La Légende dorée

LIV
SAINT SECOND, MARTYR

(30 mars)

I. Second était un vaillant soldat, en même temps qu’un admirable chevalier du Christ, pour qui il souffrit glorieusement le martyre dans la ville d’Asti ; et, aujourd’hui encore, cette ville s’honore de son souvenir et le vénère comme un saint patron. Il fut d’abord instruit dans la foi du Christ par le bienheureux Calocérus, que le préfet Sapricius avait fait enfermer dans la prison d’Asti. Or comme, un jour, ce Sapricius se préparait à sortir d’Asti pour se rendre à Tortone et pour y présider à l’exécution d’un autre prisonnier chrétien, le bienheureux Marcien, Second lui demanda de pouvoir l’accompagner, soi-disant pour se distraire, mais en réalité pour voir Marcien. Et voici qu’au sortir des murs d’Asti une colombe descendit sur le casque de Second ; et Sapricius dit à son compagnon : « Vois-tu, Second, comme nos dieux t’aiment ? Ils te font rendre hommage par les oiseaux du ciel ! » Plus tard, quand ils arrivèrent au fleuve Tanaro, Second vit un ange qui marchait sur l’eau et qui lui disait : « Second, aie la foi, et tu marcheras de même sur les adorateurs des idoles ! » Et Sapricius : « Mon frère Second, j’entends les dieux qui t’adressent la parole ! » Et quand ils arrivèrent à un autre fleuve, nommé la Bormida, de nouveau un ange leur apparut, marchant sur les eaux ; et il dit à Second : « Crois-tu en Jésus, ou bien doutes-tu ? » Et Second répondit : « Je crois à la vérité de sa passion ! » Et Sapricius dit : « Qu’entends-je là ? ». En arrivant à Tortone, ils virent sur la porte de la prison le bienheureux Marcien, qui, mis en liberté par un ange, dit à Second : « Second, entre dans la voie de vérité, et marches-y, et tu recevras la palme de la foi ! » Et Sapricius lui dit : « Qui est cet homme, qui nous parle ainsi comme en songe ? » Et Second répondit : « Ce qui te fait l’effet d’un songe est pour moi un avertissement et une consolation ! »

II. Second se rendit ensuite à Milan ; et, devant les portes de la ville, il rencontra Faustin et Jonitas, qui eux aussi étaient prisonniers pour leur foi, mais qu’un ange avait fait sortir de la prison et conduits jusque-là. Et ces deux saints hommes le baptisèrent avec l’eau d’un nuage qui se changea en pluie. Alors voici soudain qu’une colombe descendit du ciel, apportant une hostie consacrée, qu’elle donna à Faustin et à Jonitas, qui, à leur tour, la remirent à Second, en le chargeant d’aller la porter au bienheureux Marcien. Second rebroussa chemin ; et, la nuit, comme il était parvenu au bord du Pô, un ange vint au-devant de lui, prit son cheval par la bride, et lui fit traverser les eaux du fleuve comme sur un pont ; puis, à Tortone, il fit entrer Second dans la cellule où Marcien était revenu s’enfermer. Ainsi Second put remettre à Marcien la sainte hostie ; et Marcien, la prenant, dit : « Que le corps et le sang du Seigneur soient avec moi dans la vie éternelle ! » Puis, sur l’ordre de l’ange. Second sortit de la prison et se rendit à son hôtellerie. Et, le lendemain, lorsque Marcien eut subi le martyre, Second enleva son corps et l’ensevelit.

III. Ce qu’apprenant, Sapricius le fit venir et lui dit : « À ce que je vois, tu fais profession d’être chrétien ? – Oui. – Aspires-tu donc à mourir dans les supplices ? – C’est toi, plutôt, qui mériterais de mourir ainsi ! » Puis, comme il se refusait à sacrifier aux idoles, le préfet le fit dépouiller de ses vêtements, mais aussitôt un ange s’approcha de lui et le couvrit d’un manteau. Sapricius le fit alors suspendre sur un chevalet, et ordonna qu’il fût torturé jusqu’à ce que se rompissent toutes les articulations de ses bras ; mais, de nouveau, le Seigneur lui rendit aussitôt la santé. Le préfet, exaspéré, le fit enfermer dans la prison. Mais là un ange lui apparut qui lui dit « Lève-toi, Second, et suis-moi ! Je te conduirai vers ton Créateur. » Puis l’ange le conduisit jusqu’à la ville d’Asti et le fit entrer dans la prison ou se trouvait Calocérus ; et le Sauveur y était aussi. L’apercevant, Second se jeta à ses pieds. Mais le Sauveur : « Ne crains rien, Second, car je suis ton Maître, et je t’arracherai à tous les maux ! » Après quoi, les ayant bénis, il remonta au ciel.

IV. Or le lendemain matin, à Tortone, les gardes envoyés par Sapricius trouvèrent la prison fermée comme la veille, mais n’y trouvèrent plus Second. Sapricius revint alors à Asti. Afin de châtier au moins Calocérus, il se fit amener celui-ci ; mais voilà qu’on lui annonce que Second est dans la prison avec Calocérus ! Le préfet les fit donc venir tous deux, et leur dit : « Ce sont nos dieux qui, sachant que vous les dédaigniez, veulent que vous périssiez ensemble ! » Et, sur leur nouveau refus de sacrifier aux idoles, il leur fit répandre sur la tête et dans la bouche un mélange de poix et de résine bouillante. Mais eux, ils buvaient ce mélange comme une eau délicieuse, et disaient d’une voix claire : « Seigneur, que tes dons sont doux à ma gorge ! » Enfin Sapricius ordonna que tous deux fussent décapités, Second à Asti, et Calocérus dans la ville d’Albenga. Et, aussitôt que saint Second eût été décapité, des anges enlevèrent son corps, et l’ensevelirent avec beaucoup de chants et de louanges. Ce martyre eut lieu le troisième jour des calendes d’avril.

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