Théologie de l’Ancien Testament

§ 121. Suite. Les sacrifices du temps des patriarches et le grand sacrifice de Exode 24.

[On a beaucoup discuté la question de savoir si l’homme a eu de lui-même l’idée d’offrir des sacrifices, ou si c’est Dieu qui le lui a ordonné. Quant à un ordre positif, il ne s’en trouve nulle part, et tout dans la Bible tend à montrer que le sacrifice n’a de valeur qu’autant qu’il est libre et spontané. Mais il est évident aussi que Dieu approuve les sacrifices ot qu’il les veut. Ils ne sont pas plus le produit de quelque idée capricieuse, montée un jour au cerveau de l’homme, que ne le sont la prière et l’adoration. (C’est en voyant l’Éternel immoler des animaux pour lui en faire des robes de peau (Genèse 3.21), que l’homme aurait conçu l’idée des sacrifices. Note du T.)]

Il y avait des sacrifices avant Moïse. Il y en a eu dès après la chute (§ 20, Gen. ch. 4). Il y en a eu le lendemain du déluge (Genèse 8.20) : sacrifices d’actions de grâces pour des bienfaits déjà reçus, ou d’invocation pour obtenir des grâces nouvelles. Le sacrifice de Noé, le premier holocauste que mentionne la Bible, sans être proprement expiatoire, est cependant plus qu’un simple sacrifice de prospérité. Dieu, est-il dit, respira un parfum d’apaisement. Il y a déjà là un acheminement aux sacrifices pour le péché, qu’institua Moïse.

[Le sacrifice de Noé consistait en toutes sortes d’animaux purs, dont, par conséquent, l’homme pouvait se nourrir. Ce fut un holocauste. Il fut inspiré par la reconnaissance et non point par le besoin d’expier des péchés, puisque Noé avait échappé au déluge et qu’il avait été trouvé juste au sein de l’humanité corrompue. Cependant il est bien probable qu’après avoir été le témoin du terrible jugement qui venait d’atteindre la terre, Noé sentit le besoin de se rendre Dieu propice pour l’avenir. C’est ainsi que Josèphe explique ce passage dans ses Ant. 1.3, 7. Et Dieu reçut favorablement ce sacrifice ; il promit de ne plus détruire la terre. — Quant à Gen. ch. 15 et 22, nous en avons déjà parlé § 80 et 23. Il y a quatre choses dans le sacrifice d’Isaac : 1° Dieu approuve les sacrifices puisqu’il en ordonne un ; 2° en se montrant prêt à renoncer à ce qu’il a de plus précieux, l’homme reconnaît qu’il se doit lui-même à Dieu ; 3° les sacrifices d’êtres humains sont prohibés, et 4° remplacés par des sacrifices d’animaux. Point question dans tout ceci d’un péché pour l’expiation duquel Isaac aurait dû mourir ; ce n’est point un sacrifice pour le péché.]
[Avant Moïse, il n’est point question de sacrifices spécialement expiatoires. Job 1.5 et ch. 42 ne parle que d’holocaustes et évite avec soin l’expression de כפר, Kippor (expier) à la place de laquelle il met le simple קדש, Quiddasch (sanctifier). — Dans Genèse 31.54 ; 46.1 ; Exode 10.25 ; 18.12, et même Exode 20.24 ; 24.5, il n’est encore fait mention que d’holocaustes et d’oblations de prospérité. — C’est que le sacrifice pour le péché suppose une loi, une révélation positive de la sainte volonté de Dieu, ainsi que la conclusion d’une alliance entre le peuple et l’Éternel.]

Mais c’est dans Exode ch. 24 que se trouve la véritable transition des sacrifices primitifs encore des patriarches, aux sacrifices expiatoires proprement dits. Ici, en effet, pour la première fois, si nous faisons abstraction de la fête de Pâques, nous voyons le sang des victimes employé d’une manière toute particulière.

Moïse élève un autel, car l’Éternel assistera à la cérémonie, et tout autour, il dresse douze colonnes, qui représentent les douze tribus, au milieu desquelles Dieu pourra désormais habiter en vertu de l’alliance qu’il va traiter avec elles. Puis Moïse fait offrir des holocaustes et des oblations de prospérité par des jeunes gens, ses serviteurs, qui fonctionnent à sa place.

[Kurtz a vu dans ces jeunes gens, qui du reste ne sont point au nombre de douze, puisque rien n’est indiqué à cet égard, les représentants du peuple qui se trouvait alors, plein de jeunesse, au début de sa carrière. Mais dans ce moment le peuple ne pouvait pas encore offrir à l’Éternel un sacrifice pour son compte. Il fallait avant tout que Dieu fit alliance avec lui. Les représentants du peuple, ce sont les 70 anciens, v. 1 et 9, et c’est Moïse qui remplit ici l’office de médiateur entre Dieu et Israël, comme s’il était grand-prêtre. Seulement les jeunes gens fonctionnent en lieu et place de Moïse.]

Il prend la moitié du sang, il en fait aspersion sur l’autel ; il fait lecture du livre de l’alliance au peuple qui promet fidélité à son Dieu, et enfin il prend l’autre moitié du sang et en fait aspersion sur le peuple en s’écriant : « Voici le sang de l’alliance que l’Éternel a traitée avec vous selon toutes ces paroles-là. » Quel est le sens de cette cérémonie ? C’est ce qu’il importe de bien comprendre, puisqu’on peut y ramener comme à leur source commune toutes les différentes espèces de sacrifices mosaïques.

S’il est fait deux parts du sang des victimes, c’est qu’il y a deux parties contractantes qui s’unissent pour faire désormais cause commune. Mais Knobel est allé trop loin quand il a rappelé à ce propos la coutume païenne en vertu de laquelle deux chefs mêlent leur propre sang au moment où ils font alliance l’un avec l’autre ; car le sang des victimes appartient tout entier à l’Éternel. Ainsi que nous le verrons plus tard et que le peuple était préparé à le comprendre par le rôle que joue le sang dans la fête de Pâques (Exode 12.22), le sang c’est la vie ; c’est une vie pure offerte par un médiateur à l’Éternel et déposée en quelque sorte entre les deux parties contractantes pour couvrir le peuple aux yeux de son Dieu. Le sang qui est répandu sur l’autel montre que Dieu accepte ce mode d’expiationa. Le sang dont il est fait aspersion sur le peuple et qui n’est pas spécifiquement différent de celui que Dieu vient d’agréer, puisqu’il provient de la même victime, — montre que le peuple doit vivre désormais d’une vie commune avec son Dieu ; Israël est ainsi consacré à l’Éternel ; une vie nouvelle et des forces divines se développent désormais en lui ; il est transporté dans le Royaume de Dieu ; il devient un peuple saint, une nation de prêtres. Vous trouverez quelque chose de tout pareil dans la consécration des prêtres (Exode 29.21 ; Lévitique 8.30. Comparez § 95). Le sang du sacrifice de l’alliance sépare le peuple élu de tout le reste du monde, absolument comme l’avait déjà fait le sang de l’agneau de Pâques (Exode 12.22), et Zacharie peut y voir un gage de fidélité et de protection donné par l’Éternel à son peuple (Zacharie 9.11, allusion à Exode ch. 24).

a – Il sert en même temps à consacrer l’autel et à le désigner comme un lieu où Dieu est disposé à entrer eu relation avec son peuple.

La journée (Exode 24.11) se termine par un repas sacré auquel prennent part les anciens. Au v. 2, avant le sacrifice, ils n’avaient pas pu s’approcher de l’Éternel ; maintenant ils sont réconciliés avec l’Éternel, ils peuvent voir Dieu, et manger et boire en sa présence. Or ils sont les représentants du peuple, et cela montre évidemment que ceux avec qui Dieu a fait alliance peuvent jouir de sa présence et que tous les trésors de sa grâce leur sont ouverts.

On peut deviner à ce premier sacrifice mosaïqueb quel sera le caractère du culte qui va s’organiser à partir de ce grand jour. Le fait même qu’il n’y a pas eu de culte régulier avant la conclusion de l’alliance au moyen d’un sacrifice, est déjà fort significatif. Cela montre que l’alliance ne peut exister qu’à la condition qu’il y ait sacrifice, qu’elle repose sur le sacrifice (Psaumes 50.5), car le peuple ne doit pas se présenter les mains vides devant son Dieu (Exode 23.15 ; Deutéronome 16.16). Mais pour qu’un peuple souillé puisse ainsi s’approcher d’un Dieu saint, et pour empêcher que cette alliance ne soit à chaque instant rompue par les péchés des Israélites, Dieu pourvoit à ce qu’il y ait expiation. Il y pourvoit, non pas seulement par les cérémonies du culte qui ont un caractère spécifiquement expiatoire, mais encore, on peut bien le dire, par le culte tout entier, qui proclame de tant de manières différentes, et surtout par l’emploi qui sera fait désormais du sang jusques dans les holocaustes et les sacrifices de prospérité, que l’homme ne peut en aucune façon s’approcher de Dieu si au préalable ses péchés n’ont été expiés, et que ce n’est qu’à cette condition qu’il peut espérer de voir ses dons agréés par l’Éternel.

b – Nous disons le premier sacrifice mosaïque, car l’immolation de l’agneau de Pâques ne constitue pas un sacrifice dans le sens strict de ce mot (§ 154).

[On va cependant trop loin quand on fait de l’expiation l’idée principale du sacrifice, et quand on dit que tous les sacrifices sont expiatoires. Il y a d’abord expiation, puis ensuite, mais seulement ensuite, il y a offrande. Ce sont là deux notions qu’il faut absolument distinguer l’une de l’autre.]

On pourrait diviser en deux parties l’abondante matière qui se présente maintenant à nous : les sacrifices proprement dits, qui sont consumés sur l’autel et dont l’Éternel se réserve la jouissance personnelle, et les offrandes que l’Éternel concède aux prêtres, comme par exemple : les prémices, les dîmes, les pains de proposition. Nous préférons parler des sacrifices au triple point de vue des objets qui servent d’offrandes ou de victimes, — des cérémonies dont ils sont accompagnés, — et des sentiments divers qui les inspirent.

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