Théologie de l’Ancien Testament

§ 123. Des animaux employés comme victimes.

1° Ce doivent être des animaux purs (Lévitique 27.9-11). Or (Lévitique ch. 11 et Deutéronome ch. 14) les animaux purs sont, parmi les grands quadrupèdes, tous ceux qui ont l’ongle divisé et le pied fourchu, et qui ruminente ; parmi les poissons, tous ceux qui ont des nageoires et des écailles ; parmi les oiseaux, tous, sauf vingt espècesf, au nombre desquelles est rangée la chauve-souris, et où l’on remarque surtout des oiseaux de proie et de marais, entr’autres la cigogne ; enfin, parmi les insectes, les seules sauterelles.

e – Ceux à qui manque l’un de ces caractères sont considérés comme impurs ; ainsi, par exemple, le chameau, le lièvre, le porc.

f – Le Deutéronome en cite vingt-une espèces.

[Les insectes sont divisés en volants et en rampants. Des premiers, les sauterelles seules sont pures. Tous ceux qui rampent sont impurs, et spécialement huit espèces qui sont expressément indiquées en Lévitique 11.29-30.]

Sur quoi repose cette distinction entre animaux purs et impurs ? Le quatrième livre des Macchabées, que l’on attribue à tort à Josèphe, suppose (5.25) que certaines viandes émoussent l’intelligence et agissent défavorablement sur l’âme de l’homme. C’est là une opinion qui ne repose absolument que sur une fausse interprétation de Lévitique 11.44 : « Vous ne devez pas souiller vos âmes, » dit l’Éternel ; mais l’âme est prise ici dans le sens le plus large de ce mot et désigne la personne tout entière (§ 70). On a dit que les animaux impurs sont ceux dont la chair engendre ou favorise diverses maladies. Cela est vrai pour le porc, mais nulle part la loi ne trahit cette préoccupation hygiénique. — On a parlé de dualisme ; on a prétendu que la Bible, comme le Zend-Avesta, reconnaît dans le monde deux pouvoirs et deux empires. Il n’en est rien. Les animaux ne sont pas impurs ou purs en eux-mêmes, mais seulement quand il est question de savoir s’ils peuvent ou non servir de nourriture à l’homme. Les animaux impurs eux-mêmes appartiennent à l’Éternel, puisqu’ils pouvaient être consacrés à l’Éternel comme les autres (Lévitique 27.11 et sq.), avec cette seule différence qu’ils devaient être rachetés. — Non ! c’est sur la grande idée qui est à la base de toute la loi que repose cette distinction : Israël est un peuple à part et tout chez lui doit porter le sceau de la consécration absolue à l’Éternel. Sous le rapport de la nourriture même, il doit y avoir une différence entre les Israélites et les Gentils. Voyez Lévitique 20.24-26. « Je vous ai séparés, c’est pourquoi séparez la bête nette d’avec la souillée. » Maintenant, pourquoi certains animaux sont-ils regardés comme souillés plutôt que d’autres ? Les uns parce qu’ils sont carnivores, car c’est une abomination que de se nourrir de sang ; les autres, parce qu’ils ont quelque chose de repoussantg. Après avoir exclu ces deux sortes d’animaux, on considéra les caractères distinctifs de ceux qui restaient, et l’on trouva qu’ils ruminaient tous et qu’ils avaient tous l’ongle divisé et le pied fourchu. Voilà probablement comment on en vint à poser cette règleh.

g – Le porc était impur aux yeux des Egyptiens, parce qu’il lui arrive souvent de dévorer ses petits et qu’il s’attaque même aux cadavres des hommes.

h – N’y aurait-il pas aussi ici quelque chose de semblable à Lévitique 19.19 ? Les oiseaux de marais seraient impurs, parce qu’ils sont amphibies ; la chauve-souris, parce qu’on ne sait si elle est oiseau ou souris. (Note du T.)

2° Cependant les victimes n’étaient pas prises indifféremment parmi tous les animaux purs. Les bêtes à cornes, — génisses, chèvres et brebis aussi bien que taureaux, boucs et béliers, quoique ces derniers fussent seuls de mise dans les grandes occasions ; — et parmi les oiseaux, les tourterelles et les pigeonneaux, — tels sont les seuls animaux dignes de figurer sur l’autel du Seigneur. Les tourterelles abondaient en Palestine comme oiseaux de passage, et elles y constituaient l’une des principales nourritures animales des pauvres ; il était donc très facile de s’en procurer. Quant aux pigeons, il s’en trouvait aussi bien à l’état de domesticité (Ésaïe 60.8) qu’à l’état sauvage (Ézéchiel 7.16 ; Jérémie 48.28). C’est ce qui explique pourquoi ces deux espèces d’oiseaux ne figurent jamais, sauf dans quelques sacrifices de purification, qu’à la place d’animaux trop coûteux pour être offerts par des personnes pauvres (Lévitique 5.7 ; 12.8).

[C’étaient là les seuls oiseaux employés dans les sacrifices. On ne sait pas au juste ce que sont les Tsipparim, צפרים, de Lévitique 14.4, — les étourneaux de la Vulgate et des rabbins, — qui apparaissent lors de la purification des lépreux. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que ce n’était pas là un sacrifice. Les oies, qui jouaient un grand rôle dans les sacrifices des Egyptiens (Movers, « Sacrifices chez les Carthaginois, » page 55), étaient, précisément pour cette raison, soigneusement tenues à l’écart de l’autel du vrai Dieu. Mais pourquoi les poules le sont-elles également ? Il n’est jamais parlé de poules dans l’A. T., sauf peut-être dans Job 38.36, où les rabbins et Delitzsch ont cru les trouver dans le nom de שכוי, Séquevi. On prétend que les Israélites, et les prêtres tout spécialement, n’osaient pas élever des poules, parce qu’elles se nourrissent d’insectes et de reptiles (Lévitique 11.31). Il y a dans le N. T., un passage bien connu qui ne favorise nullement cette opinion, de sorte que la difficulté demeure.]

Du produit de la chasse et de la pêche, rien absolument n’osait être présenté à Dieu ; ceci en opposition directe à l’usage de tant d’autres peuples sémitiques, où les cerfs étaient fort souvent employés comme bêtes de sacrifices.

Ne pouvaient être offerts à l’Éternel que des animaux sans défauts (Tamim, תמים, Lévitique 22.21-24 ; Malachie 1.13)i. Il n’y avait d’exception à cet égard que lorsqu’il s’agissait d’offrandes volontaires (§ 132).

i – La tradition s’amusa à faire la liste des défauts qui rendaient un animal indigne d’être sacrifié : elle en compta soixante et treize.

Quant à l’âge des victimes, huit jours est le minimumj (Lévitique 22.27 ; Exode 22.29 et sq.), car pendant la première semaine, tout nouveau-né passait pour impur (§ 87) ; mais il ne faut pourtant pas prendre des animaux trop âgés et qui soient en quelque sorte sur leur déclink. Dans Genèse 15.9, il est question de victimes de trois ans ; les Rabbins pensaient que c’était là le maximum, et ils pourraient bien avoir raison.

j – A l’égard des tourterelles, la loi ne stipule rien de semblable.

k – Voyez dans Lévitique 1.5, l’expression Ben Bakar, בן בקר, jeune taureau.

[Pourquoi trois ans ? Hofmann et Delitzsch répondent : A cause de la durée du séjour en Egypte, qui doit être de trois générations, car la sortie aura lieu à la quatrième ; et l’on trouve une relation semblable entre l’âge des victimes et la durée d’une captivité dans Juges 6.25. Mais n’est-il pas plus naturel de voir dans le v. 13 de Gen. ch. 15, quatre générations entières ?]

Quand l’âge est indiqué, c’est le plus souvent un an ; ainsi Lévitique 9.3, pour les veaux עגל, Eguel ; Lévitique 9.3 ; 12.6 ; Nombres 28.3, 9, 11, pour les agneaux כבש ou כשב, Kévess ou Késcev ; Lévitique 14.10, pour les brebis, כבשה, Kaveça, et Nombres 15.2 pour les chèvres (chèvre, fille d’une année עז בת שנתה). Mais tous ces mêmes animaux pouvaient aussi être offerts plus âgés, et alors ils portaient d’autres noms : פתה et פר, Parah et Par pour l’espèce bovine ; איל Aïl, pour les boucs ; עתוד ou שעיר, Attoud ou Saïr pour les béliers. [שעיר, Saïr désigne probablement les béliers les plus âgés, עתוד Attoud, ceux d’un âge moyen. — Sur tout ceci, l’Hierozoïcon de Bochart est encore le meilleur livre à consulter.] שור, Schor, est un nom plus général qui est donné indifféremment à tous les représentants de l’espèce bovine sans distinction d’âge ni de sexe.

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