La Légende dorée

LXXXIII
SAINT CYR ET SA MÈRE SAINTE JULITE, MARTYRS

(15 juin)

Cyr était fils de Julite, noble dame d’Icone, qui, pour échapper à la persécution, s’était réfugiée à Tarse, en Cilicie, avec son enfant alors âgé de trois ans. Julite fut amenée devant le préfet Alexandre : et ses deux servantes, la voyant prise, s’enfuirent aussitôt, de telle sorte qu’elle eut à porter dans ses bras le petit Cyr, encore emmailloté dans ses langes. Or le préfet, voyant que Julite refusait de sacrifier aux idoles, lui ôta son enfant des bras, et la fit battre de lanières plombées. Et l’enfant, assistant au supplice de sa mère, se mit à pleurer et à pousser des cris. En vain le préfet, le tenant sur ses genoux, essayait de le séduire par des baisers et des caresses : le petit repoussait avec horreur ces caresses du bourreau de sa mère, et lui lacérait le visage de ses ongles, et répétait, de sa voix d’enfant : « Moi aussi, je suis chrétien ! » Enfin il mordit le préfet à l’épaule : sur quoi Alexandre, furieux, le précipita du haut de son tribunal, de telle sorte que son petit cerveau se répandit sur les marches. Et Julite, tout heureuse, rendait grâce à Dieu de ce que son fils la devançât au royaume céleste. Elle-même fut, ensuite, écorchée vive, plongée dans de la poix bouillante, et enfin décapitée.

Cependant une autre légende raconte que l’enfant, au moment de son martyre, n’était pas encore en âge de parler, mais que l’Esprit-Saint avait parlé par sa bouche quand il avait dit au préfet : « Je suis chrétien. » Le préfet lui avait alors demandé qui l’avait instruit ; et l’enfant avait répondu : « Je m’étonne de ta sottise, et de ce que, voyant mon âge, tu me demandes qui m’a instruit de la science divine ! » Et, pendant son martyre il aurait continué à répéter : « Je suis chrétien ! » et, chaque fois, ce cri lui aurait rendu de nouvelles forces.

Le préfet, pour les empêcher d’être ensevelis par les chrétiens, fit découper les membres de l’enfant et ceux de la mère, et ordonna qu’ils fussent dispersés au vent. Mais un ange rassembla les membres épars, que les chrétiens ensevelirent nuitamment. Et lorsque, sous le règne de Constantin le Grand, la paix fut enfin restituée à l’Église, une vieille servante, qui avait assisté à l’ensevelissement, révéla le lieu où se trouvaient les deux corps : et ceux-ci, depuis, sont pour toute la ville un objet de grande dévotion. Le martyre de la mère et de l’enfant eut lieu vers l’an 230, sous le règne de l’empereur Alexandre.

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