La Légende dorée

LXIV
SAINT PHILIPPE, APÔTRE

(1er mai)

L’apôtre Philippe prêchait depuis vingt ans en Scythie, lorsque les païens s’emparèrent de lui, et voulurent le contraindre à sacrifier devant une statue du dieu Mars. Mais soudain un énorme dragon, sortant du pied de la statue, mit à mort le fils du prêtre, qui préparait le feu du sacrifice, et les deux tribuns qui avaient fait arrêter Philippe ; en même temps qu’il répandait une haleine si fétide, que tout le reste des assistants en était étouffé. Et Philippe dit : « Croyez-moi, brisez cette statue, et à sa place, adorez la croix du Seigneur, afin que ceux d’entre vous qui souffrent soient guéris, et que ces trois morts ressuscitent ! » Mais les païens, de plus en plus malades, criaient : « Fais seulement que nous soyons guéris, et nous te promettons de détruire aussitôt la statue ! » Alors, Philippe, parlant au dragon, lui ordonna de s’enfuir dans un lieu désert, où il ne pût faire de mal à personne : le dragon obéit, s’enfuit et ne se montra jamais plus. Après quoi Philippe guérit tous ceux que l’haleine du dragon avait rendus malades, et obtint que les trois morts fussent rendus à la vie. Il convertit ainsi la ville entière, et passa un an encore à prêcher dans ses murs. Puis, y ayant ordonné des prêtres et des diacres, il se rendit dans une ville d’Asie appelée Hiérapolis, où il éteignit l’hérésie des Ébionites, qui prétendaient que le Christ s’était incarné dans une chair différente de notre chair humaine.

Il avait avec lui ses deux filles, d’une grande sainteté, par l’entremise desquelles Dieu convertissait à la foi de nombreuses âmes. Quant à Philippe, une semaine avant sa mort, il convoqua les évêques et les prêtres, et leur dit : « Le Seigneur m’accorde encore sept jours pour continuer à vous instruire. » Il était alors âgé de quatre-vingt-sept ans. Et en effet, une semaine après, il fut pris par les infidèles et attaché par eux à une croix, à l’exemple du maître divin dont il prêchait la doctrine. C’est ainsi que son âme s’envola heureusement au trône du Seigneur ; et on ensevelit près de lui les deux vierges, ses filles, l’une à sa droite, l’autre à sa gauche.

Isidore nous dit, dans son livre sur l’origine, la vie et la mort des saints : « Philippe le Galiléen prêcha le Christ, convertit à la foi les nations barbares des bords de l’Océan, et fut enfin crucifié, lapidé, et mis à mort, à Hiérapolis, dans la province de Phrygie, où il repose entre ses deux filles. »

D’un autre Philippe, qui fit partie des sept premiers diacres, saint Jérôme nous dit qu’il est mort à Césarée, le huitième jour des ides de juillet, après avoir accompli de nombreux miracles, et qu’il fut enterré avec ses trois filles, tandis qu’une quatrième repose à Éphèse. Mais le premier Philippe diffère de celui-là, ayant été apôtre et non diacre, ayant été enterré à Hiérapolis et non à Césarée, et ayant eu deux filles et non quatre. L’Histoire ecclésiastique, en vérité, paraît affirmer que ce fut l’apôtre Philippe qui eut quatre filles douées du don de prophétie ; mais l’opinion de saint Jérôme, sur ce point, mérite plus de créance.

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