Contre les hérésies

LIVRE TROISIÈME

CHAPITRE XVI

Qu’il est démontré par les écrits que les apôtres nous ont laissés, que Jésus-Christ n’est autre que le fils unique de Dieu véritablement Dieu et homme tout à la fois.

S’il fallait en croire les gnostiques, Jésus ne serait en quelque sorte que le réceptacle du Christ ; celui-ci serait descendu sur Jésus sous la forme d’une colombe, lui aurait fait connaître leur Père commun, qui est sans nom ; il serait après cela rentré d’une manière mystérieuse et invisible dans le sein de son Plerum (car ce Christ, suivant eux, est non-seulement invisible pour les hommes, mais il le serait encore pour les puissances et les vertus célestes) ; Jésus serait le fils du Christ, et le Christ serait fils du Père, qui est Dieu. Quelques-uns parmi eux croient que le Christ a souffert, quoiqu’il soit, de sa nature, impassible ; quant à ceux qui sont de la secte de Valentin, ils disent que le Jésus, inférieur au Christ, est celui qui est venu sur la terre en prenant un corps dans le sein de Marie ; que c’est lui sur lequel serait descendu le Sauveur supérieur, qui s’est appelé le Christ, parce qu’il contenait en lui la puissance et la vertu de tous les êtres divins ; qu’il avait communiqué à Jésus une partie de sa vertu et de sa puissance, afin qu’il eût la force de triompher de la mort ; c’est aussi ce Jésus qui serait venu pour faire connaître le Père par la vertu du Sauveur supérieur qui est descendu sur lui, dont il aurait été le symbole et le représentant ; toutefois en parlant de lui, ils le nomment le Christ-Jésus ; mais dans leur pensée ils font la distinction que nous venons de dire : car ils ont pour habitude de distinguer deux Christ, dont l’un fils du Christ supérieur et fils unique du Père, est envoyé par celui-ci pour rétablir la puissance universelle ; tandis que le Christ supérieur aurait été envoyé par le Père pour le glorifier ; enfin le premier, subordonné au Christ supérieur, aurait souffert, tandis que ce dernier rentrait dans le sein de son Plerum. Nous devons donc établir que les apôtres n’ont jamais reconnu une aussi monstrueuse doctrine en ce qui concerne Jésus-Christ, mais que de plus ils ont déclaré, de la part du Saint-Esprit, que tous ceux qui se mêleraient d’enseigner de semblables erreurs ne pouvaient être que des suppôts de Satan, envoyés par lui pour corrompre les fidèles et les détourner de la voie du salut.

Les passages que nous avons cités de saint Jean fournissent la preuve complète de la profession de foi de cet évangéliste en ce qui concerne notre Seigneur Jésus-Christ, Verbe de Dieu, fils unique du Père, qui s’est incarné pour notre salut. Quant à saint Mathieu, sa profession de foi est la même à l’égard de Jésus-Christ, mais il donne de plus la généalogie de notre Seigneur, selon son humanité et comme né de la Vierge, accomplissant cette promesse faite par Dieu, d’abord à Abraham, ensuite à David, qu’un roi éternel naîtrait du sein d’une femme ; c’est pour cela qu’il commence ainsi son évangile : « Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham. » Ensuite pour expliquer ce qui regarde saint Joseph, il ajoute : « Or, voici quelle fut la génération de Jésus-Christ. Lorsque Marie, sa mère, eut été fiancée à Joseph, avant d’être ensemble, il se trouva qu’elle avait conçu du Saint-Esprit. » Et comme Joseph, son mari, voulait la renvoyer, et qu’il ne voulait pas l’exposer à la honte, voilà que l’ange du Seigneur lui apparut, et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie pour ton épouse ; car ce qui est né en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, parce que lui-même délivrera son peuple de ses péchés. Et tout cela fut fait pour accomplir tout ce que le Seigneur avait dit par le prophète : voilà qu’une vierge concevra, et elle enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. » Saint Mathieu, par ces paroles, déclare clairement que la promesse faite à nos pères, qu’il naîtrait un enfant d’une vierge, s’était accomplie, qu’il serait le fils de Dieu, et le Sauveur du monde, et celui que les prophètes avaient annoncé. Et saint Mathieu ne dit pas, comme les gnostiques, que c’est Jésus seulement qui est né de Marie, et que le Christ serait descendu d’en-haut sur Jésus, sous la forme d’une colombe. D’ailleurs ne pouvait-il pas se contenter de dire : Livre de la génération de Jésus ; mais le Saint-Esprit, prévoyant la venue des faux docteurs, et connaissant d’avance leur malice, a fait dire à saint Mathieu : Livre de la génération de Jésus-Christ ; et il le nomme Emmanuel, afin qu’on ne croît pas qu’il est seulement homme (car, dit saint Jean, ce n’est ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de la volonté de Dieu que le Verbe a été fait chair), et pour bien expliquer que Jésus et le Christ ne sont point deux personnes différentes, mais un seul et même Dieu.

C’est ce que saint Paul explique aussi dans son épître aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, choisi pour annoncer l’Évangile de Dieu ; que Dieu avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures, touchant son fils Jésus-Christ, lequel lui est né de la race de David selon la chair ; qui a été prédestiné fils de Dieu en puissance, selon l’esprit de sainteté, pas sa résurrection d’entre les morts, et qui est Jésus-Christ notre Seigneur. » Et plus loin, en parlant d’Israël, il ajoute : « Qui ont pour pères les patriarches, et de qui est sorti, selon la chair, Jésus-Christ même, le Dieu au-dessus de toutes choses, et béni dans tous les siècles. » Et dans l’épître aux Galates, il dit : « Mais lorsque les temps ont été accomplis Dieu a envoyé son fils formé d’une femme et soumis à la loi, afin qu’il rachetât ceux qui étaient sous la loi, et que nous devinssions ses enfants adoptifs. » Il exprime, en termes sublimes, que c’est un seul et même Dieu qui avait promis le Christ par ses prophètes ; que c’est un seul et même Jésus-Christ notre Seigneur qui est descendu, selon son humanité, de la race de David, et qui est venu au monde dans le sein de la vierge Marie ; que c’est ce même fils de Dieu, revêtu de la puissance, de la sanctification, selon le Saint-Esprit, qui est ressuscité des morts, afin qu’il soit le premier d’entre les morts, comme il est le premier de tous en toutes choses ; que ce Christ, fils de Dieu, s’est fait homme, afin de nous faire entrer dans son adoption ; son humanité embrassant l’humanité toute entière. C’est pour cela que saint Marc dit : « Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, fils de Dieu, comme il est écrit dans les prophéties. » Saint Marc confesse donc ce même Jésus-Christ, fils de Dieu, annoncé par les prophéties, né de la Vierge, de la race de David, nommé Emmanuel, chargé d’annoncer les sublimes desseins du Père, qui est le juste promis à la maison de David, qui a été montré au monde comme le signe du salut, qui est ce témoignage établi dans Jacob, suivant la parole de David ; et ce même prophète, expliquant la généalogie du Christ, dit : « Dieu a ordonné à nos pères de faire connaître ses prodiges à leurs enfants, pour que la génération future en eût connaissance, et que les enfants qui naîtront croissent pour les raconter à leur postérité, afin qu’ils mettent en Dieu leur espérance, et qu’ils gardent ses commandements. » Et lorsque l’ange annonce à Marie quel sera celui qui naîtra d’elle, il dit : « Il sera grand, et s’appellera le fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; » il fait connaître ainsi que le Christ est en même temps, comme homme et comme Dieu, fils du Très-Haut, et fils de David. Le prophète, instruit de son avènement futur par les lumières du Saint-Esprit, le proclame, en sa qualité de Dieu, roi des vivants et des morts, et nous le montre assis à la droite du Très-Haut.

Siméon, à qui le Saint-Esprit avait promis qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Messie, le reçut des mains de la sainte Vierge et le prit dans ses bras ; et bénissant le nom du Seigneur, s’écria : « Seigneur, laissez aller maintenant votre serviteur en paix, selon votre parole. Car mes yeux ont vu votre salut ; le salut que vous avez préparé devant la face de tous les peuples, comme la lumière qui éclairera toutes les nations et la gloire de votre peuple d’Israël. » Il proclame donc par ces paroles, que cet enfant qu’il tient dans ses bras, qui est né de la Vierge, est bien le Fils, Christ de Dieu, la lumière du monde, la gloire d’Israël, l’espérance et la consolation de ceux qui l’attendent dans les ombres de la mort. Car déjà, par sa présence sur la terre, il enlevait les dépouilles des hommes, c’est-à-dire qu’il dissipait leur ignorance, leur apportait le salut, et déjà faisait la séparation de ceux qui ont embrassé son culte ; car, dit Isaïe, « Hâtez-vous de dire son nom, hâtez-vous d’enlever les dépouilles et de les distribuer. » Il annonce ainsi qu’elles doivent être les œuvres du Christ. C’était donc ce Christ que Siméon prenait dans ses bras en louant le Très-Haut ; ce Christ, adoré par les bergers qui s’en retournaient en glorifiant Dieu ; ce Christ que saint Jean-Baptiste, étant encore dans le ventre de sa mère, saluait de joie, bien qu’il fût encore dans le sein de Marie ; ce Christ que les mages adorèrent en lui offrant des présents, qui mirent à ses pieds leur couronne, et s’en retournèrent ensuite par un autre chemin, sans passer par l’Assyrie, afin que cette prophétie d’Isaïe fût accomplie, quand il dit : « Avant que l’enfant puisse nommer son père et sa mère, la puissance de Damas sera détruite, et les dépouilles de Samarie seront portées en triomphe devant Assur. » Le sens de cette prophétie est que le Christ attaquait déjà, quoique d’une manière occulte, la puissance de l’enfer, Amalech ; car le Christ, encore enfant, apportait le salut aux enfants d’Israël, qui furent assez heureux pour naître dans le même temps que lui : tout enfant qu’il était, il appelait au martyre ces enfants des hommes ; car sa naissance à Bethléem fut l’occasion de ce massacre des innocents attesté par l’Écriture.

C’est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples, après sa résurrection : « Insensés, dont le cœur est si lent à croire ce que les prophètes ont annoncé, ne fallait-il pas que le Christ souffrît tout cela, et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? » Et il leur dit encore : « Voilà ce que je vous disais, lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophéties et dans les psaumes, fût accompli. Il leur ouvrit alors l’intelligence, afin qu’ils entendissent les Écritures ; et il leur dit : Il fallait, selon qu’il est écrit, que le Christ souffrît et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés à toutes les nations. » Or, le Christ qui parle ainsi est bien celui qui est né de la vierge Marie. « Il fallait, leur dit-il encore, que le Christ souffrît beaucoup, et qu’il fût rejeté par les sénateurs, et par les princes des prêtres, et par les scribes, et qu’il fût mis à mort, et qu’il ressuscitât après trois jours. » Il est donc certain que l’Évangile parle toujours du même Fils de l’homme, de celui qui est né de Marie et qui a souffert ; ce n’est donc point le Christ des gnostiques qui abandonne Jésus avant la passion ; mais ce Jésus-Christ, qui est né de Marie, est le même que les évangélistes reconnaissent pour être le fils de Dieu, le même qui a souffert et qui est ressuscité. Ce qui est encore attesté par saint Jean, le disciple du Seigneur, quand il dit : « Mais ces miracles ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » Ainsi, saint Jean a condamné d’avance ces fausses doctrines, qui font du Seigneur deux personnes différentes, et qui le présentent comme formé de deux substances étrangères l’une à l’autre. Il parle encore du Christ dans le même sens, lorsqu’il dit dans sa première épître : « Mes petits-enfants, c’est ici la dernière heure ; et comme vous avez ouï dire que l’antéchrist doit venir, maintenant aussi il y a plusieurs antéchrists ; ce qui nous fait connaître que la dernière heure approche. Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas de nous : car, s’ils eussent été de nous, ils seraient demeurés avec nous ; mais c’est afin qu’on reconnût que tous ne sont pas de nous. Vous êtes donc des hommes qui connaissent la vérité et qui savent que nul mensonge ne peut venir de la vérité ? Qui est-ce qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus-Christ soit le Christ ? Celui-là est un antéchrist. »

Tous les hérétiques donc, bien qu’ils confessent notre Seigneur Jésus-Christ, se mentent à eux-mêmes ; car ils disent une chose et en pensent une autre (nous avons montré combien leurs opinions sur ce sujet sont contradictoires) ; on sait qu’ils reconnaissent deux Christ ; l’un qui est né de la Vierge, qui a souffert, distinct de leur Demiurgos, subordonné à celui-ci, qui est fils de Joseph, et qui est passible ; et un autre Christ, venu du séjour des choses invisibles et ineffables, qui serait lui-même invisible, incompréhensible et impassible. Ainsi, ils sont dans l’erreur en ce qui concerne le Christ, parce qu’ils n’ont aucune opinion arrêtée sur la nature de Dieu. Ils ne veulent pas reconnaître le fils unique de Dieu dans son Verbe, uni à lui dans toutes les parties de son essence, et participant de sa volonté ; que ce Verbe est devenu le Christ, protecteur du genre humain, qui s’est fait chair, qui a souffert pour nous, est ressuscité pour notre salut, et qui doit venir de nouveau dans le sein de la gloire du Père pour ressusciter tous les morts, pour proclamer le triomphe des bons et juger tous ceux qui ont été placés sous sa loi. Il n’y a donc qu’un seul Dieu le père, et un seul Jésus-Christ, notre Seigneur, auquel tout est soumis et qui résume en lui toutes choses ; il est à la fois l’expression de Dieu et de l’homme : c’est parce qu’il résume en lui l’humanité, que d’invisible il est devenu visible, et d’incompréhensible compréhensible, d’impassible passible, Verbe homme, et symbole de toutes choses. Il gouverne, comme Verbe de Dieu, l’empire des choses célestes et spirituelles ; et, en qualité de Christ, il régit les choses visibles et corporelles, guidant l’Église comme son chef suprême, et rassemblant autour de lui tout l’ensemble du Christianisme.

Il n’y a donc rien en lui qui soit inachevé et incohérent ; de même que, dans le Père, où tout est en parfaite harmonie. Le Père prévoit tout ce qui doit arriver, et le Fils opère tout en son temps, suivant qu’il lui paraît convenable et utile. C’est ce qui explique pourquoi, aux noces de Cana, lorsque Marie dit au Christ que le vin manquait, et qu’elle semblait vouloir hâter ce miracle, il lui répondit : « Femme, qu’y a-t-il entre vous et moi ? mon heure n’est pas encore venue. » Il attendait donc ce moment qui est dans la prescience de Dieu le Père. Et encore, lorsque les princes des prêtres voulaient le faire saisir, n’est-il pas dit : « Mais nul n’étendit la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue, » c’est-à-dire l’heure de sa Passion, qui était connue à l’avance par Dieu le Père ? C’est dans le même sens que le prophète Habacuc dit : « Seigneur, sauve ton peuple au milieu de nos années. Au milieu de nos jours, fais éclater ta puissance, au temps de ta colère, souviens-toi de ta miséricorde. » Saint Paul dit aussi : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils formé d’une femme, et soumis à la loi. » On voit donc que les évènements qui étaient dans la prescience du Père ont été accomplis dans leur ordre, leur temps et leur heure, par notre Seigneur Jésus-Christ, subsistant toujours le même, quoique infini et divers dans son unité ; il accomplit tous les décrets du Père, quelque multipliés et divers qu’ils soient, car il est à la fois le sauveur qui sauve, le maître qui gouverne, le Dieu de tout ce qui est créé, le fils unique du Père, le Christ qui a été promis, et le Verbe de Dieu qui s’est incarné, lorsque l’heure fut venue où il fallait que le fils de Dieu devînt le fils de l’homme.

Ils se rendent donc indignes du bienfait de la Rédemption, tous ceux qui, sous le prétexte de perfectionner la foi, divisent notre Seigneur en plusieurs personnes : l’une qu’ils appellent Jésus, l’autre le Christ ; une autre, le Fils unique de Dieu, (celui-ci pour eux est aussi le Verbe) ; une autre, le Sauveur, que quelques-uns de ces hérétiques font sortir du sein de ces êtres qu’ils nomment les Æons. Ces faux docteurs, si l’on s’en fie aux apparences, ressemblent à des agneaux, mais au dedans et d’après leurs mauvais desseins, ils sont des loups dévorants ; ils affectent de parler comme nous et de ne pas combattre nos croyances afin de mieux tromper, mais leur système est mortel à la foi, car il en résulterait qu’il y a en même temps plusieurs Dieux le père ; quant au fils de Dieu, ils le réduisent à rien à force de le diviser. Notre Seigneur lui-même nous a avertis de nous tenir en garde contre les faux apôtres, et le disciple saint Jean nous donne le même avertissement dans cette épître que nous avons déjà citée, et où il dit : « Plusieurs imposteurs se sont répandus dans le monde, et ils ne reconnaissent point que Jésus-Christ est venu avec une chair véritable. Ce sont des séducteurs et des antéchrists. Veillez sur vous-mêmes, afin que vous ne perdiez pas les bonnes œuvres que vous avez faites. » Il dit encore dans une autre épître : « Il est venu beaucoup de faux prophètes dans le monde. Voici à quoi vous reconnaîtrez qu’un esprit est de Dieu : tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu avec une chair véritable est de Dieu, et tout esprit qui divise Jésus-Christ n’est point de Dieu, et c’est là l’antéchrist. » Or, ces déclarations se rapportent à ce qui est dit dans le même évangile de saint Jean, et le Verbe a été fait chair et il a habité parmi nous. C’est ce qui lui fait dire encore : « Quiconque croit que Jésus est le Christ, et qu’il est né de Dieu, » il croit que c’est ce même et unique Jésus-Christ que le ciel a reçu dans son sein lors de son ascension, et qui viendra encore à la fin des temps, revêtu de cette même chair, pour faire éclater la gloire de son Père.

Saint Paul a professé la même doctrine, lorsque écrivant aux Romains, il leur dit : « À plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice règneront dans la vie par le seul Jésus-Christ. » Vous voyez donc bien que saint Paul ne reconnaît pas avec les gnostiques ce Christ qui s’est séparé de Jésus, ni ce prétendu Sauveur qui ne se serait point montré sur la terre, et qui serait d’une nature impassible. Dire que l’un a souffert, et que l’autre est impassible ; que l’un est né sur la terre, tandis que l’autre a visité celui-ci et l’a ensuite abandonné, c’est bien évidemment comme si l’on disait qu’il y a deux Christ. C’est, au contraire, pour montrer que celui qui est né de la Vierge, et celui qui a souffert est bien le même Christ, que l’apôtre saint Paul, dans l’épître que nous venons de citer, dit : « Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? afin que comme Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire de son Père, nous marchions aussi dans une vie nouvelle. » Et dans un autre endroit, voulant exprimer que le Christ qui a souffert est véritablement le fils de Dieu qui est mort pour notre salut, et qui nous a rachetés de son sang dans le temps marqué par les prophéties, il dit : « En effet, pourquoi, lorsque nous étions encore dans les langueurs du péché, Jésus-Christ est-il mort au temps marqué, pour des impies comme nous ? Mais Dieu a fait éclater son amour envers nous, en ce que lors même que nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous au temps marqué. Maintenant donc que nous sommes justifiés par son sang, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu. Et si, lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son fils, à plus forte raison, étant ressuscités, serons-nous sauvés par la vie de ce même fils. » Saint Paul annonce donc bien que c’est le même Christ qui a été emprisonné, qui a souffert, qui a répandu son sang pour nous, qui est ensuite ressuscité, et est monté au ciel, comme il le dit aussi : « Jésus-Christ est non-seulement mort, mais encore ressuscité, et il est à la droite de Dieu, où il intercède pour nous. » Et encore ailleurs : « N’ignorant pas que Jésus-Christ, étant ressuscité d’entre les morts, ne meurt plus. » Ensuite, dans la prévoyance des hérésies et des divisions auxquelles les fidèles seraient exposés par la venue des faux docteurs, et pour les prémunir contre ces dangers, il dit : « Si donc l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ rendra aussi la vie à vos corps mortels, à cause de son esprit qui habite en vous. » Saint Paul ne semble-t-il pas, par ces paroles, crier à tous ceux qui veulent l’entendre : Ne vous y trompez pas ; il n’y a qu’un seul Jésus-Christ, fils unique de Dieu, qui, par sa passion, nous a réconciliés avec Dieu, qui est ressuscité d’entre les morts, qui est assis à la droite de son père, enfin qui est la perfection même ; qui, lorsqu’il était frappé, ne rendait pas coup pour coup ; qui, lorsqu’on le maltraitait ne menaçait pas, et qui priait de pardonner à ses bourreaux qui le crucifiaient ? C’est donc bien lui qui est notre Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, le fils unique du Père.

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