Contre les hérésies

LIVRE QUATRIÈME

CHAPITRE XXIII

Les patriarches et les prophètes n’ont reçu la mission d’être la figure du Christ que pour préparer les générations futures à recevoir la foi du Christ. La tâche des apôtres a donc été moins grande en ce qu’ils ont profité des travaux de ces premiers justes.

C’est ce que notre Seigneur Jésus-Christ a voulu exprimer, quand il disait à ses disciples : « Moi je vous dis : Levez vos yeux et regardez les campagnes, car elles blanchissent et sont prêtes pour la moisson. Or, celui qui moissonne reçoit un salaire et assemble des fruits pour la vie éternelle, afin que celui qui sème et celui qui moissonne soient tous deux pleins de joie ; car, en cela, il est vrai que l’un sème et que l’autre moissonne. Je vous ai envoyé moissonner où vous n’avez point travaillé ; d’autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leur travail. » Or, quels sont ceux qui ont travaillé avant les apôtres et qui ont accompli les desseins de Dieu ? Il est évident que ce sont les patriarches et les prophètes qui ont été la figure des chrétiens à venir, et qui ont annoncé au monde l’avènement du Christ sur la terre, avec toutes ses circonstances. Par ce moyen, les générations futures, instruites par les prophètes de ce qui devait arriver, et remplies ainsi de la crainte de Dieu, auraient plus facilement foi dans le Messie quand il viendrait. Aussi, lorsque saint Joseph, sachant que Marie avait conçu, pensait à la renvoyer en secret, un ange lui apparut en songe et lui dit : « Ne crains point de prendre Marie pour ton épouse ; car ce qui est né en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jésus, parce que lui-même délivrera son peuple de ses péchés. » Et l’ange ajouta : « Et tout cela fut fait pour accomplir ce que le Seigneur avait dit par le prophète : Voilà qu’une vierge concevra, et elle enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. » Ainsi, c’est en rappelant les paroles du prophète, que l’ange éclaire Joseph sur sa position et celle de Marie ; il lui peint celle-ci, telle que le prophète Isaïe l’avait annoncée, en la désignant comme la vierge de qui naîtrait Emmanuel. Joseph donc, raffermi par les paroles de l’ange, continua à garder Marie pour épouse, surveilla avec joie l’enfance du Christ, le conduisant en Égypte, le ramenant ensuite et le conduisant à Nazareth. Il passait même pour son père aux yeux de ceux qui ne connaissaient pas les promesses de Dieu, et le mystère de l’incarnation du Verbe. Notre Seigneur, se trouvant un jour à Capharnaüm, et lisant les prophéties d’Isaïe, tomba sur ce passage ; « L’esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré par son onction pour évangéliser les pauvres, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour annoncer aux captifs leur délivrance, et aux aveugles que la vue va leur être rendue. Expliquant ensuite que cette prophétie concernait son propre avènement, il ajouta : « Aujourd’hui cette parole de l’Écriture que vous avez entendue est accomplie. »

Lorsque l’apôtre Philippe rencontra l’eunuque de la reine d’Éthiopie, qui lisait ce passage de l’Écriture : « Il sera conduit à la mort comme un agneau, il sera muet comme une brebis devant celui qui la tond, il est mort au milieu des angoisses, après un jugement ; » ensuite tout ce qui est relatif à son avènement sur la terre, à sa passion, à toutes les humiliations dont il a été abreuvé par ceux qui ne voulurent pas croire en lui, Philippe n’eut pas de peine à persuader à cet homme que le Christ dont parle le prophète était le même qui a été crucifié sous Ponce-Pilate, et qui a souffert ; et que ce Christ est le fils de Dieu, qui a apporté le salut éternel aux hommes, il le baptisa alors, et puis il le quitta aussitôt. Cet homme, en effet, n’avait plus rien à apprendre ; car il avait été converti et enseigné par le prophète même. Il s’était instruit à cette lecture de la connaissance de Dieu, de ses desseins ; il n’ignorait plus qu’une chose, c’était la venue du fils de Dieu. À peine eut-il appris cet événement de la bouche de l’apôtre, qu’il s’en alla rempli de joie ; et bientôt après on l’entendit prêcher la foi du Christ en Éthiopie. Philippe n’eut donc pas de peine, comme nous l’avons dit, à le convertir, parce que la lecture des prophéties l’avait rempli de la crainte de Dieu en le disposant à la foi. C’est ainsi que les apôtres ramenaient au bercail, par leurs prédictions, les brebis égarées du troupeau d’Israël, en prêchant que le Christ qui avait été crucifié n’était autre que le Christ, fils du Dieu vivant ; ils convertissaient en foule ceux qui avaient déjà la crainte de Dieu. Aussi dans un seul jour en convertissaient-ils trois, et quatre et jusqu’à cinq mille.

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