Théologie de l’Ancien Testament

§ 119. Suite. Les Chérubins.

3. Ils occupent une place fort importante dans le tabernacle et dans la symbolique du culte. Il en est fait mention 85 fois dans l’A. T. Ils sont représentés sur les tentures du tabernacle, plus tard, sur les parois du temple de Salomon, et ils ne manqueront pas non plus au temple futur de la vision d’Ezéchiel ch. 41. C’est dans Genèse 3.24, qu’il en est fait mention pour la première fois, ce qui a fait dire à Hengstenberg avec beaucoup de raison, que c’est là un symbole qui se rattache à la religion primitive, à la religion naturelle, et qui n’est point propre à la révélation mosaïque. Dans le Psaumes 18.11, ils apparaissent comme les porteurs du nuage obscur sur lequel s’avance l’Éternel. Ezéchiel en voit dans sa vision du chap. 10, et dans Ezé.1.4, il les appelle des vivants, ce qui fait penser à Apocalypse 4.6 et sq. — Nulle part ils ne font l’effet d’êtres personnels, comme le font les anges. Ce ne sont pas des envoyés (מלאכים, maléachim) ; ils ne se montrent jamais que là où Dieu habite et se donne lui-même à connaîtref.

f – Ceci s’applique aussi à Gen. ch. 3, Voyez § 62.

C’est dans Ezéchiel qu’ils ont la forme la plus compliquée (Voyez aussi Apocalypse ch. 4). Chacun d’eux a quatre facesg, des bras, des pieds et quatre ailes ; avec deux, de leurs ailes ils volent, avec les deux autres, ils se couvrent le corps, qui est plein d’yeux tout autour. Il ne faudrait point se représenter tels les chérubins du tabernacle. ; il n’y aurait pas place sur le propitiatoire pour une forme aussi compliquée. D’après 1 Rois 7.29,36, il y avait dans le temple des figures de lions et de taureaux à côté de celles des chérubins, ce qui ne se comprendrait pas si les chérubins avaient déjà présenté à eux seuls de semblables figures. — Dans 1 Rois 6.29 ; Ezé.41.18, nous trouvons les chérubins parmi des fleurs et des palmes, sur les murailles de la maison de Dieu, tout comme dans 1 Rois 7.29, nous venons de les voir alterner avec des figures de taureaux et de lions. Cela est significatif. Je veux bien que dans le Pentateuque, ils ne semblent guère être autre chose que des hommes doués d’ailes ; et même dans Ezéchiel 1.5, c’est la forme humaine qui domine en eux. Mais il est peu probable que ce ne soit qu’à partir d’Ezéchiel que les chérubins aient possédé les traits qu’ils présentent chez ce prophète en sus des traits humains. Il faut supposer que, même dans le Pentateuque, ils avaient une forme analogue à celle qu’ils revêtent dans le prophétisme, quoique peut-être plus simple. On peut même se représenter comment se fit le passage du chérubin de la Genèse à celui d’Ezéchiel. Hengstenberg du moins estime que les chérubins de Moïse avaient quelque chose de commun avec le sphinx des Egyptiens (homme et lion), et que pendant la captivité sont venues s’ajouter à ces deux figures primitives, les ligures du taureau et de l’aigle, consacrées par l’antique religion des Assyriens.

g – Une face d’homme, une face de lion, une face de taureau et une face d’aigle. Ezé.1.10

Il est temps maintenant que nous cherchions à préciser la signification symbolique des chérubins. Les matériaux sont préparés ; mettons-les en œuvre.

Dans le paradis, dans le tabernacle, dans le temple, partout et toujours, ils annoncent la présence de Dieu. Ce sont les chariots de l’Éternel (1 Chroniques 28.18 ; Psaumes 18.11). Il y a deux choses là dedans. Lorsque nous les voyons garder l’entrée du paradis, ou bien se pencher sur l’arche et la couvrir de leurs ailes (Exode 25.20), ils nous disent que Dieu est inaccessible. Sous une forme sensible et qui pourtant ne favorise aucunement l’idolâtrie, ils sont le reflet de la majesté du Dieu que personne ne peut voir ni approcher. Mais en même temps, ils réunissent en eux les formes des quatre êtres les plus nobles de la création, et par là ils nous disent également que toute la natureh, avec toutes les forces qui s’y déploient, est l’œuvre de Dieu, le miroir où l’on peut contempler ses perfections. De cette façon, les chérubins annoncent et voilent en même temps la glorieuse présence du Créateur. Le lion est le symbole de la force ; le taureau, celui de la puissance ; l’homme, celui de la sagesse, et l’aigle, celui de la toute-science. Cette dernière idée est également exprimée par cette quantité d’yeux dont ils sont couverts.

h – Même la nature végétale, à cause des palmes ot des fleurs dont ils sont entourés.

Les animaux d’Apocalypse 4.8, sont perpétuellement en mouvement, ce qui marque que Dieu agit continuellement dans la nature. Il est probable que les roues d’Ezéchiel ch. 1 n’ont point un autre sens, car il est dit qu’en elles réside l’Esprit du Vivant. Le nombre quatre qui domine chez les chérubins, est celui de l’universalité (les quatre points cardinaux). Adorer l’Éternel comme le Dieu qui a son trône au-dessus des chérubins, c’est reconnaître que c’est Lui qui pénètre et qui gouverne le monde entier par sa toute-puissance, sa sagesse et sa toute-science. Point de place dans le mosaïsme pour des forces naturelles agissant aveuglément et sans avoir conscience d’elles-mêmes ; mais un Dieu vivant, qui agit partout en sachant ce qu’il fait, le Dieu des esprits de toute chair. Tel est le point de vue auquel il faut se placer pour comprendre la manière dont l’A. T. considère la nature. Voyez, par exemple, comment dans Psaumes 18.9 et sq., David envisage ce que nous appelons une tempête : « L’Éternel descend, monté sur un chérubin. » Cela fait comprendre également la prière d’Asaph, Psaumes 80.2. « Pasteur d’Israël, qui es assis entre les chérubins, apparais ! »

Quelle est l’étymologie du mot chérubin ? 11 règne à cet égard une grande incertitude. Je crois avec Umbreit que le mot Kerouv, כריב, vient, par un renversement de lettres assez fréquent, de Rekouv, רכיב, chariot, et en effet, les chérubins sont appelés ainsi dans 1 Chroniques 28.18, et ils jouent le rôle de véhicules dans le Psaumes 18. Hengstenberg s’est déclaré pour l’étymologie des Rabbins : Ke, כ.ֻ, comme, et rov, רב, beaucoup ; d’où pluralité. D’autres font venir chérubin de la racine Karav, כרב. Malheureusement cette racine offre une foule de sens, ainsi : 1° tailler, d’où image, produit de l’imagination, créature du monde idéal ; 2° resserrer, angoisser, d’où êtres effrayants ;enlever, ravir, d’où êtres malfaisants, une sorte de harpies (ἀρπάζειν) ; 4° enfin, on a rapproché Karav, כרב, de Karam, כרם, être noble, et on a fait des chérubins, des princes. — D’autres encore ont cherché à établir une sorte de parenté entre les chérubins et le γρύψ des Grecs, notre griffon, oiseau merveilleux préposé en Orient à la garde des trésors cachés. On en a appelé en faveur de cette idée, à Ezé.28.14, où le roi de Tyr, qui protège et couvre de ses ailes déployées la sainte montagne de Dieu en Eden, est comparé à un chérubin. Mais c’est à tort, car ce passage veut simplement donner une idée de l’orgueil de ce roi qui se croyait préposé à la garde des demeures célestes et qui pensait être, en cette qualité, un vivant reflet de la majesté du Très Haut.

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