Contre les hérésies

LIVRE PREMIER

CHAPITRE XVIII

Abus monstrueux que fait Marcus des prophètes. L’homme est l’image de l’Ogdoade. Le soleil est aussi la révélation extérieure de la quaternité. Preuves de la décade et de la duodécade.

Voilà leurs inventions sur l’origine des choses : inventions qui changent suivant les caprices et les dispositions de leur imagination. Les plus considérés parmi eux sont ceux qui excellent dans l’art de mentir et d’inventer des chimères. Je vais montrer ici, par quelques exemples, l’abus monstrueux qu’ils font des prophètes, quand ils veulent en étayer leur science. Moïse, disent-ils, montre dans la Genèse les quatre principes, au commencement de la création. « Au commencement, dit le prophète, Dieu créa le ciel et la terre. » Ces quatre noms : Dieu, le commencement, le ciel, la terre, symbolisent leur quaternité. Pour l’invisible et le caché, Moïse l’indique encore par ces paroles : « La terre était invisible et sans forme. » Mais voici que le prophète, en nommant l’abîme, les ténèbres, l’eau et l’esprit, porté sur les eaux, désigne la seconde quaternité engendrée par la première ; puis voici de plus un signalement évident de la décade, quand il a nommé les objets suivants : le jour, la nuit, le firmament, le soir, ce que nous appelons le matin, la terre aride, la mer, l’herbe, et enfin le bois. Ces dix expressions symbolisent les noms des dix Æons. Voici pour la duodécade : le soleil, la lune, les étoiles, les temps, les années, les poissons, les serpents, les oiseaux, les quadrupèdes, les bêtes féroces, et enfin l’homme : l’homme, l’image vivante de la haute puissance, et possédant une émanation de la force primitive.

Le nombre trentenaire n’aurait pas été oublié par l’Esprit, qui l’a enseigné à Moïse. La force humaine dont nous venons de parler a son siége dans la région du cerveau. Quatre puissances en proviennent, symbole de la quaternité supérieure : la vue, l’ouïe, l’odorat et le goût. L’homme est l’image de l’ogdoade : en effet, il a deux oreilles, deux yeux, deux narines, un goût double, puisqu’il sent l’amer et le doux. L’homme, dans son ensemble, est le symbolisme du nombre trentenaire. Ses dix doigts représentent la décade ; la duodécade est figurée par les douze membres de son corps. Les membres se divisent et se subdivisent, et le corps de la vérité avec eux ; nous en avons parlé déjà, nous n’y reviendrons pas.

Les entrailles de l’homme sont l’image visible de l’ogdoade invisible et inénarrable.

Le soleil, ce grand flambeau du monde jeté dans l’espace le quatrième jour de la création, est aussi la révélation extérieure de la quaternité ; il faut voir encore le même symbole dans la construction que fit Moïse d’un tabernacle de bois odorant et d’hyacinthe, revêtu, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, de la pourpre la plus riche ; le trépied du prêtre, enrichi de quatre diamants précieux, désigne, suivant les valentiniens, ce même nombre mystérieux. Partout où dans l’Écriture vous rencontrerez ce nombre, vous devez toujours le rapporter à la quaternité symbolique. Ils font encore une autre démonstration de l’ogdoade. Suivant eux, l’homme aurait été créé le huitième jour ; leur croyance varie cependant à ce sujet, puisque quelquefois c’est le sixième qu’ils le font naître, à moins qu’ils ne veuillent dire peut-être que la partie choïque fut créée le sixième, et la partie charnelle le huitième : distinction qu’ils aiment à faire. Il en est aussi qui ont imaginé que le premier homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, était double et hermaphrodite ; l’un étant formé avec l’esprit, et l’autre avec le limon de la terre.

Ils veulent aussi voir une image de l’ogdoade dans l’arche du déluge, où huit individus de l’espèce humaine furent conservés. Nouvelles preuves encore : David naquit le huitième de ses frères ; de plus, la circoncision se faisait le huitième jour, symbole de la circoncision de l’ogdoade supérieure ; pour en finir, il suffit de rencontrer le nombre huit dans l’Écriture, pour y trouver la mystérieuse existence de l’ogdoade.

Maintenant la décade a aussi ses preuves, et ses preuves de la même manière : elles se trouvent dans les dix nations que Dieu promet de donner à Abraham ; dans les dix ans dont le terme vit Sara céder Agar à son mari, afin qu’il en eut des fils ; dans la mission d’Éliézer, auprès de Rébecca, lorsqu’il lui offrit dix bracelets d’or en présent, et dans les dix jours après lesquels ses frères la laissèrent partir ; dans les dix portes du tabernacle ; dans ses colonnes hautes de dix coudées ; dans le voyage des dix fils de Jacob en Égypte, où ils devaient trouver du blé ; dans les dix apôtres qui virent le Seigneur en l’absence de Thomas.

Mais ici c’est de la décade invisible qu’il s’agit.

Il nous reste à parler de la duodécade, théâtre mystérieux d’une révolte qui donna naissance à tous les objets visibles à l’œil ; l’Écriture, à les en croire, nous la révèle d’une manière claire et précise : les douze fils de Jacob donnant naissance aux douze tribus ; le rational, qui avait douze pierres précieuses et douze cloches, et les autres douze pierres que Moïse plaça au bas de la montagne ; les douze autres que Josué fit jeter dans le fleuve ; les douze hommes qui portaient l’arche ; les douze pierres qu’Élie plaça dans la victime du sacrifice ; les douze apôtres ; toutes les circonstances enfin où vous trouverez cité le nombre de douze. Le nombre trentenaire, qui sert à unir les autres nombres, est représenté par l’arche de Noé, haute de trente coudées ; par Samuel, qui plaça Saül le premier parmi les trente conviés ; par David, trente jours caché dans les champs ; par le nombre trente de ceux qui entrèrent avec lui dans la caverne ; enfin par les trente coudées du tabernacle. Et enfin, il suffira de dire qu’il en est de ce nombre comme des autres dont nous avons parlé, et que partout où on le rencontrera, il faut le considérer comme le symbole des trente Æons.

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