L’expérience chrétienne en tant que rédemption

La mort de Christ dans la conception précédente

On nous répond, il est vrai, par un essai d’explication qui n’est pas sans valeur. Il reste, nous dit-on, ceci : que la mort de Jésus est le couronnement d’une vie entière d’obéissance et de renoncement. Elle constitue le degré le plus élevé, la manifestation suprême de la sainteté. Sans elle, il manquerait quelque chose à la perfection du Fils de l’homme ; il resterait possible d’imaginer une grandeur morale supérieure à la sienne. Ce serait la grandeur d’un saint, demeurant fidèle et soumis jusque dans la mort injuste, et dont on pourrait dire, comme on l’a dit de Jésus : il est « obéissant jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la croix », et, dans cette mort entourée d’outrage et d’ignominie il a fait éclater une parfaite bonté : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».

Nous disons que tout cela est vrai, mais ailleurs, que dans le système qui croit pouvoir s’y appuyer.

Cette conception a contre elle :

La théorie d’un salut apporté par la seule personne vivante de Jésus-Christ, bien que renfermant une grande part de vérité, est donc insuffisante. Insuffisante objectivement, parce qu’elle ne rend pas compte de la mort de Jésus, ou, qu’elle le fait de manière à ruiner sa sainteté et son amour, c’est-à-dire les conditions mêmes du salut qu’il procure ; insuffisante subjectivement, parce que le salut consiste dans un pardon trop facile, qui relâche le ressort moral du pécheur, à l’instant même où il faudrait le retremper. Il n’y a de vrai, de solide, d’efficace, de congruant aux besoins véritables de la conscience qu’un pardon qui foudroie le péché dans le pécheur. Tout le reste est sans valeur. Cela n’a ni sève, ni parfum, ni valeur tonique, parce que, sous le dehors du vraisemblable, cela manque de vérité.

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