Contre les hérésies

LIVRE PREMIER

CHAPITRE XXX

Les ophites et les séthiens.

Pour compléter ces étranges récits, il faut ajouter que quelques-uns d’entre eux voient resplendir dans la puissance de Bythus une lumière incorruptible qui s’étend dans un horizon sans bornes. Tout est né de cette lumière, connue de ces adeptes sous le nom de premier homme. La pensée du nouvel être produisit le Fils, et ce serait là le Fils de l’homme, selon la chair. L’Esprit saint, inférieur à tous deux, a divisé, à l’aide d’une influence supérieure, les éléments, l’eau, les ténèbres, l’abîme, le chaos sur lesquels il était porté : ils appellent tout cela la première femme. La beauté de l’Esprit saint, je veux dire de la première femme, jeta l’homme et son fils dans le ravissement de la joie ; fécondée au rayonnement de leur lumière, elle donna le jour à une troisième lumière, aux attributs de l’homme incorruptible connu sous le nom de Christ. Son père fut le premier homme, et celui qui naquit le second dut le jour au Saint-Esprit et à la première femme.

L’union que contractèrent le Père et le Fils avec la femme mère des vivants fut funeste à celle-ci : le poids et la grandeur immense de son fruit l’accablèrent ; la partie inférieure de son être se trouva dans un grand état d’ébullition. Dans cette circonstance, le Christ, leur fils, doué par sa nature d’une tendance plus grande vers les régions supérieures, fut aussitôt absorbé avec elle dans le sein d’un Æon incorruptible. C’est là ce qu’ils appellent leur Église sainte et véritable ; nom qui, à les entendre, renferme à la fois la dénomination, le pacte et l’union du premier homme, Père universel, du Fils de l’homme, qui naquit le second, et du Christ, à la fois leur enfant et celui de la femme, dont nous venons de parler.

La vertu qui s’échappa de la femme dans l’état d’ébullition que nous avons dit, étant inondée de lumière, se sépara de ceux qui lui avaient donné le jour, et descendit. Cette humidité lumineuse, spontanée, fut à la fois mâle et femelle, et reçut les noms divers de Pronicos, de Sophia, et jouit des attributs de l’un et de l’autre sexe. Elle descendit sur les eaux qui étaient dans un état d’immobilité parfaite ; elle les agita vivement en descendant jusque dans leurs abîmes et un corps lui fut formé de ces eaux. Tout accourut, tout gravita aussitôt vers cette lumière humide, elle fut circonvenue de toutes parts ; et étant devenue point central, elle faillit s’absorber dans l’immensité, s’engloutir dans la matière. Cependant le lien qui l’unissait à un corps matériel s’appesantit au point qu’obligée un jour de ramper, elle usa toutes ses forces pour s’arracher à l’élément qui la retenait, et chercha à remonter vers sa mère. Quand elle voulut s’élever à elle, ses efforts furent impuissants ; la masse de son corps, formé d’aggrégations, était trop lourde. Cet état de malaise où elle se trouvait lui fit faire de nouveaux efforts pour dissimuler, cacher la lumière d’en haut dont son être était doué, craignant que cette lumière ne fût comme en proie aux éléments inférieurs. L’humectation de la lumière qu’elle portait en elle lui ayant donné de nouvelles forces, elle s’agita, et, par un effort d’ascension, se dilata au sein de l’immensité, étendit son être, se dilata, et forma de sa propre substance ce ciel que voient nos yeux ; elle le couva d’abord, puis resta sur son œuvre, conservant néanmoins toujours quelque chose de sa nature aqueuse.

Telles sont toutes ces sectes, enfantées par l’école de Valentin, que l’on peut comparer à l’hydre de Lerne, dont les différentes divisions sont comme autant de têtes. Cette comparaison serait d’autant plus juste, que s’il fallait en croire certaines personnes, Sophia ne serait autre que le serpent infernal qui inspire aux hommes la science du mal opposée à la science du vrai : bien plus, nous porterions en nous-mêmes le type du serpent dans la forme de nos intestins, qui sont les organes de notre alimentation et de la conservation de notre corps.

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