La Légende dorée

CXIII
SAINT DONAT, ÉVÊQUE ET MARTYR

(7 août)

I. Donat fut instruit avec l’empereur Julien, qui, comme l’on sait, fut ordonné sous-diacre. Mais, dès que Julien parvint à l’empire, il fit tuer le père et la mère de Donat. Et celui-ci se réfugia dans la ville d’Arezzo, où, demeurant auprès du moine Hilaire, il opérait de nombreux miracles. Le préfet de la ville lui amena un jour son fils, qui était possédé du démon ; et l’esprit immonde, s’écria : « Au nom du Seigneur Jésus-Christ, Donat, ne me tourmente point pour me forcer à sortir de ma maison ! » Mais sur la prière de Donat, le fils du préfet fut aussitôt délivré.

II. Un percepteur du fisc en Toscane, nommé Eustache, allant en voyage, confia les deniers publics à la garde de sa femme nommée Euphrosine. Et celle-ci, voyant la province envahie par des ennemis, cacha l’argent ; après quoi elle mourut. Son mari, quand il revint, ne put retrouver l’argent. Condamné au supplice avec ses enfants, il eut recours à saint Donat. Et celui-ci, s’étant rendu avec lui au tombeau de sa femme, pria le Seigneur ; puis, à haute voix, il dit : « Euphrosine, au nom de l’Esprit-Saint, je t’adjure de nous dire où tu as caché l’argent ! » Aussitôt on entendit une voix, sortant du tombeau, qui disait : « Sous le seuil de notre maison, c’est là que je l’ai enfoui ! » Et, en effet, l’argent fut retrouvé où la voix l’avait dit.

III. Quelques jours après, l’évêque Satyre s’endormit dans le Seigneur, et tout le clergé élut Donat pour le remplacer. Or, comme un jour, suivant ce que rapporte Grégoire dans son Dialogue, le peuple communiait pendant la messe, le diacre qui portait le calice sacré fut soudain poussé par les païens si vivement qu’il tomba, et que le calice fut brisé en morceaux. Mais Donat, voyant sa douleur et celle du peuple, réunit les morceaux du calice, pria sur eux, et aussitôt ils se rejoignirent pour reprendre leur forme première. Seul un de ces morceaux fut caché par le diable. Il manque aujourd’hui encore au calice, qui garde ainsi le témoignage du miracle. Et les païens, à la vue de ce miracle, se convertirent au nombre de quatre-vingts, et reçurent le baptême.

IV. Il y avait, près d’Arezzo, une fontaine empoisonnée : quiconque en buvait mourait aussitôt. Et comme saint Donat s’y rendait sur son âne, pour demander à Dieu la purification de l’eau, un dragon terrible sortit de la fontaine, et, enroulant sa queue autour des pieds de l’âne, se dressa contre Donat. Mais celui-ci, l’ayant frappé d’une verge, ou, suivant d’autres, lui ayant craché dans la gueule, le tua sur-le-champ. Puis il pria le Seigneur, et l’eau de la fontaine se trouva purifiée. Une autre fois, comme ses compagnons et lui avaient très soif, il pria le Seigneur, et une source jaillit du sol, sous ses pieds.

V. La fille de l’empereur Théodose, étant possédée d’un démon, fut amenée à saint Donat, qui dit : « Sors, esprit immonde, et cesse de demeurer dans un corps créé par Dieu ! » Et le démon : « Où irai-je, et par où sortirai-je ? » Et Donat : « D’où es-tu venu ici ? » Et le démon : « Du désert ! » Et Donat : « Retourne au désert ! » Et le démon : « Je vois sur toi le signe de la croix, d’où un feu jaillit contre moi. Donne-moi un passage pour sortir et je sortirai ! » Et Donat : « Soit, je te laisserai passer, pour que tu t’en retournes d’où tu es venu ! » Et le démon sortit, en faisant trembler toute la maison.

VI. Un mort était conduit au tombeau lorsqu’un homme survint qui, tenant en main un papier, affirma que le mort lui devait deux cents sous, et déclara qu’il s’opposerait à l’ensevelissement jusqu’à ce qu’on l’eût payé. La femme du mort vint, toute pleurante, rapporter la chose à saint Donat ; elle ajouta que cet homme avait, depuis longtemps, reçu en totalité l’argent qu’il réclamait. Alors le saint marcha vers le cercueil, et, prenant la main du mort, lui dit : « Écoute-moi ! » Le mort répondit : « Je t’écoute ! » Et saint Donat : « Lève-toi, et arrange-toi avec cet homme, qui s’oppose à ton ensevelissement ! » Le mort se releva dans son cercueil, prouva en présence de tous qu’il avait déjà payé la dette, et, saisissant le papier, le déchira. Puis il dit à saint Donat : « Et maintenant, mon père, fais que je me rendorme ! » Et Donat : « Fort bien, mon fils, repose en paix ! »

VII. Comme, depuis près de trois ans, la pluie refusait de tomber, et que la stérilité était grande, les infidèles vinrent trouver l’empereur Théodose et lui demandèrent de leur livrer Donat, dont ils accusaient les artifices magiques. Averti par l’empereur, Donat se rendit sur la place, pria le Seigneur, et obtint aussitôt une pluie abondante. Puis il revint chez lui, sans une goutte d’eau sur son vêtement, tandis que tous les autres étaient trempés de pluie.

VIII. Plus tard, lorsque les Goths ravagèrent l’Italie et que bon nombre de chrétiens renièrent leur foi, le préfet Évadracien, à qui saint Donat et saint Hilaire reprochaient son apostasie, fit saisir les deux saints, et leur ordonna de sacrifier à Jupiter. Sur leur refus, Hilaire fut dépouillé de ses vêtements, et roué de coups, dont il mourut. Donat fut jeté en prison, puis décapité. C’était en l’an du Seigneur 380.

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