Institution de la Religion Chrétienne

LIVRE II
Qui est de la cognoissance de Dieu, entant qu’il s’est monstré Rédempteur en Jésus-Christ : laquelle a esté cognue premièrement des Pères sous la Loy, et depuis nous a esté manifestée en l’Evangile.

Chapitre X
De la similitude du Vieil et Nouveau Testament.

2.10.1

Il peut desjà estre notoire par ce que nous avons déduit, que tous ceux que Dieu a voulu adopter dés le commencement du monde en la compagnie de son peuple, ont esté par mesme raison alliez avec luy, estant conjoincts d’un mesme lien de doctrine que celle que nous avons : mais pource qu’il est bien requis que cest article soit confermé, j’adjousteray comme par forme d’accessoire, comment c’est que les Pères ont esté participans d’un mesme héritage avec nous, et ont espéré un salut commun par la grâce d’un mesme Médiateur. Et toutesfois qu’en telle société leur condition a esté diverse. Or combien que les tesmoignages que nous avons cueillis de la Loy et des Prophètes suffisent à prouver qu’il n’y a jamais eu au peuple de Dieu autre reigle de piété et de religion que celle que nous tenons, toutesfois pource que souvent il est parlé és Docteurs anciens de la diversité du Vieil et du Nouveau Testament d’une façon rude et aspre, et qui pourroit engendrer scrupule à ceux qui ne sont pas trop aigus, il m’a semblé advis bon de faire un traitté particulier pour mieux discuter ceste matière. D’avantage, ce qui autrement estoit très-utile, nous est nécessaire à cause de l’importunité tant de ce monstre Servet, que d’aucuns Anabaptistes, lesquels n’ont autre estime du peuple d’Israël que comme d’un troupeau de pourceaux : veu qu’ils pensent que nostre Seigneur l’ait voulu seulement engraisser en terre comme en une auge, sans espérance aucune de l’immortalité céleste. Pourtant afin de retirer tous fidèles de cest erreur pestilent, pareillement de délivrer les simples personnes de toutes difficultez lesquelles vienent en l’entendement, quand il est fait mention de quelque diversité entre le Vieil et Nouveau Testament, regardons briefvement que c’est qu’ont de semblable ou divers l’alliance que le Seigneur a faite devant l’advénement de Christ, avec le peuple d’Israël, et celle qu’il a faite avec nous après l’avoir manifesté en chair.

2.10.2

Or l’un et l’autre se peuvent despescher en un mot : c’est que l’alliance faite avec les Pères anciens, en sa substance et vérité est si semblable à la nostre, qu’on la peut dire une mesme avec icelle. Seulement elle diffère en l’ordre d’estre dispensée. Mais pource que d’une telle briefveté nul ne pourroit concevoir certaine intelligence, il faut poursuyvre cela plus amplement si nous voulons proufiter quelque chose. En expliquant la similitude, ou plustost l’unité d’icelles, il seroit superflu de traitter derechef au long toutes les parties que nous avons desjà despeschées : et de mesler ce qu’il faudra déduire ailleurs, il ne viendroit pas à propos. Il nous faudra donc yci arrester en trois articles. Premièrement, que le Seigneur n’a point proposé aux Juifs une félicité ou opulence terrienne, comme un but auquel ils deussent aspirer : mais qu’il les a adoptez en espérance d’immortalité, et leur a révélé et testifié ceste adoption, tant par visions qu’en sa Loy et en ses prophètes. Secondement, que l’alliance par laquelle ils ont esté conjoincts avec Dieu n’a pas esté fondée sur leurs mérites, mais sur la seule miséricorde d’iceluy. Tiercement, qu’ils ont eu et cognu Christ pour Médiateur, par lequel ils estoyent conjoincts à Dieu, et estoyent faits participans de ses promesses. Le second, pource qu’il n’a pas encores esté assez esclarci, sera plus amplement démonstré en son lieu. Car nous prouverons par beaucoup de certains tesmoignages des Prophètes, que tout ce que le Seigneur a fait ou promis jamais de bien à son peuple, est provenu de sa pure bonté et clémence. Le troisième, nous l’avons aussi démonstré çà et là assez facilement : mesmes nous avons aucunement touché le premier en passant.

2.10.3

Mais pource que cestuy-ci appartient de plus près à la cause présente et qu’il y en a plus de débat et de controversies, il nous faut mettre plus grande diligence à l’expliquer : néantmoins il nous y faut arrester en telle sorte, que s’il y a quelque chose qui défaille encores à la droite exposition des autres, nous les despeschions briefvement selon que l’opportunité le portera. L’Apostre certes nous oste toute doute des trois, quand il dit que le Seigneur avoit long temps au paravant promis l’Evangile de Jésus-Christ par les Prophètes en ses sainctes Escritures, lequel il a publié maintenant au temps qu’il avoit déterminé. Item que la justice de foy, laquelle est enseignée en l’Evangile, a esté testifiée en la Loy et par les Prophètes Rom. 1.2 ; 3.21. Certes, l’Evangile ne retient point les cœurs des hommes en une joye de la vie présente, mais les eslève à l’espérance d’immortalité : et ne les attache point aux délices terriennes, mais démonstrant l’espérance laquelle leur est préparée au ciel, les transporte enhaut. Car à cela nous meine la définition qu’il en met en un autre lieu : Depuis, dit-il, que vous avez creu à l’Evangile, vous avez esté marquez du sainct Esprit, lequel est arre de nostre héritage, etc. Item, Nous avons entendu de vostre foy en Christ, et de vostre charité envers les fidèles, à cause de l’espérance que vous avez au ciel, laquelle vous a esté annoncée par la doctrine de l’Evangile. Item, Le Seigneur nous a appelez par son Evangile en participation de la gloire de nostre Seigneur Jésus-Christ Eph. 1.13 ; Col. 1.4. De là vient aussi qu’il est appelé Doctrine de salut, Puissance de Dieu pour sauver tous croyans, et Royaume des cieux Eph. 1.13 ; Rom. 1.16. Or, si la doctrine de l’Evangile est spirituelle, et nous donne entrée en la vie incorruptible, ne pensons pas que ceux ausquels l’Evangile a esté promis et presché, se soyent amusez comme bestes brutes à prendre leurs voluptés corporelles, ne se soucians de leurs âmes. Et ne faut point que quelqu’un caville yci que les promesses lesquelles Dieu avoit anciennement données de l’Evangile par ses Prophètes, ont esté destinées au peuple du Nouveau Testament. Car l’Apostre, un peu après avoir mis ceste sentence, que l’Evangile a esté promis en la Loy, adjouste pareillement, que tout ce que la Loy contient s’addresse proprement à ceux qui sont sous la Loy Rom. 3.19. Je confesse bien que c’est à autre propos : mais il n’estoit pas tant oublieux, qu’en disant que tout ce que la Loy enseigne appartient aux Juifs, il ne pensast à ce qu’il avoit dit au paravant, touchant de l’Evangile promis en la Loy. Il démonstre donc clairement en ce passage, que le Vieil Testament regardoit principalement à la vie future : veu qu’il dit que les promesses de l’Evangile y sont comprinses.

2.10.4

Par une mesme raison il s’ensuit qu’il consistoit en la miséricorde gratuite de Dieu, et avoit sa fermeté en Christ. Car la prédication évangélique ne chante autre chose, sinon que les povres pécheurs sont justifiez par la clémence paternelle de Dieu, sans l’avoir mérité. Et toute la somme d’icelle est comprinse en Jésus-Christ. Qui osera donc priver les Juifs de Christ, ausquels nous oyons l’alliance de l’Evangile avoir esté faite, de laquelle le fondement unique est Christ ? Qui est-ce qui les osera estranger de l’espérance de salut gratuit, veu que nous oyons que la doctrine de foy leur a esté administrée, laquelle nous apporte justice gratuite ? Et afin de ne faire long débat d’une chose trop claire, nous avons pour cela une sentence notable du Seigneur Jésus : Abraham, dit-il, a esté esmeu d’un grand désir de veoir mon jour : il l’a veu, et s’en est resjouy Jean 8.56. Ce qui est là dit d’Abraham, l’Apostre monstre avoir esté universel en tout le peuple fidèle, quand il dit que Christ a esté hier et aujourd’huy, et sera éternellement Héb. 13.8. Car il ne parle pas seulement de la divinité éternelle de Christ, mais de la cognoissance de sa vertu : laquelle a esté toujours manifestée aux fidèles. Pourtant la vierge Marie et Zacharie en leurs Cantiques, appellent le salut qui est révélé en Christ, un accomplissement des promesses, lesquelles Dieu avoit faites à Abraham et aux Patriarches Luc 1.54-55, 72-73. Si Dieu en manifestant son Christ s’est acquitté de son serment ancien, on ne peut dire que la fin du Vieil Testament n’ait esté en Christ, et en la vie éternelle.

2.10.5

D’avantage, l’Apostre non-seulement fait le peuple d’Israël pareil et égual à nous en la grâce de l’alliance, mais aussi en la signification des Sacremens. Car voulant espovanter les Corinthiens par leur exemple, à ce qu’ils ne tombassent en mesmes crimes que Dieu avoit griefvement punis en iceux, il use de ceste préface : que nous n’avons point aucune prérogative ou dignité, laquelle nous puisse délivrer de la vengence de Dieu, qui est venue sur eux 1Cor. 10.1, 6, 11. Qu’ainsi soit, non-seulement nostre Seigneur leur a fait les mesmes bénéfices qu’il nous fait, mais aussi a illustré sa grâce entre eux par mesmes signes et Sacremens : comme s’il disoit, Il vous semble que vous estes hors de danger, pource que le Baptesme dont vous avez esté marquez et la Cène du Seigneur ont des promesses singulières : cependant, en mesprisant la bonté de Dieu, vous vivez dissoluement : mais il vous faut penser que les Juifs n’ont pas esté despourveus des mesmes Sacremens, contre lesquels le Seigneur n’a pas laissé pour cela d’exercer la rigueur de son jugement. Ils ont esté baptisez au passage de la mer Rouge, et en la nuée qui les défendoit de l’ardeur du soleil. Ceux qui répugnent à ceste doctrine, disent que c’a esté Baptesme charnel, correspondant au nostre spirituel selon quelque similitude : mais si cela leur est concédé, l’argument de l’Apostre ne procédera point, lequel a voulu oster aux Chrestiens ceste vaine fiance, de penser qu’ils fussent plus excellens que les Juifs, à cause du Baptesme. Et mesmes ce qui s’ensuit incontinent après, ne se peut nullement caviller : c’est qu’ils ont mangé la mesme viande spirituelle, et beu le mesme bruvage spirituel qui nous est donné : exposant que c’est Jésus- Christ.

2.10.6

Mais ils objectent encores pour abatre l’authorité de sainct Paul, le dict de Christ, Vos pères ont mangé la manne au désert, et sont morts : quiconque mangera ma chair, ne mourra point éternellement Jean 6.19-51 : Mais l’un s’accorde facilement avec l’autre. Le Seigneur Jésus, pource qu’il addressoit sa parole à des auditeurs qui cherchoyent seulement de repaistre leurs ventres, ne se soucians guères de la vraye nourriture des âmes, accommode aucunement son oraison à leur capacité : et principalement il fait ceste comparaison de la manne avec son corps selon leur sens. Ils requéroyent que pour avoir authorité, il approuvast sa vertu par quelque miracle tel que Moyse avoit fait au désert, quand il avoit fait plouvoir du ciel la manne. Or en la manne ils n’appréhendoyent rien, sinon un remède pour subvenir à leur indigence corporelle, de laquelle le peuple estoit pressé au désert. Ils ne montoyent point si haut, que de considérer le mystère que touche sainct Paul. Christ donc, pour démonstrer combien ils doivent attendre un plus grand et excellent bénéfice de soy, que celuy qu’ils pensoyent leurs pères avoir receu de Moyse, fait ceste comparaison : Si c’a esté un si digne miracle, à vostre opinion, que le Seigneur a envoyé à son peuple de la viande céleste par la main de Moyse, à ce qu’il ne périst point de faim, mais fust substenté pour quelque temps : de cela cognoissez combien plus précieuse est la viande laquelle apporte immortalité. Nous voyons pourquoy c’est que le Seigneur a laissé derrière ce qui estoit le principal en la manne, en prenant seulement la moindre utilité d icelle : c’est que les Juifs, comme par reproche luy avoyent objecté Moyse, lequel avoit secouru le peuple d’Israël en sa nécessité, le repaissant miraculeusement de manne. Il respond qu’il est dispensateur d’une grâce bien plus précieuse : au pris de laquelle ce que Moyse avoit fait au peuple d’Israël n’estoit quasi rien, combien qu’ils l’estimassent tant. Sainct Paul considérant que le Seigneur, quand il avoit fait plouvoir la manne du ciel, n’avoit pas seulement voulu envoyer viande corporelle à son peuple, mais luy avoit aussi voulu donner un mystère spirituel, pour figurer la vie éternelle qu’il devoit attendre de Christ, traitte cest argument comme il estoit digne d’estre bien expliqué. Pourtant nous pouvons conclurre sans doute, que les mesmes promesses de vie éternelle, qui nous sont aujourd’huy présentées, non-seulement ont esté communiquées aux Juifs, mais aussi leur ont esté seellées et confermées par sacremens vrayement spirituels. Laquelle matière est amplement déduite par sainct Augustin contre Fauste Manichéen.

2.10.7

Toutesfois si les lecteurs aiment mieux ouyr un récit des tesmoignages de la Loy et des Prophètes, ausquels ils voyent que l’alliance spirituelle dont nous sommes aujourd’huy possesseurs, a esté aussi bien commune aux Pères, selon qu’il nous est déclairé par Christ et ses Apostres, je tascheray de satisfaire à ceci : voire d’autant plus volontiers, afin que les contredisans soyent tant plus convaincus, et ne puissent tergiverser ci-après. Je commenceray par un argument qui sera estimé débile, et quasi ridicule entre les Anabaptistes, mais sera d’assez grande importance envers toutes gens de raison et de jugement. Je pren donc ceci pour résolu, qu’il y a une telle vigueur en la Parole de Dieu, qu’elle suffit à vivifier les âmes de tous ceux qui y participent. Car ce dire de sainct Pierre a tousjours esté vray, que c’est une semence incorruptible, laquelle demeure à jamais : comme aussi il le conferme par les mots d’Isaïe 1Pi. 1.23 ; Esaïe 40.6. Or puisque Dieu a jadis conjoinct avec soy les Juifs par ce lien sacré et indissoluble, il n’y a doute qu’il ne les ait séparez et mis à part, pour les faire espérer en la vie éternelle. Car en disant qu’ils ont receu et embrassé la Parole pour estre unis de plus près avec Dieu : je n’enten pas ceste espèce générale de communiquer avec luy, laquelle s’espand au ciel et en la terre, et en toutes créatures. Car combien qu’il vivifie toutes choses par son inspiration, asçavoir chacune selon la propriété de sa nature, toutesfois il ne les délivre de la nécessité de corruption ; mais celle, dont je parle est spéciale, par laquelle les âmes des fidèles sont illuminées en la cognoissance de Dieu, et aucunement conjoinctes à luy. Comme ainsi soit donc qu’Abraham, Isaac, Noé, Abel, Adam, et les autres Pères, ayent adhéré à Dieu par une telle illumination de sa Parole, je di qu’il n’y a nulle doute qu’elle ne leur ait esté une entrée au royaume éternel de Dieu ; car c’estoit une vraye participation de Dieu, laquelle ne peut estre sans la grâce de la vie éternelle.

2.10.8

Si cela semble advis aucunement obscur, venons au formulaire mesme de l’alliance, lequel non-seulement contentera tous esprits paisibles, mais aussi rédarguera suffisamment l’ignorance de ceux qui s’efforcent de contredire. Le Seigneur a fait tousjours ceste paction avec ses serviteurs : Je vous seray pour Dieu, et vous me serez pour peuple Lév. 26.12. Sous ces paroles les Prophètes mesmes exposoyent vie et salut et la somme de toute béatitude estre comprise. Car ce n’est point sans cause que David souvent prononce le peuple estre bien heureux, lequel a le Seigneur pour son Dieu : et la gent bienheureuse, laquelle il a eslevée pour son héritage Ps. 144.15 ; 33.12 ; ce qui ne s’entend point d’une félicité terrienne : mais pource qu’il rachète de mort, conserve à jamais et entretient en sa miséricorde tous ceux qu’il a receus en la compagnie de son peuple. Comme aussi il est dit par les autres Prophètes, Tu es nostre Dieu, nous ne mourrons point. Item, Le Seigneur est nostre Roy et Législateur, il nous sauvera. Item, Tu es bien heureux, Israël, d’autant que tu as salut en Dieu Hab. 1.12 ; Esaïe 33.22 ; Deut. 33.29. Mais afin de ne nous travailler beaucoup en choses superflues, ceste remonstrance que nous fait l’Escriture çà et là nous doit seule contenter : c’est que rien ne nous défaut pour avoir affluence de tout bien et certitude de salut, moyennant que le Seigneur nous soit pour Dieu. Et cela à bon droict : car si sa face incontinent qu’elle reluit, est une très-certaine asseurance de salut, comment se pourroit-il déclairer à l’homme pour son Dieu, qu’il ne luy ouvrist quant et quant les thrésors de salut ? Car il est nostre Dieu à telle condition qu’il habite au milieu de nous, comme il testifioit par Moyse Lév. 26.12. Or on ne peut obtenir une telle présence, sans posséder pareillement la vie. Et quand il ne leur eust esté exprimé d’avantage, ils avoyent assez claires promesses de la vie spirituelle en ces paroles, Je suis vostre Dieu Ex. 6.7 : car il ne dénonçoit pas seulement qu’il seroit Dieu à leurs corps, mais principalement à leurs âmes. Or les âmes, si elles ne sont conjoinctes avec Dieu par justice, estans estrangères de luy elles demeurent en mort : d’autre part, qu’elles ayent sa conjonction, et elle leur apportera la vie permanente.

2.10.9

Il y a encores plus, c’est que non-seulement il se disoit estre leur Dieu : mais promettoit de l’estre tousjours, afin que leur espérance n’acquiesçant point és choses présentes, s’estendist à perpétuité. Or que ceste locution du temps futur ait eu telle intelligence, il appert par plusieurs sentences des fidèles, où ils se consolent, s’asseurans que Dieu ne leur faudra jamais. D’avantage, il y avoit un autre second membre en l’alliance, lequel les confermoit encores plus amplement en cela, que la bénédiction de Dieu leur seroit prolongée outre les limites de la vie terrienne. C’est qu’il estoit dit, Je seray le Dieu de ta lignée après toy Gen. 17.7. Car si le Seigneur vouloit déclarer sa bénévolence envers eux, en bien faisant à leurs successeurs, il faloit par plus forte raison, que sa faveur se démonstrast sur eux-mesmes. Car Dieu n’est pas semblable aux hommes, lesquels transfèrent l’amour qu’ils ont portée aux trespassez, à leurs enfans, pource qu’ils n’ont plus la faculté de leur bien faire après la mort. Mais Dieu, duquel la libéralité n’est point empeschée par la mort, n’oste point le fruit de sa miséricorde à ceux à cause desquels il la monstre à leurs successeurs en mille générations Ex. 20.6. Pourtant il a voulu par cela monstrer l’affluence infinie de sa bonté, laquelle ses serviteurs devoyent mesmes sentir après leur mort, quand il la descrit telle, qu’elle s’espandroit sur toute la famille, mesmes après leur trespas. Et le Seigneur a scellé la vérité de ceste promesse, et quasi en a monstré l’accomplissement en s’appelant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et Jacob, long temps après leur mort Ex. 3.6 ; Matth. 22.32 ; Luc 20.38. Car ceste appellation n’eust-elle pas esté ridicule, s’ils estoyent péris. Car c’eust esté autant comme s’il eust dit, Je suis le Dieu de ceux qui ne sont point. Pourtant les Evangélistes racontent que les Sadduciens furent convaincus de Christ par ce seul argument, tellement qu’ils ne peurent nier que Moyse n’eust testifié la résurrection des morts en ce passage. Et de faict, ils avoyent aussi apprins de Moyse, que tous les Saincts sont en la main de Dieu Deut. 33.3 : dont il leur estoit aisé de conclurre, qu’ils ne sont point esteints par mort, puis que celuy qui a la vie et la mort en sa puissance, les a receus en sa garde et protection.

2.10.10

Maintenant regardons ce qui est le principal de ceste controversie : Asçavoir si les fidèles de l’ancien Testament n’ont pas tellement esté instruits de Dieu, qu’ils se recognoissent avoir une vie meilleure ailleurs qu’en terre, pour la méditer en mesprisant ceste vie corruptible. Premièrement, la manière de vivre qu’il leur a baillée n’estoit qu’un exercice assiduel, par lequel il les admonestoit qu’ils estoyent les plus misérables du monde, s’ils eussent eu leur félicité en terre. Adam, qui autrement estoit plus que malheureux par la seule recordation de sa félicité perdue, a grande difficulté à s’entretenir povrement en travaillant tant qu’il peut Gen. 3.17-19. Et afin de n’estre persécuté de ceste seule, malédiction de Dieu, il reçoit une destresse merveilleuse de ce dont il devoit avoir quelque soulagement. De deux enfans qu’il a, l’un est meschamment meurtri par la main de l’autre Gen. 4.8. Cain luy demeure, lequel à bon droict il doit avoir en horreur et abomination. Abel, estant ainsi cruellement meurtri en la fleur de son aage, nous est exemple de la calamité humaine. Noé consume une grande partie de sa vie à bastir l’arche avec grande fascherie et moleste Gen. 6.22, ce pendant que tout le monde se resjouit en délices et plaisirs. Ce qu’il évite la mort, cela luy tourne à plus grande destresse que s’il eust eu à mourir cent fois. Car outre ce que l’arche luy est comme un sépulchre de dix mois, y a-il chose plus ennuyeuse que d’estre là tenu si long temps plongé en la fiente et ordure des bestes, en un lieu sans air ? Après avoir eschappé tant de difficultez, il tombe en matière de nouvelle tristesse. Il se voit mocqué de son propre fils Gen. 9.24 : et est contraint de maudire de sa propre bouche, celuy que Dieu luy avoit réservé du déluge pour un grand bénéfice.

2.10.11

Abraham certes nous doit estre luy seul comme un million, si nous considérons bien sa foy, laquelle aussi nous est mise en avant pour une très-bonne reigle de croire Gen. 12.4 : tellement qu’il nous faut estre réputez de sa lignée pour estre enfans de Dieu. Or il n’y a rien plus répugnant à raison, que de rejetter du rang des fidèles celuy qui est père de tous : tellement qu’on ne luy laisse point le dernier anglet entre tous. Or on ne le peut oster du nombre, mesmes de ce degré tant honorable où Dieu l’a colloqué, que toute l’Eglise ne soit abolie. Maintenant quant à sa condition, si tost qu’il est appelé de Dieu, il est tiré hors de son pays, arrière de ses parens et amis, et est privé des choses les plus désirables de ce monde : comme si Dieu de propos délibéré l’eust voulu despouiller de toute joye terrienne. Incontinent qu’il est entré en la terre où il luy estoit commandé d’habiter, il en est chassé par famine. Il se retire pour avoir secours en un pays où, s’il veut sauver sa vie, il est contraint d’abandonner sa femme, ce qui luy estoit plus grief que beaucoup de morts Gen. 12.11-15. Est-il retourné au lieu de son habitacle ? il en est derechef chassé par famine. Quelle félicité est-ce d’habiter en une terre où il luy faloit si souvent avoir indigence, et mesmes où il luy faloit mourir de faim s’il ne s’en fust fuy ? Il est rédigé en une mesme nécessité de quitter sa femme au pays d’Abimélec Gen. 20.2. Après avoir vagué ça et là plusieurs années en incertitude, il est contraint par noises et débats de ses serviteurs de mettre hors de sa maison son nepveu, lequel il tenoit pour son enfant. Il n’y a doute que ceste séparation ne luy fust autant comme si on luy eust couppé ou arraché l’un de ses membres. Peu de temps après il entend que les ennemis l’emmènent captif. Quelque part qu’il aille il trouve une cruelle barbarie en tous ses voisins, lesquels ne luy souffrent point de boire de l’eau des puits qu’il a fouis ; car s’il n’en eust esté inquiété, il n’en eust point racheté l’usage. Estant venu en sa dernière vieillesse, il se voit destitué d’enfant, qui est la chose plus dure qu’ait cest aage-là. En la fin il engendre Ismaël outre son espérance : mais encores la nativité luy en couste bien cher ; car il est vexé des opprobres de sa femme Sara, comme si en nourrissant l’orgueil de sa chambrière, il estoit cause du trouble qui estoit en sa maison. En ses derniers jours Isaac luy est donné : mais avec telle récompense, que son fils aisné soit deschassé et jette comme un povre chien au milieu d’une forest. Après qu’Isaac luy est demeuré seul, auquel doit estre tout le soulas de sa vieillesse, il luy est fait commandement de le tuer. Sçauroit-on imaginer chose plus malheureuse, que de dire qu’un père soit bourreau de son enfant ? S’il fust mort par maladie, qui n’eust estimé ce povre vieillard malheureux, en ce qu’il luy eust esté donné pour si peu de temps, comme par mocquerie, afin de luy doubler la douleur qu’il avoit de se veoir destitué de lignée ? S’il eust esté tué d’un estranger, la calamité eust esté augmentée d’autant ; mais cela surmonte toute misère, de dire qu’il soit meurtri de la main de son père. Brief, en toute sa vie il a tellement esté tormenté et affligé, que si quelqu’un vouloit représenter comme en une peinture un exemple de vie misérable, il ne trouveroit rien plus propre. Si quelqu’un objecte que pour le moins il n’a pas esté du tout misérable, entant qu’il est eschappé de tant de dangers, et a surmonté tant de tempestes : je respon que nous n’appellerons pas une vie bien heureuse, laquelle par difficultez infinies viendra à longue vieillesse : mais en laquelle l’homme est entretenu paisiblement en bonne fortune.

2.10.12

Venons à Isaac, lequel n’a pas tant enduré de calamitez, mais toutesfois à grand’peine a-il eu le moindre goust du monde de quelque plaisir ou liesse. Et d’autre part a expérimenté les troubles, lesquels ne souffrent pas l’homme estre bien heureux en la terre. La famine le chasse de la terre de Canaan, comme son père. Sa femme luy est arrachée de son sein. Ses voisins le tormentent et molestent par tout où il va, en plusieurs sortes : tellement qu’il est contraint de combatre pour l’eau. Les femmes de son fils Esaü luy font beaucoup d’ennuy en la maison. Il est merveilleusement affligé par le discord de ses enfans : et ne peut remédier à un si grand mal, sinon en bannissant celuy qu’il avoit bénit. Quant à Jacob, il est comme un patron et figure de la plus grande malheureté qu’on sçauroit dire Gen. 26.35. Ce pendant qu’il est en la maison tout le temps de son enfance, il est tormenté d’inquiétude, à cause des menaces de son frère, ausquelles il est en la fin contraint de céder, estant fugitif de ses parens et de son pays. Outre l’angoisse que luy apportoit le bannissement, il est rudement traitté de son oncle Laban. Il ne suffit pas qu’il soit sept ans en servitude dure et inhumaine, sinon qu’en la fin il soit trompé, en ce qu’on luy baille une autre femme que celle qu’il demandoit Gen. 29.20. Il luy faut doncques pour l’avoir, rentrer en servitude nouvelle, en laquelle il soit bruslé de jour de la chaleur du soleil, de nuict morfondu et gelé : endurer pluye, vent et tempeste, sans dormir ne sans reposer, comme luy-mesme en fait la complainte. Et estant vingt ans en si povre estat, encores faut-il qu’il soit affligé journellement des injures que luy fait son beau-père Gen. 31.7. En sa maison il n’est non plus tranquille, entant qu’elle est dissipée par les haines, noises et envies de ses femmes. Quand Dieu luy commande de se retirer au pays, il faut qu’il espie de partir en telle sorte, que son partement est comme une fuite ignominieuse. Et encores ne peut-il pas ainsi éviter l’iniquité de son beau-père : qu’il ne soit de luy persécuté, et atteint au milieu du chemin ; et pource que Dieu ne permettoit point qu’il luy adveinst pis, il est vexé de beaucoup d’opprobres et contumélies, par celuy duquel il avoit bonne matière de se plaindre. Il entre incontinent après en une plus grande destresse : car en approchant de son frère, il a autant de morts devant les yeux, qu’on en peut attendre d’un cruel ennemi Gen. 32.20. Il a doncques le cœur horriblement tormenté, et comme deschiré d’angoisse, ce pendant qu’il attend sa venue. Quand il le voit, il se jette à ses pieds comme demi-mort, jusques à ce qu’il le sente plus doux qu’il n’eust osé espérer Gen. 33.3. En la première entrée de son pays il perd sa femme Rachel en travail d’enfant, laquelle il aimoit uniquement Gen. 35.16. Après on luy rapporte que l’enfant qu’il avoit eu d’elle, lequel il aimoit par-dessus tous, est dévoré de quelque beste sauvage. De laquelle mort son cœur est si amèrement navré, qu’après avoir bien pleuré, il refuse toute consolation, et délibère de mourir en ceste tristesse, n’ayant autre plaisir que de suyvre son enfant au sépulchre. D’avantage, quelle tristesse, fascherie et destresse pensons-nous que ce luy soit, quand il voit sa fille ravie et déflorée Gen. 34.2 ? Et d’avantage, que ses fils pour en faire la vengence, saccagent une ville ? En quoy non-seulement ils le rendent odieux à tous les habitans, mais le mettent en danger de mort. L’horrible crime de Ruben survient après, lequel luy devoit causer merveilleuse angoisse Gen. 35.22. Car comme ainsi soit qu’une des plus grandes misères que puisse avoir l’homme, est que sa femme soit violée : que dirons-nous quand une telle meschanceté est commise par son propre fils ? Peu de temps après, sa famille est encores contaminée par un autre inceste Gen. 38.18 : tellement que tant de déshonneurs pouvoyent rompre un cœur le plus ferme et le plus patient du monde. Sur sa dernière vieillesse, voulant subvenir à l’indigence de luy et de sa famille, il envoyé quérir du bled en pays estrange par ses enfans. L’un demeure en prison, lequel il pense estre en danger de mort : pour le racheter, il est contraint d’envoyer Benjamin, auquel il prenoit tout son plaisir Gen. 42.38. Qui penseroit qu’en telle multitude de malheuretez, il ait une seule minute de temps, pour respirer à son aise ? C’est ce qu’il tesmoigne à Pharaon, disant que les jours de sa vie ont esté courts et misérables Gen.47.9. Celuy qui afferme d’avoir esté en misères continuelles, ne concède pas d’avoir senti une telle prospérité que Dieu luy avoit promise. Parquoy, ou Jacob estoit ingrat et mescognoissant envers Dieu, ou il protestoit véritablement d’avoir esté misérable sur la terre. Si son dire estoit vray, il s’ensuit qu’il n’a pas eu son espérance fichée és choses terriennes.

2.10.13

Si tous ces saincts Pères ont attendu de Dieu une vie bien-heureuse (ce qui est indubitable) ils ont certes cognu et attendu une autre béatitude que de la vie terrienne. Ce que l’Apostre démonstre très-bien : Abraham, dit-il, est demeuré en foy en la terre promise, comme estrangère, habitant en cahuettes avec Isaac et Jacob, qui estoyent participans d’un mesme héritage. Car ils attendoyent une cité bien fondée, de laquelle Dieu est le maistre ouvrier. Ils sont tous morts en ceste foy, sans avoir receu les promesses : mais les regardans de loin, et sçachans et confessans qu’ils estoyent estrangers sur la terre ; en quoy ils signifient qu’ils cherchent un autre pays. Or s’ils eussent esté touchez de désir de leur pays naturel qu’ils avoyent abandonné, ils y pouvoyent retourner : mais ils en espéroyent un meilleur, asçavoir au ciel. Pourtant Dieu n’a point honte de se nommer leur Dieu, pource qu’il leur a préparé une habitation Héb. 11.9-16. Et de faict ils eussent esté plus stupides que troncs de bois, en poursuivant si constamment les promesses, desquelles ils n’avoyent nulle apparence en la terre, n’eust esté qu’ils attendoyent l’accomplissement ailleurs. Ce n’est pas sans cause aussi que l’Apostre insiste principalement en cela, qu’ils se sont nommez pèlerins et estrangers en ce monde, comme mesmes Moyse récite Gen. 47.9. Car s’ils sont estrangers en la terre de Canaan, où est la promesse de Dieu, par laquelle ils en sont constituez héritiers ? Cela doncques démonstre que ce que Dieu leur avoit promis regardoit plus loin que la terre. Pourtant ils n’ont pas acquis un pied de possession au pays de Canaan, sinon pour leurs sépulchres Actes 7.5. En quoy ils testifioyent que leur espérance n’estoit pas de jouyr de la promesse, sinon après la mort. C’est aussi la cause pourquoy Jacob a tant estimé d’y estre enseveli : tellement qu’il adjura par serment son fils Joseph, d’y faire porter son corps. Ceste mesme raison suyvoit Joseph, commandant que ses cendres y fussent portées, environ trois cens ans après sa mort Nomb. 23.10.

2.10.14

En somme il apparoist manifestement, qu’en toutes leurs œuvres ils ont tousjours regardé ceste béatitude de la vie future. Car à quel propos Jacob eust-il avec si grande peine et danger appelé la primogéniture, laquelle ne luy apportoit nul bien, et le chassoit hors de la maison de son père, s’il n’eust regardé à une bénédiction plus haute ? Et mesmes il a déclairé avoir eu ceste affection, quand il crie en jettant les derniers souspirs, J’attendray ton salut, Seigneur Gen. 49.18. Puis qu’il sçavoit qu’il s’en alloit rendre l’âme : quel salut eust-il attendu, s’il n’eust veu en la mort un commencement de nouvelle vie ? Et qu’est-ce que nous débatons des enfans de Dieu : veu que celuy mesmes qui s’efforçoit d’impugner la vérité, a eu un mesme sentiment et goust d’intelligence ? Car qu’est-ce que vouloit Balaam, en désirant que son âme mourust de la mort des justes, et que sa fin fust semblable à leur fin Nomb. 23.10, sinon qu’il sentoit en son cœur ce que David a escrit depuis : asçavoir, que la mort des Saincts est précieuse devant la face du Seigneur, et la mort des iniques malheureuse Ps. 116.15 ; 34.22 ? Si le dernier but des hommes estoit en la mort, on ne pourroit noter en icelle aucune différence entre le juste et le meschant. Il les faut donc distinguer par la condition qui est préparée à l’un et à l’autre au siècle futur.

2.10.15

Nous ne sommes encores passez outre Moyse : lequel les resveurs, contre lesquels nous parlons, pensent n’avoir eu autre office, sinon d’induire le peuple d’Israël à craindre et honorer Dieu, en luy promenant possessions fertiles et abondance de victuailles. Néantmoins si on ne veut de propos délibéré esteindre la lumière qui se présente, nous avons desjà révélation toute évidente de l’alliance spirituelle. Si nous descendons aux Prophètes, là nous aurons une plene clairté, pour contempler la vie éternelle et le royaume de Christ. Premièrement David, lequel pource qu’il a esté devant les autres, parle des mystères célestes plus obscurément qu’ils ne font : néantmoins en quelle perspicuité et certitude rapporte-il toute sa doctrine à ce but ? Quant à ce qu’il a estimé de l’habitation terrienne, il le démonstre par ceste sentence, Je suis yci pèlerin et estranger, comme tous mes pères. Tout homme vivant est vanité : un chacun passe comme ombre, et maintenant quelle est mon attente ? Seigneur, mon espérance s’addresse à toy Ps. 39.13, 7-8. Certes celui qui après avoir confessé qu’il n’a rien de ferme ne permanent en ce monde, retient toutesfois fermeté d’espérance en Dieu, contemple sa félicité ailleurs qu’en ce monde. Parquoy luy-mesme a accoustumé de rappeler les fidèles à ceste contemplation, toutesfois et quantes qu’il les veut consoler. Car en un autre passage, après avoir monstré combien ceste vie est briefve et fragile, il adjouste, Mais la miséricorde du Seigneur est à tousjours à ceux qui le craignent Ps. 103.17. A quoy est semblable ce qu’il dit autre part, Tu as dés le commencement fondé la terre, Seigneur, et les cieux sont les œuvres de tes mains. Ils périront, et tu demeures : ils vieilliront comme une robbe, et tu les changeras : mais tu demeures tousjours en un estat, et tes ans ne défaudront point. Les fils de tes serviteurs habiteront, et leur postérité sera establie devant ta face Ps. 102.25-28. Si pour l’abolissement du ciel et de la terre les fidèles ne laissent point d’estre establis devant Dieu, il s’ensuit que leur salut est conjoinct avec son éternité. Et de faict, ceste espérance ne peut consister, si elle n’est fondée sur la promesse laquelle est exposée en Isaïe : Les cieux, dit le Seigneur, se dissiperont comme fumée, et la terre s’usera comme un habillement, et les habitans d’icelle aussi périront : mais mon salut sera à tousjours, et ma justice ne défaudra point Esaïe 51.6. Auquel lieu la perpétuité est attribuée à salut et justice : non pas d’autant que ces choses résident en Dieu, mais entant qu’il les communique aux hommes.

2.10.16

Et de faict, on ne peut autrement prendre les choses qu’il dit çà et là de la félicité des fidèles, sinon qu’on les réduise à la manifestation de la gloire céleste. Comme quand il dit, Le Seigneur garde les âmes de ses Saincts, il les délivrera de la main du pécheur. La lumière est levée au juste, et joye à ceux qui sont droicts de cœur. La justice des bons demeure éternellement, leur force sera exaltée en gloire : le désir des pécheurs périra. Item, Les justes rendront louanges à ton Nom, les innocens habiteront avec toy. Item, Le juste sera en mémoire perpétuelle. Item, Le Seigneur rachètera les âmes de ses serviteurs Ps. 97.10 ; 140.13 ; 112.6 ; 34.22. Or le Seigneur non-seulement permet que ses serviteurs soyent tormentez des iniques, mais les laisse souventesfois dissiper et destruire. Il laisse les bons languir en ténèbres et malheureté, cependant que les iniques reluisent comme estoilles du ciel : et ne monstre pas telle clairté de son visage à ses fidèles, qu’il les laisse jouyr de longue joye. Pourtant David mesme ne dissimule pas, que si nous tenons les yeux fichez en l’estat présent de ce monde, ce nous sera une griefve tentation pour nous esbranler, comme s’il n’y avoit nul loyer d’innocence envers Dieu. Tellement l’impiété le plus souvent prospère et florit, ce pendant que la compagnie des bons est oppressée d’ignominie, povreté, contemnement, et autres espèces de calamitez ! Il s’en est bien peu falu, dit-il, que mon pied n’ait glissé, et que mes pas ne soyent déclinez, voyant la fortune des gens despourveus de sens, et la prospérité des meschans. Puis après avoir fait un récit de cela, il conclud, Je regardoye si je pourroye considérer ces choses : mais ce n’est que perplexité en mon esprit, jusques a ce que j’entre au Sanctuaire du Seigneur, et que je cognoisse leur fin Ps. 73.2-3, 17.

2.10.17

Apprenons doncques de ceste seule confession de David, que les saincts Pères sous l’Ancien Testament n’ont pas ignoré combien Dieu accomplit peu souvent, ou du tout n’accomplit jamais en ce monde les choses qu’il promet à ses serviteurs. Et que pour ceste cause ils ont eslevé leurs cœurs au Sanctuaire de Dieu, où ils trouvoyent caché ce qui ne leur apparoissoit point en ceste vie corruptible. Ce Sanctuaire estoit le jugement dernier que nous espérons, lequel ils estoyent contens d’entendre par foy, combien qu’ils ne l’apperceussent point à l’œil. De laquelle fiance estans munis, quelque chose qu’il adveinst en ce monde, ils ne doutoyent point que le temps viendroit une fois, auquel les promesses de Dieu seroyent accomplies, comme bien démonstrent ces sentences, je contempleray ta face en justice, je seray rassasié de ton regard. Item, Je seray comme une olive verde en la maison du Seigneur. Item, Le juste florira comme la palme, il verdoyera comme un cèdre du Liban. Ceux qui seront plantez en la maison du Seigneur floriront en son portail : ils fructifieront, ils verdoyeront en leur vieillesse, et seront vigoureux Ps. 17.15 ; 52.8-9 ; 92.12-14. Or un peu au paravant il avoit dit, Seigneur, combien tes pensées sont profondes ! quand les iniques florissent, ils germent comme l’herbe pour périr à jamais Ps. 92.6-8. Où sera ceste vigueur et beauté des fidèles, sinon quand l’apparence de ce monde sera renversée par la manifestation du royaume de Dieu ? Pourtant quand ils jettoyent les yeux sur ceste éternité, en contemnant l’amertume des calamitez présentes qu’ils voyoyent estre transitoires, ils glorifioyent hardiment en ces paroles, Tu ne permettras point, Seigneur, que le juste périsse éternellement : mais tu plongeras l’inique au puits de ruine Ps. 55.22-23. Où est en ce monde le puits de ruine, qui engloutisse les iniques : en la félicité desquels en un autre lieu cela est notamment mis, qu’ils meurent délicatement sans languir long temps Job 21.23 ? Où est une telle fermeté des saincts, lesquels David mesme dit souvent en se complaignant, non-seulement estre esbranlez, mais du tout oppressez et abatus ? Il faut donc qu’il se meist devant les yeux, non pas ce que porte l’incertitude de ce monde, lequel est comme une mer agitée de diverses tempestes : mais ce que le Seigneur fera quand il sera assis en jugement pour ordonner l’estat permanent du ciel et de la terre, comme il descrit très-bien en un autre lieu : Les fols, dit-il, s’appuyent sur leur abondance, et s’enorgueillissent pour leurs grandes richesses : et toutesfois nul, quelque grand qu’il soit, ne pourra délivrer son frère de mort, ne payer le prix de sa rédemption à Dieu Ps. 49.7-8. Et combien qu’ils voyent les sages et les fols mourir, et laisser leur richesse aux autres, ils imaginent qu’ils auront yci leur demeure perpétuelle, et taschent d’acquérir bruit et renom en terre : mais l’homme ne demeurera point en honneur, il sera semblable aux bestes qui périssent. Ceste cogitation qu’ils ont est une grande folie, néantmoins elle a beaucoup d’imitateurs. Ils seront rangez en enfer comme un troupeau de brebis, la mort dominera sur eux. A l’aube du jour les justes auront la seigneurie sur eux : leur excellence périra, le sépulchre sera leur habitacle. Premièrement, en ce qu’il se mocque des fols, d’autant qu’ils se reposent et acquiescent en leurs plaisirs mondains qui sont transitoires, il démonstre que les sages ont à chercher une autre félicité : mais encores déclare-il plus évidemment le mystère de la résurrection, quand il establit le règne des fidèles, prédisant la ruine et désolation des iniques. Car qu’est-ce que nous entendrons par L’aube du jour, dont il parle, sinon une révélation de nouvelle vie, après la fin de ceste présente. ?

2.10.18

De là aussi venoit ceste cogitation, de laquelle les fidèles en ce temps-là avoyent coustume de se consoler et conformer à patience, quand ils disoyent que l’ire de Dieu ne dure qu’une minute de temps, mais que sa miséricorde dure à vie Ps. 30.5. Comment pouvoyent-ils terminer leurs afflictions à une minute de temps, veu qu’ils estoyent affligez toute leur vie ? Où est-ce qu’ils voyoyent une si longue durée de la bonté de Dieu, laquelle à grand’peine ils avoyent loisir de gouster ? Certes s’ils se fussent amusez à la terre, ils n’y eussent rien trouvé de cela : mais quand ils eslevoyent leurs yeux au ciel, ils cognoissoyent que ce n’est qu’une bouffée de vent, que les saincts ont à endurer tribulation, et que les grâces qu’ils doyvent recevoir sont éternelles : d’autre part, ils prévoyoyent que la ruine des iniques n’auroit nulle fin, combien qu’ils se pensassent bienheureux, comme par songe. Dont venoyent ces sentences qui leur estoyent familières, que la mémoire du juste sera en bénédiction, la mémoire des iniques périra Prov. 10.7 ? Item, La mort des saincts est précieuse devant la face du Seigneur : la mort du pécheur très-mauvaise Ps. 116.15 ; 34.22 ? Item, Le Seigneur gardera les pas de ses saincts, les iniques seront abatus en ténèbres 1Sam. 2.9 ? Car toutes telles paroles démonstrent que les Pères de l’Ancien Testament ont bien cognu, quelque malheureté qu’eussent à endurer les fidèles en ce monde, toutesfois que leur fin seroit vie et salut : d’autre part, que la félicité des iniques est une voye belle et plaisante, laquelle meine en ruine. Pour laquelle chose ils appeloyent la mort des incrédules, Ruine des incirconcis Ezéch. 28.10 ; 31.18 : voulans dénoter que l’espérance de résurrection leur estoit ostée. Pourtant David n’a peu excogiter une plus griefve malédiction sur ses ennemis, qu’en priant qu’Ils fussent effacez du livre de vie, et ne fussent point escrits avec les justes Ps. 69.28 ?

2.10.19

Mais encores ceste sentence de Job est notable par-dessus les autres : Je sçay, dit-il, que mon Rédempteur vit, et qu’au dernier jour je ressusciteray de la terre, et verray mon Rédempteur en ce corps : ceste espérance est cachée en mon sein Job. 19.25. Ceux qui veulent monstrer leur subtilité, cavillent que cela ne se doit pas entendre de la dernière résurrection : mais du temps auquel Job espéroit le Seigneur luy devoir estre plus doux et amiable. Laquelle chose quand nous leur concéderons en partie, toutesfois si aurons-nous tousjours cela, vueillent-ils ou non, que Job ne pouvoit parvenir à une si haute espérance, s’il se fust reposé en la terre. Il nous faut doncques confesser qu’il eslevoit les yeux en l’immortalité future, puis qu’il attendoit son Rédempteur, estant comme au sépulchre. Car la mort est une désesperation extrême à ceux qui ne pensent que de la vie présente : et toutesfois elle ne luy a peu oster son espoir. Quand il me tueroit, disoit-il, si ne laisseray-je d’espérer en luy Job 13.15 ! Si quelque opiniastre murmure que ces sentences ont esté de peu de gens, et que par cela on ne peut prouver que la doctrine ait esté communément telle entre les Juifs : je luy respondray incontinent, que petit nombre de gens par telles sentences n’a pas voulu monstrer quelque sagesse occulte, laquelle ne peussent comprendre que les excellens esprits : car ceux qui ont ainsi parlé estoyent constituez docteurs du peuple par le sainct Esprit : pourtant selon leur office, ils ont oublié ouvertement la doctrine qui devoit estre tenue de tout le peuple. Quand nous oyons doncques les oracles du sainct Esprit si évidens, par lesquels il a testifié anciennement la vie spirituelle en l’Eglise des Juifs, et en a donné espérance indubitable, ce seroit une obstination trop exorbitante, de ne laisser à ce peuple-là qu’une alliance charnelle, où il ne soit fait mention que de la terre et félicité mondaine.

2.10.20

Si je descen aux Prophètes qui sont depuis venus, j’auray encores matière plus ample et facile de bien démener ceste cause. Car si la victoire ne nous a pas esté trop difficile en David, Job et Samuel, elle nous sera là beaucoup plus aisée, veu mesmes que le Seigneur a tenu cest ordre de faire en dispensant l’alliance de sa miséricorde, que d’autant que le jour de la plene révélation approchoit, il a voulu de plus en plus augmenter la clairté de sa doctrine. Parquoy quand la première promesse fut au commencement donnée à Adam, lors il y eut seulement comme des petites estincelles allumées. Depuis petit à petit la lumière est creue et augmentée de jour en jour, jusques à ce que le Seigneur Jésus-Christ, qui est le Soleil de justice, faisant esvanouir toutes nuées, a plenement illuminé le monde. Il ne faut pas doncques craindre, si nous nous voulons aider des tesmoignages des Prophètes pour approuver nostre cause, qu’ils nous défaillent. Mais pource que je voy ceste matière si ample, qu’il nous y faudroit arrester plus que ne porte ce que j’ay entreprins de faire (car il y auroit pour remplir un gros volume) : d’avantage, pource que je pense avoir fait ouverture cy-dessus à tous lecteurs de moyen entendement, en telle sorte qu’ils pourront d’eux-mesmes comprendre ce qui en est, je me garderay d’estre prolixe, sans qu’il en soit grand mestier. Seulement je les admonesteray qu’ils se souvienent d’user de la clef que je leur ay baillée pour se faire ouverture : c’est que toutesfois et quantes que les Prophètes font mémoire de la béatitude des fidèles (de laquelle à grand’peine il apparoist une petite ombre en ce monde) qu’ils revienent à ceste, distinction : asçavoir que les Prophètes pour mieux démonstrer la bonté de Dieu, l’ont figurée par bénéfices terriens, comme par quelques images : mais que ce pendant ils ont voulu par ceste peincture eslever les cœurs par-dessus terre et les élémens de ce monde et ce siècle corruptible, et les induire à méditer la félicité de la vie spirituelle.

2.10.21

Nous serons contens d’en avoir un exemple. Pource que le peuple d’Israël ayant esté transporté en Babylone. estimoit son bannissement et la désolation où il estoit, semblable à une mort : on ne luy pouvoit faire à croire que ce ne fust fable et mensonge tout ce que luy promettoit Ezéchiel de sa restitution : car il pensoit que ce fust autant comme qui eust dit des corps tous pourris devoir ressusciter. Le Seigneur pour monstrer que ceste difficulté mesme ne l’empescheroit pas qu’il n’accomplist sa grâce en eux, monstre par vision au Prophète un champ plein d’os : ausquels il rend esprit et vigueur en une minute de temps, par la seule vertu de sa parole Ezéch. 37.4. Ceste vision servoit bien à corriger l’incrédulité du peuple : néantmoins ce pendant elle l’admonestoit combien la puissance de Dieu s’estendoit outre la réduction qu’il luy promettoit, veu qu’à son seul commandement il luy estoit si facile de réduire en vie des ossemens dispersez çà et là. Pourtant nous avons à comparer ceste sentence avec une autre semblable qui est en Isaïe : où il est dit que les morts vivront, et ressusciteront avec leurs corps. Puis ceste exhortation leur est addressée, Esveillez-vous, et levez-vous, entre vous qui habitez en la poudre : car vostre rousée est comme la rousée d’un champ verd : et la terre des Géans sera désolée. Va mon peuple, entre en tes tabernacles, ferme tes huis sur toy. Cache-toy pour un petit de temps jusques à ce que la fureur soit passée : car voyci, le Seigneur sortira pour visiter l’iniquité des habitans de la terre : et la terre révélera le sang qu’elle a receu, et ne cachera point plus longuement les morts qu’on y a ensevelis Esaïe 26.19-21.

2.10.22

Combien que je ne vueille pas dire qu’il fale rapporter tous les autres passages à ceste reigle. Car il y en a d’aucuns qui sans aucune figure ou obscurité, démonstrent l’immortalité future, laquelle est préparée aux fidèles au royaume de Dieu : comme nous en avons desjà récité, et y en a plusieurs autres : mais principalement deux, dont l’un est en Isaïe, où il est dit, Comme je feray consister devant ma face les cieux nouveaux, et la terre nouvelle que j’ay créée : ainsi sera vostre semence permanente : et un mois suyvra l’autre, et un sabbath suyvra continuellement l’autre sabbath. Toute chair viendra pour adorer devant ma face, dit le Seigneur : et on verra les corps des transgresseurs qui m’ont contemné et mis en opprobre. Leur ver ne mourra jamais, et leur feu ne s’esteindra point Esaïe 66.22-24. L’autre est en Daniel : En ce temps-là, dit-il, se lèvera Dan. 12.1-2. Michel Archange, lequel est député pour garder les enfans de Dieu : et viendra un temps de destresse, tel qu’il n’y en a jamais eu depuis que le monde est créé. Lors sera sauvé tout le peuple qui sera trouvé escrit au livre : et ceux qui reposent en la terre se lèveront, les uns en vie éternelle, les autres en opprobre éternel Matth. 8.2.

2.10.23

Des deux autres points, Asçavoir que les Pères anciens ont eu Christ pour gage et asseurance des promesses que Dieu leur avoit faites, et qu’ils ont remis en luy toute la fiance de leur bénédiction : je ne mettray pas beaucoup de peine à les prouver, pource qu’ils sont faciles à entendre, et qu’on n’en fait pas tant de controversie. Nous conclurrons donc, que le Vieil Testament, ou l’alliance que Dieu a faite au peuple d’Israël, n’a pas esté seulement contenue en choses terriennes : mais aussi a comprins certaines promesses de la vie spirituelle et éternelle, de laquelle l’espérance devoit estre imprimée au cœur de tous ceux qui s’allioyent vrayement à ce Testament. Ceste résolution ne peut estre renversée par aucunes machines du diable. Pourtant, que ceste opinion enragée et pernicieuse soit loin de nous : Asçavoir que Dieu n’a rien proposé aux Juifs, ou qu’ils n’ont attendu autre chose de sa main, sinon de repaistre leurs ventres, vivre en délices charnelles, estre abondans en richesses, estre exaltez en honneur, avoir grande lignée, et autres telles choses que désirent les hommes mondains. Car Jésus-Christ ne promet aujourd’huy d’autre royaume des cieux à ses fidèles, sinon auquel ils reposeront avec Abraham, Isaac et Jacob Matth. 8.11. Sainct Pierre remonstroit aux Juifs de son temps, qu’ils estoyent héritiers de la grâce évangélique, pource qu’ils estoyent successeurs des Prophètes, estans comprins en l’alliance que Dieu avoit faite anciennement avec Israël Actes 3.25. Et afin que cela ne fust pas seulement testifié de paroles, le Seigneur l’a aussi bien approuvé de faict. Car en la mesme heure qu’il ressuscita, il fit plusieurs des saincts participans de sa résurrection, lesquels ont veit en Jérusalem Matth. 27.52. En quoy il donna une certaine arre, que tout ce qu’il avoit fait ou souffert pour acquérir salut au genre humain, n’appartenoit pas moins aux fidèles de l’Ancien Testament, qu’à nous. Et de faict, ils avoyent un mesme Esprit que nous avons, par lequel Dieu régénère les siens en vie éternelle. Puis que nous voyons que l’Esprit de Dieu, lequel est comme une semence d’immortalité en nous, et pour ce est appelé arre de nostre héritage, a habité en eux Ephés. 1.14 : comment leur oserions-nous oster l’héritage de vie ? Pourtant un homme prudent ne se pourra assez esmerveiller, comment il s’est fait que les Sadduciens soyent anciennement tombez en si grande stupidité, que de nier la résurrection et immortalité des âmes, veu que l’un et l’autre est si clairement démonstré en l’Escriture Actes 23.6-8. L’ignorance brutale que nous voyons aujourd’huy en tout le peuple des Juifs, en ce qu’ils attendent follement un royaume terrien de Christ, ne nous devroit pas moins esmerveiller, n’estoit qu’il a esté prédit que telle punition leur adviendroit pour avoir mesprisé Jésus-Christ et son Evangile. Car c’estoit bien raison que Dieu les frappast d’un tel aveuglement, veu qu’en éteignant la lumière qui leur estoit présentée, ils ont préféré les ténèbres. Ils lisent doncques Moyse, et sont assiduellement à méditer ce qu’il a escrit : mais ils ont le voile qui les empesche de contempler la lumière de son visage. Lequel voile leur demeurera tousjours, jusques à ce qu’ils apprenent de le réduire à Christ : duquel ils le destournent maintenant tant qu’il leur est possible 2Cor. 3.14-15.

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