Visions du Ciel et de l'Enfer

11. Feu et ténèbres

Je voudrais poser une autre question. Je t'ai entendu, toi et les autres, vous plaindre d'acier brûlant, de feu, de flammes ; et cependant, je ne peux pas les discerner. Où Il y a du feu, Il doit y avoir de la lumière, et pourtant, je vois que vous êtes encore dans les ténèbres les complètes ».

« Oh ! je voudrais vous dire que je ne vois pas le feu ! Combien mes tourments seraient plus faciles à supporter. Mais hélas ! le feu auquel nous sommes exposés surpasse mille fois en ardeur celui de la cuisine, et il est d'une nature tout à fait différente. Il ne faut pas en attendre de la lumière comme d'un feu qui brûle sur la terre. Mais malgré tout le feu de l'enfer, nous sommes dans d'absolues ténèbres. Celui qui brûle sur la terre est de nature rongeante et dévorante ; il réduit en cendres ce qu'il saisit et quand il ne rencontre plus d'aliment, il s'éteint, Il n'en est pas de même ici ; car, bien qu'il brûle avec une prodigieuse ardeur, que seuls peuvent connaître ceux qui l'éprouvent il ne consume pas et ne consumera jamais. Nous brûlerons toujours mais sans être jamais brûlés. C'est un feu torturant, mais non consumant. Ici, le feu s'empare de nos âmes et les plonge dans une douleur qui ne peut être exprimée. Ce fut mon ignorance de ceci, qui lorsque j'étais sur la terre, me rendait ridicule la notion de substances immatérielles pouvant être brûlées par le feu, chose qu'ici, à mes dépens, j'expérimente dans sa réalité. Une autre différence entre le feu qui nous dévore ici et celui qui brûle sur la terre, est que vous pouvez allumer ce dernier quand cela vous plaît et l'éteindre quand vous voulez. Il en est autrement ici : ce feu est pareil à un torrent de soufre et il brûle à jamais. C'est tout ce que j'ai à répondre à la dernière et triste question que tu m'as posée ».

« Triste. en vérité, dis-je. Vois ce que la Toute-puissance peut infliger à ceux qui violent sa juste loi. » J'allais faire d'autres observations sur ce que j'entendais quand l'inexorable démon qui les tourmentait m'interrompit ainsi :

« Tu vois, par celui-ci, à quelle espèce d'hommes ils appartenaient quand ils étaient dans le monde, et ne penses-tu pas qu'ils ont bien mérité le châtiment qu'ils subissent ? »

À quoi je répondis : « Sans doute, c'est le juste salaire du péché qu'ils souffrent maintenant et qu'à l'avenir tout souffriras aussi ; car toi aussi bien qu'eux, tu as péché contre le Dieu à jamais béni et à cause de ton péché, tu souffriras la juste vengeance du feu éternel. Il n'y a pas la moindre excuse à dire que tu n'as jamais douté de l'existence de Dieu car, bien que tu aies su qu'il y a un Dieu, tu t'es révolté contre Lui, c'est pourquoi tu seras puni justement par la privation éternelle de la présence du Seigneur et de la gloire de Sa puissance ».

Le démon répondit à cela : « C'est vrai, nous savons que nous serons punis comme tu l'as dit ; s'il y a une raison pour que l'humanité éprouve de la pitié pour eux parce qu'ils sont tombés à cause des tentations du diable, il en est de même pour moi et pour les autres esprits du monde inférieur car nous fûmes tentés par le Brillant soleil du Matin d'avoir part avec Lui. Et c'est pourquoi, bien que ceci aggrave le crime de Lucifer, il pourrait atténuer celui des esprits inférieurs ».

Alors, mon brillant conducteur qui ne leur avait pas parlé depuis notre arrivée en ces lieux, répliqua d'un ton sévère et irrité : « 0 toi, esprit apostat, méchant esprit menteur ! Peux-tu affirmer de telles choses devant moi ? Ne sais-tu pas que ce fut ton cœur orgueilleux qui te fit t'associer avec Lucifer contre le Dieu béni qui t'avait créé créature glorieuse ? Mais, t'enorgueillissant dans ta beauté propre, tu désiras dominer ton Créateur béni et ainsi être prêt à faire cause commune avec Lucifer et tu as été avec lui précipité en enfer. Ta grâce et ta beauté premières ont été changées, tu est devenu cette forme horrible et monstrueuse sous laquelle tu apparais maintenant, c'est le juste châtiment de ton orgueilleuse rébellion.

L'esprit apostat dit seulement ceci : « Pourquoi t'introduis-tu sur nos territoires et viens-tu ici pour nous tourmenter avant le temps ? » Et après ces mots, il s'esquiva comme s'il n'osait pas rester pour attendre une réponse. Le démon parti, je dis à mon guide quelques chose que j'avais déjà entendu à propos de la chute des anges apostats, mais dont j'avais le grand désir d'être plus amplement informé ici, dans les détails. Mon ange gardien me répondit : « Quand tu seras dépouillé de ton corps mortel et transféré dans le séjour béni, tu sauras des choses qu'il t'est impossible de saisir maintenant. C'est pourquoi, dans ton état présent, ne désire pas être informé au-delà de ce qui est écrit. Cela te suffit de savoir que les anges ont péché, et qu'à cause de leur péché, ils ont été précipités en enfer. Mais comment de purs esprits ont-ils pu voir se lever dans leur cœur une pensée contre la Pureté éternelle qui les avait créés, tu n'es pas capable de le comprendre maintenant ».

« J'ai observé, dis-je, que tous se plaignent davantage du tourment qui leur vient de leur culpabilité qui légitime la justice du châtiment. Cette obscure prison est le meilleur miroir pour considérer le péché dans ses couleurs les plus exactes, car s'il n'y avait pas la plus grande malignité dans le péché, il ne serait pas rétribué par un châtiment aussi terrible. »

« Ta conclusion est très naturelle, mais il existe un miroir encore meilleur pour voir les démérites propres au péché ; et c'est par la contemplation du Fils béni de Dieu sur la Croix. Là, nous pouvons voir les affreux effets du péché. Là, nous pouvons voir sa véritable malignité. Car toutes les souffrances des damnés ne sont encore que des souffrances de créatures ; mais, sur la Croix, tu vois un Dieu qui souffre ».

« Assurément, dis-je, la justice et la miséricorde n'ont jamais autant triomphé et ne se sont entre-baisées qu'en cette heure fatale. Car ici, la justice est pleinement satisfaite dans le juste châtiment du péché et la miséricorde a triomphé et a été satisfaite, car, par ce moyen, le salut de pauvres pécheurs a été accompli. Oh ! que son saint Nom soit loué éternellement parce que Sa grâce a fait que j'ai eu la volonté d'accepter ce salut et, par conséquent, de devenir héritier de la gloire ; car je me souviens de certains de ces malheureux perdus qui, dans leurs lamentations, amères, ont insisté en disant que, quand le salut leur avait été offert, ils l'avaient refusé. Par conséquent, ce fut seulement la grâce qui m'aida à l'accepter ».

Mon brillant gardien me dit là-dessus qu'il devait maintenant me reconduire sur la terre et me quitter là, pour que j'attende avec foi et confiance jusqu'à ce que vienne l'heureux changement espéré. « Viens, alors, dit-il et laissons ces royaumes de souffrance et d'horreur à la jouissance de leurs ténébreux habitants.

Et en très peu de temps, je me trouvai de nouveau sur la terre à la place exacte où j'avais été sur le point de commettre le terrible péché qui aurait fait de moi mon propre meurtrier, vaincu par les tentations du diable qui m'avait persuadé qu'il n'y a point de Dieu. Mais, par quel chemin me retrouvai-je en ce lieu, je suis incapable de m'en rendre compte. Dès que je fus à côté du banc sur lequel j'étais assis auparavant, la forme brillante par laquelle j'avais toujours été conduit me dit : « Maintenant, Epenetus, tu sais où tu es et je ne dois pas rester davantage avec toi, j'ai à vaquer à un autre service. Loue Celui qui est assis pour toujours sur le Trône qui a tout pouvoir dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, pour toutes les merveilles de Son amour et de Sa grâce, pour tout ce qu'Il t'a montré en un si court espace de temps.

Comme j'allais lui répondre ; mon guide brillant disparut et je me trouvai seul. Après avoir réfléchi quelques minutes, aux étonnantes visions que j'avais eues et aux choses merveilleuses que j'avais entendues, j'eus peine à croire que j'étais de nouveau sur la terre, pas plus que je ne pouvais savoir pendant combien de temps j'en avais été absent. Je m'agenouillai et priai pour ne perdre jamais l'agréable sentiment de toutes les merveilles qui m'avaient été montrées, et quand je me relevai, je bénis et je louai Dieu pour toute Sa bonté.

De retour à la maison, je trouvai les membres de ma famille très surpris de l'étrange expression de mon visage et me considérant comme s'ils ne m'avaient jamais connu. Je leur demandai ce que signifiait leur admiration inusitée ; ils me répondirent que c'était le changement de ma physionomie qui la leur causait. « À quel égard, dis-je, me trouvez-vous tellement changé ? »

Ils me répondirent : « Hier, tes regards étaient tellement sombres et découragés que tu semblais être la véritable image du désespoir ; mais, maintenant, ton visage apparaît beaucoup plus beau et porte toutes les marques de la satisfaction et de la joie parfaite »

« Si vous aviez vu, dis-je ce que j'ai vu aujourd'hui, vous ne vous étonneriez pas du changement que vous constatez ».

Alors, entrant dans mon cabinet de travail, je pris une plume et j'écrivis ce que j'avais entendu et vu, relatant ma vision du commencement à la fin. J'espère qu'elle produira, à ceux qui la liront, le même effet qu'à moi qui l'ai écrite.

FIN

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