Contre les hérésies

LIVRE TROISIÈME

CHAPITRE II

Les hérétiques ne veulent reconnaître ni les saintes Écritures ni la tradition.

Lorsqu’on leur oppose les Écritures, ils se mettent à accuser les Écritures elles-mêmes, comme n’étant point certaines ni dignes de foi ; soit parce qu’elles ne sont pas assez concordantes, soit encore parce que ceux qui ne connaissent pas la tradition n’auraient pas le moyen d’y découvrir la vérité. La tradition, en effet, ne s’est pas transmise par l’écriture, mais par la parole : c’est pour cela que Saint Paul a dit : « Nous prêchons néanmoins la sagesse aux parfaits, non la sagesse de ce monde. »

Or, d’après ce système des hérétiques, chacun d’eux en particulier possèderait cette sagesse, qu’il aurait lui-même inventée ; rêverie sans doute, et dont ils se contentent à la place de la vérité. Or, cette prétendue sagesse aurait été représentée tantôt par Valentin, tantôt par Marcion, un jour par Cérinthe, une autre fois par Basilide, et enfin par quiconque vient disputer à tort et à travers contre la foi établie. Chacun d’eux, en effet, se mettant au-dessus des règles de la vérité, peut venir impunément, dans sa dépravation, dire que cette vérité réside en lui-même.

Et si nous les rappelons à l’autorité de la tradition, qui nous a été transmise par les apôtres, et dont le dépôt est gardé fidèlement par les prêtres des Églises, ils nous résistent en disant, qu’étant eux-mêmes doués de plus de sagesse que les prêtres, et même que les apôtres, c’est eux seuls qui ont découvert la vérité tout entière ; que, d’ailleurs, les paroles du Sauveur auraient été altérées et défigurées en passant par la bouche des apôtres ; qu’enfin, les apôtres et le Seigneur lui-même auraient, dans leurs discours, parlé tantôt dans un sens purement terrestre, d’autres fois avec un mélange du céleste et du terrestre, et quelquefois dans un sens entièrement divin. Or, tenir un pareil langage, c’est évidemment blasphémer contre la puissance de Dieu. Il résulte de tout ceci que nos adversaires ne veulent s’en rapporter ni aux Écritures ni à la tradition.

Comme vous le voyez, mon très-cher frère, nous avons ici à lutter contre des hommes qui, semblables à des serpents, se replient de mille manières pour échapper à nos étreintes. Il faut donc que nous leur résistions sur tous les points, dans l’espoir où nous sommes que notre victoire aura pour résultat d’en faire rentrer quelques-uns dans le sein de la vérité. Car s’il est difficile de faire luire tout d’abord la lumière dans une âme en proie aux ténèbres de l’erreur, on peut du moins espérer de lui faire avouer qu’elle est dans l’erreur, et l’amener peu à peu à préférer la vérité.

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