Fais-nous connaître le Père

Dieu donne sa vie en sacrifice

Vicki, ma sœur, est une femme intelligente et perspicace ; c'est même une des personnes les plus brillantes que je connaisse. Elle a toujours fréquenté l'Église : d'abord le groupe de jeunes, puis comme enseignante à l'école du dimanche et, depuis trente ans, comme membre de la chorale. Elle a entendu des centaines de sermons dans sa vie. S'il y a quelqu'un qui aurait dû comprendre l'importance et la véritable signification de l'incarnation, de la mort et de la résurrection de Jésus, c'est bien elle ! Mais curieusement, elle est passée à côté de ces vérités. (À moins que les personnes qui parlaient du haut de la chaire n'aient pas réussi à les communiquer clairement.)

Elle n'est pas la seule. Beaucoup seraient incapables d'expliquer avec clarté et précision pourquoi Jésus s'est fait homme et pourquoi il est mort et ressuscité. En toute honnêteté, j'ai moi-même été très longtemps dans ce cas, malgré mes diplômes de théologie. Je pouvais certes donner l'explication de base (Jésus est mort pour nous sauver de nos péchés), mais je n'en comprenais pas le sens profond.

Vicki et Scott, son mari, s'étaient inscrits à un de mes cours sur la vie de disciple, qui incluait notamment une réflexion approfondie sur la croix. Vicki parcourut le programme puis me dit avec une totale franchise : « Jim, je dois reconnaître que je n'ai pas compris la croix. Le fait que Jésus ait dû mourir m'a toujours dérangée. Et je ne comprends pas davantage pourquoi Dieu l'a laissé mourir. C'est presque de la maltraitance d'enfant ! » Elle m'expliqua que la croix ne lui paraissait pas nécessaire. Qu'est-ce qui aurait empêché Dieu de « pardonner au monde » en déclarant simplement tous ses péchés effacés, ou en apprenant aux hommes à s'aimer ? Ainsi, Jésus n'aurait pas eu besoin de souffrir. Il n'y aurait pas eu d'effusion de sang.

Je comprenais parfaitement ce qu'elle ressentait. Vue sous un certain angle, la croix de Jésus apparaît comme un événement horrible et cruel. Et pourtant, chaque église catholique a son crucifix – avec une représentation du corps de Jésus – et le clocher de la plupart des églises protestantes est surmonté d'une croix. Beaucoup de nos cantiques sont des hymnes de louange pour la croix (par exemple : « Sur le mont du Calvaire, il était une croix… »). La croix de Jésus est au cœur de la théologie chrétienne, et cependant son importance échappe à tellement d'hommes et de femmes ! Quand j'ai pleinement compris pourquoi Jésus a choisi de vivre parmi nous et de mourir pour nous, un pan s'est levé pour moi sur la nature de notre Dieu bon et merveilleux.

Récit erroné : nous faisons le chemin vers Dieu

Comme je l'ai fait remarquer au chapitre précédent, nous vivons dans un monde basé sur la performance. Tout se mérite ou se gagne. Toutes les grandes religions du monde (à l'exception du christianisme) sont bâties sur ce même principe. Les hommes doivent faire quelque chose pour obtenir la faveur et les bénédictions de leur(s) dieu(x), qu'il s'agisse d'adoration, de sacrifices, de bonnes œuvres ou des trois à la fois. Cela paraît logique quand nous raisonnons à partir de notre propre expérience. Notre monde fonctionne ainsi : « Faites le bien et il vous arrivera du bien ; faites le mal et il vous arrivera du mal. » L'hindouisme et le bouddhisme parlent de karma. Dirigez bien votre vie, suivez les préceptes, offrez des sacrifices appropriés, et Dieu vous récompensera en vous accordant sa bénédiction. Il tient essentiellement à vous de trouver Dieu. Cette conception n'est pas seulement logique, elle est aussi séduisante, dans la mesure où elle nous permet de garder le contrôle de la situation.

Le récit de Jésus : Dieu fait le chemin vers nous

Le livre d'Athanase d'Alexandrie, évêque d'Alexandrie (env. 296-373), intitulé De l'incarnation, m'a été d'un grand secours pour comprendre pourquoi Jésus s'est fait homme et a dû mourir sur la croix. On s'accorde aujourd'hui à reconnaître que c'est Athanase qui a fait prendre conscience à l'Église de la nécessité de l'incarnation (Dieu devenant homme), de la mort (la crucifixion) et de la résurrection de Jésus pour réconcilier les hommes avec Dieu. C'est donc tout naturellement vers son ouvrage que je me suis tourné pour trouver des réponses aux questions de Vicki.

Pour rendre ses explications plus vivantes, j'ai choisi de les présenter sous la forme d'un dialogue entre Athanase et moi. Je vous invite donc à un voyage dans le temps.

James : Athanase, les gens demandent souvent pourquoi il a fallu que Jésus se fasse homme et qu'il souffre et meure sur la croix. Pourquoi ne s'est-il pas contenté de nous montrer comment mener une vie que Dieu agréerait ?

Athanase : Cela aurait été possible si l'humanité n'était pas tombée dans une corruption totale. Si nous avions simplement enfreint une loi, il aurait été possible de nous en repentir. Si notre problème était l'ignorance, l'instruction aurait été notre solution. Mais le problème de l'homme est beaucoup plus profond que cela. Nous sommes corrompus et pervertis. C'est comme une maladie que la volonté ou la connaissance sont impuissantes à guérir.

James : Comment en sommes-nous arrivés là ?

Athanase : C'est une longue histoire, mais je vais tâcher d'être aussi simple et bref que possible. Dieu a créé les hommes à son image, c'est-à-dire capables de raisonner et de créer, et aussi de le connaître. Adam et Ève ont été créés libres et ils étaient destinés à jouir d'une communion de tous les instants avec Dieu. Celui-ci ne leur donna qu'un seul commandement, une façon de lui manifester leur amour et leur obéissance : il leur interdit de manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Cet arbre symbolisait le désir d'être Dieu, car seul Dieu sait véritablement ce qui est bien et mal. Il les mit en garde : « Tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Genèse 2.17). Mais ils en mangèrent et moururent sur-le-champ, premièrement dans un sens spirituel, en étant privés de la communion avec Dieu et chassés du jardin d'Éden. Et par conséquent, leur corps commença aussi à mourir. Non seulement ils périraient physiquement un jour, mais ils se trouvaient dans un état de corruption.

James : Mais Dieu n'aurait-il pas simplement pu leur pardonner ?

Athanase : Non, Dieu ne pouvait pas intervenir sur son commandement. Mais il ne pouvait pas non plus permettre que sa précieuse création fût détruite. Étant un Dieu bon, que devait-il faire ? C'était là le grand dilemme divin.

James : Mais n'y avait-il aucun moyen pour que les hommes puissent se sauver eux-mêmes ? Dieu aurait pu exiger d'eux qu'ils se repentent.

Athanase : Non, la repentance ne pouvait pas changer leur nature, qui était désormais marquée par la corruption. Même s'ils arrêtaient de pécher – ce dont ils étaient incapables – ils resteraient corrompus à l'intérieur d'eux-mêmes et soumis à la loi de la mort.

James : Alors, quelle est la solution au problème ?

Athanase : Il serait plus juste de demander Qui est la solution. Seul le Verbe de Dieu lui-même, qui existait de toute éternité et par qui le monde a été créé du néant, pouvait résoudre le problème de l'homme. C'est pourquoi Dieu, qui n'est pas limité par un corps physique et qui n'est pas sous le pouvoir du péché, est entré dans notre monde. Il a pris un corps, un corps humain en tous points semblable au nôtre.

James : Mais pourquoi ? Dieu n'aurait-il pas pu apparaître sous quelque autre forme ? Pourquoi a-t-il fallu qu'il prenne un corps humain ?

Athanase : Jésus a revêtu un corps d'une nature semblable au nôtre parce que le corps humain est soumis à la corruption de la mort. Il a donné son corps à la mort à notre place et l'a offert au Père. Et tout cela, il l'a fait par amour pour nous, afin que tous meurent par sa mort et que la loi de la mort soit ainsi abolie.

James : Si je comprends bien, il a pris un corps afin de pouvoir mourir. Est-ce bien cela ?

Athanase : Oui, seule la mort pouvait faire disparaître la corruption. C'est pourquoi Jésus a pris un corps mortel. En présentant ce corps à la mort comme un sacrifice et une offrande exempts de toute souillure, il a aboli la mort pour ses frères et sœurs humains, en offrant pour eux un corps équivalent au leur. Par sa mort, il a satisfait à toutes les exigences de Dieu.

James : Tu as insisté sur la phrase : « en offrant un corps équivalent ». Je ne comprends pas ce que tu veux dire.

Athanase : La corruption totale – qui est la condition des humains après la chute – ne peut être inversée que par le sacrifice de l'incorruption totale. Jésus était sans péché.

James : Que cela signifie-t-il pour toi et pour moi ?

Athanase : Jésus a inversé les effets de la chute en faisant pour nous ce que nous étions incapables de faire nous-mêmes. Par le sacrifice de son propre corps, il a accompli deux choses : il a aboli la loi de la mort qui nous barrait le chemin et il nous a permis de prendre un nouveau départ, grâce à l'espérance de la résurrection. Jésus, vois-tu, a anéanti la mort.

James : Mais pourquoi spécifiquement une croix ? N'aurait-il pas pu mourir d'une autre manière, tout en accomplissant le même but ?

Athanase : Il fallait que Jésus subit une mort très réelle, incontestable, publique. S'il n'y avait pas eu de témoins à sa mort, personne n'aurait cru à sa résurrection. On l'aurait accusé d'avoir tout inventé.

James : Mais pourquoi une mort aussi ignominieuse ? La crucifixion est une forme d'exécution la plus douloureuse et la plus humiliante que le monde ait jamais connue. Jésus n'aurait-il pas pu subir une mort plus digne ?

Athanase : Je sais que tu abhorres la croix, comme il se doit. Mais note bien ce paradoxe merveilleux et puissant : la mort qu'on a voulu infliger à Jésus comme un déshonneur et une disgrâce est devenue le monument glorieux de sa propre défaite. On a cherché à le faire mourir dans la honte, mais la croix se dresse pour toute l'éternité comme un symbole de la gloire de Dieu. Et enfin, comment aurait-il pu appeler le monde entier à lui s'il n'avait pas été crucifié, car seule une personne crucifiée meurt les bras grands ouverts ?

Le risque de ne pas être aimé en retour

Dieu, qui est totalement libre, a choisi d'entrer dans notre monde comme un enfant vulnérable et de subir les insultes, la torture et la mort. Il n'était pas forcé d'agir ainsi. Si Athanase a raison d'affirmer que l'intervention de Dieu lui-même était le seul moyen de résoudre le problème de l'homme (corruption, éloignement d'avec Dieu, perte de l'image de Dieu), cela ne signifie pas pour autant qu'il était obligé de le faire. Rien ne le forçait à nous sauver par ce moyen. En le faisant, il prenait le risque que les hommes rejettent son amour. Qu'arriverait-il alors si son amour n'était pas payé de retour ?

Jean nous dit : « Celui qui est la Parole était déjà dans le monde, puisque le monde a été créé par lui, et pourtant le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli » (Jean 1.10-11, BIBLE DU SEMEUR). Ce passage comporte plusieurs vérités essentielles. Il nous apprend premièrement que « le monde a été créé par lui ». Dieu a créé le monde par Jésus, en qui tout l'univers est maintenu en vie.

« Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui. » (Colossiens 1.15-17)

Deuxièmement, « il était déjà dans le monde ». Dieu a choisi librement d'entrer dans le monde, de respirer le même air que nous et de s'exposer à toutes les douleurs et souffrances de la condition humaine. Troisièmement, « le monde ne l'a pas reconnu ». La gloire de la deuxième personne de la Trinité était cachée, signe d'une humilité extrême. Et enfin, « les siens ne l'ont pas accueilli ».

L'amour non partagé est peut-être la plus pénible de toutes les expériences humaines. Aimer quelqu'un sans être aimé en retour est une souffrance profonde, insoutenable. Dieu a connu les tourments de l'amour non partagé. Certains réfutent l'idée que Dieu puisse ressentir la douleur – ou quoi que ce soit d'autre. Leur récit leur dit que Dieu est impassible, qu'il n'éprouve aucune émotion, une conception qui semble préserver sa puissance. Mais si Dieu aime les hommes (« Dieu a tant aimé le monde », Jean 3.16), il connaît forcément la souffrance de l'amour non partagé. J'ai constaté que les personnes qui avaient du mal à croire que Dieu était susceptible de ressentir de la tristesse ou de la joie refusaient cette même capacité à Jésus. Jésus a-t-il ri ? Lui est-il arrivé de se sentir mal à l'aise ? Ou blessé ? L'Écriture nous dit qu'il a endossé la condition humaine dans sa plénitude ; aussi je pense que la réponse est oui.

Mon ami Rich Mullins est l'auteur d'un chant magnifique sur Jésus, intitulé « Un garçon comme moi, un homme comme toi ». Il se demande si Jésus, en tant qu'enfant, a vécu les mêmes expériences que nous.

T'est-il arrivé d'avoir faim ? As-tu grandi vite ?
Les petites filles gloussaient-elles sur ton passage ?
Alors que tu te demandais ce qui les faisait rire ?…

T'es-tu bagarré avec un chien, et lui as-tu léché le nez ?
As-tu joué dans le jet d'un tuyau d'arrosage ?
As-tu dessiné des anges dans la neige en hiver ?

As-tu parfois eu peur en jouant à cache-cache ?
As-tu essayé de ne pas pleurer quand tu t'écorchais le genou ?
As-tu sauté sur les rochers pour franchir un ruisseau ?

Rich m'a confié un jour que son vers préféré était celui qui parlait des anges dessinés dans la neige. Pourquoi ? Parce qu'il lui plaisait d'imaginer que celui qui avait créé les vrais anges s'était amusé à en dessiner dans la neige quand il était petit.

Nous avons du mal à accepter que Dieu puisse ressentir de la joie ou de la tristesse parce que nous trouvons ces émotions indignes de lui. La vulnérabilité est pour nous un signe de faiblesse. Mais si ce n'était pas le cas ? Si c'était justement là que réside la véritable force ? Si le fait de vous sacrifier pour le bien d'autrui n'était pas une marque de faiblesse mais au contraire la puissance la plus formidable que le monde puisse connaître ?

Pas de plus grand amour

Il nous reste à répondre à la question : « Pourquoi Dieu a-t-il fait cela pour nous qui ne le méritions pas ? Edward Yarnold observe :

« Pourquoi le Père a-t-il ordonné [la crucifixion] ?… L'explication serait-elle que la nature humaine a été créée à l'image de Dieu ? La loi du grain de blé est le reflet de la nature même de Dieu : la gloire de Dieu réside dans le don de soi. Les membres du Corps de Christ ont part à la vie de la Tête, dont la couronne de gloire n'en reste pas moins une couronne d'épines. »

L'univers est régi par ce principe : le sacrifice de soi est l'acte suprême. Le grain de blé doit mourir pour donner la vie. Le cosmos reflète la nature de Dieu qui l'a créé. Jésus a dit : « Il n'y a pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15.13).

Le don de soi semble synonyme de faiblesse. En réalité, c'est un aspect de l'amour. Nous lisons dans 1 Corinthiens 13.4-5 : « L'amour est patient, l'amour est serviable, il n'est pas envieux ; l'amour ne se vante pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt. » La plupart d'entre nous vivons avec le récit erroné que la force se manifeste dans la domination et le contrôle. Mais ce ne sont pas là les formes les plus élevées de la puissance. La puissance de Dieu s'accomplit dans la faiblesse (2 Corinthiens 12.9). Le grain ne libère son potentiel qu'en mourant. C'est à la croix que la puissance de Dieu se manifeste le plus clairement.

Dieu le Fils entre dans le monde dans la plus basse des conditions, il mène une vie parfaitement ordinaire pendant trente ans, partage toutes nos expériences humaines, nous montre le Père par sa vie et son enseignement, avant de consentir volontairement au sacrifice ultime : il donne sa vie pour le monde entier, lui l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. Dieu nous dit : « J'accepte de me sacrifier pour votre bien. » Dans nos brefs moments de sacrifice, nous pouvons expérimenter dans une toute petite mesure ce qu'il ressent (la liberté, la libération, l'euphorie) même si c'est seulement pour quelques instants.

Qu'aurait-il pu faire de plus pour nous ?

L'écrivain et conférencier Brennan Manning nous raconte une histoire peu banale sur l'origine de son prénom. Quand il était jeune, son meilleur ami s'appelait Ray ; ils étaient inséparables. Par la suite, ils ont été recrutés en même temps dans l'armée, formés au même camp d'entraînement et se sont retrouvés ensemble en première ligne. Une nuit, alors qu'ils se trouvaient dans un abri de tranchée, Brennan évoquait des souvenirs de leur jeunesse commune à Brooklyn, tandis que Ray l'écoutait en mangeant une barre chocolatée. Soudain, une grenade tomba dans la tranchée. Ray regarda son ami, sourit, laissa tomber sa barre chocolatée et se jeta sur le projectile. Il mourut dans l'explosion et Brennan eut la vie sauve.

Quand Brennan fût ordonné prêtre, on lui demanda de prendre le nom d'un saint. Il choisit celui de son ami, Ray Brennan. Des années plus tard, il rendit visite à la mère de Ray à Brooklyn. Ils veillaient un soir en buvant une tisane, quand Brennan lui demanda : « Pensez-vous que Ray m'aimait ? » Madame Brennan bondit de son canapé, agita un doigt devant le visage de Brennan et s'écria : « Qu'aurait-il pu faire de plus pour toi ? » Au dire de Brennan lui-même, ces quelques mots furent l'occasion d'une véritable révélation pour lui. Il se vit debout devant la croix de Jésus en train de se demander si Dieu l'aimait vraiment, tandis que Marie, la mère de Jésus, lui répondait en désignant son fils : « Qu'aurait-il pu faire de plus pour toi ? »

À la croix de Jésus, Dieu a fait le maximum pour nous. Et pourtant nous nous demandons souvent : « Dieu m'aime-t-il vraiment ? Ai-de de l'importance à ses yeux ? Se préoccupe-t-il de moi ? » Et la mère de Jésus nous répond : « Qu'aurait-il pu faire de plus pour toi ? » Dans nos meilleurs moments, ces occasions où nous renonçons de plein gré à nos propres besoins pour le bien d'autrui, nous participons, comme l'a dit Edward Yarnold, à l'image de Dieu. Nous avons été créés à l'image d'un Dieu qui s'est volontairement sacrifié pour les autres. Mieux nous connaissons ce Dieu et comprenons notre véritable nature, et plus le don de nous-mêmes nous paraîtra une réaction naturelle.

Les histoires de sacrifices parlent profondément à nos cœurs et la littérature et le cinéma nous en offrent mains exemples. Dans Le lion, la sorcière blanche et l'armoire magique de C. S. Lewis, Aslan, le grand lion qui est une figure de Christ, propose à la Sorcière blanche (Satan) de donner sa propre vie en rançon pour la transgression d'Edmund. La Sorcière s'empresse d'accepter, pensant vaincre Aslan et son royaume pour toujours. Mais elle ne connaît pas la « puissante magie » selon laquelle un innocent qui meurt volontairement pour un coupable crée une énergie plus forte que la mort. C'est le grand paradoxe du sacrifice de soi.

Le paradoxe du sacrifice de soi

En quittant le trône céleste pour revêtir notre humanité et finalement mourir sur la croix, Jésus a passé de la position la plus élevée à la plus basse. C'est ce qu'explique l'apôtre Paul en reprenant les paroles de cet hymne des tout premiers temps de l'Église :

« Lui qui était vraiment divin,
il ne s'est pas prévalu
d'un rang d'égalité avec Dieu,
mais il s'est vidé de lui-même
en se faisant vraiment esclave,
en devenant semblable aux humains ;
reconnu à son aspect comme humain,
il s'est abaissé lui-même
en devenant obéissant jusqu'à la mort
– la mort sur la croix.
C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé
et lui a accordé le nom
qui est au-dessus de tout nom,
pour qu'au nom de Jésus
Tout genou fléchisse
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue reconnaisse
que Jésus-Christ est le Seigneur
à la gloire de Dieu, le Père. »

(Philippiens 2.6-11, NBS)

C'est le paradoxe du sacrifice de soi : en se vidant de lui-même et en s'abaissant, Jésus a été « souverainement élevé ». Aux disciples qui lui demandaient qui était le plus grand dans le royaume des cieux, il répondit : « Quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux » (Matthieu 18.4). Les plus grands sont ceux qui servent. Ce récit va totalement à l'encontre des enseignements du royaume de ce monde, où les plus grands sont ceux qui sont servis.

Le pardon que nous accordons à autrui nous fait paraître faibles et vulnérables, mais il parle en réalité de force et de puissance. Le pardon fait d'une victime un vainqueur – vainqueur non pas des autres mais pour eux. Notre faiblesse nous empêche de pouvoir pardonner. Notre peur refuse la capitulation et le sacrifice. Mais ceux en qui Christ demeure apprennent à vivre et à donner comme Jésus l'a fait. Jésus n'est pas simplement un modèle à suivre, il est la source de notre force. Nous pouvons tout par Christ qui nous fortifie (Philippiens 4.13).

Le ciel a rencontré la terre

Revenons à la question de ma sœur Vicki : « Pourquoi Jésus a-t-il dû mourir ? » Jésus n'a pas mourir, il a choisi de le faire. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ont agi de concert pour sauver et restaurer un monde déchu et brisé. Dieu a fait pour nous ce que nous n'aurions jamais pu faire pour nous-mêmes. La croix est un symbole de son amour et de son sacrifice. Jésus a assumé et guéri notre condition humaine, montrant par là la profondeur de l'amour de Dieu pour toute la création.

Voici un principe essentiel du royaume de Dieu : ce à quoi nous renonçons ne sera jamais perdu, mais deviendra un objet d'une indicible beauté. Faut-il s'étonner de ce que la mangeoire et la croix soient deux des images les plus merveilleuses que le monde ait jamais contemplées ? Dans l'incarnation, Dieu, le Créateur de millions et de millions de galaxies, a choisi de se rendre vulnérable ; par un tel acte, le ciel s'est penché vers la terre. Dans la crucifixion, Dieu, qui ne pouvait pas mourir, s'est volontairement soumis à la mort ; par cet acte, il a élevé le monde entier jusqu'à lui.

Après six mois d'étude et de réflexion sur la croix et sur la nature de ce Dieu qui se donne en sacrifice, Vicki m'envoya une lettre très touchante. Elle m'y expliquait qu'à cinquante six ans, elle avait enfin compris la signification de la croix. Un cadeau était joint à l'envoi. Je l'ouvris et je découvris un magnifique objet d'art en forme de croix. Il trône aujourd'hui sur mon étagère, à un endroit où je le vois bien. Chaque fois que mes yeux tombent dessus, je rends grâces à Dieu qui a choisi librement de mourir pour nous. C'est le sens de cette prophétie de Jésus : « Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12.32).

Exercice pour l'âme

Lecture de l'évangile de Jean

Dans son ouvrage La conspiration divine, Dallas Willard écrit : « La clé pour aimer Dieu, c'est de voir Jésus, de le tenir le plus clairement et le plus complètement possible devant les yeux de l'esprit. C'est de l'adorer. » Quel est le meilleur moyen pour « voir » Jésus que de lire les évangiles ? Je ne cesserai jamais de m'émerveiller du portrait tellement réel et vivant de Jésus que dressent les quatre évangiles.

J'aimerais que vous preniez quelques heures cette semaine pour lire l'évangile de Jean du début à la fin. Ce n'est pas souvent que nous lisons un livre de la Bible en entier. Nous nous limitons généralement à de petits passages ou à une courte méditation basée sur un seul verset. La lecture d'un livre d'un bout à l'autre nous permet de découvrir toute l'histoire, début, milieu et fin. « Pourquoi l'évangile de Jean ? » me demanderez-vous. Parce qu'il est différent des autres évangiles. Il commence par un prologue qui nous présente la Parole, le Verbe ou le Fils de Dieu, qui « a été faite chair et… habite parmi nous ». Jean nous fait découvrir Jésus au travers d'une série de récits qui ne figurent nulle part ailleurs. Mais surtout, son évangile nous donne une image très claire de la relation de Jésus avec son Père céleste.

Je vous propose de diviser l'évangile en quatre parties et de lire cinq à sept chapitres à la fois. Ne cédez pas à la tentation de faire de cette lecture une étude biblique en consultant sans cesse les notes (si votre Bible en comporte). Si des questions pressantes surgissent au cours de votre lecture (« Pourquoi Jésus a-t-il changé l'eau en vin ? »), vous pouvez les mettre par écrit et essayer d'y répondre à un autre moment. Pour l'instant, j'aimerais que vous lisiez cet évangile comme vous liriez une histoire, avec un début, un milieu et une fin. Cet exercice risque de paraître difficile à la plupart d'entre vous, mais il en vaut la peine.

Pour la réflexion

  1. Avez-vous réussi à finir cette lecture au cours de cette semaine ? Si oui, racontez comment vous avez procédé et ce que vous avez ressenti.
  2. Que vous a appris cet exercice sur Dieu ou sur vous-même ?
  3. Quel est votre passage, histoire ou verset préféré de l'évangile de Jean ?

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