Traité de la divinité de Jésus-Christ

Chapitre II

Suite de la même preuve.

Pour mieux comprendre que cet ange, qui se révèle à Moïse, a entrepris sur les intérêts de la gloire du Dieu souverain, supposé que ce soit ici une simple créature, vous n’avez qu’à remarquer trois choses considérables sur ce sujet. La première est que le dessein de Dieu a été d’élever Jésus-Christ par-dessus tous les anges ; car il a été dit de lui : Que tous les anges l’adorent. Il a obtenu un nom plus excellent qu’eux ; c’est la doctrine de l’auteur sacré. Car auquel des anges, a-t-il dit, sieds-toi à ma droite jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis pour le marchepied de tes pieds ?

La seconde chose qu’il faut remarquer est que Jésus-Christ, selon nos adversaires, a été élevé par-dessus les anges, non à l’égard de sa nature étant certain que la nature de l’ange est précisément en soi au-dessus de l’excellence de la nature humaine, mais à l’égard de l’office, des charges, ou des dons qu’il a reçus ; car c’est seulement par son office qu’il est appelé Dieu, s’il faut s’en rapporter à leur sentiment.

La troisième est que, si c’est un ange qui apparaît aux patriarches, à Moïse, et qui délivre les Israélites de leur captivité, il faut demeurer d’accord que, contre le dessein de Dieu, un ange a été plus élevé et plus honoré que Jésus-Christ.

En effet, Jésus-Christ, selon nos adversaires, a été nommé Dieu par quelque espèce d’analogie, et celui-ci est appelé le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Jésus-Christ, selon eux, n’aura été adoré que d’une adoration subalterne : celui-ci se fait adorer comme l’Être souverain : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu. Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. Jésus-Christ se sera attribué les ouvrages de Dieu : cet ange se les attribuera plus clairement encore, en disant : Qui est-ce qui a fait le sourd, ou le muet, ou le voyant, ou l’aveugle ? N’est-ce pas moi le Seigneur ? Je suis l’Éternel ton Dieu, qui t’ai retiré hors du pays d’Egypte, de la maison de servitude. Il aura été nommé d’ailleurs le Dieu possesseur du ciel et de la terre, la frayeur d’Isaac, celui qui fait croître les moissons, le Juge de toute la terre, devant lequel Abraham n’était que poudre et que cendre, etc., car il paraît que c’est du même ange de l’Éternel que toutes ces choses sont dites.

Que si cet ange a pris des noms et des titres que nos adversaires refusent à Jésus-Christ lui-même, ils doivent demeurer d’accord que cet ange usurpe la gloire de Dieu ; et s’il usurpe la gloire de Dieu, qu’il est l’idole des Israélites, qu’il les engage dans l’impiété et dans l’idolâtrie. Or, supposé qu’il les engage dans l’impiété et dans l’idolâtrie, il paraît incontestable que la religion qu’enseigne cet ange n’a point assez de caractère pour la distinguer de la magie : vous y trouvez véritablement des choses merveilleuses et surnaturelles, mais vous les trouvez opérées par un esprit qui usurpe la gloire du vrai Dieu, qui même ose vous prescrire de n’avoir point d’autre Dieu devant sa face ; ce qui fait un caractère de l’esprit des ténèbres : et quelle horrible pensée, quel soupçon plein de blasphème et d’extravagance ne serait-ce point que celui-là ! L’esprit des ténèbres s’intéresse-t-il dans la piété et dans la sainteté des hommes, pour leur donner une loi si parfaite et si pure ? Non sans doute ; et vous pouvez conclure de là que le principe qui nous conduit à cette imagination monstrueuse ne peut être que très faux.

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