pas mentionné, mais seulement le fer et la pointe. Et dans le fait, Adam commença à mourir de suite après avoir péchéb. Augustin dit fort bien (De pecc. mor. 1, 21) : « Les hommes vécurent encore bien longtemps ; mais ils n’en commencèrent pas moins à mourir au jour où ils furent soumis à la loi de la mort, dont un des premiers effets fut de les faire vieillir. »

a – Œhler a publié sur ce sujet une brochure spéciale en latin : Commentatio de rebus post mortem futuris. Voyez aussi l’article « Immortalité » dans l’encyclopédie de Herzog. — Il existe une quantité considérable de monographies sur ce chapitre particulier de la Théologie de l’A. T.

b – Au reste, l’homme eut immédiatement l’occasion de se rendre compte de ce que c’est que la mort (Genèse 3.21, peaux d’animaux).

La mort résulte de la désobéissance de l’homme et ne doit pas être considérée comme un effet du fruit de l’arbre, ainsi que l’ont fait plusieurs commentateurs qui se sont laissé séduire par le contraste que présenterait cet arbre de la mort avec l’arbre de la vie, Genèse 3.22. Cet arbre n’est point appelé l’arbre de la mort, mais bien de la connaissance du bien et du mal. Si son fruit fait mourir, c’est uniquement parce qu’il a été l’occasion du choix que l’homme a fait du mal et de la désobéissance. Genèse 6.3, bien qu’il n’y soit pas, à proprement parler, question de la mort, mais seulement du raccourcissement de la vie, fait toucher du doigt la connexion intime qu’il y a entre le péché et la mort. « Mon esprit ne contestera pas à toujours avec l’homme. Dans son égarement il n’est que chair. Que ses jours soient de cent-vingt ans ! »

[Il y a dans Beschaggam ou, un passage du pluriel au singulier, qui n’est point rare. Schagam est l’infinitif de Schagag ; infinitif en A, tel qu’on en trouve dans quelques racines intransitives en Ayin. On a voulu décomposer Beschaggam en « Ba, asher gamv, « parce qu’aussi ». Mais le Pentateuque ignore l’emploi du Schin pour ascher ; puis le mot gain serait tout à fait superflu.]

Il n’est pas nécessaire de prendre ici le mot de chair dans le sens moral qu’il a dans le N. T. Il suffit de lui laisser le sens qu’il a ordinairement dans l’A. T. (Ésaïe 40.6 ; Psaumes 78.39 et sq.). « Dans son égarement il n’est que chair, » il est devenu éphémère, un rien l’abat. Ainsi donc le péché affaiblit l’homme en diminuant la somme d’esprit de vie que Dieu lui communique pour le faire exister et subsister. Le péché contristant et troublant l’Esprit de Dieu (Ésaïe 63.10), qui est le principe de la vie physique elle-même, comment l’homme pécheur ne deviendrait-il pas mortel ?

En fait de passages qui prouvent que la mort est le salaire du péché, on cite souvent Nombres 16.29 ; 27.3. Pour ce qui est de Nombres 16.29, on est fondé à le faire, car lorsque Moïse s’écrie : Si ces hommes-là meurent comme tous les hommes meurent…, il indique par là même que nul n’échappe à la mort. Mais Nombres 27.3, est susceptible d’une autre interprétation. Les filles de Tsélophcad disent : « Notre père n’était pas dans la troupe de ceux qui s’assemblèrent contre l’Éternel avec Coré, pour qu’il soit mort à cause de son péché. » Si l’on traduit comme nous venons de le faire, et qu’on rapporte son péché à Coré, ce passage n’a rien à faire ici. Et même si l’on rapporte son péché à Tsélophcad et si l’on traduit : Mais il est mort à cause de son péché, — même alors la question est encore de savoir ce qu’il faut entendre par ce péché. Est-ce le péché de l’homme en général, ou bien n’est-ce pas plutôt la révolte dont le peuple s’était rendu coupable à Kadès-Barné, révolte.à laquelle Tsélophcad avait pris part, et qui lui avait valu, ainsi qu’à tous les Israélites, de mourir dans le désert ? Il en serait donc de Nombres 27.3 comme de Psaumes 90.7-10, où Moïse ne parle pas de la mort en général, mais de la mort prématurée de la plupart des Israélites dans le désert. Mais, même ainsi compris, ces passages établissent entre la mort et le péché la corrélation la plus intime ; et c’est, pour le dire en passant, ce qui explique pourquoi la loi, tout en faisant de l’ensevelissement des proches un devoir sacré, condamne à des cérémonies purificatrices les personnes qui ont touché des cadavres (Nombres 19.11-13 ; 5.2). Il est vrai que dans plus d’un endroit la mort est présentée comme inhérente à la nature humaine, sans qu’il soit fait mention du péché. Ainsi Abraham n’est que poudre et cendre (Genèse 18.27) ; Ethan dit à l’Éternel : « Souviens-toi de mon peu de durée et quels êtres de néant sont tous les enfants, des hommes que tu as créés ! » (Psaumes 89.48. Voyez encore Psaumes 103.14 et sq.) Mais cela ne veut point dire que l’homme fût primitivement destiné à mourir. Les passages que nous venons de citer sont écrits au point de vue de la vie humaine telle qu’elle est actuellement, telle qu’elle est devenue par suite de la chute. C’est ainsi que le mot homme provient en hébreu d’une racine qui signifie : Etre débile, malade, tellement au point de vue de la révélation sont étroitement unies ces deux choses, l’homme et la mort.

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