Théologie de l’Ancien Testament

§ 166. Le culte public sous David.

N’ayant pas la satisfaction de bâtir lui-même un temple à l’Éternel, David voulut du moins faciliter à son successeur l’exécution de ce grand travail. Avec tout l’or et l’argent qu’il rapportait de ses guerres heureuses contre les peuples d’alentour, il forma un trésor sacré (2 Samuel 8.11)b, sans lequel Salomon n’aurait point pu se mettre si tôt à l’œuvre.

b – Dans 1 Chroniques 22.14, les chiffres sont évidemment exagérés.

Il déploya aussi un grand zèle en faveur du culte… Les prêtres s’étaient fort multipliés sous les Juges : Saül peut faire égorger en une fois 85 prêtres dans la seule ville de Nob. David régularisa leurs fonctions. Il en fit 24 classes, מחלקות, dont 16 étaient composées des descendants d’Eléazar et 8 seulement des descendants d’Ithamar (1 Chroniques 24.3 ; 2 Chroniques 8.14 ; 35.4).

[Il y avait à la fois deux grands prêtres (2 Samuel 20.25) : Tsadok, de la branche d’Eléazar, et Abiathar, de la branche d’Ithamar. Le premier fonctionnait à Gabaon (1 Chroniques 16.39) ; le deuxième était probablement préposé au service de l’arche à Jérusalem. La tradition rapporte qu’lthamav était l’arrière-petit-fils de Héli. Il se peut aussi que, dès avant David, pendant toute cette période où la constitution théocratique était si imparfaitement appliquée, des prêtres de l’une ou l’autre branche fonctionnassent simultanément comme souverains sacrificateurs. Josèphe rapporte (Ant. VIII, 1, 3) que les prêtres de la famille de Phinées, c’est-à-dire d’Eléazar, vécurent comme de simples particuliers pendant tout le temps que la famille d’Ithamar fut en possession de la dignité sacerdotale. Mais ce n’est là qu’une hypothèse de sa part. On ne sait absolument rien sur la manière en laquelle les descendants d’Eléazar et d’Ithamar se partagèrent les fonctions saintes dans les premiers siècles après Moïse. Voyez dans Herzog 12. page 182, une donnée de la tradition juive sur ce point particulier. — Dans 2 Samuel 8.17 ; 1 Chroniques 18.16 ; 24.3, 6. Tsadok est mis sur le même pied que Ahimelech, fils d’Abiathar. Il est probable qu’Abiathar avait un fils du nom d’Ahimelech qui partageait avec son père la dignité sacerdotale.]

Chaque classe avait à sa tête un chef ou gouverneur, שרי הכהנים ou ראשי הכהנים, chez les Septante, ἄρχοντες τῶν ἱερέων (2 Chroniques 26.14 ; Esdras 10.5 ; Néhémie 12.7 ; 1 Chroniques 24.5 ; Ésaïe 43.28).

[Les anciens, זקני הכהנים, sont des prêtres jouissant d’une considération particulière à cause de leur âge avancé. En revanche, les שרים, Sarim de Jérémie 35.4, les chefs des classes de prêtres, ne sont point des prêtres. (Movers, Recherches critiques sur les Chr. page 284), dans les ]

Elles fonctionnaient à tour de rôle chacune pendant une semaine (2 Chroniques 23.4 ; 2 Rois 11.9). C’était le sort qui avait fixé leur rang (1 Chroniques 24.7).

[Herzfeld, dans son Histoire du peuple d’Israël jusqu’à la destruction du premier temple, I, page 381, prétend que toute cette organisation ne date que d’après l’exil, et que c’est pour lui donner une plus grande autorité qu’on l’a attribuée à David. Mais il s’en trouve des traces dès avant l’exil dans Ézéchiel 8.16-18 ; ces vingt-cinq adorateurs du soleil avaient la prétention d’être les vingt-quatre vrais chefs de prêtres ayant à leur tête le vrai souverain sacrificateur.]

Il est probable (voy. Bertheau à 1 Chroniques 24.6), que les choses étaient ordonnées de telle sorte qu’il y avait d’abord deux familles des descendants d’Eléazar, puis une famille de ceux d’ithamar, et ainsi de suite. De cette façon, Jojarib et Jédaja seraient des représentants de la famille d’Eléazar, et Harim appartiendrait à celle d’Ithamar, etc.

David régla également tout ce qui concernait les Lévites. L’introduction de la musique sacrée dans le culte, sur la recommandation de Gad et de Nathan (2 Chroniques 29.25), leur fournit une occupation toute naturelle. Grâce au chant, l’élément de la parole commença à être plus fortement représenté dans le culte que ce n’avait été précédemment le cas ; le culte se composa moins exclusivement d’actes et de cérémonies, il fut spiritualisé ; et cela d’autant plus que plusieurs de ces cantiques sont précisément dirigés contre le formalisme, à commencer par le Psaumes  24. On sait que ce Psaume fut composé lors de l’introduction de l’arche dans le tabernacle de Sion (1 Chroniques 13.2 ; 15.1-29, comparé à 1 Chroniques 6.16 et sq.). C’est aussi à cette occasion que David lit sa première ordonnance touchant la musique sacrée, et qu’il commanda aux chefs des Lévites d’établir quelques-uns de leurs frères pour chanter avec des instruments de musique, des lyres, des harpes et des cymbales, et pour faire retentir leur voix avec joie (1 Chroniques 15.10). Eh bien ! quelles sont les vérités que proclame le Psaumes 24 ? Si l’Éternel veut bien condescendre à venir avec l’arche habiter l’antique forteresse de Sion, il n’en est pas moins le créateur et le maître souverain de la terre entière, l’Éternel des armées ; et celui-là seul ose s’approcher du lieu qu’il sanctifie par sa présence, qui a les mains innocentes et le cœur pur. Loin d’ici quiconque livre son âme à la vanité et jure faussement. — C’est évidemment là un écho de la grande parole de Samuel à Saül : « L’Éternel prend-il plaisir aux holocaustes comme à ce qu’on obéisse à sa voix ? » Et l’on peut en dire autant du Psaume 15, et de la majestueuse poésie qui s’appelle le Psaume 50, et en général de tous les Psaumes qui ont trait au sanctuaire de Sion.

[Il y avait des Lévites qui étaient « portiers pour l’arche » (1 Chroniques 15.23). D’autres, v. 18 étaient en même temps chantres et portiers. D’après 1 Chroniques 16.37, Asaph et ses proches étaient chantres auprès de l’arche à Jérusalem ; Obed-Edom, fils de Jédithun, et Hosa en étaient les portiers. A Gabaon, nous trouvons, en fait de chantres, Héman et Jédithun et en fait de portiers, des enfants de Jédithun. — Les Lévites, auxquels David donna la charge de porter et d’accompagner l’arche, furent divisés en six familles, et ils eurent à leur tête six princes, dont quatre descendaient de Kahath un de Guersom et un de Mérari (1 Chroniques 15.5 et sq.).]

Vers la fin de sa vie, David organisa les Lévites d’une manière plus complète encore, en vue de l’édifice immense qui allait être construit (1 Chroniques ch. 23). Il en fit faire le dénombrement et il en trouva 38 000 âgés de 30 ans et au-dessus.

[Ce passage est embarrassant, car, d’après 1 Chroniques 23.25, David, trouvant que le service du tabernacle était moins pénible depuis que l’arche était à Jérusalem, avait fixé à 20 ans l’âge auquel les Lévites pouvaient entrer en fonctions. Et plus tard aussi c’est à 20 ans que les Lévites commencent à servir dans le temple (2 Chroniques 31.17 ; Esdras 3.8). Voir Bertheau sur 1 Chroniques 23.25.]

Il les partagea en 4 classes, dont trois, 24 000 prêtres servants, 4 000 musiciens et chanteurs, et 4 000 portiers, — étaient pour le service intérieur du temple, et la quatrième, 6 000 prévôts et juges, pour le service extérieur ou l’œuvre du dehors, המלאכה החיצונה, ainsi que s’exprime 1 Chroniques 26.29. La première classe se divisait, à l’instar des prêtres, en 24 ordres, et la seconde en 24 chœurs, dirigés chacun par un président et onze maîtres de la famille du président.

[Cette première classe semble avoir par excellence porté le nom de לוים (Néhémie 13.5 ; 12.47). Il est vrai que dans 1 Chroniques 9.14 les chantres sont également appelés lévites, sans autre détermination. — C’est cette classe qui fournissait aux prêtres les auxiliaires dont ils avaient besoin pour s’acquitter des fonctions mentionnées en 1 Chroniques 23.28, 31 ; 9.29. Au reste, pour de plus amples détails, voyez Herzog VIII, page 355.]
[En temps ordinaire, la part active du peuple dans le culte public se réduisait h peu de chose : répondre amen et chanter quelques formules doxologiques (1 Chroniques 16.36 ; Jérémie 33.11). Dans certaines solennités, en revanche (Psaumes 68.26), et lors de ses pèlerinages, il chantait lui-même des cantiques entiers, comme, par exemple, les cantiques de Mahaloth (Psaumes 120 à 134). Il est vrai que quelques-uns de ces cantiques sont d’une origine postérieure, mais Ésaïe 30.29, suppose déjà cet usage établi. En fait de maîtres de musique (1 Chroniques 6.43), il y avait 4 fils d’Asaph, de la famille de Guersom, 6 fils de Jédithun, qui, bien probablement, n’est autre que Ethan, eu sorte que ces 6 chantres seraient des descendants de Alérari, v. 44 ; 14 fils de Héman, descendant de Coré, en-sorte que ces 14 chantres étaient des Kahathites (v. 18). Il y avait pour ces divers chœurs la même rotation que pour les classes de prêtres. C’était probablement dans la famille de Alérari qu’on choisissait les trésoriers du sanctuaire (1 Chroniques 26.20-28).]

Les portiers étaient organisés militairement ; on se plut à conserver dans le temple plusieurs usages qui rappelaient le temps où l’arche voyageait sous une tente à travers le désert (2 Chroniques 31.2 ; 1 Chroniques 9.19).

[Comment comprendre, si le temple n’existe plus, les 19 premiers versets de 1 Chroniques 26.19 ? (Voyez Stælin, Essai sur l’histoire de la tribu de Lévi, dans la Gazette de la Société orientale, 1855. p. 720.) Mais les familles dont il est ici question avaient, précédemment déjà, rempli ces mêmes fonctions. En effet, sont nommées ici trois familles de portiers : l’une d’enfants de Coré et, par conséquent, de Kahath, à la tête de laquelle nous trouvons Mescelmja ou Scelemja, et son aîné Zacharie ; elle gardait les côtés du temple tournés vers le Nord et vers l’Est ; la seconde, celle d’Obed-Edom, était préposée à la garde du côté sud, et la troisième, celle de Chosa, à la garde de l’Ouest. Or, Obed-Edom et Chosa ont déjà été mentionnés auparavant. Et il est dit de Scelemja (1 Chroniques 9.22), qui est appelé Sçallum quatre versets plus haut, ainsi que de son fils Zacharie, que ce sont Samuel et David qui ont chargé cette famille de la garde du tabernacle. Il y a plus : ses ancêtres, v. 20, du temps de Phinées, c’est-à-dire du temps de Moïse et de Josué, étaient déjà préposés à cette charge. Nous ne trouvons rien dans le Pentateuque qui réponde positivement à cette petite notice ; mais nous savons que, sous Moïse, c’était déjà à la famille de Kahath qu’incombait le soin de garder le tabernacle. — 1 Chroniques 26.29 et sq., ne parle que très brièvement de la 4e classe des Lévites, les Schoterim ou Juges. Ils étaient de la race de Kahath, de la ligne de Jishar et de Hébron, et ils étaient employés aussi bien pour les affaires du roi que pour celles de l’Éternel.]

On comprend, et du reste la chose est expressément indiquée (2 Chroniques 8.14), que toutes ces ordonnances, lors même qu’elles avaient David pour auteur, ne purent entrer pleinement en vigueur qu’une fois le temple bâti.

[Ces diverses institutions ont fonctionné dès avant l’exil ; elles ont sans doute été mises en vigueur par Salomon. Nous ne voyons aucune raison d’en douter (Ewald, Hist. d’Isr., 3e Ed., page 338). Où trouver après Salomon une époque où se puisse placer sans violence une restauration des ordonnances lévitiques ?]

Les prêtres servants avaient pour les seconder dans leurs travaux les plus pénibles, les Néthiniens (1 Chroniques 9.2 ; Esdras 7.24), les ἱερόδουλοι de Josèphe (Ant. 11.5, 1), qu’Aben Esdras (2.43) considère comme les descendants des Gabaonites (Josué 9.27).

[On a conclu de Deutéronome 29.10-11, qu’il y avait déjà des Néthiniens du temps de Moïse. Mais il n’est absolument question dans ce passage que des étrangers qui se trouvaient dans le camp et auxquels incombait la partie la plus pénible du service du sanctuaire. — Ni les Gabaonites, ni les Néthiniens ne furent jamais des esclaves au service de particuliers. Ils n’étaient coupeurs de bois et puiseurs d’eau que pour l’assemblée. Ils fournissaient le bois et l’eau nécessaires pour le culte, ce que, sans eux, les Israélites auraient dû faire eux-mêmes. — Sur la quantité des Néthiniens qu’il pouvait y avoir, sur la question de savoir où ils habitaient, de quoi ils vécurent après l’exil, s’ils pouvaient s’allier par mariage avec les Israélites, voyez Herzog X, 296, et Carpsov, App. page 112.]

Mais Saül ayant, pour un motif inconnu, cruellement persécuté et considérablement réduit les Gabaonites, David et les principaux du sanctuaire (Esdras 8.20), prévoyant d’ailleurs que le service du temple allait se compliquer sensiblement, créèrent de nouveaux Néthiniens, — prisonniers de guerre ou descendants de ces serviteurs de Salomon mentionnés dans Esdras 2.58 ; Néhémie 7.60 ; 11.3.

[C’étaient probablement des descendants des esclaves cananéens dont nous avons parlé au § 111. — Les Néthiniens devaient évidemment être circoncis ; autrement, comment eussent-ils été tolérés dans le sanctuaire ? En tous cas, pour ce qui est des Néthiniens d’après l’exil, il est expressément rapporté qu’ils s’engagèrent à observer toute la loi (Néhémie 10.28-29).]

Néthiniens est un nom qui vient du verbe Nathan, donner ; ce sont les gens que David a donnés aux Lévites pour les aider (Esdras 8.20. Voyez aussi Nombres 8.19. Ils sont aux Lévites ce que les Lévites sont aux enfants d’Israël).

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