Visions du Ciel et de l'Enfer

6. Conduit en enfer

Il n'eut pas plus tôt fini de parler qu'il partit et la forme brillante qui m'avait amené depuis le monde, d'en bas jusqu'à ce lieu de bonheur se présenta. « J'ai, dit l'ange, la mission de te reconduire dans le monde d'en bas, non seulement sur la terre d'où je t'ai amené, mais dans les régions du prince des ténèbres pour que tu puisses voir le salaire du péché et ce que la juste colère de Dieu prépare pour les rebelles qui avaient voulu s'exalter au-dessus du trône du Très-Haut. Mais cependant, ne sois pas effrayé, car, de même que j'ai la mission de te prendre ici, j'ai celle de te ramener dans le monde où je t'ai pris pour te quitter ensuite.

Quitter le ciel pour la terre fut extrêmement désagréable et m'aurait rendu malheureux si je n'avais pas su que telle était la volonté divine. Mais quitter le ciel pour l'enfer me retourna le coeur au dedans de moi. Cependant, quand je sus que le bon plaisir divin était que je retourne sur la terre de nouveau, que là, un jour, je sois dépouillé de ma mortalité et qu'ensuite, je sois reconduit au ciel, je fus un peu réconforté et trouvai en moi-même une entière résignation à la volonté de Dieu. C'est pourquoi je dis avec quelque assurance à mon guide brillant : « Je serai toujours disposé à obéir à ce que la volonté du Dieu béni a ordonné, de la grande miséricorde de qui j'ai toujours fait une si grande expérience, que, même en enfer, je ne serai pas effrayé si le puis avoir Sa présence avec moi ».

À ceci, mon brillant gardien répondit : « Partout où le Dieu béni concède Sa présence. c'est le Ciel et tandis que nous serons en Enfer, Il sera avec nous ».

Alors, après s'être incliné très bas devant le Trône de la Toute-Puissance, plus rapide que la pensée, mon ange gardien me transporta plus de 10.000 lieues plus bas que l'empire des cieux où, quand j'avais vu ces puissants globes de feu, ces lampes brûlant toujours dans les cieux éthérés, j'avais dit à mon brillant conducteur que j'avais entendu dire, quand j'étais sur la terre, que chacune de ces étoiles fixes était un monde ; je croyais qu'elles pouvaient l'être parce que, bien que vues d'ici, elles soient d'une si puissante grandeur, elles ne nous semblaient à nous qui les voyions de la terre, simplement de petits objets, comme la terre nous apparaissait vue d'ici. « Mais ajoutai-je, je désirerais volontiers être informé par vous de la vérité sur cette question ».

Mon guide brillant me répondit : « À Celui qui est Tout-Puissant, rien n'est impossible, pas plus qu'il ne peut y avoir de bornes à l'infini. Notre Dieu à jamais béni employa 6 jours à créer le monde d'en bas, mais aurait aussi bien pu le faire en un instant s'il s'y était déterminé. Ce fut Sa Toute-Puissance qui le décida à agir ainsi, et ce que cette puissance peut accomplir, personne, sauf Lui qui la possède, ne peut le dire. Mais c'est Sa volonté qui fournit un argument à Sa Puissance et non une bonne logique dans l'école du ciel. Il fait ce qui Lui plaît à la fois dans le ciel au-dessus et sur la terre en bas, et ce qu'il lui plaît de nous révéler, cela seul, nous le savons ; ce qu'Il n'a pas révélé, ce sont des secrets enfermés dans Son propre conseil éternel, et c'est de la part d'une créature une insolente et présomptueuse curiosité que de s'en informer. Sans aucun doute, il peut faire autant de mondes qu'il y a d'étoiles dans le ciel si cela lui plaît. Mais ce qu'Il a fait et qu'Il n'a pas révélé, Il n'est pas de notre devoir de nous en enquérir.

À ce moment, nous fûmes entraînés vers les régions les plus basses de l'air où je vis une multitude de formes effrayantes et de lugubres apparitions noires s'enfuyant loin de la rayonnante présence de mon brillant conducteur.

« Assurément, dis-je, ce sont quelques avant-gardes de l'enfer, ces formes si noires et si effrayantes ? »

« Ce sont, dit mon conducteur, quelques esprits apostats qui errent à l'aventure, çà et là, dans l'air et sur la terre, comme des lions rugissants, cherchant qui ils pourront dévorer. Et, bien qu'ils soient entraînés ici, tu les verras rapidement dans leurs sombres territoires, car nous nous dirigeons maintenant vers la frontière de l'abîme infernal.

Je m'aperçus vite que les paroles de mon guide étaient très vraies, car nous fûmes bientôt entourés de ténèbres plus noires que la nuit accompagnées d'une puanteur plus suffocante que celle du soufre brûlant. Mes oreilles furent aussi remplies des hurlements horribles des esprits damnés en comparaison desquels les notes les plus discordantes entendues sur la terre semblaient une musique mélodieuse.

« Maintenant, dit mon ange gardien, tu es sur le bord de l'enfer mais ne crains pas le pouvoir du destructeur, car ma mission, donnée par le trône impérial, t'assure contre tous dangers. Ici, tu peux entendre, des démons et des âmes damnées elles-mêmes les causes maudites de leur perte éternelle. Ce que tu désires demander, demande-le et ils te répondront. Les démons ne peuvent te faire de mal, bien qu'ils le veuillent car leur pouvoir est limité par Celui qui m'a délégué, dont ils ont la connaissance, auquel ils sont sensibles, ce qui les fait rager, s'agiter, rugir, et mordre leurs chaînes haïes, mais tout est vain ».

Nous étions arrivés maintenant dans les territoires de l'enfer situés dans le centre de la terre. Là, dans un lac sulfureux de feu liquide, limité par la chaîne de diamant du décret fixé par le ciel, Lucifer était assis sûr un trône brûlant, ses yeux effrayants étincelant d'une fureur infernale, et plein de rage à cause de ses douleurs ardentes. Ces démons errants que nous avions vu voler devant nous tandis que nous venions du ciel avaient, — je le remarquai, — averti de notre arrivée, ce qui excitait le vacarme de tout l'enfer. Lucifer exhalait ses horribles blasphèmes contre le Dieu béni, et les prononçait d'un air plein d'arrogance et d'orgueil. « Que désire celui-qui-envoie-le-tonnerre ? Il a toujours ce ciel dont le sceptre radieux aurait du être tenu par ma main ; et, au lieu de ces espaces où jamais la lumière ne s'éteint, Il me confine hors de mon héritage légitime, dans cette sombre maison de mort, de tristesse et de douleur ! Quoi ! voudrait-il me prendre l'enfer aussi, pour qu'il vienne m'insulter jusqu'ici ? Ah ! ne pourrais-je obtenir une autre bataille pour l'éprouver ; je voudrais ébranler le ciel et faire vaciller son trône brillant ! Je n'aurais pas peur non plus du dernier degré de sa puissance bien qu'il ait des flammes plus ardentes que celles dans lesquelles il me jette. Bien qu'autrefois, j'aie perdu la bataille la faute n'en fut pas à moi ! Aucun esprit ailé sous la voûte du ciel ne promet la victoire plus que je ne le fis. Mais, ah ! continua-t-il avec une voix changée, cette bataille est perdue et je suis jugé, condamné pour toujours à ces sombres territoires ! Du moins, est-ce encore un réconfort pour moi que le chagrin de l'humanité tienne compagnie à ma douleur. Et depuis, je ne peux rien contre celui-qui-lance-le-tonnerre, je veux assouvir ma rage extrême sur les humains ! »

Je fus stupéfié d'entendre son discours. impie et ne pus m'empêcher de dire à mon guide « Combien ses blasphèmes sont récompensés avec justice ! »

« Ce que tu as entendu de cet esprit apostat est tout à la fois son péché et sa punition ; pour chaque blasphème qu'il vomit contre le ciel il rend l'enfer plus brûlant pour lui ».

Nous partîmes ensuite plus loin où nous assistâmes à des scènes lugubres de chagrin sans mélange ; nous vîmes deux misérables âmes tourmentées par un démon qui, sans cesse, les plongeait dans le feu liquide et le soufre brûlant, tandis qu'au même moment, ils s'accusaient et se maudissaient l'un l'autre. L'un d'eux dit à son camarade tourmente : « 0, que ta face soit maudite, que jamais je ne fixe mes yeux sur toi ! C'est à toi qu'est due ma misère, je peux t'en remercier, car ce sont tes conseils qui m'ont amené ici, tu m'as tenté, c'est toi qui m'as pris ainsi au piège. C'est ta cupidité et ta tromperie et ton oppression et ton écrasement du pauvre qui m'ont conduit ici. Si tu m'avais seulement donné un bon exemple ! comme on fait à un méchant, j'aurais pu être dans le ciel où j'aurais été aussi heureux que je suis maintenant misérable ! Oh malheureux que je fus ! C'est parce que J'ai suivi tes pas que j'en suis réduit à cet état misérable et perdu pour toujours ! Oh ! que je n'aie jamais vu ton visage ou que tu ne sois jamais né pour faire à mon âme tout le mal que tu lui as fait ! »

L'autre misérable répondit :

« Et ne puis-je pas aussi bien te blâmer ? Car ne te souviens-tu pas combien, en tel temps et en tel lieu, tu m'as tenté, tu m'as conduit dehors et tu m'as demandé si je ne voulais pas aller avec toi quand j'étais occupé à mon autre travail, ma profession légale ? Mais tu m'as appelé à la quitter et c'est pourquoi tu es aussi fautif que moi. Si j'étais cupide, toi, tu étais orgueilleux, et si tu as appris de moi ta cupidité, je suis sûr que j'ai appris de toi mon orgueil et mon ivrognerie et si tu as appris de moi à tricher, toi, tu m'as enseigné à convoiter, à mentir, à me moquer de la bonté. Ainsi, bien que je t'aie fait commettre des fautes en certaines choses, toi, tu m'as entraîné à trébucher sur beaucoup d'autres ; c'est pourquoi, si tu me blâmes, je peux te blâmer tout autant. Et si j'ai à répondre de tes actions les plus malpropres, tu as aussi à répondre pour quelques-unes des miennes. Je souhaite n'être jamais venu ici ; ta seule vue blesse mon âme en rendant de nouveau présent à mes yeux le péché. Ce fut avec toi, avec toi que j'ai péché. O douleur de mon âme ! Et depuis, Je ne peux éviter ta compagnie ici, oh ! que ne puis-je être Ici sans toi ! »

D'après ce triste dialogue, je compris bientôt que ceux qui, sur la terre, ont été compagnons de péché seront aussi en enfer, compagnons de châtiment. Et bien que, sur terre, ils aient aimé leur compagnie réciproque, Ils ne se soucient pas de la conserver en enfer. Ceci, je crois, fut la vraie raison pour laquelle le riche (Luc 16) parut être si préoccupé de la destinée de ses frères jusqu'à prier Abraham de faire avertir ses compagnons de péché sur la terre. Ce fut l'amour de lui-même et non d'eux qui le fit agir, parce que s'ils étaient venus là, ses propres tourments auraient par cela été accrus, par leur présence et le souvenir du péché pratiqué avec eux.

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