Calvin Homme d'Église

Réflexions des ministres (suite)

M. Matthieu Malesian

(ou Malesier) ministre à l'hôpital, Pasteur à Bossey, puis à l'HÔPITAL DES PESTIFÉRÉS.

Nous pourrions beaucoup disputer et parler de cette doctrine, mais ce ne sera rien sinon que nous ayons deux points résolus. Le premier que cela soit certain en nos cœurs que nous sommes perdus devant Dieu, que nous sommes abîmés en notre nature et dignes de mort éternelle ; comme saint Paul dit au 2e chapitre des Ephésiens, que nous sommes tous enfants d'ire et de mort devant notre Dieu (Eph. 2.3). L'autre est qu'il est nécessaire à chacun chrétien d'entendre où consiste son salut, de savoir par quel moyen il pourra être agréable à Dieu et par quel moyen il pourra parvenir à la vie éternelle. Or le fondement de notre salut gît et consiste en la bonté gratuite de notre Dieu. Le moyen par lequel nous pouvons parvenir à la vie éternelle est en cette seule satisfaction que notre Seigneur Jésus-Christ a faite pour nous.

D'autre part, il nous faut souvenir comment le passage des Ephésiens a été allégué, que comme Dieu nous a élus de sa pure grâce afin que nous fussions saints, aussi il nous a élus afin que nous fussions à sa louange. Car il y a deux fins (comme saint Paul les met) en ce que Dieu nous a élus. Comme quand un homme édifie une maison, si on lui demande pourquoi il la fait, il répondra : Afin que ce soit une maison. Mais est-ce la dernière fin que celle-là ? Non, mais c'est afin que la maison lui soit en usage, qu'il en jouisse et qu'il y habite. Aussi nous avons été élus de Dieu afin qu'étant saints et sans macule devant sa face, nous soyons à sa louange. Et nous ne pouvons pas être à la louange et à la gloire de Dieu, sinon que nous lui attribuions toute autorité et prééminence pardessus nous et que nous connaissions qu'il use de toutes ses créatures comme bon lui semble ; voire et ne laisse point de demeurer juste et de faire toutes choses en équité et droiture. Et la doctrine que nous avons ouïe est bonne et sainte et très véritable. Et autant en ai-je ouï il y a dix ans passés, en laquelle je prie le Seigneur qu'il me fasse persévérer jusqu'à la fin, confirmant et approuvant tout ce que mes frères ont dit.

M. Michel Cop

Né à Bâle, fils de Guillaume COP, le médecin de Louis XII et François 1er ; frère cadet de Nicolas Cop le recteur de l'Université de Paris en 1533 pasteur à GENÈVE (1545-1566).

Mes frères et sœurs, la doctrine que vous avez ouïe est une doctrine infaillible, à laquelle il faut que tous chrétiens se tiennent et persévèrent en icelle. Et aussi de mon côté, moyennant la grâce de Dieu, j'y veux vivre, persévérer et mourir. Et combien que cette doctrine ait été déjà traitée suffisamment, toutefois pour confirmation j'ajouterai un petit mot. C'est que si nous nions la réprobation des méchants et que nous n'approuvions pas l'élection des enfants de Dieu, il est nécessaire que nous ayons en moquerie l'Evangile de Dieu, et principalement le mot duquel notre Seigneur Jésus-Christ fait mention (au 25e de saint Matthieu), là où il est dit : Le Roi assis en son trône dira aux brebis qui seront à sa dextre (droite) : Venez les bénis de mon Père, recevez le Royaume qui vous est préparé devant la fondation du monde. Et au contraire : Allez, départez-vous de moi, vous tous qui faites iniquité, allez au feu inextinguible qui est préparé au Diable et à ses anges. Il faut donc que ce jugement ici ne soit pas véritable, sinon qu'il y ait réprobation éternelle ; comme aussi il y a élection éternelle. Ce jugement ne peut être fait. Or il n'y a nulle mutation en Dieu, il ne change jamais de propos ; ses jugements, ses pensées, ses délibérations sont éternelles. Et pourtant s'il y en a (comme la vérité est) des damnés, il faut qu'ils soient damnés par le jugement éternel de Dieu, par son décret mis et ordonné devant la fondation du monde. Et aussi s'il y en a de sauvés, élus et prédestinés, ils le sont devant la fondation du monde.

Quant est de la proposition universelle qui est que Dieu veut que tous les hommes viennent à la connaissance de la vérité et soient sauvés, les ennemis de la vérité ne prennent aucune exception sur icelle. Or, que nous la prenions en sa généralité, il s'ensuivra qu'il n'y aura aucuns damnés, car, comme dit le prophète Esaïe au 46e chapitre : Mon conseil tiendra et toute ma volonté sera accomplie. Or, si c'est ainsi, comme on le veut prendre, c'est que Dieu veut tous hommes être sauvés, il s'ensuit qu'il n'y en aura nuls damnés et par conséquent que c'est une folie de croire à l'Evangile.

Parquoi, mes frères et sœurs, soyons sur nos gardes que les gens qui ont beau babil ne nous puissent abuser par leurs paroles non seulement vaines, mais aussi blasphématoires et très dangereuses. Tenons-nous à la pure vérité de Dieu et connaissons qu'il a un conseil qui n'est point muable (changeant) et que ce qu'il a déterminé de toute éternité s'accomplira et n'y aura nulle faute.

M. Jean Perery

(ou Périer) de Montauban, pasteur à Mérindol et NEYDENS (1545-1561).

Mes frères et sœurs, nous avons ici ouï des choses que nous devrions tellement méditer que quelque tentation qui nous peut advenir au contraire fût repoussée, ce qui nous sera facile de faire quand nous serons persuadés et résolus de ce qui a été dit. Néanmoins, tout ainsi que le frère parlant dernier a dit qu'il nous faut être sur nos gardes de peur que Satan, par les méchants qui sont ses suppôts, ne vienne à renverser ce fondement sur lequel nous devons appuyer notre foi, aussi nous faut-il souvenir de ce que saint Paul dit, quand il exhorte les fidèles, quel moyen ils doivent tenir quand il est question qu'une fausse doctrine est mise en avant pour s'élever contre Dieu, que nous ne devons point seulement avoir en exécration une telle doctrine, mais aussi tous ceux qui la portent et qu'on les doit tenir comme maudits de Dieu. Je suis étonné comme gens qui se veulent dire sages, à la seule vue d'un homme avolant (de peu d'importance) se laissent maîtriser comme une putain et se laissent ainsi abuser.

Car ces abuseurs promettent choses qu'ils n'ont point, ils promettent de contenter les esprits des hommes et eux-mêmes sont tellement agités et transportés en leurs esprits qu'ils ne savent où ils sont : ils promettent de montrer à l'homme ce que tous ensemble ne pourraient pas comprendre. Et au contraire nous savons qu'il est dit que quand l'homme voudra savoir les raisons des choses que Dieu fait sous le soleil, qu'il ne les trouvera point. Comment donc présumerons-nous d'aller au conseil de Dieu pour y prendre ce qu'il veut nous être maintenant caché ?

Et ainsi nous voyons que ces chiens qui viennent ainsi aboyer contre cette doctrine ne demandent sinon à mener tout à perdition. Il est vrai qu'ils feront de belles professions, mais gardons-nous de tels trompeurs, ils ont leurs boîtes vides, cependant ils nous veulent faire croire qu'il y a merveilles dedans.

Avisons donc de nous tenir à ce qui nous a été montré et enseigné de Dieu, pour lui rendre l'honneur qui lui appartient. Et puisque notre bon Dieu nous a ici assemblés, les uns de cent, les autres de deux cents lieues et que nous sommes venus pour être instruits en sa Parole, que nous montrions comment nous y avons profité et que nous n'en soyons jamais détournés de quelque façon que ce soit. Que si nous voyons beaucoup de gens qui tâchent de nous divertir (détourner) du droit chemin, fuyons telles pestes, que nous ne soyons adjoints à tels moqueurs de Dieu. Quant à moi, je proteste que moyennant la grâce de Dieu, je ne m'y adjoindrai point. Et de cela je vous admoneste aussi tous au nom de Dieu, que nous nous séparions tous de leur compagnie afin que nous ne soyons point divertis par leurs mauvaises conversations et par leurs blasphèmes de la pureté de la parole de Dieu et de sa sainte doctrine, mais que nous y persévérions tous jusqu'à la fin.

M. Jean Fabri

Originaire du Comté de Nice, pasteur à Lyon, à GENÈVE (destitué en 1556) puis dans le Piémont.

Mes frères, ce qui a été dit tant du frère qui a proposé que par les autres qui ont déjà parlé, est très suffisant ; toutefois, d'autant que ce présomptueux brouillon a amené une fausse doctrine, disant que notre salut est fondé sur notre franc arbitre et dit que nous ne pouvons pas être sauvés, sinon qu'ayons une liberté en nous par laquelle nous recevons la foi et que cela procède de nous et non pas de Dieu, et que Dieu ne fait point plus de grâces aux uns qu'aux autres, j'ajouterai seulement une autorité de saint Paul, prise au chapitre 11e des Romains, auquel lieu saint Paul allègue Esaïe au 59e chapitre, et dit là : Celui qui fait délivrance viendra de Sion et ôtera l'infidélité de Jacob et auront de par moi cette alliance que j'ôterai leurs péchés (Rom. 11.26, 27 ; Esaïe 59.20, 21). Ils sont ennemis selon l'Evangile à cause de vous, mais ils sont bien-aimés selon l'élection, à cause des pères (Rom. 11.28). Voilà une sentence en laquelle saint Paul montre que l'infidélité est ôtée par celui qui fait délivrance ; que les péchés sont aussi ôtés par celui qui viendra de Sion, qui est notre Seigneur Jésus-Christ. Ce n'est pas donc le franc arbitre.

Et celui qui a avancé cette doctrine, qu'il mette en avant pour un liard du sien et qu'il se délivre de cette erreur en laquelle il est plongé ! Puisqu'ainsi est que nous nous pouvons délivrer par notre propre vertu (puissance) et par notre franc arbitre, voire et sans venir à Jésus-Christ, que nous nous pouvons, (dis-je) développer de tant d'empêchements qui nous retiennent que nous ne pouvons pas approcher de Dieu, que celui-ci se délivre de son ignorance et de ses erreurs ! Cependant nous voyons, comme j'ai déjà dit, que c'est notre Seigneur Jésus-Christ qui nous délivre de notre infirmité, c'est par son moyen que nous sommes agréables à Dieu son Père, comme aussi c'est lui qui moyenne entre lui et nous pour nous y faire trouver grâce.

Or cette grâce n'est point faite à tous. Saint Paul le montre en la deuxième aux Thessaloniciens, 2e chapitre, quand il parle de l'homme de péché ou de l'enfant de perdition qui viendra en signes et merveilles ; il ajoute vers la fin qu'il donnera efficace d'erreur à ceux qui périssent afin qu'ils croient à mensonge. Voilà donc Dieu qui par son Fils délivre les hommes d'infidélité et les délivre de leurs péchés. Et d'autre côté, il dit qu'il enverra un esprit d'erreur, un esprit d'efficace pour faire croire les réprouvés à mensonge. Ceci est attribué à Dieu et lui est attribué sans lui imputer la faute ni la coulpe (culpabilité) de la condamnation des méchants. Et en ceci il y a double cause : il y a une cause lointaine qui est la volonté de Dieu ; il y a une cause prochaine qui est la malice, l'infidélité, l'iniquité, la rébellion de l'homme : l'homme donc est digne d'être ainsi rejeté. Mais cependant il faut que nous regardions là-haut une autre cause que nous appelons lointaine, qui est la volonté de Dieu.

Et ainsi nous pouvons bien conclure tant par cela que par ce que nous avons maintenant allégué de saint Paul, c'est à savoir que nous ne recevons point la foi de notre franc arbitre, mais que c'est par la grâce de Dieu qui nous a élus pour nous amener à son Fils et qu'en lui nous soyons illuminés par son saint Esprit et par sa Parole.

Quand nous croyons en Jésus-Christ, c'est une grâce spéciale ; et quant aux réprouvés, qu'étant rejetés par un juste jugement de Dieu, qu'étant délaissés en leur corruption ils sont justement perdus et ruinés, sans toutefois en imputer la faute à Dieu, mais aux hommes. Nous ne voulons point accuser Dieu d'injustice, nous ne le voulons point accuser d'acception de personnes, mais qu'il a décrété de tout temps ce qu'il voulait faire, que ç'a été avec équité, justice et droiture, voire avec une telle droiture qu'on n'y doit et ne peut-on aussi trouver à redire. Et pourtant que nous soyons bien résolus qu'il a choisi les uns devant la création du monde (comme il a été dit aux Ephésiens, 1er chapitre), et qu'il a rejeté les autres, suivant cette sentence de saint Paul : Qu'il fait miséricorde à qui bon lui semble et qu'il endurcit celui qu'il veut. Et semblablement que nous regardions à ce qui a été ajouté, c'est à savoir que nous sommes élus en sanctification, à ce que nous soyons saints ; à ce que nous vivions en toute sainteté et honnêteté. Et c'est l'Esprit de régénération qui nous sépare et discerne des méchants et qui nous rend témoignage que nous sommes élus de Dieu, voire devant la création du monde, comme il nous a été manifesté quand nous avons été appelés à la connaissance de Dieu par la prédication de l'Evangile.

Or, mes frères, je vous exhorte et admoneste, en tant qu'en moi est, que vous preniez garde à ceux qui veulent abolir l'Evangile qui sèment des fausses doctrines, qui mettent ici des erreurs et suscitent des troubles en cette église. Quelque belle couleur qu'ils sachent prendre, que vous ne soyez point transportés faussement, que vous ne soyez point inconstants et volages, pour dire : je ne sais auquel je me dois tenir. Que quand il viendra quelqu'un qui ne fasse que souffler dans l'oreille, que vous ne soyez égarés. Gardez-vous bien d'être démenés (agités) d'une telle légèreté et inconstance ; mais pour quelque chose qu'on vous puisse amener, que ne soyez divertis (détournés) de la pureté et simplicité de la parole de Dieu ; que vous soyez entièrement résolus en cette doctrine qui vous a été proposée maintenant, comme aussi elle est la vérité infaillible de Dieu. Et quant à moi, je proteste que j'y consens et accorde. Et prie le Seigneur qu'il me fasse la grâce d'y persévérer jusqu'à la fin et d'y mourir.

M. Jean de Saint André

Né à Besançon, pasteur à Moëns, à JUSSY, à Genève.

Il ne nous faut point ébahir si cette doctrine est assaillie. Satan (comme nous le savons) qui est ennemi de notre salut, nous assaille de la part qu'il sait être notre plus grande forteresse. Pour cette cause avisons bien de retenir cette doctrine et nous arrêter à la simplicité d'icelle. Car tant plus qu'elle sera assaillie, tant plus elle nous est nécessaire à salut. L'Ecriture sainte nous enseigne de ne point passer plus outre que ce qui nous est nécessaire de savoir pour trouver la cause de la ruine de l'homme. Or tous sont perdus en Adam, et de cette condamnation universelle et générale, il a plu a Dieu, par sa miséricorde, de retirer ceux qu'il lui a plu. Et ceux qui sont en telle condamnation ne peuvent sinon mal faire, et ce qu'ils font mal ne doit point être imputé à Dieu, car Dieu ne les contraint point de mal faire, mais cela doit être imputé à cette corruption naturelle et puisque cette nature corrompue est adonnée à mal, elle ne peut faire sinon tout mal.

Une même chose sera bonne et mauvaise : bonne en Dieu et mauvaise en l'homme, car la fin que Dieu prétend est bonne, et la fin de l'homme est mauvaise. Quand nous attribuons toute puissance, toute autorité et supériorité à notre Dieu, il faut aussi que nous lui attribuions un conseil par lequel il a délibéré de tout temps de ce qu'il doit faire de toutes ses créatures. Et en ce secret-là, il ne nous est pas licite ni aussi possible d'entrer. Mais il nous faut contenter de ce qu'il nous en fait connaître en général, c'est à savoir qu'il est en tout et partout juste et équitable et qu'il n'excède point mesure en tout ce qu'il fait.

Quant à ceux qui veulent maintenir la justice de Dieu, et pour la maintenir sont contraires à sa doctrine, il est certain qu'ils obscurcissent et renversent toute la vérité de Dieu. Car nous devons considérer que la justice de Dieu est conjointe à sa vérité, et ne les faut séparer l'une de l'autre ; de sorte que quand nous disons que Dieu a fait une chose, nous devons connaître qu'elle est bien faite et justement, puisque Dieu l'a voulu faire et qu'il l'a faite.

Au reste, que nous avisions bien à entendre ce passage de saint Paul qui a été allégué et très bien déduit : c'est à savoir que tous soient sauvés et que tous viennent à la connaissance de la vérité. Si nous le prenons en général de toutes personnes, regardons un peu ce qui s'ensuivrait de là. Car il faut conclure de deux choses l'une : premièrement, si tous doivent être sauvés, il s'ensuit qu'il n'y en aura aucuns de damnés, comme il a été dit. Ce qui est directement contre le premier article de notre foi. Ainsi, quant à moi, je consens à ce qui a été dit ci-dessus et l'approuve, c'est à savoir que Dieu a son conseil éternel par lequel il dispose de toutes ses créatures comme il lui plaît, voire le fait justement, comme tant de fois l'Esprit de Dieu témoigne en l'Ecriture sainte.

Grâces à Dieu de ce qu'il lui a plu se servir de son élection pour montrer sa grâce en moi, et non point pour se servir de ma condamnation pour y montrer son juste jugement, ce que toutefois il eût pu faire sans me faire tort et n'eût point fallu murmurer à l'encontre, suivant l'admonition de saint Paul quand il dit : O homme ! qui es-tu qui veux plaider à l'encontre de Dieu ? Cependant je glorifie mon Dieu de ce que cette doctrine peut être clairement entendue, quand elle nous a été exposée maintenant si facilement, que même ceux qui nous mettent en avant que nous la tenons des hommes se doivent tenir pour plus que convaincus, quand ils voient les passages de l'Ecriture sainte qui ont été mis en avant ; et nous ne saurions nier que ce ne soit Dieu qui a parlé par la bouche des hommes.

Après que les ministres susdits eurent parlé, chacun en son ordre, et comme il est dit ci-dessus, M. Jean Calvin admonesta que s'il y avait quelqu'un qui eut quelque doute, il le mit en avant afin qu'il lui fut répondu et qu'un chacun fut résolu entièrement de cette doctrine.

Cela fait, M. Claude Baduel, de Nîmes, premier RECTEUR DU COLLÈGE DE NIMES, pasteur à Russin (1556), à Vandœuvres, professeur de Philosophie à l'Académie de Genève, ajouta ce qui s'ensuit :

Combien qu'il ne faille pas que je parle après tant d'esprits excellents par lesquels la doctrine de notre salut nous a été remontrée, maintenant puisque Dieu m'a fait la grâce de me retirer de cette tyrannie de l'Antéchrist, en laquelle j'ai été détenu si longtemps et de m'amener ici en cette sainte compagnie, là où je reçois journellement grande consolation, je ne me puis taire que je ne proteste et fasse ici confession de ma foi en laquelle je veux vivre et mourir.

Et pource que saint Paul, écrivant à Timothée, en la seconde épître, au 2d chapitre, montre quelle règle doivent tenir les fidèles quand ils sont appelés à la connaissance de la vérité, quand il dit que le Seigneur connaît qui sont les siens et que tout homme qui, nomme le nom du Seigneur se retire de toutes iniquités, suivant, dis-je, cette protestation, je veux bien montrer que, moyennant la grâce de Dieu, je me détournerai de toutes mauvaises doctrines, de tous mensonges et faussetés, m'arrêtant du tout à la vérité de Dieu, comme il l'a déclarée par son Ecriture.

Et ainsi je crois en Dieu le Père tout puissant qui nous a élus et choisis devant le commencement du monde, en son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, en qui il nous a promis la vie éternelle de laquelle nous sommes déjà en possession par foi, quand il lui a plu nous élargir (donner) en son temps la prédication de l'Evangile. Je crois au Fils qui est son image, lequel a été envoyé en terre pour prêcher et maintenir sa vérité, de laquelle il a fait confession devant Pilate et ne l'a point niée. Je crois au saint Esprit lequel nous rend témoignage dans nos cœurs que nous serons du nombre des bien-heureux, au jour de la résurrection. Je crois à la sainte Eglise, voire la présente, à laquelle il a plu à Dieu me retirer, le priant qu'il lui plaise de m'y entretenir, en sorte que j'y puisse vivre et mourir.

Ainsi, que chacun se conferme (s'affermisse) de plus en plus en cette pureté et simplicité de la parole de Dieu, afin que tous ensemble conjoints, nous suivions le chemin que le Seigneur montre pour parvenir à la vie éternelle, à laquelle il nous appelle et convie, et pour confirmer et ratifier notre élection, nous en rendions un tel témoignage par notre bonne vie et conversation que les pauvres aveugles et idolâtres en puissent être attirés à la connaissance de vérité, pour se joindre en union de foi avec nous, et que les méchants et réprouvés, ceux qui sont obstinés et rebelles du tout, soient tellement séparés de nous que nous les tenions comme abominables et excommuniés, comme aussi eux-mêmes se séparent de l'Eglise de Dieu et de la communion des fidèles : et telle est ma foi.

Finalement, M. Jean Calvin a fait la conclusion en priant ainsi que s'ensuit :

Or, mes frères, nous avons à remercier Dieu très affectueusement de ce qu'il nous a choisis devant que nous le puissions connaître. Car nous étions bannis et rejetés de notre salut et même, de notre propre nature nous ne pouvions sinon nous en reculer, si n'eût été qu'il nous eût élus dès la création du monde. Et d'autre part, voyant les méchants réprouvés qui nous doivent être exemple du jugement de Dieu, connaissons que nous avons autant mérité, pource que quant à notre nature nous n'étions pas d'une meilleure condition qu'eux. Qu'il nous souvienne de cette sentence de notre Seigneur Jésus-Christ, que tout arbre qui n'aura été planté de mon Père sera arraché. Et ainsi glorifions notre Dieu de cette certitude qu'il nous donne par sa Parole et par son saint Esprit, c'est à savoir que comme une fois il a envoyé son Fils en ce monde pour notre rédemption et que par icelui il nous accepte, qu'aussi il nous appelle à la vie éternelle et à cet héritage immortel qu'il nous a préparé au ciel. Que nous mettions le fondement de notre élection sur ce conseil immuable qu'il a eu de tout temps et sur sa bonne volonté, voire, et que nous nous arrêtions là, en telle fermeté et constance, que jamais nous n'en soyons divertis (détournés), quelque chose que Satan machine, et combien qu'il ait ses suppôts et ministres qui ne tâchent sinon de nous dévoyer du droit chemin auquel notre bon Dieu nous a une fois introduits, que nous n'en déclinions jamais en quelque façon que ce soit.

Et ainsi donc qu'il plaise à ce bon Dieu, comme il nous a élus et choisis, que maintenant il confirme en nous la constance et certitude que nous en devons avoir, à ce que le connaissant comme notre Père, nous donnions vraie approbation que nous sommes des siens. Que nous ayons mémoire de tous nos pauvres frères qui sont encore détenus en cette misérable servitude de Babylone, sous l'Antéchrist Romain. Ainsi soit-il !

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