Le jour éternel

VI.
L’amour des siècles à venir

Aimer et être aimé, c’est là une joie ; aimer Dieu et être aimé de Lui, c’est la joie la plus grande, la plus parfaite. Ce n’est pas seulement que « l’amour bannit la crainte » et vous exempte de « la peine, » qui en est la conséquence, mais il rend l’homme parfaitement heureux (1 Jean 4.18).

Aimer celui qui est infiniment aimable est donc un bonheur. Celui qui aime seulement d’un amour obligé, est exempt sans doute de tout reproche, il n’est sujet à aucun désappointement ; mais se sentir aimer par Celui qui est infiniment aimable, c’est goûter le bonheur le plus profond et le plus parfait. Si c’est jouir que de l’aimer, n’est-ce pas un délice, plus grand encore d’être aimé par lui ? — L’amour de la Divinité devient ainsi notre partage, car Dieu est amour. Le Père est amour ; le Fils est amour ; le Saint-Esprit est amour. Ce triple amour de la Divinité repose sur nous dans toute sa grandeur, et se répand dans nos cœurs dans toute sa plénitude. « Les cordeaux me sont échus en des lieux agréables, et un très bel héritage m’a été accordé » (Psaumes 16.6).

C’est par le Fils que cet amour de la Trinité est mis en évidence. Il en est à la fois l’expression et le canal. C’est lui qui le révèle, c’est lui qui nous l’apporte : de là il est appelé « l’amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur » (Romains 8.38). Il n’a pas produit cet amour, mais il l’a fait paraître. Ce n’est pas non plus que la juste haine de Dieu se soit changée en amour, et l’Ecriture ne dit pas que Dieu a aimé le monde parce que son Fils s’est donné en rançon pour lui, mais « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » Le don a été accordé comme la preuve et le gage de cet amour ; Dieu l’avait surtout destiné comme le moyen de faire éclater son amour en accomplissant un acte de justice. La mort de Christ n’a point changé les dispositions du Père à notre égard, elle a changé seulement nos rapports avec la loi, de manière que notre justification qui, sans cela, eût été une chose impossible, parce qu’elle aurait été injuste, est devenue parfaitement juste et possible. Ce qui glorifie Dieu exalte aussi la loi. Christ en mourant, « lui juste pour nous injustes, » n’a point créé l’amour de Dieu envers nous, mais il en a rendu la démonstration légale, juste et honorable, laquelle eût été autrement illégale, injuste et outrageante à la Divinité.

Mais sans s’arrêter à la manière dont cet amour s’est manifesté envers nous par la propitiation du Substitut, considérons cet amour en lui-même, soit qu’il procède du Père, soit qu’il émane du Fils.

L’amour de Christ est ce qui faisait la force de l’Eglise du premier siècle. Nous voyons l’apôtre Paul en revenir continuellement à ce grand principe. C’est là qu’il trouvait le repos et la consolation de son âme. L’ombre de ce palmier le garantissait contre la chaleur du jour. C’était pour lui un puits profond où il allait sans cesse se rafraîchir. Il n’en voulait point d’autre. Son ambition, comme sa prière, était d’être rendu capable de comprendre, avec tous les saints, la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de cet amour qui surpasse toute connaissance.

L’amour de Christ est aussi notre refuge. Il nous offre une véritable et paisible demeure. La connaissance de cet amour procure à l’âme une paix, parfaite. Nous nous inspirons de cet amour, nous le sentons se dilater en nous, et dès lors tout est calme dans notre for intérieur. C’est un amour qui surpasse tous les autres en grandeur, en liberté et en efficacité. Il réunit toutes les qualités ; il a des secrets étranges pour adoucir, pour guérir et soulager. Celui qui possède un tel amour éprouve comme un charme ; il y a là une vertu surnaturelle qui chasse toute angoisse du cœur et toute l’amertume de l’esprit. Quelle force de résistance peut-on lui opposer ?

Tous les amours de la terre sont réunis ou concentrés en lui. C’est bien l’amour d’un père ; cependant il va beaucoup plus loin que l’amour d’un père terrestre. C’est l’amour fraternel, mais dans un sens infiniment élevé. C’est l’amour d’un fiancé, ainsi que nous le représente le cantique de Salomon, mais plus tendre que l’amour d’un fiancé mortel. C’est l’amour d’un époux, mais bien supérieur à celui d’un époux terrestre. C’est un amour qui n’a ni commencement ni fin, un amour qui ne se mêle à aucun égoïsme, à aucune jalousie un amour qui ne connaît ni froideur, ni oubli, ni fatigue, un amour qui n’est ni intermittent, ni inconstant, ni défectueux.

Qui est-ce qui nous séparera de l’amour de Christ ? (Romains 8.34). Qu’est-ce qui pourrait nous ravir à ses embrassements dans ce monde ou dans l’autre ? Il est impossible que nous en soyons jamais séparés du moment que nous l’avons reçu, ou plutôt qu’il nous a reçus, — nous ne dirons pas après l’avoir connu, mais après avoir été connu de lui. Cet amour est impérissable, inextinguible. Nous l’avons saisi, ou plutôt il nous a saisis de telle manière que rien ne peut nous en séparer. Représentez-vous d’abord tout ce qui peut être une cause de refroidissement, tout ce qui est propre à vous inspirer le dégoût, tout ce qui peut perdre un homme dans l’estime de ses semblables, tout ce qui peut engendrer des dissensions et froisser les cœurs, et puis, dites-vous bien qu’aucune de ces choses, et toutes ensemble, ne peuvent changer cet amour, ni empêcher qu’il ne s’exerce librement. Ni le temps, ni les changements, ni les circonstances les plus adverses ne peuvent le rendre moins vrai ou moins sincère. C’est un amour qui survivra toujours à notre froideur, à notre inconstance. C’est un amour qui n’a égard à aucune de ces conditions qui rendent l’homme illustre ou obscur par sa naissance, un amour qu’aucune pauvreté, aucun malheur ne saurait refroidir ou diminuer, un amour qui peut triompher de « la tribulation, de l’angoisse, de la persécution, de la famine, de la nudité, du péril, de l’épée. » Toutes ces choses ne peuvent nous séparer d’un amour comme celui-ci ; elles ne peuvent modifier ses tendances, et parce qu’il s’agit d’une affection purement divine, elles ne font qu’en rehausser la valeur ou en augmenter le poids. Les afflictions, bien loin de nous sevrer de cet amour, ne servent au contraire qu’à nous entrelacer davantage de ses liens en nous faisant sentir ses douces et puissantes étreintes. Ah ! puissions-nous être toujours plus pénétrés du grand amour de Dieu !

Ce défi de l’Apôtre : « Qui est-ce qui nous séparera de l’amour de Christ ? » s’appuie sur des faits bien établis dont il nous a entretenus précédemment (verset 34). Ces faits sont au nombre de quatre, et chacun d’eux nous est présenté comme un témoignage de cet amour, et comme une preuve de ce que nous avons dit, savoir, que rien ne peut nous en séparer.

Christ est mort. Qui donc pourrait nous séparer d’un Sauveur dont l’amour pour nous va jusqu’à la mort ? « A ceci nous avons connu l’amour de Dieu, c’est qu’il a exposé sa vie pour nous, » comme si par le sacrifice de sa vie il eût voulu nous donner une assurance de son amour telle qu’aucune expression ne pourrait rendre l’équivalent. Comment expliquer autrement l’immolation du Fils de Dieu pour nous ? Ce n’est pas un fait qui puisse donner lieu au doute ou à un malentendu. On peut dire de certains faits et de certains actes qu’ils ont un caractère d’ambiguïté, c’est-à-dire qu’ils peuvent être pris à double sens, mais celui-ci n’a rien d’équivoque. Il n’y a absolument qu’une seule manière de l’interpréter ; car n’est-il pas évident que « personne ne peut avoir un plus grand amour que celui de donner sa vie pour ses amis ? » (Jean 15.13). En prenant ainsi l’acte dans sa simple signification, nous nous sentîmes d’abord attirés au Crucifié, et son amour commença aussitôt à s’emparer de nos cœurs. Puis nous comprîmes que cette union ainsi formée ne serait jamais rompue. Si nous avions jamais le moindre doute à cet égard, si la pensée s’élevait dans notre esprit : « Comment puis-je savoir que je ne serai jamais séparé de Christ ? » nous n’avons qu’à nous rappeler la mort de Jésus, nous ne pouvons pas en être assurés autrement. Ainsi, la croix de Christ est le signe certain que le lien de son amour qui nous unit à lui durera aux siècles des siècles.

Christ est ressuscité. Qui donc pourrait nous séparer d’un Sauveur qui, après s’être livré à la mort par amour pour nous, a bien voulu ressusciter pour notre justification ? Son amour l’a fait descendre du ciel, son amour l’a conduit sur la croix, et de la croix au tombeau. Mais il ne s’est pas arrêté là. Ce même amour l’a fait remonter du sépulcre où il avait bien voulu descendre. Les froides ténèbres de la tombe n’ont point diminué l’ardeur de cet amour. La résurrection de Christ démontre la force, la constance et le caractère invariable d’une telle affection. C’est là, au sépulcre, que nous trouvons pour ainsi dire le second nœud de la corde qui nous unit à Christ pour l’éternité. Après comme avant la résurrection, cet amour est immuable, éternel.

Christ s’est assis à la droite de Dieu. Qui est-ce qui nous séparera d’un Sauveur exalté dans les cieux ? Son amour lui fait quitter la terre comme il l’avait fait descendre du ciel. L’exaltation de Christ est un autre signe de cet abondant et intarissable amour. Il s’est retiré dans le ciel où seul il peut continuer ou compléter l’œuvre que lui seul pouvait entreprendre. Elevé dans la gloire, « il s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts. » Or, cet amour qui a triomphé ici-bas des ignominies de la croix, ne s’est point affaibli par la gloire du ciel. Le cœur de Jésus s’épanche aussi librement dans le ciel que sur la terre. Combien est ferme et précieuse l’assurance du chrétien à l’égard de cet immuable amour du Fils de l’homme glorifié ! C’est encore ici un lien qui nous rattache par un autre côté au trône de Dieu. Assurément, un tel amour doit avoir une durée aussi longue que les siècles des siècles.

Il intercède même pour nous. Qui est-ce qui nous séparera d’un Sauveur intercédant sans cesse pour nous ? N’est-ce pas un signe de la faveur divine que l’intercession de Christ ? Intercéderions-nous pour quelqu’un que nous n’aimerions pas ? L’intercession de Christ auprès du Père, dit assez qu’il nous aime. Dieu sait combien il désire notre bonheur quand il entend la voix de son Fils. « Je ne dis pas que je prierai le Père pour vous, car le Père lui-même vous aime. » C’est quelque chose de si naturel que celui qui donna sa vie pour ses amis, prie le Père pour eux. On peut dire de l’affection qu’il nous porte, qu’elle n’a « point de variation ni aucune ombre de changement. »

Les promesses si souvent répétées touchant sa seconde venue, ne sont-elles pas aussi une marque de son amour envers nous ? N’expriment-elles pas le désir qu’il a de se réunir à nous ? Quand il nous dit : « Je vous reverrai, » ou bien : « Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi », il veut nous assurer par là que non seulement il nous aime, mais que son grand amour ne cessera point d’être ce qu’il est dans les siècles à venir. Il est inépuisable comme il est infatigable. C’est un amour qui surpasse toute connaissance.

Pour voir combien cette assurance est fondée, remarquez encore les paroles du Christ : « Comme mon Père m’a aimé, je vous ai ainsi aimés ; demeurez en mon amour » (Jean 15.9). Ici, il établit un parallèle entre l’amour du Père à son égard et l’amour qu’il porte lui-même à son peuple. L’un est le gage, la mesure et l’image de l’autre. Il ne pouvait mieux nous faire comprendre son amour pour nous qu’en le comparant à celui du Père pour lui. Pour nous montrer quelles sont les dispositions de son cœur à notre égard, il reporte notre souvenir sur les affections du Père pour lui. Christ est dans tous les sens le portrait de son Père, et l’amour qu’il nous témoigne ne trouve son égal que dans le cœur de Celui qui en a fait l’objet de toutes ses complaisances. Nous ne pouvons douter de l’amour de Jésus-Christ pour nous, puisqu’il est aussi réel, aussi certain et aussi vrai que l’amour du Père pour lui.

Que Dieu aime son propre Fils d’une manière spéciale, c’est indubitable. Il l’aime comme il n’aima jamais un ange ou aucune autre créature. Son amour paternel a ici un caractère particulier et infiniment élevé. On ne peut le concevoir ni l’imiter ; car il est unique. L’amour du Père et l’amour du Fils se ressemblent. Ils sont extraordinaires par leur nature, par leur intimité, par leur force et par leur tendresse. Il est heureux d’être aimé d’un tel amour !

L’amour du Père pour le Fils est infini ; et quoiqu’on ne puisse dire dans le même sens que l’amour du Fils pour nous soit infini, cependant il surpasse tout ce que nous pouvons en concevoir ou comprendre. Où trouverait-on dans tout ce vaste univers une image pour peindre convenablement cet amour de Jésus-Christ envers nous ? L’amour du Père envers Jésus est le seul terme de comparaison. Christ aime les rachetés d’un amour qui est infiniment au-dessus de celui qu’il porte à toute autre créature.

L’amour du Père pour le Fils est éternel ; il n’est susceptible d’aucun changement ; il ne peut se perdre ni se refroidir. Il demeure aux siècles des siècles. Il en est de même de l’amour de Christ qui, comme nous l’avons dit, est immuable. Il est éternel comme celui auquel il ressemble. Si l’amour de Christ n’était pas invariable et éternel, quelle signification auraient pour nous sa vie et sa mort ? Aurait-il consenti à mourir pour nous d’une mort si affreuse s’il ne nous avait aimés que pour la vie présente ? Comment pourrait-il endurer la colère du Père pour ceux qu’il n’aime point pour toujours ? Les agonies de Gethsémané et de Golgotha ne peuvent s’expliquer autrement que par l’éternité de son amour. Les souffrances de Christ seraient pour nous un mystère impénétrable s’il n’était pas vrai que son amour est éternel. Nous avons donc là une vérité, glorieuse et le secret d’un grand mystère. L’amour, dont il est ici question, se trouve ainsi défini dans un autre endroit : « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître encore, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jean 17.26). C’est à l’amour du Père qu’en appelle le Seigneur Jésus ; et ces paroles sont comme le résumé de toutes ses intercessions pour les siens. Il s’annonce comme celui qui a mission de faire connaître le nom du Père, c’est-à-dire de révéler le caractère du Père. De plus, il déclare son intention de proclamer ce nom et de montrer tout ce qu’il y a de merveilleux dans ce caractère, comme si c’eût été là le désir et le dessein du Père tout aussi bien que ceux du Fils. Comme résultat de cette révélation, l’amour du Père devait se répandre dans le cœur des disciples, et un amour tel que celui qu’il a pour son Fils unique. Ainsi, non seulement l’amour de Jésus pour nous correspond à l’amour du Père pour lui, mais il nous est clairement démontré que l’amour dont Jésus lui-même est aimé par le Père, est le partage de tous les siens.

N’est-ce pas là un amour sans borne ? N’est-ce pas un amour comme celui d’un Dieu qui vit d’éternité en éternité ? Est-ce peu de chose que d’être les objets d’un tel amour ? Et quel privilège que d’être « les associés de Christ, » ses « cohéritiers » pour jouir de cette plénitude de l’amour du Père ! Quel bonheur n’est-ce pas de demeurer éternellement dans le sein du Père ! Car, comme le Fils nous porte dans ses entrailles, le Père aussi nous porte dans les siennes. C’est la demeure du Fils, ce devait être aussi la nôtre. C’est la sienne par droit d’hérédité et par sa relation avec le Père ; c’est la nôtre par adoption et par notre parenté avec le Fils. Être un avec celui qui est un avec le Père, n’est-ce pas assez pour nous assurer de la possession éternelle du cœur de Dieu ?

Il faut nous rappeler cependant que si nous participons à un tel bienfait, ce n’est pas en vertu de nos mérites personnels. Nous n’y avons aucun droit. En sorte que le bienfait est aussi gratuit que celui de la rosée qui tombe du ciel. Il n’y avait rien en nous qui pût attirer le cœur de Dieu. Nous étions au contraire les êtres les moins aimables et les plus dignes d’être haïs. Le soleil de la grâce s’est levé librement sur un monde ténébreux afin que les plus ingrats et les plus indignes pussent jouir de ses suaves clartés. Nous étions aussi impies que beaucoup d’autres qui refusent la lumière ; mais le Saint-Esprit déploya en nous son pouvoir tout-puissant, et notre résistance céda. Nous nous ouvrîmes à cette plénitude d’amour lorsque Dieu nous en eut fait sentir le besoin. Tout ce que nous pouvons dire à cet égard se réduit à ceci : « Nous avons connu et cru l’amour que Dieu a pour nous » (1 Jean 4.16). La nouvelle touchant l’amour de Dieu éveilla d’abord notre attention ; et, l’ayant examinée avec soin, nous la trouvâmes véritable ; nous crûmes à cet amour et nous devînmes fils et héritiers. Une fois mis en possession de ce divin amour, nous ne pouvons plus le perdre. C’est un bien inaliénable, c’est un trésor pour l’éternité.

L’Apôtre, écrivant aux membres de l’Eglise de Rome, les appelle de ce nom : « Bien-aimés de Dieu. » C’est un nom qui convient à tous les saints. L’Eglise entière le porte comme une inscription sur son front. « Sa livrée, laquelle je porte, c’est amour » (Cantique des cantiques 2.4). Pourrait-on trouver un plus beau titre ou une marque plus excellente ? C’est l’étendard le plus noble et le plus précieux qu’elle puisse porter. Le symbole de la royauté, non plus que le signe sacerdotal, n’est rien auprès de celui-là. Toutes les marques d’honneur et de distinction dont elle s’entoure, ne sont pas comparables à ce privilège. Quel ornement, quel trésor, quelle couronne, quel royaume, quelle splendeur pourra jamais atteindre à ce degré de félicité que suppose le titre de « bien-aimés de Dieu ? »

C’est le nom que le Père a donné à son Fils : « C’est ici mon Fils bien-aimé. » Ce nom convient aussi à celle qui est appelée « l’Eglise des premiers-nés, » et dont les membres sont fils et héritiers. Il est parfaitement approprié à « l’Epouse, la femme de l’Agneau, » elle que déjà, dans les siècles antérieurs, l’Epoux avait ainsi qualifiée : « ma sœur, ma grande amie, ma colombe, ma parfaite ! » (Cantique des cantiques 5.2).

Quelle faveur pour ceux qui, par leur parenté, leur condition et leurs actes méritent bien plutôt d’être haïs qu’aimés de Dieu ! Cette merveilleuse faveur, Dieu la leur a toujours prodiguée, Israël lui-même en a été enrichi, puisque l’Ecriture déclare, en parlant de lui, que « Dieu aime les peuples » (Deutéronome 33.3) ; et nous savons qu’ils sont toujours « bien-aimés à cause des pères » (Romains 11.28). Cette qualité est surtout attribuée à Benjamin au sujet duquel il est écrit : « Le bien-aimé de l’Eternel habitera sûrement avec lui » (Deutéronome 33.12). David jouissait de la même faveur ; car il est appelé « le Bien-aimé. » De même, Salomon, son fils ; car il se nomme. « Jedidja, » ce qui signifie le « bien-aimé de l’Eternel » (2 Samuel 12.25). Voici encore en quels termes le prophète Néhémie parle de lui : « Parmi plusieurs nations, il n’y eut point de roi semblable à lui, il fut aimé de son Dieu, et Dieu l’établit roi sur tout Israël » (Néhémie 13.26). Quant à Daniel, voici ce que dit à plusieurs reprises le Messager céleste, en s’adressant à lui-même : « Tu es agréable à Dieu » (Daniel 9.23 ; 10.11, 19). Jean est aussi l’homme de prédilection, puisqu’il est « le disciple bien-aimé » (Jean 21.20). Cependant ces titres, si honorables et si précieux qu’ils soient, ne sont que des fragments ou comme l’ombre des privilèges dont jouira l’Eglise, lorsqu’elle aura là pleine possession de l’amour de Dieu.

Cet amour est éternel, « Je t’ai aimé d’un amour éternel » (Jérémie 31.3). C’est un amour qui nous a précédés avant tous les siècles, et qui nous suivra dans tous les siècles à venir. L’Eglise est élue et aimée de toute éternité, et les résultats de cette élection et de cet amour seront rendus manifestes dans les siècles sans fin auxquels elle est destinée. Nous avons dit que cet amour est invariable, et nous aimons à le répéter, il est aussi sans borne. On ne peut en mesurer ni la hauteur ni la profondeur. Nous en sommes environnés comme d’une immense atmosphère — une atmosphère qui a pour principaux éléments la lumière et la joie. Il est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit, qui nous fait comprendre tout à la fois comment nous sommes » bien-aimés de Dieu, » « élus en Christ, » et comment il nous a rendus « agréables dans le Bien-aimé. » Il est heureux de passer sa vie ici-bas dans la jouissance de cet amour, si faible que soit la mesure dans laquelle nous pouvons le réaliser ; mais quel ne sera pas notre bonheur quand nous en aurons la plénitude et toute une éternité pour en jouir !

« Bien-aimés de Dieu, » quelle paix devrait déjà remplir nos cœurs ! Ces paroles mêmes ne portent-elles pas la paix avec elles ? Oui, c’est la paix, cette paix profonde, inexprimable, répandue comme un parfum sur « la montagne de myrrhe et sur le coteau d’encens. » Il y a plus que la paix : c’est la joie, — « une joie ineffable et glorieuse, » comme celle d’être aimé de quelqu’un qui est si glorieux, si aimable et si divin. Que nous importe l’amour ou la haine du monde ; l’Eternel nous aime ! Que l’homme nous rejette et nous conspue, n’importe ! Jéhovah nous tend la main et nous presse sur son cœur. Nous sommes toujours les « bien-aimés de Dieu. »

Quelle ne doit pas être notre consolation ? Assurément, il y a ici de quoi guérir toutes nos blessures, c’est le vrai baume de Galaad. Ne semble-t-il pas entendre une voix tous dire : Ne crains point, ne pleure point, ne t’afflige point, ne désespère point, tu es le bien-aimé de Dieu. Qu’y a-t-il qui puisse te troubler ou te rendre désolé ? L’on serait presque tenté de se demander s’il est possible, pour un chrétien « bien-aimé de Dieu, » d’avoir le cœur triste, le visage sombre et l’esprit en tourment. L’amour de Dieu se mêle à toutes nos peines. Il porte sa douce lumière dans les abîmes creusés par le malheur. Il nous délivre de notre maison de servitude, et nous donne l’huile de joie au lieu de la cendre. Il nous aide à porter nos fardeaux, il brise nos fers, il sèche nos pleurs, il ôte au chagrin son amertume ; il met dans notre bouche un nouveau cantique, même dans les moments les plus douloureux.

Quelle ne devrait pas être notre force ! La pensée que nous sommes « bien-aimés de Dieu » remplit l’âme de vigueur, elle donne un accroissement de forces pour le travail, elle nous ranime pour le combat. Quand nous sommes assaillis de tous côtés par des ennemis, obsédés par diverses tentations et près de succomber aux rudes attaques de Satan, nous nous rappelons que « nous sommes bien-aimés de notre Dieu, » et nous recommençons la lutte avec un nouveau courage et avec des forces nouvelles. Comment supposer qu’un homme bien-aimé de son Dieu puisse être vaincu ?

Quel zèle ne devrions-nous pas avoir ? Qu’y a-t-il que l’homme ne voulût faire ou n’osât souffrir pour Celui qui l’a tant aimé ? Combien nous devrions être remplis de hardiesse et de bonne volonté pour surmonter les plus grands obstacles ! Quel plaisir à s’imposer des sacrifices, quel empressement à suivre le chemin de la sainteté, et à se dévouer pour Dieu ce devrait être pour chacun des « bien-aimés de Dieu ! » Ayons toujours cet amour demeurant en nous, et alors nous éprouverons combien le sentier du devoir est facile à suivre ; nous n’aurons aucune plainte à faire, nous ne serons scandalisés de rien, nous ne murmurerons point, mais nous marcherons en avant, à la faveur de la lumière ou des ténèbres, au milieu du calme ou de l’orage, dans la mauvaise comme dans la bonne réputation.

Combien nous devrions être saints ! car cet amour est saint et son but l’est également. L’influence qu’il exerce sur nous ne peut qu’être sanctifiante. Il nous détache du monde, il nous inspire un profond dégoût pour ses plaisirs ou ses vanités ; il nous élève au-dessus de tout ce qui est visible ; il purifie l’âme. Oh ! quelle assurance et quelle ressource contre le péché, contre la mondanité, contre la légèreté, ne nous offre pas l’amour de Dieu ! L’amitié de Christ est la rivale de toutes les autres amitiés, qui lui sont inférieures. La communion ou l’amitié de Dieu ne souffre pas qu’un autre objet de notre affection se place entre nous et lui. Il y a une puissance d’amour qui vous transforme à la ressemblance de la personne que vous aimez et dont vous êtes aimé. L’amour de Dieu a plus que tout autre ce pouvoir de transformer, d’assimiler. Il forme le caractère de l’individu sur son propre modèle, il en efface tous les grands traits de dissemblance. Dieu opérant ainsi par la charité, produit en nous une affection correspondante à la sienne, une affection qui nous rend jaloux de lui ressembler, et nous fait éviter par conséquent tout ce qui lui est contraire. Il nous attire à lui par son amour, il nous unit à lui si étroitement et de telle façon que le péché nous fait frémir d’horreur, et chaque progrès que nous faisons par voie d’assimilation, détermine nécessairement notre progrès en sainteté. Il suit de là que nous tendons vers un but qui est d’être rendus parfaitement conformes à Celui qui n’a pas dédaigné de nous appeler du nom « de bien-aimés de Dieu ».

« Voyez quel amour le Père a eu pour nous, que nous soyons appelés les enfants de Dieu ! Bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’est pas encore manifesté ; or, nous savons que lorsque le Fils de Dieu sera apparu, nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est. Et quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui aussi est pur » (1 Jean 3.1-3). Amen ! amen ! Que l’Esprit de puissance et d’amour réchauffe nos cœurs en les pénétrant de l’amour du Père et du Fils, et nous faisant sentir toute l’excellence de cette vertu ! Qu’il nous fasse comprendre, avec tous les saints, quelle en est la longueur et la largeur, la hauteur et la profondeur ! Que le même Esprit de consolation et de sanctification nous révèle toujours plus le sens merveilleusement profond de ces paroles : « Bien-aimés de Dieu ! »

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