Théologie de l’Ancien Testament

§ 203. La justice qu’on obtient par la foi — Des diverses formes que la foi revêt dans l’A. T.

En attendant cet heureux avenir, les justes sont appelés à marcher par la foi, et par la foi ils ont la vie.

La loi déjà, — nous entendons par là les livres de Moïse, — fait continuellement appel à la foi : il faut de la foi pour être impressionné par la pensée de l’élection divine dont on a été l’objet, de la foi pour se laisser exciter au bien ou retenir loin du mal par la pensée de la rétribution finale. Le type des croyants, Abraham, est. le père du peuple de la loi (Genèse 15.6, § 83). Ainsi donc l’A. T. tout entier exige des hommes la foi. Dès ses premiers pas dans l’histoire, Israël doit marcher par la foi (Exode 4.31 : « le peuple crut. » ; Exode 14.31 : « Le peuple craignit l’Éternel, et ils crurent à l’Éternel et à Moïse son serviteur. » ; Deutéronome 1.32 : « Mais tout ce que je vous dis ne put vous porter à croire encore à l’Éternel, votre Dieu. » ; Deutéronome 9.23 : « A Kadès-Barné vous vous rebellâtes contre le commandement, de l’Éternel, votre Dieu, et vous ne le crûtes point… » ). Cependant, à mesure que l’infidélité humaine déjoue les desseins miséricordieux de l’Éternel, le rôle de la foi devient toujours plus considérable. « Si vous ne croyez, אם לא תאמינו, כי לא תאמנו, vous ne subsisterez pas », dit Esaïe à Achaz qui s’assurait sur l’Assyrie bien plus que sur Dieu (§ 181, Ésaïe 7.9. Comparez 2 Chroniques 20.20 : « Croyez, en l’Éternel votre Dieu et vous vivrez. » C’est presque mot pour mot Ésaïe 7.9), et cette parole peut être considérée comme le grand principe, la thèse fondamentale de la prophétie.

Or, qu’est-ce que la foi ? Négativement elle consiste à renoncer à tout sentiment de force propre et à cesser de se confier en l’homme. « Maudit est l’homme qui se confie en l’homme, et qui fait de la chair son bras. » (Jérémie 17.5) Se confier en l’homme comme l’avait fait Achaz, voilà l’incrédulité. Renoncer à aller son propre chemin, se laisser guider par Dieu, se reposer sur Lui seul, tout attendre de Lui et se tenir tranquille malgré tout ce que l’homme peut dire et faire, voilà la foi. Ésaïe 30.15 ; 8.17 ; Psaumes 62.6 ; Ésaïe 8.12 ; 28.16 : « Qui croit ne doit pas être inquiet. » יחתש Jarisch, de hâter fiévreusement.

Positivement elle consiste à fortifier son cœur en s’appuyant sur les promesses de Dieu ; tel est le sens propre du mot Héémin. Celui-là croit, qui peut dire : Dieu est le rocher de mon cœur (Psaumes 73.26) ; mon cœur est ferme, se confiant en l’Éternel ; mon cœur bien appuyé ne craindra point ! (Psaumes 112.7) Croire ainsi, c’est sanctifier l’Éternel (Ésaïe 8.13), c’est Lui rendre gloire, reconnaître sa souveraineté (Jérémie 13.16). De cette façon, il se produit chez le croyant une foi qui n’est plus tant un acte (Héémin, האמין), que bien plutôt un état (Nééraan, נאמן, Hémouna, אמונה), une fermeté (Exode 17.12), une assurance du cœur, résultant de ce qu’il s’en tient à la parole de Dieu. Dans la fameuse parole de Habakuk 2.4 : « Le juste vivra par sa foi, » la foi, אמונה, du juste est opposée à l’orgueil des Chaldéens quia ont leur force pour leur Dieu (Habakuk 1.11), et nous avons déjà vu au § 83 que l’un des traits distinctifs du serviteur de l’Éternel, qui est le juste par excellence, c’est que, non content d’obéir, il attend, il s’attache aux promesses, il s’y attache humblement, mais fermement, bien différent en cela de ceux qui dans leur orgueil veulent se sauver eux-mêmes. « Qui est-ce d’entre vous qui craint l’Éternel et qui écoute la voix de son serviteur, lequel, lorsqu’il marche dans les ténèbres et qu’il n’y a point de lumière pour lui, a néanmoins sa confiance au nom de l’Éternel, et s’appuie sur son Dieu ? » (Ésaïe 1.10) Ceux au contraire, v. 11, qui se révoltent, qui allument le feu et qui lancent des traits enflammés pour se tirer d’affaire par leur propre force, mourront dans les tourments. La foi, quand elle a ainsi l’avenir pour objet, a pour sœurs la patience, l’espérance et l’attente (Quivah, קוה, Ésaïe 25.9, Tiquevah, תקוה, Damam, דמ.ֻם ; Psaumes 62.6, Hiccah, חכה ; Ésaïe 8.17 ; Habakuk 2.3 ; Jrhél, Hôrhil, יחל, הוחיל, Psaumes 42.6). Telle est la foi dans Hébreux ch. 11.

a – Ce passage est mal traduit dans Ostenvald ; au lieu de : Cette puissance qu’elle a, vient de son Dieu, il faut lire : cette puissance… est son Dieu.

Cependant, l’A. T. connaît aussi cette autre foi qui consiste spécialement à désespérer de soi à la vue de sa corruption, et à se confier précisément en Celui qu’on a offensé pour obtenir le pardon de ses péchés. C’est déjà en germe la foi du N. T. : « O Éternel si tu prends garde aux iniquités, Seigneur, qui est-ce qui subsistera ? Mais le pardon se trouve auprès de toi. J’attends l’Éternel, mon âme l’attend, j’ai mon espérance en sa paroleb. » (Psaumes 130.3-5) C’est surtout dans la seconde partie d’Esaïe qu’apparaît cette notion de la foi : l’homme n’est que néant ; sa force n’est que faiblesse ; toute chair est comme l’herbe et sa grâce comme la fleur des champs ; la parole de Dieu demeure seule éternellement (Ésaïe 40.6 et sq.) ; les œuvres de l’homme n’ont aucun mérite devant Dieu, et ne peuvent absolument pas le rendre juste aux yeux de, l’Éternel. « Regardez donc à moi qui vous pardonne, » s’écrie l’Éternel à la fin du chap. 43. Nous ne dirons pas que le mot de Héémin, האמין, soit employé pour désigner la foi qui saisit le pardon des péchés ; ce ne serait pas exact. Mais la chose y est. Voyez Ésaïe 44.22 : « J’efface tes péchés comme un nuage, tourne-toi vers moi (Schouv él, שוב אל) car je te rachète ! » Osée 14.2 est encore plus fort : « Convertissez-vous à l’Éternel. » (Schouv ad, שוב עד retournez jusqu’à l’Éternel ; le but est atteint.) Voyez encore Deutéronome 4.29 ; Jérémie 29.13 : « Cherchez l’Éternel de tout votre cœur et vous le trouverez ! » Dans Jérémie 31.9 ; Zacharie 12.10, la foi qui s’empare de la grâce de Dieu nous est présentée dans son origine, c’est-à-dire comme une foi qui implore cette grâce. Pour que les Israélites se convertissent, Dieu commencera par répandre sur eux l’esprit de grâce et de supplication, רוח חן ותנונים.

b – Parce que cette parole annonce le pardon. Mais ici aussi, par la force des choses, la foi du juste est tournée vers l’avenir.

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