Fais-nous connaître le Père

Dieu est saint

J'étais invité à prêcher dans une église où j'avais déjà pris la parole cinq ans plus tôt. Comme mon répertoire est plutôt limité, mon message ressemblait étrangement au premier. J'espérais que dans les cinq années qui s'étaient écoulées entre les deux, la communauté avait été frappée d'une forme légère d'amnésie. J'y reprenais certaines des notions qui figurent dans ce livre : Dieu nous aime sans condition ; Jésus est mort pour tous nos péchés ; Dieu nous a réconciliés avec lui-même ; et en Christ nous sommes une nouvelle créature.

Après le culte, un homme grand et corpulent s'approcha de moi, me toisa du regard et me montra un petit objet, sans dire un mot. Je regardai de plus près et vis que c'était le CD de mon sermon cinq ans plus tôt. J'en conclus aussitôt qu'il s'apprêtait à me reprocher mon manque de diversité.

Je tentai l'ironie :

« Je m'excuse d'avoir délivré un message aussi semblable au précédent. Mais il faut me comprendre : je n'ai que celui-ci. »

C'est alors que je vis une larme rouler sur sa joue.

« Je ne suis pas venu vous reprocher d'avoir repris le même sermon, mais pour vous remercier. Ce que vous avez dit il y a cinq ans a complètement changé ma vie. J'ai grandi dans une église très légaliste où, semaine après semaine, j'entendais parler de la colère de Dieu et de mon incapacité à le satisfaire. Je vivais chacune de mes journées dans la crainte de l'offenser et je n'éprouvais aucun amour pour lui. Quand j'ai entendu votre sermon, j'ai été bouleversé au plus profond de moi. J'ai acheté le CD ; je l'ai écouté des dizaines et des dizaines de fois et j'en ai fait des copies que j'ai offertes à tous ceux que je connaissais. Je suis officier de police et il est rare que je cède ainsi à l'émotion… Je veux simplement vous remercier pour ce message. »

Nous échangeâmes une accolade, et il pleura. J'étais bouleversé par son témoignage. Je le regardai s'éloigner, tout à ma joie d'avoir eu un impact dans la vie de quelqu'un. Me tournant vers Dieu, je le remerciai en silence. Cette expérience ne faisait que renforcer ma conviction du caractère révolutionnaire de l'annonce de l'amour inconditionnel de Dieu.

C'est alors que je remarquai une jeune femme qui attendait pour me parler. Je m'approchai d'elle et me présentai. Le visage éclairé d'un grand sourire, elle me dit : « Merci beaucoup pour ce sermon. Il est très libérateur. »

Elle sourit de nouveau, avant de poursuivre :

« Voyez-vous, cela fait six mois que je vis avec mon petit ami. Comme j'ai grandi dans une église qui considérait cela comme un péché, je me sentais extrêmement coupable. Mais vous avez dit ce matin que Dieu nous aime sans condition et que Jésus a pardonné tous nos péchés, et j'ai compris que ma mauvaise conscience n'avait pas lieu d'être. Jésus a payé pour tout cela ! Je voulais donc simplement vous remercier pour un message aussi déculpabilisant. »

Elle me serra la main et s'éloigna d'un pas léger, comme une femme à qui son médecin venait d'annoncer qu'elle n'avait pas de cancer.

Mon cœur se serra. Je pris soudain conscience qu'en présentant l'amour inconditionnel de Dieu, je ne présentais qu'une partie de la vérité. Ce que cette jeune femme n'avait pas compris, et que je pus lui expliquer par la suite, c'est que notre Dieu aimant est aussi « un feu dévorant » (Hébreux 12.29). Pour redoutable que puisse paraître cette perspective, c'est en fait une très bonne nouvelle. Cette jeune femme avait besoin d'un enseignement sur la sainteté et la pureté de Dieu. Fort heureusement, ce ne fut pas notre dernière discussion.

Des récits erronés

J'ai essayé jusque-là de dénoncer quelques-uns des récits erronés qui ont cours dans beaucoup de milieux religieux : celui du Dieu sévère qui nous juge durement ou du Dieu qu'il faut cajoler pour qu'il pardonne même nos infractions les moins graves. J'ai voulu montrer que ce n'est pas là le Dieu que Jésus connaît, aime et proclame et que l'amour de Dieu n'est pas subordonné à nos actes. Dieu est amour. Dieu aime même les pécheurs. On a coutume de faire suivre cette affirmation de : « … mais il hait le péché » ce qui, j'en ai la ferme conviction, est parfaitement juste.

Il existe essentiellement deux récits dominants à cet égard parmi les chrétiens, et les deux sont également faux.

Dieu est plein de colère. Il y a ceux qui pensent que Dieu est toujours furieux, que la colère fait partie intégrante de sa nature, parce qu'il est saint et que le monde ne l'est pas. Une femme m'a dit un jour : « Dans mon idée, Dieu est fâché contre moi, mais il me supporte jusqu'à ce que j'agisse vraiment très mal. Ce jour-là, je me demande comment il va me punir… » Ce récit est très répandu. Les gens pensent que Dieu s'irrite de tout péché qu'il voit et qu'il est prêt à abattre le marteau divin le jour où il en aura vraiment assez. Mais la Bible nous dit aussi que « Dieu a tant aimé le monde » et que « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même ». Le récit peut alors légèrement changer : Dieu le Père s'irrite effectivement de voir tous nos péchés et il nous enverrait en enfer si Jésus, son Fils, n'avait pas subi le châtiment à notre place. Cette variante permet de concilier la colère de Dieu et son pardon.

Dieu ne se préoccupe pas de notre péché. Mais il existe un autre récit qui est également en vogue, surtout dans notre monde postmoderne. Beaucoup ont abandonné aujourd'hui les récits du « Dieu en colère » et croient qu'il est exactement l'inverse. À notre époque, vous avez autant de chances d'entendre une personne vous dire que son Dieu est un esprit cosmique et bienveillant, qui ne juge jamais, ne punit pas le péché et n'envoie personne en enfer : le « Dieu nounours » est devenu une alternative très à la mode au Dieu en colère d'autrefois.

Si vous suivez les débats télévisés populaires, vous entendez souvent parler de ce Dieu-là. Son succès se comprend aisément. Un esprit aimant désireux de bénir tout le monde est certainement préférable au « Marquis de Dieu » cruel et sadique, prêt à envoyer une personne au tourment éternel parce que sa doctrine n'est pas juste ou qu'elle est impuissante face à un certain péché.

H. Richard Niebuhr, célèbre professeur de théologie et d'éthique qui a enseigné pendant plusieurs décennies à l'Université de Yale, a fait remarquer, avec la perspicacité qui le caractérise, que le récit religieux moderne enseigne qu'« un Dieu sans colère a placé des hommes sans péché dans un royaume sans jugement au travers du ministère d'un Christ sans croix ».

Cette citation montre qu'un certain nombre de récits du christianisme orthodoxe s'articule nécessairement autour de la question du péché. Le récit d'un Dieu pour qui le péché n'a pas d'importance mine donc forcément la doctrine chrétienne dans son ensemble. La vérité est que Dieu manifeste sa colère à l'égard du péché, qu'un jugement nous attend dans son royaume et que Jésus n'est pas mort sur la croix pour rien.

Le « Dieu nounours » semble attirant à première vue. Mais lorsque vous considérez le monde ou que vous regardez tout au fond de votre propre cœur, vous prenez conscience d'une obscurité contre laquelle ce Dieu est impuissant. Aussi étrange que cela puisse vous paraître, il me semble que la colère de Dieu fait partie intégrante de sa majesté et de son amour. Avant que nous ne développions ce point, c'est une fois de plus vers Jésus que nous devons nous tourner pour avoir une idée juste et équilibrée du caractère de Dieu.

Le récit de Jésus : la colère est la juste réaction de Dieu

Nous nous imaginons souvent Jésus comme un être débonnaire, qui se promenait parmi les fleurs des champs et parlait de paix et d'amour. Nous avons l'image d'un Jésus qui sifflotait tout en travaillant, des oiseaux perchés sur ses épaules, tandis que des souris l'aidaient dans l'atelier de charpentier. (Non, attendez, je confonds avec Cendrillon !) Quoi qu'il en soit, nous sommes souvent plus à l'aise avec ce genre de personnage qu'avec celui qui apparaît dans les pages de la Bible. Pour rétablir la vérité, voyons ce que Jésus a à nous dire sur le jugement et la colère. Les cinq passages suivants révèlent une autre dimension de Dieu.

« Ne vous en étonnez pas ; car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection et la vie, ceux qui auront pratiqué le mal pour la résurrection et le jugement. » (Jean 5.28-29, CARACTÈRES GRAS DE L'AUTEUR)
« Je vous le dis : au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée. Car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné. » (Matthieu 12.36-37, CARACTÈRES GRAS DE L'AUTEUR)
« Car le Fils de l'homme va venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon sa manière d'agir. » (Matthieu 16.27, CARACTÈRES GRAS DE L'AUTEUR)
« Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Car il y aura une grande détresse dans le pays, et de la colère contre ce peuple. » (Luc 21.23, CARACTÈRES GRAS DE L'AUTEUR)
« Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne se confie pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » (Jean 3.36, CARACTÈRES GRAS DE L'AUTEUR)

On n'associe pas souvent des termes comme jugement et colère à Jésus. Nous devons cependant à la vérité de reconnaître qu'il a fréquemment parlé de ces sujets. Comment pouvons-nous intégrer ces enseignements à ceux que nous avons évoqués jusqu'ici ? Comment arriver à comprendre un Dieu dont Jésus nous dit qu'il ressemble à un père qui fête le retour de son fils rebelle, et qui en même temps tourne sa colère contre ceux qui le rejettent ? Pour cela, il nous faut regarder de plus près ce que Jésus entend par jugement et colère.

Il est difficile de concilier l'amour de Dieu et sa colère. La plupart des gens n'y arrivent pas et décident simplement d'opter pour l'un ou pour l'autre. Mais nous ne pouvons pas faire l'impasse sur cette démarche, parce que Jésus ne nous permet pas de choisir. Nous avons besoin des deux pour avoir une compréhension juste et complète de Dieu. Comme l'a dit Paul : « Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi » (Romains 11.22, CARACTÈRES GRAS DE L'AUTEUR).

Dieu est à la fois bon et sévère. Il est impossible d'avoir l'un sans l'autre. Et c'est là, en réalité, une très bonne nouvelle.

Passion et pathos

Le président américain Thomas Jefferson était un homme de science qui ne croyait pas aux miracles, mais qui néanmoins éprouvait une grande sympathie pour Jésus. Malheureusement pour lui, dans la Bible, les enseignements moraux de Jésus côtoient les récits de ses miracles, comme la multiplication des pains, les diverses guérisons et bien d'autres. Jefferson imagina donc une solution très pragmatique pour résoudre ce conflit : il prit une paire de ciseaux et découpa les récits des miracles. Il ne lui resta plus que les enseignements de Jésus, dont il enleva également ceux qui lui semblaient un peu excessifs. À la fin, il se retrouva avec un Jésus à son goût.

Il est tentant d'agir ainsi. Je suppose que j'en fais autant à ma propre manière, sans ciseaux : je saute les parties que je n'aime pas et m'attarde sur les autres. Mais ce n'est pas une bonne stratégie. Elle nous fait passer à côté d'aspects importants de Dieu et de la vie chrétienne. Et la pièce manquante peut faire toute la différence.

Comme Thomas Jefferson, le théologien Albrecht Ritschl (1822-2889) n'aimait pas l'idée d'un Dieu de colère. « Le concept de la colère de Dieu, écrit-il, n'a pas de valeur religieuse pour le chrétien. » Aussi réinterpréta-t-il la notion de colère, qu'il définit comme la conséquence logique de l'absence de Dieu et non pas l'attitude divine envers le péché et le mal. Cette conception remporta un vif succès parce qu'elle présentait un Dieu qui est au-dessus de la colère. Ce Dieu passif-agressif garde simplement le silence.

Ce Dieu nous plaît parce que nous avons du mal à renoncer à nos projections humaines au sujet à la fois de l'amour et de la colère. L'amour évoque pour nous une émotion ou un sentiment souvent irrationnels. La plupart des chansons d'amour que nous entendons à la radio décrivent un torrent d'émotions qu'une personne ressent pour l'être aimé, au point de vouloir marcher de plaine en montagne ou franchir les océans, simplement pour être avec lui ou elle. En réalité, personne ne fera çà. Après deux ou trois pentes raides, le sentiment commencera à s'estomper et, s'il devait choisir, l'amoureux affamé préférerait un cheeseburger à sa bien-aimée. Et gageons qu'après le premier océan (ou même le premier lac), la flamme s'éteindrait.

C'est pourquoi, lorsque nous lisons que « Dieu est amour », nous nous imaginons qu'il est follement amoureux de nous. Mais l'amour – particulièrement celui qui traduit le mot grec agape – se définit différemment. Aimer, pour reprendre les termes de Dallas Willard, c'est « vouloir activement le bien de l'autre » ; ce n'est pas d'abord une émotion. L'amour est le désir du bien-être de l'autre et il peut aller jusqu'au sacrifice de soi. Ce n'est pas que l'amour de Dieu soit dénué de passion, mais il ressemble beaucoup plus à celui d'un père ou d'une mère pour son enfant qu'à l'émoi de deux adolescents épris l'un de l'autre. En d'autres termes, l'amour de Dieu n'est pas une émotion qui va et vient.

Il en est de même du mot colère. Nous pensons aussitôt à la perte de la maîtrise de soi, à une crise soudaine et irrationnelle. Aussi, quand nous parlons de la colère de Dieu, nous imaginons qu'il a perdu le contrôle de lui-même et qu'il est prêt à faire « tomber des têtes ». Or, la manière que l'amour de Dieu n'est pas un sentiment mièvre, mais le désir tenace de vouloir le bien de ses enfants, sa colère n'est pas une fureur incontrôlée, mais plutôt une opposition constante au péché et au mal. Nous déclarons que Dieu hait le péché et non le pécheur, mais même là, l'idée que Dieu puisse haïr quelque chose nous semble indigne de lui. En fait, si nous avons du mal à accepter les notions de colère de Dieu, de jugement et de condamnation, c'est parce que les seuls exemples que nous avons de ces concepts sont terriblement négatifs.

Il est important de comprendre que, dans la Bible, la colère de Dieu est pathos et non passion. Anchor Bible Dictionary, un dictionnaire international et interconfessionnel en six volumes, explique ainsi la différence :

« La Bible hébraïque établit une distinction entre la colère de Yahweh et l'irritation humaine. À certains égards, c'est ce qui différencie fondamentalement ‘passion’ et ‘pathos’. La passion peut être comprise comme une convulsion émotionnelle… et… une perte de la maîtrise de soi… ‘Pathos’, en revanche, est un acte réfléchi et intentionnel, le résultat d'une détermination et d'une décision. »

La colère de Dieu n'est pas, comme la colère humaine, une passion irréfléchie et irrationnelle. Elle est une réponse délibérée, objective, rationnelle. Elle est en réalité un acte d'amour. Dieu n'est pas indifférent ou hésitant face au mal. Il est farouchement et fermement opposé à tout ce qui fait du tort à ses enfants bien-aimés, et je lui en suis infiniment reconnaissant. C'est, je le répète, une preuve de son amour.

« Il faut comprendre la colère de Dieu en relation avec son amour. La colère n'est pas un attribut permanent de Dieu. Alors que l'amour et la sainteté font partie de sa nature même, la colère dépend du péché de l'homme ; sans péché, il n'y aurait pas de colère. »

La colère est une réaction nécessaire d'un Dieu aimant et saint, d'un Dieu bon et merveilleux, face au mal. Elle est un verdict temporaire et juste sur le péché et le mal. Comme le fait remarquer J. I. Packer : « Dans la Bible, la colère de Dieu… est… une réaction saine et nécessaire face à ce qui est, objectivement, moralement mauvais. »

Packer conclut son argumentation par cette question : « Si Dieu prenait autant de plaisir au mal qu'au bien, serait-il un ‘bon Dieu’ ? Si Dieu ne luttait pas contre le mal dans ce monde qui est le sien, serait-il moralement parfait ? Non, bien sûr. » Et si le Créateur de l'univers était à ce point indifférent, où serait la justice ? Le besoin d'équité et de justice est une des aspirations les plus profondes de l'être humain. Je ne voudrais pas d'un univers sans justice, sans distinction entre le mal et le bien. Et je ne voudrais pas d'un Dieu qui serait indifférent à ce qui est moralement mauvais.

La colère au service de la justice

J'aimerais vous parler de l'association canadienne des « Mères contre l'alcool au volant ». Elle a été créée par des mères (et probablement aussi quelques pères) dont les enfants avaient été tués par des conducteurs ivres. La loi a longtemps considéré ces accidents mortels comme des homicides involontaires. Souvent, les responsables n'étaient pas incarcérés et recommençaient à conduire en état d'ébriété. Mettant leur colère au service de la justice, ces mères amenèrent l'opinion publique à comprendre que de boire jusqu'à l'ébriété était un choix délibéré et donc que ces chauffards n'avaient pas tué de manière involontaire. Leur action, soutenue par des campagnes publicitaires choc, contribua à renforcer les lois et à changer les mentalités. L'on peut donc dire que leurs efforts – même s'ils ne leur on pas rendu leurs propres enfants – ont permis de sauver la vie de nombreux autres.

L'exemple de ces mères est une des meilleures illustrations au niveau humain de ce qu'est la colère divine. Dieu hait les conséquences du péché sur ses enfants. Prétendre que Dieu est indifférent à la maltraitance des enfants, à l'infidélité ou même à l'usurpation d'identité serait ridicule. Je ne voudrais pas plus d'un tel Dieu que d'un Dieu vengeur prêt à me punir si j'oublie mon culte personnel. Ni l'un ni l'autre ne sont conformes à la réalité. Dieu est amour, et parce que Dieu est juste, il s'oppose puissamment au mal et au péché. Et j'en suis infiniment heureux.

La sainteté est l'essence même de Dieu

L'essence de Dieu est la sainteté. La sainteté est un attribut divin. Dieu est pur. Il n'y a en lui ni péché, ni mal, ni ténèbres. De la première à la dernière page, la Bible proclame la sainteté de Dieu :

« Qui est comme toi parmi les dieux, ô Éternel ?
Qui est comme toi magnifique en sainteté,
Redoutable et digne de louanges,
Opérant des miracles ? »
(Exode 15.11)
« Car je suis l'Éternel, votre Dieu ; vous vous sanctifierez et vous serez saints, car je suis saint. » (Lévitique 11.44)
« Ils criaient l'un et l'autre et disaient : ‘Saint, saint, saint est l'Éternel des armées ! Toute la terre est pleine de sa gloire !’ » (Ésaïe 6.3)

La sainteté est un aspect essentiel de la nature de Dieu. Dieu ne peut pas ne pas être saint, de la même manière qu'il ne peut pas ne pas être amour. Ce n'est pas le cas de la colère de Dieu, qui n'est pas un de ses attributs. La colère n'est pas quelque chose que Dieu est, mais que Dieu fait. S'il est exact de parler d'un Dieu saint, il faut parler d'un Dieu de colère. La colère est la réaction juste d'un Dieu saint envers le péché. Cette distinction est fondamentale. Beaucoup de personnes se représentent un Dieu de colère, ce qui est contraire à la vérité. Dieu est saint et pur. Et la sainteté et la pureté de Dieu font partie de sa bonté et de sa beauté. La sainteté est l'essence de Dieu. La colère, en revanche, n'est pas dans sa nature ; elle est une réaction au mal commis par les hommes. Et elle est un aspect essentiel de l'amour de Dieu.

Notre Dieu est un feu dévorant

J'ai longtemps eu du mal à concilier l'amour et la colère de Dieu. La lumière s'est faite en moi à la lecture d'un sermon du célèbre écrivain et prédicateur écossais George MacDonald, intitulé « Notre Dieu est un feu dévorant » selon Hébreux 12.29. J'ai été particulièrement touché par ces quatre mots d'une grande profondeur : « L'amour aime la pureté ». Mêlant les notions d'amour inconditionnel et de sainteté, MacDonald explique que Dieu nous aime tellement qu'il désire que nous soyons purs et travaille inlassablement à opérer cette pureté en nous. Il souligne que Dieu est contre le péché et par conséquent pour les hommes : « Il est toujours contre le péché ; dans la mesure où le péché et les humains sont un, il est contre eux – contre leurs désirs, leurs objectifs, leurs peurs et leurs espérances. Il est donc complètement pour eux. »

Dieu est contre mon péché parce qu'il est pour moi. Et si je suis pour le péché, affirme MacDonald, Dieu s'oppose à mes désirs parce qu'ils causent ma ruine. Il ne peut pas en être autrement. Pour ma part, je suis prompt à excuser mon péché ou à justifier mes faiblesses, mais Dieu ne le voit pas ainsi. Bien que je sois désormais réconcilié avec lui par Christ, Dieu n'est pas indifférent à mon péché qui me fait du mal à moi et donc aussi à Dieu – à cause de son amour pour moi.

Dieu ne joue pas sur la honte, la peur ou la culpabilité pour me faire changer de comportement. Il utilise au contraire la plus noble des méthodes. Son amour saint consume le péché en moi, il le « dévore par le feu ». C'est la bonté de Dieu qui pousse à la véritable repentance (Romains 2.4). Comme l'a écrit MacDonald : « L'amour aime jusqu'à la pureté ».

Vous ne voudriez pas d'un Dieu qui ne soit pas saint

Comme je l'ai dit plus haut, le « Dieu nounours » est une alternative séduisante au « Marquis de Dieu », le Dieu sadique qui hait et punit injustement. Mais au fond, nous ne voulons pas du « Dieu nounours » parce qu'il n'est pas saint. J. I. Packer pose cette question : « Un Dieu qui ne se soucierait pas d'établir une distance entre le bien et le mal serait-il un Dieu admirable et bon ?… L'indifférence pour tout ce qui concerne le domaine moral serait une imperfection divine et non une perfection. » Un Dieu permissif dirait : « Le péché n'est pas très grave – surtout si mes créatures ne se font pas de mal les unes aux autres. Tous les humains pèchent. Je ne vais pas en faire toute une histoire. Certes, ils se prennent pour leurs propres dieux, mais comment le leur reprocher ? Je les ai créés à mon image, il est normal donc qu'ils m'imitent ! Là encore, je peux fermer les yeux. Je crois qu'ils cherchent à bien faire… »

Peut-être un tel Dieu me convient-il quand je me sens coupable, que ma conscience me tourmente ou que je cherche à justifier mon péché. Mais je n'en veux pas à long terme. Il ressemble à des parents laxistes qui laissent leurs enfants boire, se droguer, ou avoir des relations sexuelles sans réagir. Quand on a quinze ans, on trouve de tels parents « cool », alors qu'en réalité, ils sont paresseux et n'aiment pas vraiment leurs enfants, qui d'ailleurs finissent souvent par mal tourner.

Je ne veux pas d'un Dieu qui me dirait : « Ne t'en fais pas, mon gars, tout le monde pèche. Profite de la vie et surtout ne te sens pas coupable ! » Un tel Dieu ne m'aimerait pas. L'indulgence à l'égard du péché n'est pas de l'amour, parce que le péché détruit. Je veux un Dieu qui hait tout ce qui me fait du mal. « Haïr » est un mot fort, mais approprié. Et parce que Dieu non seulement hait ce qui me détruit (le péché et l'aliénation), mais qu'il a aussi anéanti mon destructeur, je l'aime. Ce Dieu a vaincu le péché en se sacrifiant lui-même, en prenant sur lui ma culpabilité et la souffrance engendrée par mon péché, c'est pourquoi je lui voue un amour éternel.

La nécessité de l'enfer

L'amour de Dieu fait de l'enfer – un lieu de séparation d'avec lui – une nécessité. L'amour n'exige pas l'amour en retour, il n'est pas coercitif. Dieu fait tout ce qu'il peut pour aller vers les hommes, mais ceux-ci restent libres de refuser son amour. L'enfer est simplement la séparation d'avec Dieu. Une personne qui rejette Dieu – même si les autres la trouvent juste et bonne – connaît l'enfer sur terre.

Dieu respecte nos choix. Les gens peuvent choisir de rejeter Dieu de leur vie, fermant ainsi les portes de l'enfer de l'intérieur. Dans Le paradis perdu de John Milton, Satan se vante : « Mieux vaut régner en enfer que servir au paradis ». Il y a en tout homme une part de son être qui refuse de céder le contrôle à Dieu. Cette résistance, si elle n'est pas réprimée, peut mener à sa perte. C. S. Lewis écrit : « Le problème n'est pas que Dieu nous ‘envoie’ en enfer. En chacun de nous grandit quelque chose qui deviendra en lui-même Enfer, à moins d'être écrasé dans l'œuf. La question est grave ; plaçons-nous entre les mains de Dieu sans plus attendre – en cette heure, en ce jour. »

Dieu est profondément attristé par le péché, parce que celui-ci détruit ses enfants bien-aimés. Et Dieu désire la sainteté en nous parce qu'elle seule conduit à une vie pleine et entière.

Dans les chapitres 7 et 8 nous verrons comment notre Dieu saint fait de nous des êtres saints. Il s'est sacrifié lui-même pour régler une fois pour toutes le problème du péché – pour briser son pouvoir et enlever notre culpabilité. Puis il est ressuscité des morts et il est venu demeurer en nous afin que nous puissions triompher de la tentation. La marche vers la sainteté est initiée par un Dieu saint qui nous aime d'un amour saint.

La grâce n'est pas l'indulgence face au péché

Ce chapitre a commencé avec l'histoire d'une jeune femme qui confondait grâce et tolérance. Quelques mois après notre première rencontre, j'eus l'occasion de lui enseigner combien la sainteté de Dieu est importante – et précieuse – pour nous. Je pus lui expliquer que s'il n'approuvait pas sa conduite immorale, ce n'était pas par pruderie.

« Si Dieu ne cautionne pas ce que vous faites, lui dis-je, c'est parce que votre sexualité est sacrée pour lui. Dieu approuve les relations sexuelles. Mais elles sont un acte sacré d'intimité qui doit être vécu par des personnes qui ont pris l'engagement ultime, celui du mariage. Dans tout autre cadre, elles sont dévalorisées et généralement source de souffrances. C'est pour cela qu'il vaut mieux attendre. Vous êtes quelqu'un de sacré et de spécial.

– Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Au bout d'un moment, j'ai eu l'impression que mon ami ne s'intéressait qu'à ma sexualité et non à moi en tant que personne. Notre relation est un fiasco. Que dois-je faire ?

– Dites-lui que vous n'êtes plus d'accord d'avoir des relations sexuelles avec lui tant que vous n'êtes pas mariés.

– Il dira que c'est fini entre nous.

– Vous connaîtrez alors ses véritables sentiments, et vous vous en porterez mieux. »

Quand je la revis, elle me raconta qu'elle avait suivi mon conseil. Comme elle s'y attendait, son petit ami n'avait pas tardé à rompre. Elle avait pourtant le sourire, car elle avait découvert combien elle était sacrée pour Dieu.

Elle me rendit visite deux ans plus tard et m'annonça fièrement, en me montrant la bague à son doigt : « Je suis fiancée au garçon le plus merveilleux qui existe ! Il me respecte. Nous avons décidé d'attendre d'être mariés pour avoir des relations sexuelles. Merci de m'avoir montré qui je suis vraiment ! »

Je repensai à mon fameux sermon qui l'avait amenée à sous-estimer la gravité du péché. Mais peut-être avait-elle eu besoin d'être assurée de l'amour inconditionnel de Dieu avant de pouvoir s'attaquer au problème du péché. Je crois que c'est le cas pour beaucoup d'entre nous. Nous pensons que la colère précède la grâce, mais ce n'est pas ce que dit la Bible. Le premier et le dernier mot de Dieu est toujours la grâce. Tant que nous n'aurons pas la certitude que Dieu nous aime et nous pardonne, nous ne pourrons pas régler correctement la question du péché. Nous essaierons de changer par nous-mêmes pour amener Dieu à nous aimer. Mais comme l'a dit Karl Barth, le premier mot de Dieu est toujours la grâce. Alors seulement nous pourrons comprendre la sainteté de Dieu, et la nôtre.

Exercice pour l'âme

La marge

Le docteur Richard Swenson est l'auteur d'un excellent livre intitulé Margin [La marge]. La marge désigne l'espace libre autour d'une page de texte. Si l'écriture s'étalait depuis le haut jusqu'en bas et du bord gauche au bord droit, il n'y aurait pas de marge. Une telle page, estime Swenson, serait à l'image de nos vies. Nous remplissons nos emplois du temps au point de ne plus avoir de « marge », de temps pour les loisirs, le repos, notre famille, Dieu et notre santé.

« Les conditions de la vie moderne sont des dévoreuses de marge… Ne pas avoir de marge, c'est arriver chez le médecin trente minutes après l'heure de votre rendez-vous, parce que vous êtes sorti du coiffeur avec vingt minutes de retard, parce que vous avez déposé les enfants dix minutes trop tard à l'école, parce que vous êtres tombé en panne sèche à deux rues de la station de service – et que vous aviez oublié votre chéquier.
En revanche, disposer d'une marge c'est avoir encore du souffle en haut de l'escalier, de l'argent à la fin du mois et votre santé mentale à la sortie de l'adolescence de vos enfants.
L'absence de marge, c'est lorsque le téléphone sonne et que le bébé pleure en même temps ; la marge, c'est quand mamie prend le bébé pour l'après-midi.
Ne pas avoir de marge, c'est devoir porter un paquet trop lourd pour vous ; la marge c'est un ami qui vous soulage d'une partie du poids.
Ne pas avoir de marge, c'est être trop bousculé pour finir le livre sur le stress que vous avez commencé ; disposer d'une marge, c'est avoir le temps de le lire deux fois. »

Je pense à toutes les personnes de ma connaissance qui se reconnaîtraient dans ces définitions. Nous vivons dans une société dans laquelle il est bon d'être débordé et sollicité de toutes parts.

Swenson remarqua l'absence de marge dans la vie de ses patients avant de la reconnaître dans la sienne. En sa qualité de médecin, il constata que toute une série de problèmes de santé étaient liés au stress, lui-même conséquence d'un excès d'activités et de sollicitations. Il conseilla donc à ses patients de ralentir et d'éliminer de leur existence tout ce qui n'était pas indispensable.

Examinant alors sa propre vie, il découvrit qu'il était dans la même situation. Il prit conscience qu'en travaillant quatre-vingts heures par semaine, il mettait sa santé ainsi que sa relation avec sa famille et avec Dieu en danger. Or, c'était ce qu'il avait de plus précieux au monde. Il décida donc de réduire de moitié ses activités professionnelles – et par conséquent son revenu. Ce ne fut pas facile, mais selon Swenson, ce fut la meilleure décision qu'il eut jamais prise.

J'ai travaillé dur pour ménager une marge dans ma vie et j'ai fini par découvrir le secret. C'est à la fois très simple et très difficile : il suffit de dire non.

Dire non à quoi ? À tout ce qui n'est pas absolument nécéssaire au bien de votre âme ou à celui des autres. Parmi toutes vos occupations que vous estimez indispensables chaque jour ou chaque semaine, il y en a certainement beaucoup qui sont très utiles et très bonnes. Il ne s'agit pas de départager entre le bien et le mal, mais entre le bien et le bien.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Pendant qu'elle étudiait ce livre, une jeune femme fut interpellée par cette notion de marge – parce qu'elle en manquait – et décida d'en dégager dans sa vie. Comme elle suivait des études tout en travaillant à temps partiel, une partie définie de son temps était déjà prise. Elle ne voulait pas non plus réduire le temps qu'elle consacrait à sa famille, à la prière et à la lecture de la Bible. Enfin, elle avait un petit ami et souhaitait investir dans leur relation. Elle constata cependant que son ami occupait entre trois et quatre heures de ses journées. Après avoir prié à ce sujet, elle comprit que si elle pouvait dégager une marge quelque part, c'était là. Elle expliqua donc à son ami qu'elle souhaitait développer leur relation, mais qu'elle désirait passer au moins trois soirs par semaine seule. Elle libérerait ainsi entre neuf et dix heures de marge.

Elle me confia par la suite combien cette décision avait été judicieuse. Elle en récoltait les bénéfices dans ses études ainsi que dans sa relation à la fois avec Dieu, sa famille et son petit ami. De plus, elle vivait désormais chaque journée à un rythme qui la rendait heureuse et sereine. Rappelez vous que Dieu n'a jamais appelé quiconque à une vie sans marge.

Nous sommes les seuls responsables de notre absence de marge. Soyez donc honnête et impitoyable avec votre emploi du temps. Votre santé spirituelle, relationnelle et physique en dépend.

Marge et sainteté

La sainteté se traduit par une vie équilibrée et harmonieuse. Le péché, quant à lui, engendre le dysfonctionnement et la maladie. La « maladie de la précipitation » est le fléau spirituel numéro un de nos jours. Nous sommes continuellement pressés parce que nous avons changé notre emploi du temps plus que de raison. Le manque de marge dans nos vies engendre la fatigue, la solitude et l'absence de joie, qui sont autant de portes ouvertes à la tentation. Nous avons besoin de marge. Elle rétablit l'équilibre et restaure notre âme, augmentant ainsi notre capacité à nous réjouir. La joie est un rempart contre la tentation. La marge et la sainteté sont intimement liées.

Voici quelques idées pour vous aider à dégager une marge dans votre vie :

Pour la réflexion

  1. Avez-vous réussi à appliquer l'un ou l'autre de ces conseils pour dégager de la marge au cours de cette semaine ? Si oui, racontez comment vous avez procédé et ce que vous avez ressenti.
  2. Que vous a appris cet exercice sur Dieu ou sur vous-même ?
  3. Qu'est-ce qui vous a paru le plus difficile ? Le plus enrichissant ?

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