Théologie de l’Ancien Testament

II. Les prophéties.

§ 213. Du but que Dieu se propose en accordant des prophéties à son peuple.

Autrefois on ne voyait guère dans les prophéties que des prédictions : « Prophétiser, dit Vitringab, c’est annoncer à l’avance des événements que l’homme ne peut connaître par lui-même et que Dieu seul peut lui révéler. » Cette définition est absolument insuffisante.

b – Typus doct. proph., page 2.

[Elle exclut du champ de la prophétie tous les « eventus necessarii », tels que le retour périodique du jour et de la nuit, du flux et du reflux. L’objet unique de la prophétie, ce sont « hominum volitiones et actiones liberæ earumque consequentia. » Mais de cette façon, chose bizarre, la prophétie ne pourrait porter sur les décrets divins dont l’accomplissement ne dépend absolument pas de la liberté humaine.]

Nous avons vu dans les § 97 et 161 que, d’après Deut. ch. 18, les prophètes doivent procurer au peuple de Dieu les avantages que les païens cherchent en vain auprès de leurs devins. Or, ce serait faire tort à la mantique païenne elle-même que de croire qu’elle ne cherchait qu’à satisfaire le besoin si naturel à l’homme de connaître l’avenir, et que de la réduire ainsi à une affaire de curiosité. De cette façon, en effet, il n’y aurait rien de religieux dans la divination, si ce n’est uniquement un aveu d’ignorance de la part de l’homme et un hommage rendu à la toute-science de la divinité.

[Ce n’est que dans les siècles où le paganisme était en pleine décadence que la divination a été réduite à ces mesquines proportions. Voir Wachsmuth. Opinion des Stoïciens sur la mantique et les démons, 1860, page 22.)]

Non ! dans le principe, la mantique cherchait bien plutôt à répondre au besoin non moins naturel à l’homme d’entrer en relation avec un Dieu qui dirige tous les événements de : la vie de chaque individu, et avec la volonté souveraine duquel on ne peut que gagner à être d’accord. Faire connaître aux hommes la volonté de Dieu, voilà le but que se proposaient les devins du paganisme, et qu’ont, seuls atteint les prophètes d’Israël.

Mais les prophéties remplissent-elles leur mission ? Font-elles vraiment connaître à l’homme la volonté de Dieu ? Ne portent-elles pas souvent sur des détails de la vie ordinaire ? Saül égaré va demander à Samuel le chemin qu’il doit suivre (1 Samuel 9.6-9) ; Jéroboam envoie consulter Ahija sur l’issue de la maladie de son fils (1 Rois 14.1) ; Achazia de même consulte Bahal-Zébub sur l’issue de sa propre maladie, et Elie lui reproche de ne s’être pas plutôt adressé à l’Éternel et à ses prophètes (2 Rois 1.3). L’histoire d’Elisée nous offre encore plusieurs traits analogues. — Il est vrai ; mais remarquons d’abord que, même dans des cas semblables, les prophètes exigent de ceux qui les consultent un certain sérieux, un désir véritable de trouver Dieu et de marcher dans ses voies. Saül, rejeté de Dieu pour ses nombreuses infidélités, n’obtient aucune révélation (1 Samuel 28.6), et la femme de Jéroboam ne reçoit qu’une réponse bien différente de celle qu’elle désirait, et accompagnée des plus sévères réprimandes (1 Rois 14.6-16). Voyez surtout Ézéchiel 14.1-20 ; 20.1-4. L’Éternel ne peut pas tolérer qu’une race adultère vienne le consulter par pure curiosité. — Puis ensuite, ce ne sont là que des cas isolés ; si les prophéties portent quelquefois sur les circonstances de la vie ordinaire, c’est pour enlever aux Israélites tout prétexte de s’adresser aux devins des peuples idolâtres qui les entourent.

[D’ailleurs, ainsi qu’on l’a observé, il y a des cas où la révélation se plie momentanément aux habitudes des hommes au milieu desquels elle vient à briller, sachant bien que peu à peu elle montrera, par contraste, la vanité de ces coutumes et qu’elle finira par les faire tomber. — Voyez Origène contre Cels. l. 354.]

On peut dire qu’elles ont précisément pour but de faire comprendre au peuple quelle est la seule connaissance de l’avenir qu’il lui importe de posséder ; de l’initier à la méthode que suit l’Éternel dans le gouvernement de son peuple, et de le préparer par là aux jugements qui approchent (Amos 4.12). Il faut que les Israélites arrivent à sentir qu’il est au-dessous de leur dignité de consulter de misérables devins, puisqu’ils ont à leur disposition les lumières célestes les plus pures. « Vous, maison de Jacob, venez et marchons à la lumière de l’Éternel », s’écrie Ésaïe 2.5 ; laissez-là vos devins et vos idoles, v. 6 ; sachez que le temps viendra où toutes les nations monteront à Jérusalem pour y consulter l’Éternel (v. 1 à 4). Ne méprisez pas votre gloire au point d’aller, vous qui avez tout, chercher conseil auprès de ceux qui n’ont rien.

Nous avons donc le droit de nous résumer en disant que toutes les prophéties tendent à l’avancement du règne de Dieu sur la terre, et que tous les discours et livres prophétiques de l’A. T. ont pour but principal de faire comprendre aux Israélites le plan du salut. Les prédications des prophètes ne sont pas exclusivement des prédictions. — La prédiction y joue néanmoins un rôle et nous allons voir lequel.

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