Médiocrité ou sainteté

2. QU’EST-CE QUE LA MÉDIOCRITÉ ?

Définition et citations

Le mot "médiocre" — en latin "mediocris" — vient de "médius", qui est au milieu. Ainsi étymologiquement, la médiocrité est la nature, le caractère de ce qui est entre le grand et le petit, le bon et le mauvais. C’est ce qui est peu considérable, peu bon, peu distingué. C’est une insuffisance, une position entre l’opulence et la misère, entre l’élévation et la bassesse.

Pour Voltaire, le choix est clair: "Il ne faut se moquer ni de ceux qui font du bon, ni de ceux qui font du très mauvais, mais de ceux qui, étant médiocres, se croient des génies et font les importants".

Il convient de citer ici les fameux vers de l’Art poétique de Boileau: "...dans l’art dangereux de rimer et d’écrire, il n’est point de degrés du médiocre au pire".

D’aucuns voient cependant dans la médiocrité, l’image de la modération et du juste milieu.

Pascal semble faire écho à ce sentiment quand il dit: "L’extrême esprit est accusé de folie, comme l’extrême défaut; rien que la médiocrité n’est bon".

Dans ses lettres persanes, Montesquieu déclare: "L’approbation universelle est plus ordinairement pour l’homme médiocre". Pourtant pour Henri de Montherlant: "Souffrir de la médiocrité des gens, c’est souvent signe qu’on est un demi-médiocre soi-même".

De son côté, Ernest Renan écrivait: "En toutes choses, ce qui réussit de nos jours, c’est le médiocre".

Et pour clore ces quelques citations nous pouvons ajouter avec le moraliste français J. Joubert: "Le médiocre est l’excellent pour les médiocres".

En fait, la médiocrité est un manque de grandeur, d’élévation d’esprit, d’excellence, de mérite, c’est l’insuffisance en quantité ou en qualité". (Dictionnaire Robert).

Le témoignage des Écritures

Le mot "médiocrité" n’est pas employé dans la Bible. Toutefois, ce que cet état représente se trouve dépeint en de nombreuses pages de l’Écriture Sainte. La Bible nous donne des exemples d’hommes médiocres, vivant médiocrement dans la médiocrité. Un simple coup d’œil dans l’Ancien Testament nous fournira quelques portraits d’hommes médiocres.

Lot

Nous avons déjà parlé de cet homme dans notre précédent chapitre.

Lot n’est pas démuni de tout. Il possède des biens spirituels et matériels, Gen 14.13-19. Avec son oncle, il a quitté le paganisme et suit Abraham dans ses marches. Il descend avec lui en Égypte et remonte à ses côtés au pays de Canaan. Il s’enrichit avec Abraham et l’accompagne dans tous ses déplacements.

A première vue Lot a toutes les apparences de la supériorité. Il connaît l’appel de l’Éternel, il obéit à l’ordre divin, il s’attache au conducteur spirituel que Dieu lui a donné; il participe à la marche de la foi et aux bénédictions qui en découlent.

Pourtant une circonstance fortuite va manifester l’état réel de son cœur. Une querelle, œuvre de la chair, s’élève entre les bergers d’Abraham et ceux de Lot. Abraham voulant éviter à tout prix de nouvelles occasions de disputes propose à son neveu une séparation dans la paix. Généreusement, le plus âgé laisse le plus jeune choisir la partie du pays qui lui plaît. A cette heure, Lot dévoile soudain combien son cœur est attaché aux biens "d’en-bas". Ses yeux se posent sur la riche plaine du Jourdain et il choisit pour lui Sodome et ses environs. Aucun mobile spirituel ne détermine son choix. Ses pensées sont aux choses terrestres, Philippiens 3.19.

Dans ce lieu, Lot vivra médiocrement. Il est à Sodome, mais n’est pas de Sodome. Il veut les avantages et les honneurs de cette ville sans accepter les mœurs relâchées des gens de cette contrée. La conduite et les œuvres criminelles de ces hommes seront un continuel tourment pour son âme, 2 Pierre 2.7-8. Dans ces conditions, même le témoignage d’un homme juste est médiocre, sans puissance. Compromis avec le monde, Lot ne gagne aucune âme, pas même celle de ses gendres. En revanche, il perdra sa maison, ses biens, sa femme et, victime de ses deux filles, il finira dans le déshonneur de l’inceste.

Tous les médiocres sont destinés à vivre médiocrement et à finir dans l’opprobre et la médiocrité. C’est Une faillite. L’homme n’est peut-être pas perdu, mais tout est perdu pour lui, pour les autres, et pour Dieu, 1 Corinthiens 3.15.

Balaam

Balaam, le devin ou magicien qui vivait sur les bords de l’Euphrate, nous donne un second portrait de l’homme médiocre. On a appelé ce personnage "la figure la plus énigmatique de toute l’histoire biblique". Depuis longtemps cet homme connaît Jéhova, car dès que Balak, roi de Moab, l’envoie chercher pour maudire Israël, Nombres 22.24-35, Balaam consulte immédiatement l’Éternel. Hélas, son cœur hésite entre la gloire de Dieu et l’amour de l’argent. Après une lutte intérieure, il finit par céder à l’appât du gain, et commet l’erreur terrible qui le destine à l’obscurité des ténèbres éternelles, 2 Pierre 2.15-17. Balaam a la connaissance des pensées de Dieu, mais sa volonté n’est pas unie à celle du Seigneur. Il croit pouvoir servir deux Maîtres, mais en réalité il n’en sert qu’un. Sa bouche est contrainte de proclamer les oracles de Dieu alors que son cœur recherche son intérêt personnel. La position de Balaam est des plus inconfortables. Dieu en fait momentanément son prophète, mais Balaam est déjà jugé et condamné. Son péché le trouvera. Il finira sous le tranchant de l’épée et mourra enveloppé dans la défaite des ennemis d’Israël, Nombres 31.18.

Dans les églises on retrouve parfois des Balaam qui prétendent être au service de Dieu, mais acceptent le compromis avec le monde par intérêt ou commodité. On a la bouche pleine des paroles de Dieu, mais le cœur ne cesse de poursuivre les honneurs et les biens du monde.

Éli

Après Lot et Balaam, Éli offre un troisième portrait, 1 Samuel 1.1-4.22. Ce sacrificateur a toutes les apparences de la sainteté. Il porte les saints vêtements; il a reçu l’onction de l’Éternel: Il officie dans le lieu saint à Silo. Cependant il honore ses fils plus que Dieu. Aussi, c’est un enfant, Samuel, qui reçoit à sa place les communications de Dieu. Le peu de vertu d’Éli, sa faiblesse morale aboutissent à la perte de ses fils, de son service et de sa vie. Il mourra foudroyé à la nouvelle des désastres dont il est en partie le premier responsable.

Aujourd’hui encore, Dieu ne communique pas avec les médiocres, quels que soient leurs titres, leur importance ou leur ordination. Il se révèle aux "saints", à ceux qui obéissent à Sa Parole, qui ont le cœur entièrement tourné vers Lui pour écouter Sa voix. Dieu veut la première place dans nos vies, avant père, mère, femme, enfant, ami et église, Luc 14.26. Cette position l’honore et c’est cela notre service pour lui.

Saül

Le roi Saül est pour nous un quatrième exemple d’homme médiocre, 1 Samuel 9.1-2. Il fut le premier roi qui régna sur Israël. "Plus beau qu’aucun des enfants d’Israël, il les dépassait tous de la tête". Mais Saül, qui a tout pour plaire à la chair, ne suit pas entièrement l’Éternel et n’observe pas totalement Ses ordres. Il écoute la voix de Dieu, il suit le plan indiqué par l’Éternel pour combattre Amalek, mais n’accomplit pas jusqu’au bout l’ordre divin. Influencé par le peuple, il croit pouvoir substituer ses pensées à celles de Dieu, et Lui plaire tout en désobéissant à Sa voix, 1 Samuel 15. Saül s’arrête à mi-chemin dans l’obéissance, dans l’humiliation, dans son repentir et ses bonnes intentions. Sa fin est semblable à sa vie. Blessé par ses ennemis, il n’a pas le courage d’affronter le sort qui l’attend et se donne la mort sur la montagne de Guilboa, 1 Samuel 31.

Servir Dieu de tout son cœur consiste avant tout à observer scrupuleusement Sa Parole, la volonté humaine étant complètement soumise à celle de Dieu. "L’obéissance veut mieux que le sacrifice et l’observation de la Parole vaut mieux que la graisse des béliers".

Guéhazi

Enfin, Guéhazi, serviteur d’Élisée, est le dernier type de médiocre que nous empruntons à l’Ancien Testament, 2 Rois 4.1-5.27. Cet homme est au service du prophète qui lui remet un jour son bâton pour faire revenir à la vie l’enfant de la Sunamite. Hélas ! Guéhazi a le bâton, mais ne possède pas la puissance de l’homme de Dieu; et si cette puissance lui manque, c’est que son cœur est attaché à l’argent.

L’histoire de Naaman nous révèle l’état intérieur de Guéhazi. Il ne suit pas l’exemple de son maître qui, pour un motif spirituel, refuse les présents du général Syrien; mais il court après ce dernier pour obtenir au moyen d’un mensonge, les choses que son cœur a convoitées. Dieu le punit de son infidélité en le frappant de lèpre.

L’homme au service de Dieu ne doit pas se laisser guider par ses besoins ou par les circonstances. Les pensées de son cœur doivent être captives du Christ, et sa manière d’agir, le reflet d’une obéissance sans réserve qui a pour but la gloire de Dieu. Chaque jour il faut apprendre de Dieu quels sont les dons qu’on peut accepter, et ceux qu’on doit refuser.

Pour être vraiment disciple du Christ, il faut aller jusqu’au bout dans le renoncement. Souvenons-nous toujours que notre position et nos privilèges ne nous assurent pas une fin heureuse et bénie si nous nous arrêtons en chemin et ne nous jugeons pas de nos tendances naturelles. Un patriarche termine sa vie dans l’inceste, un prophète périt sous le glaive, un sacrificateur meurt subitement en se rompant la nuque, un roi se suicide, et un serviteur considéré finit ses jours lépreux.

* * *

Si nous ouvrons le Nouveau Testament, nous trouvons également des exemples vivants de médiocrité parmi les pharisiens. En Matthieu, chapitres quinze et vingt-trois, Jésus montre dans des tableaux saisissants l’erreur fondamentale de ces hommes qui croient honorer Dieu par des formes, alors que leur cœur est sans vie et sans amour pour Lui. "Sépulcres blanchis", voilà l’énergique expression dont se sert Jésus pour stigmatiser ceux qui ont une piété apparente, mais dont le cœur est encore plein de choses souillées du monde.

Jésus nous montre que la médiocrité c’est paraître et ne pas être. C’est attacher une importance capitale au fait de se laver les mains avant le repas, alors que le cœur ne s’inquiète pas d’être rempli de mauvaises pensées, de meurtres, d’adultères, d’impudicité, de vols, de faux témoignages, de calomnies. C’est nettoyer le dehors de la coupe et du plat alors que le dedans est plein de rapine et d’intempérance.

Les disciples eux-mêmes, avant qu’ils reçoivent le Saint-Esprit, sont souvent caractérisés par la médiocrité. Plus d’une fois, Jésus soupire en constatant leur peu d’intelligence, de persévérance et de foi. Thomas et Philippe, depuis si longtemps avec Jésus, ne connaissent pas encore le chemin de la vie, et ne discernent pas en Lui le Père, Jean 14.5-11. Et que dire de Pierre, si bouillant en paroles...! A "l’Heure décisive" il dort. Au moment de prendre position pour le Christ, il le renie, prouvant que lui aussi ne suit le Maître que de loin. De même Jacques et Jean — qui réclament le feu du ciel pour punir une offense faite à leur Maître — ne sont pas capables à Gethsémané d’assister Jésus dans la prière et s’endorment de tristesse.

La puissance de Dieu n’entraîne pas encore les apôtres avec force dans le chemin du Maître, et, malgré leur bonne volonté, leurs chutes sont fréquentes. Aussi quel changement quand Jésus, du haut du ciel, leur envoie l’Esprit Saint! Rendus bouillants et sages, ils peuvent alors accomplir les œuvres de Dieu et marcher triomphalement sur les traces du Christ.

Ces faits prouvent que nous avons tous à veiller sur nos sentiments pour être sans cesse à l’écoute de la volonté de Dieu. Nous sommes les disciples du Christ, et c’est à nous que s’adressent toutes les exhortations de l’Écriture. C’est pourquoi il nous faut connaître les embûches de la médiocrité afin de pouvoir, par la foi et la puissance du Seigneur, les éviter et rejoindre ceux qui, dans le passé, ont servi Dieu d’un cœur pur, avec un zèle inaltérable et par un don total d’eux-mêmes.

Des analogies significatives

Ces embûches nous sont dépeintes par la Parole. Elle nous présente la médiocrité sous les images suivantes: Le sel sans saveur, Matthieu 5.13, la lampe sous le boisseau, Matthieu 5.15, la lampe sans huile, Matthieu 25.3, le morceau neuf au vieil habit, Matthieu 9.16, le vin nouveau dans de vieilles outres, Matthieu 9.17, l’airain qui résonne, 1 Corinthiens 13.1, la cymbale qui retentit, 1 Corinthiens 13.1, la fontaine sans eau, 2 Pierre 2.17, la nuée sans pluie, poussée par les vents, Jude 12, la rosée qui s’en va de bonne heure, Os 6.4, les arbres d’automne, sans fruit, Jude 12, l’étoile errante, Jude 12. C’est également le souci que l’homme se donne pour le vêtement et la nourriture, croyant pouvoir servir deux Maîtres, Matthieu 6.24. C’est mettre la main à la charrue et regarder en arrière; vouloir "d’abord ensevelir son père" ou prendre "d’abord congé de ceux de sa maison" quand le Seigneur nous appelle à Le suivre, Luc 9.59-62. C’est la tiédeur de Laodicée, la prétention d’être riche et de n’avoir besoin de rien alors qu’on est "pauvre, aveugle et nu", Apocalypse 3.17. C’est l’irrésolution, l’inconstance dont parle Jacques, Jacques 1.6-8; c’est l’adultère spirituel que dénonce le même auteur, Jacques 4.4. Ce sont "les petits enfants", ballottés et emportés çà et là par tout vent de doctrine, Eph 4.14. C’est le caractère "charnel" du chrétien décrit dans les Épîtres, 1 Corinthiens 3.1; c’est le zèle pour Dieu, mais sans intelligence, Romains 10.2.

Dernière analyse

Ainsi définie, cette médiocrité se manifeste dans notre existence par le peu de capacité à donner le goût des choses de Dieu aux âmes, le manque de puissance pour marcher nous-mêmes dans la lumière et éclairer les autres.

Elle devient visible dans nos insuccès, nos déficits, nos fatigues, notre faible amour, notre absence d’espérance, notre vie déçue, stérile et soucieuse, nos craintes de la souffrance, notre inertie spirituelle.

Elle se dévoile enfin dans toutes les œuvres de la chair que l’apôtre Paul oppose au fruit de l’Esprit, Galates 5.19-20. Ne s’identifie-t-elle pas alors, pour le Chrétien, au manque de plénitude dans le bonheur?

Le Chrétien médiocre est celui qui n’aime pas entièrement, qui n’obéit pas entièrement, et qui ne renonce pas entièrement. Le médiocre, c’est celui qui ne veut pas aller jusqu’au bout. Mais aller jusqu’au bout, pour le chrétien, c’est aller à la croix. Qui est celui qui ne veut pas aller à la croix?

C’EST MOI, MON MOI, MA PERSONNALITÉ. LA MÉDIOCRITÉ, CE N’EST PLUS QUELQUE CHOSE, C’EST QUELQU’UN, C’EST MOI.

En opposition à cette médiocrité, il y a LA SAINTETÉ.

Cette sainteté n’est pas quelque chose, un certain degré de pureté, de justice, de vérité.

La sainteté opposée à la médiocrité, ce n’est pas une chose opposée à une autre, C’EST QUELQU’UN OPPOSÉ A QUELQU’UN: C’EST DIEU OPPOSÉ AU MOI!

La sainteté, c’est Dieu Lui-même dans Son essence. C’est la dernière fin de l’homme.

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