La Légende dorée

LXXXII
SAINTS VIT ET MODESTE, MARTYRS

(15 juin)

Vit, enfant admirable, n’avait que douze ans lorsqu’il souffrit le martyre, en Sicile. Déjà dans sa maison son père avait coutume de le battre, parce qu’il méprisait les idoles et se refusait à les adorer : ce qu’apprenant, le préfet Valérien manda l’enfant devant lui, et, sur son refus de sacrifier, le fit frapper de verges. Mais aussitôt les bras de ceux qui frappaient, et la main même du préfet, séchèrent. Et le préfet de crier : « Malheur à moi, j’ai perdu la main droite ! » Alors Vit lui dit : « Appelle tes dieux, et qu’ils te guérissent s’ils le peuvent ! » Et le préfet : « Prétends-tu que tu aurais le pouvoir de me guérir ? » Et Vit : « Oui, j’ai ce pouvoir au nom du Seigneur ! » Et aussitôt, sur la prière de l’enfant, le préfet et les bourreaux recouvrèrent l’usage de leurs bras. Sur quoi le préfet dit au père de Vit : « Emmène ton fils, de crainte qu’il ne lui arrive malheur ! »

Alors son père, l’ayant ramené dans sa maison, essaya de le corrompre par de belles musiques, et des jeux de jeunes filles, et d’autres délices. Mais, un jour qu’il l’avait enfermé dans sa chambre, une odeur merveilleuse sortit de cette chambre et parvint jusqu’à lui : sur quoi, regardant par la porte de la chambre, il aperçut sept anges debout auprès de son fils. Il s’écria : « Les dieux sont venus dans ma maison ! » Et aussitôt il devint aveugle.

À ses cris, toute la ville accourut et notamment Valérien, qui lui demanda ce qui lui était arrivé. Et lui : « J’ai vu des dieux de feu, et je n’ai pu supporter leur vue ! » Conduit au temple de Jupiter, il promit, si ses yeux se rouvraient, d’offrir un taureau avec des cornes dorées. Puis, comme cette promesse restait sans effet, il implora son fils de lui rendre la vue, et, sur la prière de l’enfant, ses yeux se rouvrirent.

Mais comme ce miracle même ne parvenait pas à le convaincre, et qu’il songeait au contraire à tuer son fils, un ange apparut à Modeste, professeur de l’enfant, et lui ordonna de faire monter celui-ci dans une barque pour le conduire vers une autre terre. En mer, un aigle venait leur apporter leur nourriture ; et nombreux furent les miracles qu’ils accomplirent, dans les diverses régions où ils abordèrent.

Or le fils de l’empereur Dioclétien fut possédé d’un démon qui déclara qu’il ne sortirait point si l’on ne faisait venir Vit le Lucanien. On se mit donc à chercher Vit ; et, quand il fut découvert, Dioclétien lui dit : « Enfant, as-tu vraiment le pouvoir de guérir mon enfant ? » Et Vit : « Je n’ai pas ce pouvoir, mais mon Maître l’a ! » Et il imposa les mains sur l’enfant possédé, et aussitôt le démon s’enfuit. Alors Dioclétien lui dit : « Enfant, aie pitié de toi-même et sacrifie aux dieux, pour échapper à une mort terrible ! » Vit, s’y étant refusé, fut jeté en prison avec Modeste. Mais soudain leurs chaînes tombèrent, et leur cachot s’emplit d’une lumière éblouissante. Ce qu’apprenant, l’empereur les fit plonger dans de la poix bouillante : mais ils en sortirent sans avoir aucun mal. Puis un lion farouche fut lâché sur eux ; mais la bête, vaincue par la vertu de leur foi, s’étendit à leurs pieds. Enfin Dioclétien fit suspendre l’enfant à un chevalet, ainsi que son professeur Modeste et sa nourrice Crescence, qui toujours l’avait accompagné. Mais aussitôt l’air se trouble, la terre tremble, le tonnerre mugit, les temples des idoles s’écroulent, écrasant nombre de païens. Et l’empereur, fuyant épouvanté, se frappait de ses poings, et disait : « Malheur à moi, qu’un enfant a vaincu ! » Quant aux trois martyrs, ils se retrouvèrent, dès l’instant d’après, au bord d’un fleuve ; et c’est là que, après avoir prié, ils rendirent leurs âmes au Seigneur. Des aigles se chargèrent de veiller sur leurs corps jusqu’à ce qu’une matrone, appelée Florence, les ayant retrouvés, les ensevelit avec grand honneur.

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