Commentaire sur les Actes des Apôtres

Chapitre V

5.1

Mais un certain homme, du nom d’Ananias, avec Saphira, sa femme, vendit une propriété ;

Ce que saint Luc a exposé jusques à présent, montrait que cette compagnie qui avait été assemblée sous le nom de Jésus-Christ, était plutôt une compagnie d’Anges que d’hommes. C’était aussi une vertu incroyable, que les riches se dépouillaient de leur propre gré, non seulement de leur argent, mais aussi de leurs possessions et héritages pour subvenir aux pauvres Mais maintenant il montre que Satan manigança une nouvelle fraude pour entrer jusques dedans cette sainte congrégation, et ce sous couleur d’une vertu si excellente. Car l’hypocrisie a des plis merveilleux pour s’insinuer. Or Satan livre l’assaut à l’Eglise de Dieu par celle-ci, quand il ne peut profiter par guerre ouverte.

Mais il nous faut ici principalement considérer quelle est l’intention du saint Esprit. Car il a voulu assurer par cette histoire, premièrement combien la pureté du cœur est agréable à Dieu, et en combien grande abomination il a la perverse dissimulation et hypocrisie ; puis après, combien il approuve la sainte et pure discipline de son Eglise. Car le principal point c’est la peine, de laquelle Dieu a puni Ananias et sa femme. Tout ainsi que pour lors cette punition grave a fait que tous ont été saisis de crainte ; aussi ce nous est un beau témoignage, que Dieu ne peut porter une telle déloyauté, quand contrefaisant les saints, nous nous jouons avec Dieu, l’ayant en mépris. Car si après avoir considéré toutes les circonstances nous cherchons un bref sommaire en ceci, S. Luc ne condamne point un autre crime ou forfait en Ananias, que ce qu’il a voulu tromper Dieu et l’Eglise par une feinte oblation. Mais en cette offerte feinte il y avait plusieurs maux ; le mépris de Dieu, lequel connaissait bien le cœur pervers d’Ananias, et toutefois Ananias n’est ému d’aucune révérence ; puis après, la tromperie pleine de sacrilège, d’autant qu’il avait retiré une partie de ce que lui-même confessait être consacré à Dieu ; outre plus, une perverse vanité et ambition ; par laquelle il se montre devant les hommes, laissant là derrière le jugement de Dieu ; avec ce, l’infidélité ; pour ce qu’il n’eut point attenté cela, s’il ne se fut défié de Dieu ; conséquemment, la corruption d’une sainte institution ; bref, l’hypocrisie seule était un assez grand mal de soi ; mais voici encore plus, qu’avec tout cela il y avait une audace obstinée à mentir.

De première entrée le fait d’Ananias semblait être beau et digne de mémoire, voire quand il n’eut donné que la moitié de son héritage vendu ; car ce n’est point une vertu vulgaire, à savoir qu’un homme riche partisse également ses biens avec les pauvres. Mais les oblations des méchants sont abominables devant Dieu ; Proverbes 15.8 ; et quand la rondeur et simplicité du cœur n’y est point, rien ne lui peut être agréable. Ainsi nous voyons que Jésus Christ estime plus les deux deniers que la veuve avait offerts, que les grandes sommes des autres, qu’ils avaient données de leurs grands biens, Luc 21.2. C’est-ci la cause pourquoi Dieu a montrer un exemple d’une si rigoureuse vengeance en Ananias. Maintenant poursuivons chacun point l’un après l’autre.

5.2

et il détourna quelque chose du prix, sa femme aussi étant complice ; et en ayant apporté une partie, il la déposa aux pieds des apôtres.

Voyons ici ce que fait l’ambition. Ananias a honte qu’il n’est réputé des plus hommes de bien de toute la troupe. Combien donc qu’il soit convoiteux d’argent, nonobstant il se prive d’une partie de ses biens, afin qu’il acquière un bon bruit entre les hommes. Cependant il ne considère pas qu’il ment et trompe en la présence de Dieu, et que Dieu fera la vengeance de ce mensonge. Ainsi il advient qu’il honore plus les pieds des apôtres que les yeux de Dieu. Nous nous devons donc, bien donner garde d’un tel vice, que nous ne nous veuillons mettre comme sur une estrade pour faire jeter la vue des hommes sur nous par nos aumônes. Et ce n’est pas en vain que Christ nous exhorte qu’il est profitable que quand nous donnons l’aumône, la main gauche ne sache ce que fait la droite.

5.3

Mais Pierre lui dit : Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, pour que tu mentes à l’Esprit saint et détournes une partie du prix de ce fonds de terre ?

Comment saint Pierre connaissait-il la fraude d’Ananias ? Il ne faut nullement douter que ce ne fut par révélation du saint Esprit. Saint Luc donc signifie que les apôtres ont en quelque façon représenté la personne de Dieu, et qu’ils ont fait son office. Que si l’Esprit de Dieu par la bouche d’un homme mortel presse un hypocrite de si près, lequel au demeurant était bien fardé d’une belle couleur de vertus, comment se fera cela, que les infidèles et réprouvés puissent soutenir la voix de Dieu même au son de la trompe, quand il faudra que tous comparaissent devant son siège judicial ? Au reste, quand saint Pierre fait cette interrogation, il dénote l’énormité du crime d’Ananias, où il dit, que son cœur a été rempli par Satan. Car il n’y a nul homme à qui le cœur ne soit point des aiguillons de Satan. Avec ce, il y a mille tentations qui surviennent à chacun de nous, et entrent jusques dedans nos cœurs. Mais quand Satan a saisi le cœur, il obtient son règne en tout l’homme, Dieu en étant chassé hors. C’est-ci un signe d’un homme réprouvé, d’être tellement adonné et rangé sous Satan, que l’Esprit de Dieu n’y ait nulle place. Quant à ce qui s’ensuit du mensonge, il peut être entendu en deux significations ; ou qu’il a faussement prétendu le saint Esprit ; ou qu’il a menti au saint Esprit. Mais je décline plus de ce côté, qu’Ananias est ici repris, pour ce qu’il s’est déloyalement moqué du saint Esprit, ce qu’il confirme un peu après. D’autant plus nous devons-nous diligemment donner garde que nulle hypocrisie ne domine en nous, à laquelle cette impudence est propre, de vouloir tromper Dieu, et (par manière de parler) lui crever les yeux ; ce qui ne se peut faire sans un vilain mépris. Par quoi, c’est à bon droit que saint Pierre dit, que le cœur est possédé par Satan, où cela se fait. Car qui est celui qui serait si hardi d’être ainsi outrageux contre Dieu, sinon qu’il fut sans raison, et totalement hors de sens ? Et pourtant saint Pierre interroge Ananias, comme d’une chose étrange et monstrueuse ; car un tel aveuglement est horrible à la vérité.

5.4

Si tu ne l’avais pas vendu, ne demeurait-il pas à toi ? et, vendu, n’était-il pas en ton pouvoir ? Comment as-tu conçu dans ton cœur un tel dessein ? Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.

Il agrandit la faute, d’autant qu’il a péché, n’étant contraint d’aucune nécessité. Car vu que cette excuse même n’est pas assez suffisante, qu’il a été incité à mal faire de son propre gré, et provoquer l’ire de Dieu contre soi, comme à son escient. Au surplus, nous recueillons de ceci, que Loi n’a été imposée à nul homme d’entre eux de vendre son bien. Car S. Pierre dit qu’il était en la liberté d’Ananias, tant de retenir son champ et possession, que de garder son argent ; car là il prend au second membre la vente du champ, pour le prix du champ vendu. Donc en gardant le sien, il n’eut pas laissé pourtant d’être estimé fidèle. Ceux donc, qui disent qu’il n’est nullement licite aux fidèles d’avoir rien de propre, ont l’Esprit étourdi et frénétique.

Tu n’as point menti aux hommes. Combien que la construction des mots soit diverse, toutefois je ne doute point qu’il ne confirme la sentence précédente. Car les hypocrites se couvrent de tant de fards et masques, qu’ils pensent n’avoir point à faire avec Dieu. Or S. Pierre parle ainsi explicitement, pour ce qu’il avait déçu l’Eglise. Mais quoi ? Il devait bien penser que là où il y en a deux ou trois assemblés au nom du Seigneur Jésus, là il préside, Matthieu 18.20 ; et que ce qu’il faisait en cette congrégation, c’était autant que s’il eût eu Dieu devant ses yeux. Car puisque Dieu veut régner en l’Eglise, si nous lui portons quelque révérence, nous devons honorer cette domination, laquelle il exerce par sa Parole. Il est vrai que les apôtres étaient hommes, mais non pas hommes privés ; d’autant que Dieu leur avait enjoint de tenir son lieu. De plus, il nous faut noter que celui qui se couvre du Saint Esprit à fausses enseignes, ment à Dieu, comme dit S. Pierre. Car par cette forme de parler est clairement affermée la Divinité du Saint Esprit. En cette sorte aussi S. Paul dit : Vous êtes les temples de Dieu, pour ce que l’Esprit de celui-ci habite en vous, 1 Corinthiens 3.16.

5.5

Ananias, entendant ces paroles, tomba et expira. Et il y eut une grande crainte sur tous ceux qui l’apprirent.

La mort d’Ananias montre par effet quelle est l’efficace de la Parole, que saint Paul loue si hautement (2 Corinthiens 2.16) quand il dit qu’elle est odeur de mort portant mort à ceux qui périssent. Il est vrai qu’il parle de la mort spirituelle de l’âme ; mais au corps d’Ananias il y a eu un signe visible de la peine qui est cachée aux yeux des hommes. Il n’a point été occis ne par violence quelconque, ni par glaive, ni de main d’homme ; mais il a été étouffé seulement en entendant la voix. Quand nous entendons ceci, que les menaces de l’Évangile nous étonnent et humilient de bonne heure, de peur que nous-mêmes n’expérimentions un semblable effet. Car ce qui est dit de Christ, qu’il tuera le méchant de l’Esprit de sa bouche, (Esaïe 11.4) n’appartient pas seulement au chef des méchants, mais aussi à chacun membre. Car ceux qui rejettent obstinément le salut qui leur est offert en la Parole, il faut nécessairement que ce qui était salutaire de sa nature, leur soit mortel. Mais si ceci semble absurde à aucuns, que S. Pierre ait puni corporellement, je réponds en premier lieu, que ceci a été une chose extraordinaire. D’avantage, que ceci a été un des dons du Saint Esprit ; comme il apparaît 1 Corinthiens 12.10. Pour cette même cause Elymas magicien a été frappé d’aveuglement par S. Paul, comme nous verrons ci-après, Actes 13.8. saint Pierre donc n’a rien fait qui fut contraire à son office, quand il a dégainé en temps et heure le glaive que le Saint Esprit lui avait donné. Or quant à ce qu’aucuns pensent que cette punition a été trop cruelle, cela se fait pour ce qu’ils pèsent le péché d’Ananias de leur balance, et non point de la balance de Dieu ; et par ce moyen estiment légère faute un crime fort énorme, lequel nous avons montré être plein de tant de méchancetés.

Les autres pensent que ceci est une fable, pour ce qu’ils voient advenir, tous les jours que plusieurs hypocrites demeurent impunis, qui toutefois ne se moquent point moins de Dieu que faisait Ananias ; et qui plus est, combien qu’eux-mêmes soient grands contempteurs de Dieu, toutefois ils ne sont point punis de leur grossière et lourde impiété. Mais tout ainsi que Dieu a répandu des grâces visibles en son Eglise du commencement, afin que nous soyons certains qu’il nous assistera par la vertu secrète de son Esprit ; et même il a manifesté ouvertement par signes externes ce que nous sentons au dedans par l’expérience de la foi ; aussi il a attesté par la punition visible de deux, quel jugement horrible frappera semblablement tous hypocrites, qui se seront moqués de lui et de son Evangile.

Dont advint grande crainte, etc. C’a été l’intention du Seigneur de faire peur aux autres par la punition d’un, afin qu’en craignant Dieu, ils se déportassent de toute dissimulation. Et ce que S. Luc explique, qu’ils ont eu grande crainte, nous appartient aussi. Car Dieu a voulu alors montré un enseignement commun à tous siècles, afin que tous apprennent à travailler avec Dieu en pureté et rondeur de cœur. Cependant la peine de ce méchant devait tant plus stimuler les fidèles de se consacrer ci-après à Dieu et eux et leurs biens ; car ils pouvaient bien conclure que les aumônes à la vérité étaient agréables à Dieu, la profanation et abus desquelles il avait corrigé si rigoureusement.

5.6

Et les jeunes gens, s’étant levés, l’enveloppèrent, et l’ayant emporté, ils l’enterrèrent.

5.7

Or il arriva, à un intervalle d’environ trois heures, que sa femme, ne sachant pas ce qui était arrivé, entra.

La punition envoyée de Dieu à Sapphira, ne contient rien de nouveau ; sinon que par cela il y eut plus grande confirmation pour donner exemple. Or il est advenu par certaine providence de Dieu, que le cœur déloyal et la malice obstinée de tous deux a été punie par intervalle à la vue de toute l’Eglise. Il est bien vrai que cela se pouvait faire ensemble par une même connaissance, vu que la cause de tous deux était semblable. Mais ceci a été plus propre et plus utile pour l’édification de l’Eglise, qu’un chacun d’eux manifestât plus ouvertement sa propre impiété et hypocrisie. Car la présence du mari (comme cela advient souvent) n’a point été cause à Sapphira de feindre quelque chose, en sorte que cette offense peut être imputée à honte ; mais étant incitée de son propre gré et mouvement, et non point d’ailleurs, elle ne se montre point en rien meilleure que son mari. La malice en menterie est aussi toute pareille, vu qu’elle voit par l’interrogation de saint Pierre que leur finesse est découverte.

5.8

Et Pierre lui adressa la parole : Dis-moi si c’est pour cette somme que vous avez cédé le fonds de terre ? Et elle dit : Oui, c’est pour cette somme.

Nous voyons comment Dieu ne punit pas d’une soudaine impétuosité ; mais il fait premièrement une enquête légitime, afin qu’il ne se venge que des obstinés, et de ceux qui empêchent que le pardon ne vienne jusqu’à eux. Car vu que Sapphira savait que ce fait était caché, l’interrogation de S. Pierre lui devait toucher le cœur au vif, autant que si elle eût été convoquée devant le siège judicial de Dieu. Il lui est donné temps pour se repentir ; et même ceci lui est comme une semonce gracieuse à faire pénitence. Et toutefois elle poursuit hardiment et sans honte, et par cela se montre être incurable ; d’autant qu’elle n’est émue d’aucune crainte de Dieu. Or nous sommes enseignés par ceci, qu’il faut diligemment travailler que les pécheurs soient réduits au droit et bon chemin. Car l’Esprit de Dieu garde cette modération. Mais quand il y a obstination et un mépris opiniâtre de Dieu avec le crime, le temps opportun de la punition est venu alors. Ceux donc auxquels déplaît la rigueur excessive de Dieu, montrent qu’ils sont par trop orgueilleux et arrogants. C’est plutôt à nous de méditer comment nous pourrons finalement comparaître devant son siège judicial. Combien que c’est ci trop mépriser sa sainte majesté, si nous voulons qu’il soit moqué sans que punition en soit faite. D’avantage, tant de circonstances que j’ai recueillies ci-dessus, montrent assez suffisamment qu’Ananias et sa femme n’étaient pas seulement dignes d’une mort. Car premièrement, l’hypocrisie est de soi grandement abominable devant Dieu. Puis après, ce qu’ils mettent en leur cœur de mentir à Dieu, procède d’un grand mépris. Quant à ce qu’ils ne portent nulle révérence à Christ qui présidait en la congrégation des siens, c’est une impiété mêlé e d’une impudence ; car ce leur est tout un de nier un crime connu tant seulement de Dieu, moyennant qu’ils ne tombent à honte et vergogne devant les hommes, vers lesquels ils avaient délibéré de se glorifier. Le fait qu’ils nient leur péché avec obstination, cela est comme le comble. Or quant à ce que tant d’hypocrites ne se moquent pas moins tous les jours de Dieu et de son Eglise, qui toutefois ne sont pas punis de mort, j’ai déjà dit pourquoi cela ne doit sembler absurde. Vu que Dieu est le seul Juge du monde, c’est à lui à faire de punir un chacun selon son bon plaisir, en la sorte et au temps qu’il lui semble bon. Par quoi il ne nous est point licite de lui limiter une certaine mesure de punitions. Mais en la punition corporelle de deux, nous a été proposée comme en un miroir la pesanteur du jugement spirituel, qui nous est encore caché. Car si nous considérons bien que c’est d’être jeté au feu éternel, nous jugerons que ce n’est pas le dernier de tous les maux, de tomber mort devant les hommes. On peut voir sur ceci le chapitre 10 de la 1re aux Corinthiens.

5.9

Alors Pierre lui dit : Comment un accord a-t-il été fait entre vous pour tenter l’Esprit du Seigneur ? Voici, les pieds de ceux qui ont enterré ton mari sont à la porte, et ils t’emporteront.

Il signifie par une autre forme de parler, cela même qu’il avait dénoté ci-dessus ; à savoir qu’ils se jouaient de Dieu sans aucune révérence. Mais il dit qu’ils ont tenté l’Esprit de Dieu, pour ce qu’ils avaient tellement comploté et bâti leur fraude, comme si l’Esprit de Dieu n’eut point connu les cœurs. Car c’a été une trop méchante assurance, de penser qu’ils pourraient comploter sans que Dieu en sut rien, et cependant entre eux ils se sont témoins l’un l’autre de leur crime. Au reste, il entend l’Esprit qui gouvernait l’Eglise par les apôtres. Car quand Jésus-Christ dit que l’Esprit viendra, et jugera le monde, il ne signifie autre espèce de juridiction, sinon celle qu’il exerce par le ministère de l’Eglise.

5.10

Or, au même instant, elle tomba à ses pieds, et expira. Et les jeunes gens étant entrés la trouvèrent morte, et l’ayant emportée, ils l’enterrèrent auprès de son mari.

5.11

Et il y eut une grande crainte sur toute l’Eglise et sur tous ceux qui apprirent ces choses.

Il répète derechef que la peine d’une personne a servi d’enseignement à tous. Mais il exprime ici nommément deux sortes de crainte. Il dit que l’Eglise a eu crainte ; pour ce que les fidèles ne craignent jamais Dieu si parfaitement, qu’ils ne profitent encore d’avantage, étant exhortés de ses jugements. Par quoi autant de peines (lesquelles nous lisons que Dieu a puni jadis les méchants, et desquelles il les châtie encore aujourd’hui, ce nous sont autant d’avertissements pour nous retirer de toute convoitise et licence de mal faire. Car la chair doit, bien souvent être ainsi réprimée ; pour ce qu’une seule bride ne pourrait à grand peine lui suffire. Les étrangers ont bien eu une autre crainte. Car par leur crainte ils n’ont point été amenés jusqu’à servir Dieu purement ; toutefois elle a été telle, qu’elle les a contraints de donner gloire à Dieu.

5.12

Or il se faisait par les mains des apôtres beaucoup de miracles et de prodiges parmi le peuple. Et ils étaient tous d’un commun accord sous le portique de Salomon.

Il retourne aux miracles, lesquels sont les plus propres à l’Evangile ; à savoir ceux par lesquels Jésus-Christ rend témoignage, non seulement de sa puissance, mais aussi de sa bonté ; afin qu’il attire à soi les hommes par la douceur de sa grâce. Car il est venu pour sauver le monde, et non pas pour le condamner. Quand donc les malades sont guéris, et les autres sont délivrés des esprits malins, ces grâces et bénéfices qui sont conférés aux corps des hommes, représentent la grâce spirituelle de Jésus-Christ. Et pourtant ils sont de son naturel office, si ainsi faut parler. Ce miracle redoutable qui avait été fait en Ananias et sa femme, était comme une chose accidentelle. Or saint Luc explique que l’Eglise a été augmentée par les miracles ; car (comme nous avons dit) ils servent d’aides et appuis à la foi, en préparant les uns, et confirmant les autres. Et ceci est prouvé derechef ce que j’ai remontré ailleurs, que les miracles ne doivent jamais être séparés de la Parole. Et quant à la multitude des signes, saint Luc la démontre par là, qu’on apportait des malades de tous côtés en place publique, afin qu’ils recouvrassent guérison. Car Dieu a voulu par ce moyen magnifier l’Evangile de son Fils, et même en ses commencements ; afin que ce fut une chose toute certaine entre les Juifs, que la restauration de toutes choses était venue, laquelle avait été tant de fois promise, et en laquelle ils avaient auparavant affirmé que toute leur espérance et attente était arrêtée. Touchant ce mot Grabat, il est assez connu que c’étaient de petits lits sur lesquels les anciens avaient l’habitude de se reposer le jour ; et pour ce qu’ils étaient aisés à transporter, on y mettait les malades.

Et étaient tous d’un accord au portail de Salomon. Il signifie qu’ils avaient coutume de s’assembler à certaines heures, non seulement pour faire oraisons et pour annoncer la doctrine, mais aussi afin qu’ils en gagnassent d’autres au Seigneur, selon que l’occasion s’y prêterait. Car chacun demeurait en sa maison ; mais ils faisaient là leurs assemblées ; comme de fait nul corps d’Eglise ne peut autrement subsister. Car si chacun se veut servir de docteur en particulier, et faire ses prières à part, et qu’il n’y ait point d’assemblées publiques, l’Eglise sera tant bien instituée qu’on voudra, toutefois il faudra que bientôt elle aille en décadence et ruine. Il dit qu’ils étaient tous d’un accord, afin que nous sachions que tous de leur propre volonté ont gardé cet ordre, que nul n’a été rétif, qui méprisant les congrégations publiques, se soit contenu dedans sa maison en particulier. En quoi ils montrent un signe non seulement de modestie, mais aussi de constance. Car ceci ne se pouvait pas faire sans danger, vu que ce lieu était fort fréquenté. Dont est tant plus louable ce commun accord, de ce qu’ils se sont apprêtés à s’exposer ensemble au danger.

5.13

Et aucun des autres n’osait se joindre à eux ; mais le peuple leur donnait de grandes louanges.

C’a été le second fruit des miracles, que les infidèles convaincus de la puissance de Dieu si manifeste n’osent mépriser les apôtres, mais plutôt sont contraints d’avoir l’Eglise en révérence. Toutefois il pourrait sembler être mal convenable, qu’étant étonnés par les miracles, ils fuient Dieu et son peuple. Je réponds qu’ils ont été empêchés d’approcher par leur propre faute. Car il ne faut point douter que Dieu ne nous convie à soi par les miracles. Par quoi tous ceux qui n’ont point encore profité jusques-là, qu’ils viennent à embrasser de grande affection la grâce qui y reluit, ils ne peuvent rien accuser qui les empêche que leur mauvaise conscience. Toutefois c’est bien quelque fruit quand Dieu arrache d’eux quelque crainte. Combien que saint Luc n’attribue pas ceci seulement aux miracles, mais plutôt il comprend ensemble toutes les choses qui pouvaient servir à accroître la dignité de l’Eglise. Car toutes choses étaient tellement disposées, que là reluisait comme une majesté Divine ; pour ce que les fidèles étaient autant différents des autres, que les Anges sont différents des hommes. Car il y a une majesté secrète en une sainte discipline et en un pur service de Dieu, laquelle serre les méchants contre leur gré. Mais nous ne savons aujourd’hui ce que c’est : car par une licence profane de mal vivre nous nous rendons plutôt méprisables ensemble avec l’Evangile. La punition aussi d’Ananias et de Sapphira servait grandement à ébranler les méchants, à ce qu’ils ne s’ingérassent témérairement de se mettre de la compagnie de ceux où Dieu avait montré une vengeance si rigoureuse. Toutefois il faut observer qu’il dénote ici des gens qui étaient indécis, et qui n’étaient pas des plus méchants. Car il y en avait lors plusieurs en Jérusalem, qui n’étaient nullement touchés de la révérence des miracles, ni de la sainteté Angélique des fidèles. S. Luc donc entend des hommes modérés, en lesquels il y avait quelque semence de la crainte de Dieu. Comme nous en voyons aujourd’hui aucuns, lesquels sont bien retenus par la vanité du monde, et empêchés de prendre le joug de Christ ; mais pour ce qu’ils sentent quelque chose divine en notre doctrine, ils n’osent la mépriser. Toutefois il apparaît aussi par ce passage, de quels filets mortels Satan tient serrés ceux qui sont vides de l’Esprit de Dieu, vu que non seulement ils n’osent s’approcher de leur bien et le pourchasser, mais au contraire ils s’enfuient d’eux-mêmes des remèdes de salut, lesquels leur sont offerts. Ils voient et approuvent les choses saintes et bonnes, et cependant ou ils demeurent pires, ou ils croupissent en leurs ordures.

5.14

Mais il s’ajoutait toujours plus de ceux qui croyaient au Seigneur, des multitudes tant d’hommes que de femmes ;

5.15

en sorte qu’on apportait les malades dans les rues et qu’on les plaçait sur de petits lits et sur des couchettes, afin que, Pierre venant à passer, son ombre du moins couvrît quelqu’un d’entre eux.

5.16

Et la multitude accourait même des villes voisines de Jérusalem, apportant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs ; et tous étaient guéris.

Les Papistes abusent de cette couverture, non seulement pour faire valoir leurs faux miracles lesquels ils disent être faits aux sépulcres des Martyrs, mais aussi afin qu’ils nous fassent valoir leurs reliques. Pourquoi est-ce (disent-ils) que l’ombre de S. Pierre a eu plutôt puissance de guérir, que n’aura son sépulcre, ou sa robe, ou même l’attouchement de ses os ? Je réponds que tout ce que S. Luc raconte avoir été fait par gens rudes et ignorant de la vraie foi, il ne s’ensuit pas qu’il faille affirmer que tout a été bon et droit. Mais il y a encore une réfutation plus certaine ; à savoir que les apôtres ont eu cette puissance, pour ce qu’ils étaient ministres de l’Evangile. Et pourtant, selon qu’il était besoin d’avancer la foi de l’Evangile, ils ont usé de ce don et qui plus est, Dieu n’a pas moins montré sa vertu en leur ombre, qu’en leur bouche. Or tant s’en faut que dans les miracles desquels les Papistes babillent, il y ait rien qui approche de cela, que plutôt toutes choses y sont contraires. Car voici la fin à laquelle ils tendent ; c’est que le monde étant détourné de Christ, ait son refuge aux saints.

5.17

Mais le souverain sacrificateur s’étant levé, ainsi que tous ceux qui étaient avec lui, lesquels étaient le parti des sadducéens, ils furent remplis d’envie,

Jusques ici saint Luc a expliqué que l’Eglise avait augmenté en nombre d’hommes, qu’elle était magnifiquement ornée de diverses grâces, qu’elle était excellente en miracles, bref que le Royaume de Jésus-Christ y florissait en toutes sortes ; maintenant il commence à raconter que la rage des méchants a été embrasée pour ces causes, et leur cruauté derechef allumée et plus impétueuse. Dont nous recueillons de quel furieux aveuglement ils ont été poussés par Satan ; vu que tant s’en faut qu’ils soient ébranlés par une vertu si manifeste de Dieu, qu’ils sont beaucoup plus audacieux, et transportés d’une plus grande impétuosité, se ruant comme s’ils voulaient renverser le ciel même. Or comme un tel aveuglement est une horrible vengeance de Dieu, aussi nous doit-il tous exhorter de nous assujettir à Dieu de bonne heure, de peur qu’étant poussés par l’Esprit de tourbillon, nous ne soyons froissés de la main de Dieu, contre laquelle nous heurterions. Cependant sachons que Dieu veut tellement augmenter son Eglise en biens spirituels, que toutefois il permet qu’elle soit tourmentée par les méchants. Il faut donc que nous soyons toujours préparés au combat. Car notre condition n’est point aujourd’hui d’autre sorte. Et principalement la connaissance des grâces et dons de Dieu, par lesquels il certifie qu’il nous assiste, nous doit rendre courageux, afin que la fureur et audace des infidèles ne nous étonne. Car ce n’est point une petite consolation, quand nous savons que notre bon Dieu nous assiste.

Et tous ceux qui étaient avec lui. Il entend ceux qui étaient plus familiers du grand Sacrificateur, du conseil desquels il avait accoutumé d’user, et lesquels il avait comme choisis de tout cet ordre sacerdotal ; non point avec bon jugement, mais seulement afin qu’ils fussent de sa ligue, comme pour lors ils combattaient les uns contre les autres furieusement sans aucune vergogne. Au reste, S. Luc dit derechef que c’étaient Sadducéens, lesquels avaient pour lors le gouvernement de tout ; afin que nous entendions que tout le gouvernement de l’Eglise était lors confus d’une horrible dissipation, vu qu’une telle secte si profane a pu alors obtenir la domination. Mais Dieu a permis que la Synagogue soit tombée en cet opprobre extrême, depuis qu’il avait séparé l’Eglise de là ; afin que ceux qui méprisant et rejetant l’Evangile demeureraient en un tel bourbier et amas de toutes ordures, eussent moins d’excuse. Au reste, qui a agité ces pourceaux, lesquels ne se souciaient aucunement de la vie à venir, sinon pure ambition, et la convoitise de maintenir la domination laquelle ils avaient occupée ?

Et furent remplis de zèle. Saint Luc parle ici en général de l’impétuosité perverse et violente, de laquelle les hypocrites brûlent et sont transportés pour maintenir leurs superstitions. Et par ceci on peut facilement connaître combien vaut devant le Seigneur le zèle des hommes, et quelle louange il mérite, quand il n’est point gouverné par raison et prudence ; c’est-à-dire, quand il n’est conduit et gouverné par l’Esprit de Dieu. Nous voyons aujourd’hui que ceux qui veulent être réputés dévots par-dessus tous les autres en la Papauté, sont transportés d’une rage diabolique à épandre cruellement le sang innocent. Cependant notons qu’il ne parle point ici du zèle inconsidéré, tel que saint Paul raconte avoir été en plusieurs Juifs ; mais nous le prenons plutôt pour une émotion bouillante et démesurée. Car combien que les réprouvés, qui à leur escient persécutent la vraie religion, se sentent bien coupables, néanmoins ils se déçoivent d’une fausse apparence de zèle, disant que c’est chose très juste d’aller au-devant des nouveautés. Ainsi qu’aujourd’hui presque tous les Papistes se glorifient du mot de Zèle, combien qu’ils ne soient jaloux d’autre cas que de leur ventre. Mais encore mettons le cas que ce qu’ils disent soit vrai ; que servira ceci pour excuser l’ardeur de leur cruauté, à laquelle les pousse leur aveuglement ? Voire, comme si c’était une grande vertu de lâcher la bride à son ire pour se venger de tout ce qui vient à déplaisir. Au contraire, ceci devait bien précéder le premier en ordre, de mettre différence entre le bien et le mal, afin que rien ne soit réprouvé à la volée et témérairement.

5.18

 et mirent les mains sur les apôtres et les jetèrent dans la prison publique.

5.19

Mais un ange du Seigneur ouvrit pendant la nuit les portes de la prison, et, les ayant conduits dehors, il dit :

Le Seigneur mit les apôtres hors la prison, non pas qu’il voulut qu’ils fussent pleinement délivrés de la main de leurs ennemis ; car il a bien permis puis après qu’ils y fussent remis, et battus de verges ; mais il a voulu donner à connaître par ce miracle, qu’ils étaient sous sa protection et sauvegarde, à ce qu’ils tiennent bon, et maintiennent la vérité de son Evangile ; en partie afin que l’Eglise fut de nouveau confirmée par ce moyen ; en partie afin que toute excuse fut ôtée aux méchants. Par quoi il ne faut pas toujours espérer, ni même souhaiter que le Seigneur nous délivre de la mort ; mais il nous faut contenter seulement de ceci, que notre vie est gardée en sa main autant qu’il est expédient. Quant à ce qu’il se sert de l’Ange pour ce faire, il le fait selon sa coutume ordinaire. Car il atteste en plusieurs endroits de l’Écriture, que les Anges sont ministres de son action bienveillante envers nous. Et ceci n’est point une vaine spéculation. Car c’est une aide utile à notre infirmité, que nous savons que non seulement Dieu a soin de nous, mais aussi que les esprits célestes veillent pour notre salut. D’avantage, ce n’est point un gage vulgaire de l’amour que Dieu nous porte, que les créatures les plus nobles de toutes soient ordonnées pour avoir soin de notre salut. Or l’Ange ouvre la prison de nuit, pour ce qu’il ne voulait point faire ce miracle devant les yeux des infidèles ; combien qu’après qu’il a été fait, il ait voulu qu’il ait été connu par ce qui en est advenu.

5.20

Allez, et, vous présentant dans le temple, annoncez au peuple toutes les paroles de cette vie.

Voici le but de la délivrance, qu’ils persévèrent à s’employer diligemment à prêcher l’Evangile, et provoquer courageusement leurs ennemis, jusqu’à tant qu’ils meurent en combattant vaillamment. Car finalement après avoir parachevé leur cours, ils ont été tirés à la mort, la main de Dieu se reposant. Mais maintenant le Seigneur leur ouvre la prison, afin qu’ils soient en liberté pour exécuter leur charge. Ceci est bien digne d’être noté, pour ce que nous en voyons plusieurs, qui se voyant échappés de quelque persécution, se tairont pour l’avenir ; comme s’ils s’étaient bien acquittés envers Dieu. Les autres aussi se font ouverture en reniant Jésus-Christ. Mais le Seigneur délivre les siens, non pas afin qu’ils laissent ce qu’ils ont commencé, mais plutôt afin qu’ils conçoivent plus grande ferveur pour le temps à venir. Les Apôtres pouvaient bien mettre ceci en avant : Il vaut mieux que nous nous taisions pour quelque temps ; car nous ne pourrions ouvrir la bouche sans danger. Nous sommes maintenant détenus prisonniers pour une seule prédication ; combien plus s’embrasera ci-après la rage des ennemis, s’ils voient que nous ne cessons de parler ? Mais pour autant qu’ils savent bien qu’il faut vivre et mourir au Seigneur, ils ne refusent point d’exécuter la charge qui leur est commise. Ainsi il faut toujours regarder la commission que Dieu nous donne. Plusieurs choses surviendront souvent qui nous affaibliront le courage, si nous ne persévérons à faire notre devoir, nous contentant du simple mandement de Dieu, et lui recommandant l’issue.

Toutes les paroles de cette vie. Voici un excellent témoignage de l’Evangile, que c’est une doctrine vivifiante, apportant salut aux hommes, Romains 1.17. Car la justice de Dieu nous est là manifestée, et Jésus-Christ s’offre là à nous avec le sacrifice de sa mort, avec l’Esprit de régénération, avec l’arrhe de l’adoption Divine. Et ceci est dit expressément aux apôtres, afin qu’ils entreprennent plus courageusement tous combats qui pourront advenir pour maintenir l’Evangile, quand ils aient qu’ils sont ministres du salut éternel. Il dit nommément De cette, pour plus grande certitude ; comme si l’Ange montrait la vie au doigt ; comme de fait, il ne la faut pas chercher loin, quand nous avons la Parole en la bouche et au cœur. Sinon qu’on aime mieux prendre ceci en cette sorte : Ces paroles de vie. Ce que je ne rejette pas ; toutefois le premier sens me plaît mieux. Car la révélation de Jésus-Christ était nouvelle, en laquelle ils avaient présentement la vie.

5.21

Ayant entendu cela, ils entrèrent dès le point du jour dans le temple, et ils y enseignaient. Mais le souverain sacrificateur étant venu, et ceux qui étaient avec lui, ils convoquèrent le sanhédrin et tous les anciens des fils d’Israël ; et ils envoyèrent à la prison pour faire amener les apôtres.

Le souverain Sacrificateur assemble maintenant tout le conseil, craignant qu’il ne fut suffisant à une telle charge, si laissant en arrière l’honneur de sa secte, il méprisait les autres. C’est donc la crainte qui le contraint d’assembler la troupe et multitude. Toutefois ils gardent diligemment et exactement la forme de justice. Les Anciens qui gouvernaient et avaient la superintendance, sont appelés, afin que rien ne se fasse que par l’avis et autorité du conseil. Qui est celui qui voyant ces beaux commencements, n’eût espéré une issue modérée ? Et de fait, ils se couvrent de toutes les couleurs qu’ils peuvent, afin qu’il ne semble qu’ils veuillent opprimer la vérité par force et tyrannie violente. Mais quand ils entendent dire que les apôtres enseignent, combien qu’ils sachent et soient bien convaincus que ceux-ci ne sont point sortis hors des prisons par fraude humaine, mais par miracle, néanmoins ils ne laissent point de poursuivre obstinément leur entreprise. En quoi est manifestée avec une vie dépravée et un mépris de Dieu, une violence et horrible rage. Ainsi donc les hypocrites ne se couvrent jamais si bien des couleurs de justice, tant belles soient-elles, qu’ils ne découvrent finalement leur malice. De toutes les circonstances ils devaient recueillir pour certain, que ce que la prison a été ouverte, était une œuvre de Dieu ; toutefois ils ne font point de difficulté d’écumer ouvertement leur rage contre Dieu. Ceci convient aussi à notre temps. Car nous savons de quelle arrogance les Papistes mettent en avant cette maxime, Qu’il faut obéir aux conciles légitimes, pour autant qu’ils représentent l’Eglise. Or ils appellent Conciles légitimes, et veulent qu’on les avoue pour tels, auxquels il n’y a que redire quant à la forme externe. Cependant, ce Concile duquel parle ici saint Luc, était tel ; et toutefois nous savons bien qu’il était assemblé pour éteindre la mémoire de Jésus-Christ. Car combien que les Sacrificateurs parvinssent pour lors à leurs dignités, ou par fraude ou par ambition, ou par autres menées illicites, ou bien par argent, et meurtres les uns des autres ; nonobstant la dignité de la Sacrificature durait encore ; comme ainsi soit que le Fils de Dieu ne fut point encore manifesté. En l’assemblée des Anciens il y avait une représentation d’Eglise de Dieu. Mais puis qu’on n’y cherche point la vérité de Dieu, toute l’apparence extérieure n’est rien qu’un masque. Que gagnent donc les Papistes de vouloir couvrir leurs abominations exécrables sous l’ombre de ce bouclier ? Car il ne suffit pas que ceux qui ont la prééminence et le gouvernement de l’Eglise, soient assemblés, si cela ne se fait au nom de Jésus-Christ. Autrement, vu que Satan a accoutumé d’user de cette ruse, de se transfigurer en Ange de lumière, nous lui donnerons sous le titre de l’Eglise la plus propre cachette pour décevoir qu’il puisse souhaiter.

5.22

Mais les huissiers y étant arrivés, ne les trouvèrent point dans la prison ; ainsi ils s’en retournèrent, et firent leur rapport,

5.23

en disant : Nous avons trouvé la prison fermée en toute sûreté et les gardes debout devant les portes ; mais, ayant ouvert, nous n’avons trouvé personne dedans.

5.24

Le commandant du temple et les principaux sacrificateurs ayant entendu ces paroles furent très perplexes à leur sujet, se demandant ce que cela deviendrait.

5.25

Mais quelqu’un survenant leur fit ce rapport : Voici, les hommes que vous aviez mis dans la prison sont dans le temple, debout et enseignant le peuple.

5.26

Alors le commandant du temple, s’en étant allé avec les huissiers, les amena, sans violence ; car ils craignaient le peuple, ils avaient peur d’être lapidés.

Touchant le capitaine du temple, nous en avons dit quelque chose ci-dessus. Car je ne puis penser qu’il fut permis aux Juifs de commettre sur le temple tel qu’il leur semblerait bon ; mais il me semble qu’il était institué par le gouverneur de la province. Or il dit que les apôtres ont été amenés sans violence, c’est-à-dire qu’ils ne furent point traînés par force ; afin qu’il n’y eût point de sédition émue. Ainsi, combien que ces gens-ci n’aient nulle révérence ni crainte de Dieu, néanmoins ils ont crainte des hommes. Les apôtres aussi montrent leur modestie en cela, que combien qu’ils soient environnés de grande multitude d’hommes, nonobstant ils souffrent être menés par les sergents ; afin qu’ils ne donnent occasion de mutinerie.

5.27

Et les ayant amenés, ils les introduisirent dans le sanhédrin. Et le souverain sacrificateur les interrogea, disant :

Le grand Sacrificateur objecte deux crimes aux apôtres. Car puis qu’ils n’avaient pas obéi à l’ordonnance du Conseil, il les accuse de rébellion. Au second membre il découvre sa mauvaise conscience, ou pour le moins il montre qu’il démène plus son affaire particulier, qu’une cause publique. Car il se plaint que les apôtres veulent rendre les Sacrificateurs et Scribes odieux, pour ce qu’ils avaient fait mourir Jésus-Christ. Voilà donc qui les tourmente, qu’ils ont peur que la vengeance et punition de cette mort tant inique leur tombe sur la tête. Il est vrai que du commencement il se couvre de la doctrine ; mais si on regarde bien la fin, on verra qu’il ne se soucie pas beaucoup de celle-ci. Cependant il accuse les apôtres de sédition. Car il prend cela pour tout résolu, que Jésus-Christ a été mis à mort à bon droit. Toutefois le principal article de l’accusation, c’est qu’ils ont été désobéissant à l’édit des Sacrificateurs. C’était un crime de mort, de n’obéir point au souverain Sacrificateur. Combien donc était grand le péché au prix de mépriser tout l’ordre des Sacrificateurs ? Mais ce vénérable président ne considère pas quel est son devoir aussi envers Dieu et l’Eglise. Comme s’il eût eu une puissance exempte de toutes lois, il abuse de celle-ci pour exercer tyrannie ; comme le Pape fait aujourd’hui avec nous. Car comme ainsi soit qu’il usurpe une domination exorbitante, il ne fait nulle difficulté de nous condamner pour hérétiques et schismatiques, aussitôt qu’il voit que nous rejetions ses ordonnances et décrets. Car ils empoignent à tort et à travers ces sentences : Qui vous méprise, il me méprise, Luc 10.16 ; et de cela il tire une conséquence, que nous sommes rebelles à Dieu. Mais avant qu’il puisse être entendu comme ambassadeur de Jésus-Christ, il faut qu’il parle par la bouche de Jésus-Christ. Maintenant puis qu’il se montre et déclare ouvertement ministre de Satan n’est-ce point une grande impudence qu’il emprunte son autorité du nom de Jésus-Christ ? D’avantage, la forme et manière de parler de laquelle use le grand Sacrificateur, nous montre bien quel est l’orgueil et licence arrogante des tyrans spirituels, qui osent entreprendre toutes choses, s’usurpant une domination qui n’est point sujette à la parole de Dieu. Nous vous avons, dit-il, défendu par exprès commandement. D’où vient cette rigueur si étroite, sinon qu’ils pensent qu’on doit recevoir sans contredit tout ce qu’ils commandent ?

5.28

Nous vous avons expressément défendu d’enseigner en ce nom-là. Et voici que vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement, et que vous voulez faire venir sur nous le sang de cet homme !

5.29

Mais Pierre et les apôtres répondant dirent : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.

Voici la somme de la défense des apôtres, qu’on peut, voire on doit préférer Dieu aux hommes. Dieu nous commande de rendre témoignage de Jésus-Christ ; vous ne gagnez donc rien de nous ordonner et commander que nous nous taisions. Au reste, nous avons remontré ci-dessus au troisième chapitre, quand cette sentence a lieu, à savoir, Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Dieu fait tellement présider les hommes avec autorité et puissance, que cependant il se réserve et garde son droit entier. Il nous faut donc jusques-là obéir à ceux qui sont ordonnés gouverneurs par-dessus nous, que la domination de Dieu ne soit violée. Quand l’usage de la puissance est légitime, il ne vient pas bien à propos de faire comparaison entre Dieu et les hommes. Si un Pasteur fidèle vient à commander ou défendre quelque chose par la parole de Dieu, que gagneront les obstinés et rebelles de mettre en avant, qu’il faut rendre obéissance à Dieu ? Car Dieu veut être entendu par un homme ; et même l’homme n’est autre chose sinon un instrument et organe de Dieu. Si le magistrat ou le prince fait fidèlement son office, ce sera faire tout au rebours, de vouloir faire une antithèse et opposition entre lui et Dieu, vu qu’il n’a rien discordant avec lui ; mais plutôt une autre règle a lieu, à savoir : Afin que nous obéissions à Dieu, il nous faut obtempérer à ses ministres. Mais aussitôt que les supérieurs et gouverneurs nous détournent de Dieu, pour ce qu’ils combattent contre Dieu d’une outrecuidance et audace pleine de sacrilège, il les faut ranger en leur ordre ; afin que Dieu soit le plus haut et éminent avec son autorité. Lors toutes fumées de dignités et honneurs s’évanouissent. Car Dieu ne donne point des titres honorables aux hommes pour obscurcir sa gloire. Par quoi si un père ne se contentant point de son degré, s’efforce de ravir et ôter à Dieu le souverain honneur de père, il n’est plus rien qu’un homme. Si un Roi, ou prince, ou magistrat s’élève jusques là, qu’il diminue l’honneur et droit de Dieu, ce ne sera plus qu’un simple homme. Autant en faut-il dire des pasteurs et ministres. Car celui qui outrepasse son office, doit être dépouillé du titre de toute dignité et honneur, pour ce qu’il s’oppose à Dieu ; et ce afin qu’il ne déçoive pas sous un beau déguisement. L’office d’un pasteur est excellent ; la dignité de l’Eglise est grande ; toutefois il ne faut rien diminuer de la puissance de Dieu, ne déroger à la maîtrise de Jésus-Christ. Dont nous pouvons facilement recueillir, que la vanterie du Pape est vaine et plus que ridicule, lequel combien qu’il foule aux pieds tout le Royaume de Christ, et même s’élève ouvertement à l’encontre de Dieu, nonobstant il veut être caché sous le nom de Dieu.

5.30

Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous, vous avez fait mourir en le pendant au bois.

Ils descendent au cas spécial qui concerne leur affaire, pour montrer que ce n’a point été sans cause qu’ils n’ont rien estimé ce que les Sacrificateurs leur avaient commandé. Car (comme j’ai déjà dit) la comparaison faite entre Dieu et les hommes n’a point de lieu, sinon quand il y a quelque contrariété. Ils prouvent donc par ceci, que la crainte de Dieu les contraint à repousser l’édit des Sacrificateurs ; d’autant que Dieu commande et ordonne ce qu’eux défendent. Ainsi ils disent en premier lieu, que Dieu a suscité Jésus et c’est en parlant selon la façon commune de l’Écriture. Car cette forme de parler se rencontre par tout ; que les Prophètes, ou Juges, ou autres ministres ont été suscités de Dieu, desquels il avait délibéré de se servir pour faire quelque grande et excellente œuvre.

Par aventure aussi regardent-ils à ce passage renommé de Moïse (Deutéronome 18.15) lequel saint Pierre a allégué en son premier sermon. Ils allèguent nommément le Dieu des Pères pour leur garant, pour attester qu’ils n’introduisent point une nouvelle forme de religion, ou bien qu’ils ne proposent point quelque Dieu nouvellement forgé ou controuvé. Car il fallait répondre à cette calomnie qu’ils savaient bien leur être imposée ; comme s’ils tâchaient de détourner le peuple de la Loi et des Prophètes. Non pas qu’ils approuvent indifféremment tous services reçus par leurs ancêtres : comme les hommes profanes se contentent de ce seul argument. Que les pères ont ainsi enseigné, et qu’eux ne font rien que selon la coutume et institution de leurs prédécesseurs. Mais les apôtres entendent ici par les Pères, ceux avec lesquels Dieu avait contracté alliance, qui avaient suivi la droite et pure doctrine, et qui avaient embrassé d’une vraie foi la promesse de salut ; et en somme, lesquels prenaient leur origine, du Père céleste, et lesquels étaient enfants communs de Dieu avec tous leurs successeurs par le moyen du Fils unique.

Lequel vous avez mis à mort. Les apôtres montrent ouvertement par cet argument, que ceux qui voulaient être sur tous honorés comme prélats de l’Eglise, sont ennemis manifestes de Dieu. Dont il s’ensuit qu’ils sont indignes de la plus petite autorité qui soit. Combien que c’est aussi une anticipation, laquelle est un signe d’assurance, quand il prononce librement et volontairement ce qu’ils estimaient être chose honteuse, afin qu’il ne semble que rien soit diminué de la gloire du Seigneur Jésus, de ce qu’il a enduré et souffert une mort ignominieuse en la croix. Comme s’il eût été dit, Vous l’avez occis publiquement, et vous ne vous êtes point contentés d’une simple mort ou cruauté vulgaire ; car il a été pendu au bois. Mais la mort n’a pu éteindre sa vertu ; ni le déshonneur que vous lui aviez mis dessus, n’a pu éteindre son honneur. Ainsi donc la vocation de Dieu demeure ferme et ratifiée. Par quoi, tout ainsi que les apôtres reprochent aux Sacrificateurs le crime qu’ils avaient commis, et leur impiété ; aussi expriment-ils l’espèce de la mort ignominieuse, de laquelle on avait fait mourir Jésus-Christ ; afin que les auteurs d’une telle méchanceté ne se réjouissent, comme s’ils avaient gagné la victoire.

5.31

C’est lui que Dieu a élevé par sa droite comme Chef et Sauveur, afin de donner la repentance à Israël, et la rémission des péchés.

Les apôtres signifient que quelque chose que les méchants ont peu machiner, toutefois cela n’a peu empêcher que Jésus-Christ ne parachève la charge que son Père lui a commise. La dextre de Dieu est ici prise pour sa vertu. Car ce n’est point ici une semblable similitude que celle que nous avons vue ci-dessus au deuxième chapitre, et qui se trouve bien souvent ailleurs, quand il est dit que Jésus-Christ est élevé à la dextre du Père. Mais le sens de ce passage est, que Jésus-Christ qui avait été mis à mort par la main des hommes, a été élevé en haut par la main de Dieu ; en sorte qu’il domine et sur les Anges et sur les hommes. Et semble qu’elle soit opposée tacitement aux complots et machinations de Satan et du monde ; comme s’il disait qu’elles ne profiteront point, pour ce qu’elles n’atteindront jamais si haut, qu’elles puissent empêcher la main de Dieu, par laquelle il a déjà travaillé puissamment en son Fils unique, et par ci-après ne cessera jamais. Toutefois le but est en même temps ajoutée, Pour être Prince et Sauveur. Car toutes les fois que Dieu donnait espérance de salut au peuple, il avait accoutumé de promettre un Prince ou un Roi, par la main duquel il dut remettre toutes choses en leur entier. Les apôtres témoignent que cette principauté et domination a été donnée a Jésus-Christ. Toutefois par l’autre épithète ils déclarent plus ouvertement quel est son office. La somme du propos est, que Jésus-Christ a été élevé au souverain degré d’honneur, pour gouverner le peuple de Dieu ; et non seulement cela, mais aussi afin qu’il se montre Prince et Seigneur apportant salut, ou auteur de salut.

Pour donner repentance à Israël. Ils montrent ici le moyen comment Jésus-Christ règne au salut du peuple ; à savoir quand il amène les siens à repentance, et les réconcilie avec Dieu par la rémission des péchés. Au reste, nous savons qu’en ces deux points toute la somme de l’Evangile est contenue. Par quoi les apôtres ne s’arrêtent pas seulement ici en la défense de leur cause ; mais aussi parlent de l’office de Jésus-Christ, afin que s’il est possible, ils gagnent aucuns même de ceux qui étaient les plus grands ennemis de la vraie religion. Au demeurant, nous avons déjà montré ci-dessus que signifie ce mot de Repentance ; à savoir une conversion intérieure de l’homme à Dieu, laquelle, se démontre puis après par œuvres externes. Car Jésus-Christ nous apporte l’Esprit de régénération, afin qu’il nous renouvelle au dedans ; et qu’après le renouvellement du cœur et de l’entendement, s’ensuive une vie nouvelle. Que si cet office de donner la repentance appartient à Christ, il s’ensuit que ce n’est point une chose qui soit en la puissance de l’homme. Et de fait, vu que c’est une réformation miraculeuse, laquelle nous fait nouvelles créatures, répare l’image de Dieu en nous, et de la servitude de péché nous attire à l’obéissance de justice, les hommes ne peuvent non pas plus se convertir, que se créer eux-mêmes. Il est vrai que la repentance est une conversion volontaire ; mais d’où vient cette volonté, sinon que Dieu change notre cœur, en sorte qu’en lieu d’un cœur de pierre nous ayons un cœur de chair, (Ezéchiel 11.19) et en lieu qu’il était endurci et obstiné, il devienne sensible, et finalement de pervers il soit fait droit ? Or cela se fait quand Christ nous régénère par son saint Esprit. Et ce n’est point ici un don d’une heure, mais il faut qu’il soit augmenté tout le temps de notre vie, jusques à ce que nous adhérions pleinement à Dieu ; ce qui ne se fera point que nous n’ayons dépouillé notre chair.

Il est certain que c’est le commencement de repentance, quand l’homme qui était auparavant détourné de Dieu, renonce puis après à soi-même et au monde, et mène une nouvelle vie. Mais pour ce que nous étant mis en chemin, nous sommes encore bien loin du but, il nous faut assiduellement marcher outre. Nous obtenons l’un et l’autre par le moyen de Jésus-Christ. Car tout ainsi qu’il commence la repentance en nous ; aussi donne-t-il la persévérance. Au reste, Il est vrai que la repentance est bien une grâce inestimable mais elle ne nous profiterait pas beaucoup, si elle n’était conjointe avec la rémission des péchés. Car Jésus-Christ nous a premièrement trouvés que nous étions ennemis de Dieu ; et il y a toujours des vices qui sont attachés en nous, qui seraient pour mettre division entre lui et nous ; en sorte qu’il est à bon droit courroucé contre nous, plutôt que propice. Mais notre justice consiste en ce que Dieu ne nous impute point nos péchés. Par quoi, cette dernière grâce ne doit jamais être séparée de la première. Mais qui plus est, l’Evangile sera imparfait et corrompu, s’il ne comprend ces deux membres ; c’est-à-dire, si les hommes ne sont enseignés qu’ils sont réconciliés à Dieu, par ce que la justice leur est gratuitement imputée par Jésus-Christ, et reformés en nouvelle vie par l’Esprit de régénération. Ainsi nous entendons en peu de paroles comment nous devons obtenir salut en Jésus-Christ.

5.32

Et nous, nous sommes témoins de ces choses, aussi bien que le Saint-Esprit que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent.

Après qu’ils ont témoigné que leur doctrine est procédée de Dieu, ils viennent maintenant à l’autre partie, à savoir qu’ils ne parlent que par le commandement de Dieu ; afin qu’il ne semble qu’ils entreprennent rien à la volée. Car cette défense aussi était nécessaire ; comme de fait elle est nécessaire à tous ministres de l’Evangile, à savoir de faire entendre qu’ils ne mettent rien en avant, qu’ils ne l’aient reçu de Dieu ; d’avantage, qu’ils sont appelés à cela, tellement qu’ils ne peuvent fuir la nécessité d’enseigner, qu’ils ne soient rebelles et désobéissants à Dieu. Saint Luc a mis ici les paroles, pour les choses, selon la façon de parler des Hébreux. Combien que si on le veut prendre pour la parole même, Je n’y contredis point. La somme est, que quand ils sont produits de Dieu pour témoins, qu’il ne leur est pas loisible de dissimuler, qu’ils ne disent franchement ce qu’il leur a commandé.

Et le Saint Esprit aussi, etc. Ils conféraient leur vocation par l’effet. Car ceci était comme un sceau pour approuver leur doctrine, quand Dieu donnait le Saint Esprit aux croyants. Car on pouvait bien voir par cela, qu’il approuvait la vérité de l’Evangile, et la tenait pour agréable. Quant à ce qu’ils disent : à ceux qui lui obéissent, je le rapporte à Christ. Comme s’il eût été dit : Ceux qui croient en Christ, rapportent de Dieu ample loyer de leur obéissance. Dieu donc veut qu’on obéisse à Christ ; par quoi notre ministère en cela lui est aussi agréable. Toutefois on peut faire ici une question ; vu que nous avons la foi par la révélation du saint Esprit, comment est-il dit ici qu’il est donné après la foi ? Je réponds que par ce mot d’Esprit sont dénotés les dons des langues, de prophétie, d’interprétations, de guérisons, et autres semblables, desquels Dieu pour lors ornait son Eglise ; comme il le faut aussi entendre en saint Paul, (Galates 3.2) là où il interroge les Galates s’ils ont reçu le Saint Esprit de la Loi, ou de l’ouïe de la foi. Ainsi l’illumination du saint Esprit précède la foi, d’autant qu’elle est la cause de celle-ci. Mais puis après il y a d’autres grâce survenantes pour accroissement ; selon ce qui est dit : Il sera donné à celui qui a, Matthieu 13.12. Et nous aussi si nous voulons être enrichis de nouveaux dons du Saint Esprit l’un sur l’autre, ouvrons le sein de la foi à Dieu. Mais notre incrédulité fait que nous rapportons aujourd’hui un salaire bien contraire, que la plus grande partie de nous destitués du Saint Esprit n’entend et ne voit rien.

5.33

Eux, entendant cela, frémissaient de fureur, et ils délibéraient de les faire mourir.

Les Sacrificateurs devaient être émus au vif, voire quand ils eussent eu les cœurs de fer ; mais ils crèvent de dépit. Dont nous recueillons qu’il n’y a raisons qui puissent profiter envers les réprouvés, ne faire qu’ils puissent être fléchis à l’obéissance de Dieu. Car si Dieu ne parle au dedans, la doctrine externe ne servira qu’à battre les oreilles. Les Apôtres ont pu faire que les ennemis étant convaincus se soient tus ; mais tant s’en faut que leur orgueil ait été dompté ou corrigé, qu’ils sont devenus plus enragés. Il faut toutefois en même temps noter l’efficace de la Parole. Car combien qu’elle ne change point les réprouvés en mieux, toutefois elle perce leurs cœurs, en sorte qu’elle presse leurs consciences. Car d’où procède leur rage, sinon qu’ils sont pressés par leur Juge ? Ils se moqueraient volontiers de tout l’Evangile ; comme de fait il n’y a rien qu’ils ne fassent pour venir jusques-là, qu’ils le puissent estimer comme une chose de néant. Mais cependant il y a une majesté secrète, qui chasse par violence toutes leurs bravades. Et principalement quand le son de la trompette les convoque pour comparaître devant le siège judicial de Dieu, alors leur rage se manifeste.

5.34

Mais un pharisien, nommé Gamaliel, docteur de la loi honoré de tout le peuple, s’étant levé dans le sanhédrin, ordonna qu’on fit sortir un instant ces hommes.

Maintenant S. Luc explique comment Dieu a dissipé cette rage des méchants. Ils avaient délibéré en leurs cœurs de tuer les Apôtres ; mais Gamaliel se met entre deux pour rompre cette consultation enragée. Au reste, il marque les circonstances, afin que nous sachions comment un seul a peu résister contre si grande multitude. Or il dit qu’il était Pharisien, laquelle secte était estimée sur toutes les autres, comme nous savons. Il dit que tout le peuple le tenait pour un homme honorable ; et eux craignaient le peuple. Cela est cause qu’ils osent moins entreprendre contre son opinion. Ainsi advient-il que sans y penser Dieu met souvent des étonnements soudains devant ses ennemis pour arrêter leur violence. Au reste, Gamaliel commande que les apôtres sortent hors, de peur que ce qu’il dira ne leur fasse concevoir une plus grande audace. Car il n’est pas vraisemblable qu’il ait parlé en cette sorte, pour ce qu’il approuvait la doctrine de l’Evangile, ou qu’il voulut entreprendre de maintenir la cause de celle-ci ; mais pour ce qu’il voit que tous les autres sont enflammés de rage, comme il était homme humain et bienveillant, il modère cet excès, voulant moyenner. Au reste, quand nous considérerons bien le tout comme il appartient, nous trouverons que cette opinion est indigne d’un sage homme. Je sais bien que plusieurs estiment cette opinion de Gamaliel comme un oracle ; mais ceci montrera assez clairement qu’ils ne jugent pas bien, a savoir que par ce moyen il se faudrait déporter de toutes punitions, et ne devrait-on plus corriger aucun maléfice ; et même il faudrait mépriser tous moyens que Dieu a ordonnés pour conserver notre vie, vu qu’il n’est pas en notre pouvoir de la prolonger d’un seul moment de temps. L’un et l’autre de ce qu’il dit, est bien dit à la vérité ; qu’il n’y a conseils ni entreprises humaines qui puissent rompre ce qui est de Dieu ; et que ce qui est des hommes est si peu ferme qu’il ne peut consister. Mais la conséquence qu’on fait de ceci ne vaut rien, que cependant il faut surseoir, et ne passer point plus outre. plutôt il faut regarder ce que Dieu commande. Or il veut que les maléfices soient réprimés. A cette fin il a institué les magistrats, et les a armés du glaive. A cette fin il a commis les anciens sur son Eglise, qui fassent ranger les rebelles, et ne permettent qu’on se débauche à bride rabattue. On infère donc mal, que nous ne devons mettre la main au travail, pour ce que Dieu est assez suffisant de soi-même pour corriger et ôter les maux ; combien que le conseil entier que donne ici Gamaliel, est tel. Il exhorte les Scribes et Anciens qu’ils n’entreprennent point la guerre contre Dieu. Or il parle comme d’une chose douteuse. Dont il apparaît que dès le fondement il n’a rien de ferme ; vu qu’il demeure indécis en la qualité de la cause, et n’ose résoudre si elle est bonne ou mauvaise ; mais seulement veut qu’on diffère pour quelque temps, jusques à ce qu’on connaisse plus amplement de la cause.

En somme, Gamaliel déduit une mauvaise conséquence de vrais principes ; car il accommode mal ce qui doit seulement servir à la foi, au devoir des vocations externes, et à la procédure qu’on doit tenir envers les hommes. A l’opposite, que notre dialectique soit telle, il faut nécessairement que ce qui est de Dieu demeure ferme, voire en dépit de tout le monde ; la foi donc doit subsister sans crainte contre tous les assauts de Satan et des hommes, laquelle est appuyée sur la vérité éternelle de Dieu. Et quand le ciel tomberait, notre salut ne laissera point d’être en sûreté ; d’autant qu’il a Dieu pour son garant et gardien. Pour ce que Dieu maintient le Royaume de Jésus-Christ, il ne pourra être renversé par aucune force ni violence. Pour ce que la doctrine de l’Evangile est fondée en Dieu, quoi que les hommes l’assaillent, ou quelque brèche qu’ils y puissent faire, si est-ce toutefois qu’elle demeurera ferme. Au contraire, que les méchants s’efforcent tant qu’ils voudront, et fassent du pis qu’ils pourront pour détruire l’Eglise, qu’ils assaillent furieusement Christ et son Eglise tant qu’ils pourront, nonobstant ils ne seront pas les plus forts. Car c’est le propre office de Dieu de dissiper et rompre les entreprises et conseils des hommes, et en cette sorte il punit leur témérité. Nous voyons bien que tous ces deux membres sont bien appropriés à la foi. Cependant toutefois il ne faut point que les serviteurs de Jésus-Christ soient moins diligents à affirmer la vérité, et qu’ils laissent tomber bas l’Eglise par leur paresse, et que par leur nonchaloir ils ferment les yeux à la méchanceté de ceux qui tâchent à renverser tout sens dessus dessous.

5.35

Et il leur dit : Hommes israélites, prenez garde à ce que vous allez faire à l’égard de ces hommes.

5.36

Car avant ces jours-ci s’éleva Theudas, se disant être quelqu’un, auquel se joignit un nombre d’environ quatre cents hommes : il fut tué, et tous ceux qui lui obéissaient furent mis en déroute et réduits à rien.

Si foi est ajoutée à ce que rapporte Josèphe, Gamaliel renverse ici le vrai ordre de cette histoire. Car Josèphe dit que Judas Gaulanite, né de la ville de Gamala, émut sédition du temps que Quirinius ou Cyrenius était gouverneur, pour empêcher que les impôts ne se levassent point. Or quant à Theudas, il dit que du temps que Cuspius Fadus avait le gouvernement, il faisait accroire au peuple qu’il était un Prophète de Dieu. Or Fadus avait été envoyé en Judée par l’empereur Claudius. La première histoire est contenue au livre XVIII des antiquités ; et la seconde au livre XX. Mais je pense que quand S. Luc dit : Après lui se leva Judas Galiléen, il ne note point l’ordre du temps, comme si Judas avait été le dernier. Mais vu que Gamaliel proposait deux exemples semblables, il les a pu mêler indifféremment, sans avoir égard au temps. Par quoi ce mot, Après, vaut autant comme davantage, ou en outre. Au reste, ces exemples mêmes, par lesquels Gamaliel confirme son opinion, ne sont pas assez fermes, et ne conviennent pas bien à la présente matière. Car d’autant qu’on n’a point assez tôt résisté à Judas, la sédition émue par lui donna occasion de faire beaucoup de meurtres ; et fut finalement réprimé par main forte et armes. Theudas aussi eût nuit beaucoup plus, si par l’industrie de Cuspius Fadus il n’eût été chassé de bonne heure. Mais Gamaliel regarde seulement que quand les hommes s’ingèrent follement, les issues en sont malheureuses ; et cela se fait par juste vengeance de Dieu. Au surplus, pour ce que ces hypocrites et infidèles Sacrificateurs refusent de prêter les oreilles à Dieu qui les sermonnait droitement, ils méritent bien d’être étonnés des raisons frivoles d’un homme variant d’une part et d’autre en une folle perplexité.

Au demeurant, on peut recueillir par la supputation des temps, que douze ans et un peu plus sont passés depuis la mort de Jésus-Christ, avant que les apôtres fussent fouettés. Car avec les cinq ans qui restaient de l’empire de Tibérius, il faut ajouter les trois et demi quand régna Caligula. Quand Fadus fut envoyé par Claudius en Judée, ce ne fut pas avant le second ou le troisième an de son Empire. Quand Gamaliel explique que cela a été fait, ce n’est pas un jour ou deux après. Par quoi nous trouverons cet espace de temps que j’ai dit. Cela montre que la constance des apôtres a été d’autant plus excellente, lesquels combien qu’après avoir enduré tant de travaux, reçoivent une si pauvre récompense, nonobstant ne perdent point courage, et ne laissent pas de poursuivre leur cours.

Se disant être quelque chose. Car il se vantait être Prophète, qui pourrait faire tarir le Jourdain, pour donner passage à ses gens. Cependant nous pouvons donc bien juger par ceci, que Gamaliel n’approche point de droite connaissance, lequel compare les Ministres de Christ à des séducteurs et brigands ; quoi que par après il adoucit son propos, et qu’en penchant du bon côté, il laisse à juger, à savoir vraiment s’ils ont entrepris un tel cas par l’autorité de Dieu. Néanmoins il parle en doutant, pour ce qu’en ôtant toute enquête de ce fait, il procure tant seulement le repos et tranquillité. Ce qui est de bon en son propos n’est autre chose, sinon qu’il détourne les méchants d’une méchante entreprise, pour ce qu’il n’y a rien plus à craindre que de répugner à Dieu.

5.37

Après celui-là s’éleva Judas le Galiléen, à l’époque du recensement, et il entraîna du peuple après lui ; lui aussi périt, et tous ceux qui lui obéissaient furent dispersés.

5.38

Et maintenant je vous dis : Cessez de poursuivre ces hommes et laissez-les ; car si ce dessein ou cette œuvre est des hommes, elle sera détruite ;

5.39

mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez les détruire. Prenez garde que vous ne vous trouviez avoir aussi fait la guerre à Dieu. Et ils se rangèrent à son avis.

5.40

Et ayant rappelé les apôtres, après les avoir fait battre de verges, ils leur défendirent de parler au nom de Jésus ; et ils les laissèrent aller.

Il dit que le conseil de Gamaliel fut trouvé bon. Toutefois les apôtres sont fouettés, et leur est défendu d’enseigner. Nous recueillons de ceci, combien grande a été la rage des ennemis, lesquels étant déjà apaisés, ou pour le moins adoucis, toutefois se gouvernent si follement. Il apparaît aussi en quelle malheureuse issue tombent les conseils des négociateurs, pour lesquels la vérité de Dieu étant mise derrière le dos (comme l’on dit) s’occupent seulement des hommes. Il est vrai que Gamaliel obtient que la vie des apôtres soit sauvée ; mais cependant le Fils de Dieu est outragé en leur personne ; la vérité de l’Evangile est ensevelie à perpétuité par ses ennemis, pour leur part. Il est certain que par ce moyen Dieu dilate miraculeusement sa Parole ; néanmoins ce conseil ne laisse point d’être pervers. Ce qu’il nous faut bien noter, pour ce qu’il y en a plusieurs aujourd’hui qui pensent bien faire grand service à Dieu, en faisant pour le moins que la vie demeure sauve à ceux qui sont en danger pour la doctrine de l’Evangile, ou qu’ils fléchissent à quelque douceur les ennemis autrement cruels et sanguinaires. Et cependant ils ne font nulle difficulté de les contraindre à se dédire, et renier malheureusement Jésus-Christ ; la confession duquel est beaucoup plus précieuse devant Dieu que la vie de tous les hommes. Mais que pourraient faire ceux qui laissant là là vraie piété et la gloire de Dieu, se veulent seulement racheter par devoirs d’humanité ?

5.41

Eux donc se retiraient joyeux de devant le sanhédrin, parce qu’ils avaient été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus.

Il ne faut point penser que les apôtres aient été si stupides, qu’ils ne sentissent le déshonneur, et ne fussent marris en sentant leur mal. Car ils n’avaient pas du tout dépouillé leur naturel ; mais pour ce qu’ils considéraient la cause pourquoi ils avaient été fouettés, la joie surmontait en eux. Ainsi faut-il aussi que les fidèles soient affectionnés en deux sortes, toutes les fois qu’ils endurent outrage ou persécution pour l’Evangile ; qu’ils soient piqués de l’aigreur des maux ; et toutefois qu’ils surmontent cette tristesse par une joie spirituelle. Car ils eussent soudain tourné la voile, sinon que l’entrain et la hardiesse procédant de cette joie leur eût donné une nouvelle vigueur et force. Et n’y a point de doute que S. Pierre n’eut reçu d’aussi bon cœur la mort même, combien que le Seigneur témoigne qu’elle lui serait aigre à porter. Apprenons donc de lutter avec l’angoisse et la douleur en telle sorte, que nous soyons prêts de souffrir la croix, et de la porter quand elle nous est mise sur le dos.

De ce qu’ils avaient eu cet honneur, etc. Ceci pourrait sembler absurde de prime abord, que saint Luc constitue un honneur en déshonneur. Mais la différence qui est entre Dieu et le monde, fait que ce qui est estimé grandement ignominieux entre les hommes, est grandement honorable, et excellent en dignité et gloire devant Dieu et ses Anges. Nous savons que la mort que le Fils de Dieu a endurée, était ignominieuse sur toutes les autres ; nonobstant la croix lui a été un triomphe glorieux, Ainsi quand nous lui sommes faits conformes, nous nous pouvons glorifier à bon droit, que ce que nous sommes en opprobre devant le monde, nous est une excellence bien grande. Voilà comment saint Paul magnifie les marques et flétrissures de Jésus-Christ, Galates 6.17. Car il faut ici regarder la cause, laquelle nous rend compagnons du Fils de Dieu ; lequel non seulement par sa gloire engloutit tout le déshonneur du monde, mais convertit les outrages, les opprobres et moqueries en grand honneur, et en gloire excellente. Par quoi il ne se faut étonner si on trouve si peu de gens forts et vaillant à porter la croix ; car nous sommes presque tous accablés du sens de la chair ; mais à grand-peine en trouvera-t-on de cent l’un qui appréhende ceci, que l’ignominie de Christ est beaucoup plus excellente que tous les triomphes du monde, qui est la seule matière de consolation. Par quoi il se faut tant plus adonner à la méditation de cette sentence, à savoir que nous sommes faits aujourd’hui conformes aux passions de Christ, afin que nous soyons participants et compagnons de sa gloire.

5.42

Et ils ne cessaient tous les jours, dans le temple et dans les maisons, d’enseigner et d’annoncer le Christ, Jésus.

Avec la joie il y avait la constance. Car d’où vient que la persécution nous fait perdre courage, et nous rend éperdus, sinon que nul ne se redresse en Jésus-Christ, afin qu’étant du tout résolus du fruit de la victoire, comme si déjà nous l’avions obtenue, nous soyons apprêtés à patience ? Mais au contraire, celui qui se tiendra pour bienheureux quand il endure pour Jésus-Christ, le courage ne lui défaudra jamais, quelque dure et difficile bataille qu’il lui faille soutenir. Par quoi les apôtres ont été, par manière de dire, armés des coups qu’ils ont soute-nus, pour marcher à la mort hardiment. Fi donc de notre délicatesse, d’autant qu’il nous semble que nous avons bien fait notre devoir, quand nous avons enduré une bien petite persécution ; et comme si nous étions soldats fourbus, et exemptés de toutes guerres, nous en laissons le métier aux autres, comme on dit.

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