La Légende dorée

XXXIV
SAINT JEAN CHRYSOSTOME, ÉVÊQUE ET CONFESSEUR

(27 janvier)

Jean, surnommé Chrysostome, naquît à Antioche, de Second et d’Anture, nobles tous deux. Sa vie, sa généalogie, son caractère, et les persécutions qu’il eut à subir, se trouvent racontés tout au long dans l’Histoire tripartite.

Après avoir étudié la philosophie, il l’abandonna pour s’occuper uniquement des choses divines. Ordonné prêtre, il eut un zèle de chasteté qui le fit accuser de sévérité excessive. Plus fervent que doux, exécutant toujours sans scrupule ce que lui ordonnait sa conscience, il passait pour arrogant aux yeux de ceux qui ne le connaissaient point. Mais personne ne l’égalait pour enseigner, pour expliquer, comme aussi pour corriger les mœurs. Ayant été fait évêque, sous le règne des empereurs Honorius et Arcade, et pendant que Damase occupait le siège de saint Pierre, il voulut aussitôt réformer la vie de son clergé, et s’attira ainsi la haine de tous. On le traitait d’insensé, on le diffamait partout ; et comme jamais il n’invitait personne à sa table, ni n’acceptait aucune invitation, on faisait courir le bruit que cela provenait de ce qu’il avait une façon dégoûtante de manger ; tandis que, en réalité, il n’agissait ainsi que par abstinence, et parce que le moindre excès de nourriture lui donnait des maux de tête. D’ailleurs le peuple l’aimait beaucoup, à cause de ses sermons, et ne tenait nul compte des calomnies répandues contre lui. Mais la haine dont il était l’objet grandit encore lorsqu’on le vit s’attaquer courageusement aux plus gros personnages. Et il y eut une chose, en particulier, qui produisit une émotion générale. Le consul Eutrope, favori de l’empereur, voulant soumettre à sa juridiction ceux qui se réfugiaient dans les églises, obtint de l’empereur une loi annulant le droit d’asile, et permettant d’extraire des églises ceux qui s’y étaient réfugiés. Or, peu de temps après, Eutrope lui-même, ayant offensé l’empereur, se réfugia dans l’église de Jean Chrysostome et se cacha sous l’autel. Alors l’évêque, venant à lui, lui adressa une homélie pleine des plus durs reproches ; après quoi il le laissa prendre par l’empereur, qui lui fit couper la tête. Et bien des gens s’indignèrent de ce que, en présence du malheur de son ennemi, l’évêque n’eût eu pour lui aucune pitié. Il était d’ailleurs sans pitié dans toutes ses invectives contre les méchants ; et par là s’explique qu’il ait soulevé tant de haines. L’évêque d’Alexandrie, Théophile, notamment, s’efforçait de déposséder Jean de son siège épiscopal, pour mettre à sa place un prêtre nommé Isidore. Mais le peuple continuait à défendre Jean, et à se repaître de son enseignement.

Et Jean, non content de gouverner avec vigueur le diocèse de Constantinople, s’occupait aussi de maintenir le bon ordre dans les provinces voisines, par de sages lois qu’il obtenait de l’empereur. Quand il apprit qu’en Phénicie on sacrifiait encore aux idoles, il y envoya des prêtres et des moines et y fit détruire tous les temples.

En ce temps-là, un Celte nommé Gaïmas, barbare d’humeur tyrannique, et dépravé par l’hérésie arienne, fut créé tribun des soldats. Il demanda à l’empereur qu’une église fût concédée aux ariens dans Constantinople. Et l’empereur, désirant le satisfaire, pria Jean de se déposséder pour lui d’une de ses églises. Mais Jean lui répondit, enflammé d’un saint zèle : « Empereur, garde-toi de consentir à cela, et de livrer aux chiens un lieu sacré ! Et ne crains pas ce barbare ; mais plutôt laisse-moi m’entretenir avec lui, et écoute, en secret, ce que nous dirons ! Je me charge de réfréner sa langue de telle sorte qu’il n’ose plus renouveler sa demande ! » L’empereur les convoqua donc tous deux pour le lendemain. Et comme Gaïmas réclamait pour lui une église, Jean lui dit : « Toutes les églises te sont ouvertes, et nul ne te défend d’y prier. » Et Gaïmas : « Je suis d’une autre secte, et j’ai bien le droit d’exiger une église pour mon culte, après tous les services que j’ai rendus à la république ! » Et Jean : « Tu as déjà reçu bien des récompenses, et au delà de ton mérite ! Tu as été créé tribun des soldats, tu as revêtu la toge consulaire : songe seulement à ce que tu étais autrefois et à ce qu’a fait de toi la faveur de ton maître ! Et, te rappelant tout cela, garde-toi d’être ingrat pour ton bienfaiteur ! » Ainsi il lui ferma la bouche, et le contraignit au silence. Mais Gaïmas, voyant qu’il ne pouvait rien contre lui ouvertement, ordonna à une troupe de barbares de mettre le feu, le nuit, à son palais. Et l’on sut alors avec quelle assistance saint Jean gardait la ville. Car la troupe des barbares vit s’avancer contre elle une troupe d’anges en armes, qui, aussitôt, les mirent en fuite. Ces barbares vinrent rapporter la chose à Gaïmas, qui en fut très étonné, se demandant quels pouvaient être ces soldats qu’il ne connaissait pas. La nuit suivante, le même miracle se reproduisit. Et, la nuit qui suivit celle-là, Gaïmas lui-même, s’étant mis à la tête de ses hommes, se trouva repoussé par une cohorte invincible, qu’il se figura être formée de soldats recrutés en secret par l’évêque, et tenus cachés par lui au fond de son palais. Sortant alors de Constantinople, il se rendit en Thrace, y réunit une grande armée de barbares, et s’apprêta à dévaster tout le pays. L’empereur, effrayé, chargea l’évêque Jean de se rendre auprès de lui en ambassadeur ; et Jean se mit courageusement en route, oubliant son inimitié. Or Gaïmas, ayant reconnu ses torts et le bon droit de l’évêque, vint au-devant de lui, lui baisa la main, et ordonna à ses fils d’embrasser ses genoux.

Vers le même temps surgit, dans l’église, la question de savoir si Dieu avait un corps ; et de cette question naquirent des luttes sans fin. La majorité des moines, dans leur simplicité, se laissèrent séduire par ceux qui soutenaient que Dieu avait un corps. Et comme, au contraire, l’évêque d’Alexandrie, Théophile, connaissant la vérité, avait solennellement condamné ceux qui prêtaient à Dieu une forme humaine, les moines d’Égypte, sortis de leurs cellules, vinrent à Alexandrie pour exciter le peuple à la révolte contre l’évêque. Celui-ci, effrayé, leur dit : « Vous m’apparaissez comme la face même de Dieu ! » Et eux : « Puisque tu reconnais que Dieu a une face comme nous, aie soin de prononcer l’anathème contre les livres d’Origène, qui contredisent notre opinion ! Que si tu ne le fais pas, nous te tiendrons pour rebelle aux empereurs et à Dieu, et nous te traiterons en conséquence ! » Et lui : « Épargnez-moi, car je suis prêt à faire ce qui vous plaira ! » Et ainsi il détourna la colère des moines. Mais on entend bien que ce sont seulement les simples d’esprit, parmi les moines, qui se laissèrent séduire par une erreur aussi puérile.

Tandis que cela se passait en Égypte, Jean, à Constantinople, maintenait la pure doctrine, à l’admiration de tous. Mais les ariens, dont le nombre avait grandi, et qui possédaient une église en dehors de la ville, poussaient l’audace jusqu’à pénétrer, le dimanche, dans l’église même de Jean, en chantant leurs hymnes et antiennes, ou bien encore en disant, par dérision à l’adresse des orthodoxes : « Voilà donc les insensés qui prétendent que trois ne font qu’un ! » Alors Jean, craignant que les simples ne se laissassent entraîner à l’hérésie, ordonna aux fidèles de se réunir la nuit dans les églises, pour entendre des prédications et chanter des hymnes. Et il organisa aussi des processions, où l’on portait des croix d’argent avec des flambeaux d’argent. Sur quoi les ariens, furieux, poussèrent leur audace jusqu’au meurtre. Une nuit, l’eunuque Brison, qui assistait Jean dans ses offices de nuit, fut frappé d’une pierre à l’aine ; et un certain nombre d’hommes des deux partis furent mis à mort. De telle sorte que l’empereur, pour arrêter le scandale, interdit formellement aux ariens de chanter leurs hymnes en public.

Vers le même temps l’évêque Sévérien, favori de l’empereur et de l’impératrice, vint à Constantinople, et fut affectueusement accueilli par Jean, qui, lorsqu’il partit pour l’Asie, lui laissa la garde de son église. Mais Sévérien, au lieu de s’acquitter loyalement de cette mission, travailla à détourner sur lui-même la faveur que le peuple accordait à Jean. Et comme le prêtre Sérapion avait averti Jean de ce qui se passait, Sévérien, furieux, s’écria : « Si ce Sérapion ne meurt pas, je veux que le Christ n’ait pas été incarné ! » Ce qu’apprenant, Jean, à son retour, le chassa de la ville comme blasphémateur. La chose déplut fort à l’impératrice, qui, rappelant Sévérien, demanda à Jean de se réconcilier avec lui. Mais Jean s’y refusa ; et l’impératrice, pour le fléchir, dut mettre sur ses genoux son fils Théodose.

Vers le même temps, Théophile, l’évêque d’Alexandrie, chassa injustement un saint homme nommé Dioscore, et cet Isidore qu’autrefois il avait soutenu. Tous deux vinrent alors à Constantinople pour se plaindre de lui ; mais Jean, tout en les honorant fort, ne voulut point prendre parti pour eux avant de mieux connaître la cause. Cependant, on rapporta faussement à Théophile que Jean avait pris parti pour eux ; et Théophile, furieux, n’en travailla que plus ardemment à le déposséder de son siège épiscopal. Cachant sa véritable intention, il écrivit aux divers évêques pour leur dire qu’il condamnait les livres d’Origène. Il circonvint aussi le saint et glorieux évêque de Chypre, Épiphane, qui, ayant réuni son clergé, lui interdit la lecture d’Origène, et écrivit à Jean pour lui demander de suivre son exemple. Mais Jean, sans s’émouvoir de toutes les intrigues organisées contre lui, continuait à développer la pure doctrine de l’Église.

Enfin Théophile laissa voir ouvertement sa haine, et révéla son désir de déposséder Jean de son siège. Il eut aussitôt pour le seconder bon nombre de prêtres et de fonctionnaires impériaux, qui ne cherchaient qu’une occasion de se débarrasser de l’évêque.

Peu de temps après, Épiphane vint à Constantinople, pour faire condamner les écrits d’Origène. Par égard pour son ami Théophile, il déclina l’invitation de Jean. Et tel était le respect qu’on avait pour lui que, sur sa demande, bien des gens souscrivirent à la condamnation d’Origène. D’autres, au contraire, s’y refusèrent, et parmi eux Théotine, évêque de Sicée, homme célèbre par la droiture de sa vie. Jean, cependant, supporta sans se fâcher qu’Épiphane intervînt dans les affaires de son église, en dehors de toute règle. Il demandait seulement à Épiphane de prendre rang parmi ses évêques. Mais Épiphane répondit qu’il n’en ferait rien aussi longtemps que Jean n’aurait pas chassé Dioscore et souscrit à la condamnation des livres d’Origène. Et bientôt Épiphane, devant la résistance de Jean, commença à attaquer celui-ci comme un défenseur des hérétiques. Jean lui écrivit alors : « Tu as fait bien des choses contre les règles, Épiphane ! Tu as ordonné des prêtres dans mon église, tu y as célébré les offices saints, de ta propre autorité, tu as refusé de répondre à mes invitations. Que si le peuple se soulève contre toi, la responsabilité en sera toute à toi seul ! » Au reçu de cette lettre, Épiphane quitta Constantinople. Mais, avant de partir, il écrivit à Jean : « J’espère que tu ne mourras pas évêque ! » À quoi Jean répondit : « J’espère que tu ne rentreras pas vivant dans ta patrie ! » Et les deux prophéties se réalisèrent : car Épiphane mourut en chemin, et Jean, dépossédé de son épiscopat, finit sa vie en exil.

Cet Épiphane, dont les reliques eurent, plus tard, le privilège de chasser les démons, était un homme d’une générosité merveilleuse. Un jour, comme il avait dépensé en aumônes tout le trésor de son église, un inconnu vint tout à coup lui apporter un sac plein d’or, après quoi il disparut, et jamais on ne sut d’où il était venu. Une autre fois, des méchants, voulant tromper Épiphane pour en obtenir de l’argent, imaginèrent la ruse que voici : l’un d’eux s’étendit à terre, contrefaisant le mort, tandis que l’autre, debout près de lui, feignait de se lamenter, et gémissait qu’il n’avait pas d’argent pour ensevelir son ami. Survient Épiphane, qui prie pour le repos de l’âme du mort, pourvoit à sa sépulture, console le survivant, et s’en va. Aussitôt l’homme de secouer son compagnon, en lui disant : « Lève-toi, nous allons pouvoir nous régaler ! » Mais en vain il le secouait, car le malheureux était mort. L’imposteur, désolé, courut avouer sa faute à Épiphane, en le suppliant de ressusciter son compagnon. Et Épiphane le consola de son mieux, mais ne voulut point ressusciter le mort, afin que l’accident servît d’exemple à ceux qui seraient tentés de tromper les ministres de Dieu.

Or, quand Épiphane eut quitté Constantinople, on rapporta à Jean que l’impératrice Eudoxie avait excité contre lui ce vénérable évêque. Aussitôt Jean, avec son zèle accoutumé, fit, en présence de tous, un sermon où il parlait de toutes les femmes en des termes très violents. Et l’on fut unanime à considérer ce sermon comme dirigé contre l’impératrice. Ce qu’apprenant, celle-ci se plaignit à l’empereur, et réclama vengeance. Poussé par elle, l’empereur ordonna la convocation du synode réclamé par Théophile, et auquel Jean s’était toujours opposé.

Aussitôt Théophile convoqua tous les évêques ennemis de Jean ; et ceux-ci, réunis à Constantinople, ne s’occupaient plus des livres d’Origène, mais se posaient ouvertement en adversaires de Jean. Ils sommèrent celui-ci de comparaître devant eux. Mais Jean, malgré quatre appels, refusa de se livrer à des ennemis, et réclama la convocation d’un synode universel. Sur quoi les évêques le condamnèrent, sans avoir rien trouvé à lui reprocher, sinon son refus de se rendre à leur citation. En conséquence, l’empereur ordonna qu’il fût au plus vite envoyé en exil ; mais le peuple, indigné, se souleva en sa faveur et refusa de le laisser sortir de l’église, demandant que sa condamnation fût portée devant un concile général. Alors Jean, pour éviter que la sédition ne s’étendît, quitta l’église à l’insu du peuple et partit pour l’exil. Mais le peuple, dès qu’il l’apprit, se souleva plus encore ; et bon nombre de ses anciens ennemis se convertirent à sa cause, reconnaissant qu’on l’avait calomnié.

Cependant Sévérien, dont nous avons parlé plus haut, diffamait Jean jusque dans son église. Il disait que, si même Jean n’avait pas commis d’autre faute, son orgueil aurait suffi à justifier sa condamnation. Et cet impudent propos accrut à tel point la fureur du peuple contre les évêques et l’empereur lui-même, qu’Eudoxie dut prier son mari de faire revenir d’exil celui qu’elle avait contribué à chasser : sans compter que, un grand tremblement de terre ayant ravagé la ville, le peuple avait été d’accord pour voir là un châtiment de l’injuste expulsion de Jean.

On envoya donc à celui-ci des ambassadeurs pour le prier de revenir au plus vite. À trois reprises il s’y refusa ; mais, la troisième fois, il fut ramené de force à Constantinople, où tout le peuple vint au-devant de lui avec des cierges et des lampes. Et comme il se refusait à s’asseoir sur son siège épiscopal aussi longtemps que le synode n’aurait pas retiré la sentence portée contre lui, c’est encore de force que le peuple le réinstalla sur son siège et l’amena à prêcher de nouveau. Aussitôt Théophile s’enfuit de Constantinople. Lorsqu’il arriva à Hiérapolis, l’évêque de cette ville venait de mourir, et sa succession avait été offerte à un saint moine appelé Lamon. Celui-ci ne voulait à aucun prix accepter une telle offre. Et comme Théophile insistait pour qu’il l’acceptât, il feignit enfin de consentir, en disant : « Demain, ce qui plaît à Dieu s’accomplira ! » Le lendemain, comme on l’engageait de nouveau à accepter l’épiscopat, il dit : « Adressons d’abord une prière au Seigneur ! » Et, quand il eut achevé sa prière, on s’aperçut que sa vie s’était achevée du même coup.

Jean, cependant, persistait vigoureusement dans sa doctrine. On venait alors d’élever, sur une place, en face de l’église de Sainte-Sophie, une statue d’argent de l’impératrice Eudoxie : et des jeux publics y avaient lieu en son honneur. Jean en fut indigné, voyant là un outrage à son église. Il s’arma donc la langue de nouveau, avec son intrépidité ordinaire ; et au lieu de supplier l’empereur de faire cesser le scandale, il employa toute son éloquence à protester contre celui-ci. Ce dont l’impératrice s’offensa profondément ; et de nouveau elle mit tout en œuvre pour faire condamner Jean par un synode d’évêques. C’est alors que Jean, dans son église, prononça contre elle l’homélie fameuse qui commençait ainsi : « Une fois de plus Hérodiade délire, une fois de plus elle rêve de voir la tête de Jean déposée sur un plat ! » Et la fureur d’Eudoxie redoubla encore.

Mais, comme un de ses serviteurs voulait tuer Jean, le peuple s’empara de lui ; et on l’aurait mis à mort si le préfet n’avait eu la précaution de le faire disparaître. Quelques jours après, le domestique d’un prêtre se jeta sur Jean et voulut le tuer. Retenu par des fidèles, il frappa trois d’entre eux, et, la foule étant accourue, il commit encore d’autres meurtres. Mais le peuple continuait à tenir Jean sous sa garde, entourant sa maison, nuit et jour, pour empêcher qu’on ne l’attaquât.

Sur le conseil d’Eudoxie, un nouveau synode d’évêques se réunit à Constantinople, avec la mission de condamner Jean ; et, la veille de Noël, l’empereur défendit à Jean de donner la communion avant de s’être justifié des accusations portées contre lui. Les évêques, de leur côté, le condamnèrent une deuxième fois, lui reprochant, à présent, d’avoir siégé sur son trône épiscopal après sa déposition. Et, aux approches de Pâques, l’empereur manda à Jean défense d’entrer désormais dans son église, puisque deux synodes l’avaient condamné. Sur son ordre, Jean fut chassé de Constantinople et relégué dans une petite ville, à la frontière de l’empire, dans le voisinage immédiat de cruels barbares. Mais Dieu, dans sa clémence, ne permit point que son fidèle athlète demeurât longtemps en cette situation. Comme Jean, fatigué d’un long voyage, souffrait cruellement de ses maux de tête, exposé à l’ardeur insupportable du soleil, son âme s’envola de son corps, à Cumanes, le quatorzième jour de septembre.

À sa mort, une grêle effroyable s’abattit sur Constantinople et tous les environs ; et tous reconnurent là un signe de la colère de Dieu, à cause de l’injuste condamnation de Jean. Croyance qui se trouva confirmée encore, quatre jours après, par la mort subite de l’impératrice Eudoxie.

Les évêques d’Occident, désolés de la mort de l’admirable docteur, se refusèrent à communiquer avec les évêques d’Orient jusqu’au jour où le nom sacré de saint Jean Chrysostome serait réinstallé dans l’honneur à lui dû. Et le pieux Théodose, fils d’Arcade, fit transporter les restes de saint Jean à Constantinople, où, les invoquant dévotement, il demanda au saint d’intercéder en faveur de ses parents Arcade et Eudoxie, qui avaient péché contre lui dans leur ignorance.

Ce Théodose était un prince si clément que jamais il ne voulut condamner à mort aucun de ceux qui lui faisaient du mal. Il disait à ce propos : « Hélas, que ne m’est-il possible, plutôt, de rappeler à la vie les morts ! » Sa cour ressemblait à un monastère ; et il ne cessait point de lire des livres sacrés. Il avait une femme, nommée Eudoxie, qui écrivit de nombreux poèmes. Et il avait aussi une fille, également nommée Eudoxie, qu’il donna en mariage à Valentinien, associé par lui à l’empire.

Jean Chrysostome mourut vers l’an du Seigneur 407. Ajoutons que tout ce qu’on vient de lire est directement extrait de l’Histoire tripartite.

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