La Vérité Humaine – I. Quel homme suis-je ?

Quel homme suis-je ?

Recherche analytique de la vérité humaine

Nous entrons en plein dans notre apologétique. Nous avons indiqué déjà pourquoi nous n’entreprenons de justifier la vérité chrétienne qu’après avoir obtenu la vérité humaine. C’est parce que, notre tâche étant apologétique, c’est-à-dire préparatoire, la vérité humaine nous servira de critère de la vérité chrétienne. Il n’y a de chrétien que si l’homme existe ; et comme l’homme est antérieur au chrétien, le fait humain antérieur au fait chrétien, il faut juger du phénomène subséquent par le phénomène primaire.

Notre enquête portera donc essentiellement sur les conséquences anthropologiques des diverses théories philosophiques que nous examinerons. Et notre examen ne consistera point à opposer théorie à théorie, mais à comparer les théories au fait humain, et à juger des théories par le fait.

Une chose vous frappera peut-être, Messieurs, c’est que l’enquête que nous instituons est proprement une enquête méthodologique. Qu’est-ce que le sensationnisme, l’intellectualisme, le volitionnisme, le moralisme ? C’est la désignation successive et progressive de certaines méthodes de connaissance. Et peut-être jugerez-vous qu’il y a de notre part une certaine étroitesse à prendre les choses par ce bout, par la méthode seulement. — Mais il est clair que traiter les questions par la méthode, c’est les traiter aussi dans leurs résultats. Toute méthode est grosse de résultats. Fixer une méthode, c’est fixer un résultat ; préjuger d’une méthode, c’est préjuger d’un résultat. Car une méthode donnée produit nécessairement un résultat donné. Qu’est-ce, en effet, qu’une méthode ? C’est l’application de certains critères ou de certains principes, réputés primordiaux, à certaines réalités réputées primordiales. Ces principes et cette réalité une fois admis, leur application, si elle est méthodique, c’est-à-dire régulière et conséquente, entraîne nécessairement à des conséquences nécessaires. Celles-ci peuvent être, en un cas donné, plus ou moins développées, plus ou moins strictement déduites. Il n’importe. Elles le seront une fois ou l’autre complètement et parfaitement. Et tant que la méthode sera tenue pour bonne, ces résultats seront inattaquables. Il s’ensuit que traiter la méthode, c’est traiter la question tout entière, dans sa source et dans ses résultats, et la traiter au seul point où elle puisse être discutée. Car, je le répète, une fois la méthode admise, les résultats, pourvu qu’ils soient logiquement déduits, sont indiscutables.

Notre tâche sera donc essentiellement une tâche méthodologique. Nous aurons à examiner si les critères et les principes réputés primordiaux le sont en effet ; s’ils sont exclusifs et s’ils sont complets ; s’ils n’en cachent ou n’en suppriment pas d’autres, également importants ; si la réalité à laquelle ils s’appliquent est bien une réalité première et toute la réalité ; si elle n’en voile ou n’en exclut pas une autre également capitale, etc. Seulement, comme les méthodes sont surtout appréciables dans leurs conséquences ; comme les erreurs initiales souvent à peine perceptibles s’amplifient en se prolongeant ; après avoir formulé la méthode, nous l’étudierons à chaque fois dans ses conséquences ; et après l’y avoir suivie pour en juger plus sûrement, nous y reviendrons pour l’accepter ou la rejeter en elle-même.

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