Contre les hérésies

LIVRE CINQUIÈME

CHAPITRE XXV

Règne tyrannique de l’antéchrist. Son esprit de fraude, d’orgueil, d’après les prédictions de Daniel et de saint Paul.

L’esprit de rébellion et d’usurpation du démon, non content de tous les maux qu’il a produits jusqu’à présent, se donnera de nouveau carrière, lorsque les temps de l’antéchrist seront venus ; alors, pour cacher son apostasie et sa rébellion, il voudra se faire adorer comme un Dieu, et, pour se venger de son état de subordination, il voudra qu’on le proclame roi. L’antéchrist sera investi de tout ce que le démon peut avoir de puissance ; il viendra, non comme un roi qui est soumis à Dieu, qui respecte la justice et la loi, mais au contraire il sera le représentant de tous les vices et de tous les crimes, l’impiété, l’injustice, le mépris de toutes les lois divines et humaines, l’apostasie, le meurtre et l’iniquité : il se fera élever des temples, et voudra faire croire qu’il est un dieu ; toutes les autres idoles tomberont devant la sienne, parce qu’il représentera à lui seul toutes les erreurs attachées au culte des faux dieux. Ainsi tous ceux qui adorent le diable, en s’adonnant à une foule de vices divers, réuniront leurs adorations en lui seul ; c’est dans ce sens qu’en parle l’apôtre dans la deuxième épître aux Thessaloniciens, où il dit : « Ne vous laissez séduire en aucune manière par qui que ce soit ; car ce jour ne viendra point qu’auparavant l’apostasie ne soit arrivée, et qu’on n’ait vu paraître l’homme du péché, l’enfant de perdition, qui, s’opposant à Dieu, s’élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé dieu ou qui est adoré, jusqu’à établir son trône dans le temple de Dieu, s’y montrant comme un dieu. » L’apôtre annonce donc hautement à l’avance quelle sera son apostasie ; comment il s’élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé dieu, ou de ce qui est adoré comme tel (car ce sont là toutes ces divinités chimériques inventées par les hommes, et qui ne sont pas des dieux), et comment, par toutes sortes de tyrannies, il voudra se faire passer pour dieu.

Nous avons vu, par tout ce qui a été dit précédemment, et par les preuves que nous en avons données, que le temple du vrai Dieu a été établi dans Jérusalem ; l’apôtre lui-même nous le certifie positivement. Nous avons vu de plus, dans le troisième livre, que les apôtres n’ont jamais donné nominativement le nom de dieu qu’au seul et véritable, au père du Christ ; c’est par l’ordre de Dieu même que ce vrai temple a été construit, ainsi que nous l’avons dit ; c’est précisément là que l’antéchrist établira le siège de sa puissance, cherchant à faire croire qu’il est lui-même le Christ, comme notre Seigneur nous l’annonce, lorsqu’il dit : « Quand donc vous verrez dans le lieu saint l’abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, que celui qui lit, entende ; alors, que ceux qui sont dans la Judée s’enfuient sur les montagnes ; que celui qui sera sur le toit ne descende point pour emporter quelque chose de sa maison ; car la tribulation sera grande, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. »

Daniel a vu dans sa vision la fin des empires de la terre, c’est-à-dire les dix derniers rois qui possèderont les contrées dont viendra s’emparer le fils de la perdition ; et ces dix royaumes, dans sa vision, sont représentés par les dix cornes de la bête ; il voit un rejeton de corne pousser parmi les dix cornes, et trois de ces dernières qui sont enlevées de sa face : « Et voilà que des yeux, comme des yeux de l’homme, étaient en cette corne, et une bouche qui proférait de grandes choses. Et cette bête était plus grande que les autres. Je regardais : et voici que cette corne faisait la guerre aux saints et prévalait sur eux, jusqu’à ce que l’ancien des jours fût venu, et qu’il eût donné son jugement aux saints du Très-Haut. Et le temps vint, et les saints obtinrent le royaume. » Expliquant ensuite les différents sujets de sa vision, il dit : « La quatrième bête sera le quatrième royaume, lequel sera plus grand que tous les royaumes, et dévorera toute la terre, et la foulera et la brisera. Mais les dix cornes de ce royaume seront les dix rois ; et un autre s’élèvera auprès d’eux, qui sera plus puissant que les premiers, et il humiliera trois rois ; et il parlera orgueilleusement contre le Très-Haut, il brisera ses saints ; et il croira qu’il peut changer les temps et les lois, et les hommes seront livrés en sa main jusqu’à un temps et un temps et la moitié d’un temps ; » ce qui signifie trois ans et six mois, après quoi commencera le règne du Christ. Voici comment saint Paul, dans la deuxième épître aux Thessaloniciens, parle de son avènement et des causes qui le provoqueront : « Cet homme qui viendra selon la puissance de satan, faisant des miracles, des signes et des prodiges menteurs, et avec toutes les illusions de l’iniquité, sur ceux qui périront pour n’avoir pas reçu et aimé la vérité, afin d’être sauvés. C’est pourquoi Dieu leur enverra cet impie, qui, par de puissantes impostures, leur persuadera le mensonge, afin que tous ceux qui n’ont point cru à la vérité et qui ont consenti à l’iniquité soient condamnés. »

Notre Seigneur lui-même a annoncé les mêmes choses aux incrédules, quand il leur a dit : « Je suis venu au nom de mon Père et vous ne me recevez point ; et lorsqu’un autre viendra disant qu’il vient en son propre nom, vous le recevrez. » Par un autre, il désigne l’antéchrist, qui est l’ennemi de Dieu, et ce juge inique, dont notre Seigneur parle dans l’Évangile, qui ne craint point Dieu et ne s’inquiète pas des hommes. La veuve, qui a oublié Dieu, c’est-à-dire la Jérusalem terrestre, s’adresse à lui pour avoir justice contre son ennemi. Ceci est la figure de ce que fera l’antéchrist pendant qu’il règnera ; car il fera de Jérusalem le siège de son empire, il mettra son trône au milieu du temple, afin de se faire adorer comme s’il était le Christ. C’est là ce qui fait dire ensuite à Daniel : « Et la désolation sera dans le lieu de la sanctification. Or, la puissance lui a été donnée contre le sacrifice continuel, à cause des péchés, et la vérité sera abattue sur la terre, et cette force vivra et prospérera. » Ensuite l’ange Gabriel, expliquant la vision de Daniel, dit de l’antéchrist : « Et après leur règne, un roi, au front impudent, viendra et comprendra les mystères. Et sa force sera affermie, mais non par sa propre vertu ; et il dévastera toutes choses au-delà de ce qu’on peut croire, et il prospérera ; et il tuera les forts et le peuple des saints, selon sa volonté. La fraude sera en ses mains ; et il se glorifiera en son cœur, et au milieu de son abondance il en fera périr plusieurs, et il s’élèvera contre le prince des princes. » Après cela Daniel marque la durée de son règne tyrannique, pendant lequel la persécution se fera contre les saints qui offrent le pur sacrifice à Dieu, et il dit : « Au milieu d’une semaine l’oblation et le sacrifice cesseront ; et l’abomination de la désolation sera dans le temple, et persévérera jusqu’à la consommation et à la fin. » Or, le milieu d’une semaine veut dire trois ans et demi.

Il résulte de tout cela que les Écritures nous indiquent à quels signes on reconnaîtra le roi de l’apostasie, quelles seront les œuvres de cet antéchrist, qui résumera en lui seul toute la méchanceté des enfers ; mais nous trouvons de plus dans ces prophéties la preuve que le véritable et unique Dieu le père, que les prophètes ont annoncé, est le même que celui qui a été prêché par le Christ. Car nous voyons dans l’Évangile la confirmation, par notre Seigneur Jésus-Christ, de toutes les choses annoncées par Daniel, lorsqu’il nous dit : « Quand vous verrez dans le lieu saint l’abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, que celui qui lit entende. » Il annonce hautement le caractère d’unité de l’ancien et du nouveau Testament, où le même Dieu est prêché, celui qui a envoyé les prophètes, et ensuite son Fils, pour opérer notre salut. Ajoutons que cet ange Gabriel, qui explique la vision d’Isaïe, est l’archange de Demiurgos, celui qui fut envoyé plus tard à la vierge Marie pour lui annoncer l’avènement et l’incarnation du Messie.

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