Théologie de l’Ancien Testament

C. La prophétie.

I. Dans quel état d’âme se trouvaient les prophètes pendant qu’ils servaient d’organes à la révélation.

Nous avons déjà parlé au § 161 de l’office des prophètes et de la position qu’ils occupent dans la théocratie. Ici nous avons à les considérer dans leur rapport avec Dieu. Nous commencerons par poser dans deux sections, d’abord ce que des chrétiens bibliques doivent absolument repousser, puis ce qu’ils doivent absolument admettre à cet égard : après avoir circonscrit le débat en mettant de côté les points sur lesquels la Bible ne laisse pas d’hésitation possible, nous passerons en revue les diverses idées qu’on s’est faites de l’inspiration dans les différents âges de l’Église, et nous arriverons par là à exposer notre propre système, pour autant qu’on peut parler de son système quand on s’efforce de n’avoir que celui de la Bible. Parmi les nombreuses monographies qui traitent de l’inspiration, voyez surtout Tholuck, Les prophètes et leurs prophéties.

§ 205. Ce qu’un prophète n’est absolument pas.

Bien que les talents naturels du prophète, ses dispositions personnelles, celles de ses contemporains, l’œuvre des serviteurs de Dieu qui l’ont précédé, soient autant d’éléments qui ont une influence marquée sur son développement et sur son ministère, ce n’est pourtant rien de cela qui le rend prophète. Ce qu’il annonce à son peuple n’est pas le produit de ses réflexions personnelles, et ce n’est pas davantage celui de l’instruction religieuse qu’il a pu recevoir de quelque autre prophète.

On est allé trop loin lorsque, dans l’explication du phénomène de l’inspiration, on a fait pour ainsi dire complètement abstraction de l’individualité de l’homme, de son caractère moral, de sa tournure d’esprit, et des circonstances historiques dans lesquelles il vivait. Nul envoyé divin n’est jamais apparu dans l’histoire de son peuple comme un Deus ex machina. Mais une chose demeure constante, c’est que ni les dispositions naturelles, ni les dons individuels, ni les leçons de la tradition, ni les études personnelles, ne sont capables de faire un prophète. Les écoles de prophètes (§ 162 et 174) n’ont certainement pas été sans influence sur le développement spirituel de leurs élèves, mais, comme toute bonne école, elles favorisaient le travail personnel des jeunes gens, et sous ce rapport elles diffèrent essentiellement des écoles rabbiniques des siècles postérieurs. Les prophètes ne disent pas : « Il est écrit », encore moins : « Le maître l’a dit », mais bien : « La parole de l’Éternel me fut adressée. » Ils n’ont pas d’autre maître que l’Éternel, dont ils sont les למודים, les disciples.

[Ésaïe 50.4 « Chaque matin Il donne l’éveil à mon oreille, afin que j’écoute comme ceux qu’on enseigne. » Pour les faux prophètes, il en était tout autrement, aussi Amos 7.14, ne veut-il pas être pris pour un de ces prophètes en titre qui faisaient un métier de cette belle vocation.]

Ils ne confondent non plus jamais leurs propres pensées avec les révélations d’En-haut. Pour eux ils ne veulent pas être « prophètes de leur propre mouvement » ; ils ne veulent pas « suivre leur propre esprit », ni parler « sans avoir eu aucune vision. » (Ézéchiel 13.2-3) Voyez encore Jérémie 33.16 : « N’écoutez point les paroles des prophètes qui vous prophétisent prononçant la vision de leur cœur, laquelle ne procède point de la bouche de l’Éternel », et v. 30 : « J’en veux aux prophètes qui dérobent aux vrais prophètes leurs paroles », qui adoptent, pour mieux tromper, leur langage et leurs expressions.

Les vrais prophètes ne se sont-ils donc jamais permis de réfléchir ? Loin de là, seulement, leurs réflexions ont toujours porté sur les matières qui leur avaient été objectivement fournies par révélation. Ils distinguent on ne peut plus clairement leurs opinions, leurs vœux personnels, de la parole de Dieu qui leur a été annoncée. Le livre d’Habacuc est très instructif à cet égard. Dans le chap. 1er, il déplore la corruption de son peuple, et il s’effraie à la vue de l’orgueil tyrannique que déploie la puissance terrestre à laquelle Dieu a confié le soin de châtier Israël. Le chap. 2e est la réponse divine à sa plainte ; il renferme la solution du problème qui s’était imposé à son esprit ; et dans le chap. 3e et dernier, le prophète donne de nouveau essor à ses sentiments, personnels.

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