La Légende dorée

CXLV
LA TRANSLATION DE SAINT REMI

(1er octobre)

Remi convertit au Christ le roi et toute la nation des Francs. Le roi avait une femme nommée Clotilde qui, très fervente chrétienne, s’efforçait en vain de convertir son mari à sa foi. Or, Clotilde, ayant mis au monde un fils, obtint du roi, à force d’instances, de le faire baptiser. Mais l’enfant, dès qu’il fut baptisé, mourut. Et le roi Clovis lui dit : « Tu vois toi-même, maintenant, quel misérable dieu est ton Christ, puisqu’il ne peut même pas garder en vie un enfant qui, lui ayant été consacré, aurait, plus tard, imposé son culte à tout le royaume ! » Mais Clotilde : « Au contraire, je vois là une grande preuve d’amour de la part de mon Dieu, qui, recueillant le premier fruit de mon ventre, a daigné lui accorder son royaume infini, bien supérieur au tien ! » Plus tard, elle conçut de nouveau et enfanta un autre fils qu’elle parvint également à faire baptiser. Et, de nouveau, l’enfant tomba malade au point qu’on désespérait de sa vie. Et Clovis dit à sa femme : « Quand même tu enfanterais mille fils, ils périraient tous si tu les baptisais ! » Pourtant ce second enfant guérit ; et ce fut lui qui, dans la suite, succéda à Clovis.

Celui-ci finit par se convertir à la foi chrétienne, ainsi que nous l’avons raconté dans un chapitre précédent, qu’on trouvera tout de suite après celui de l’Épiphanie. Après sa conversion, il dit à saint Remi : « Je vais faire ma sieste ; et toi, tout le terrain que tu pourras parcourir jusqu’à mon réveil, tu le prendras pour ton église ! » Et ainsi fut fait. Mais il y avait, sur ce terrain, un meunier qui ne voulut point permettre à saint Remi de traverser son moulin. Et le saint lui dit : « Mon ami, tu consentiras bien à partager ce moulin avec nous ? » Et comme le meunier s’obstinait à n’y point consentir, soudain la roue du moulin se mit à tourner en sens contraire. Sur quoi le meunier, rappelant saint Remi : « Serviteur de Dieu, reviens, et que le moulin vous appartienne comme à moi ! » Mais Remi : « Non, il n’appartiendra plus ni à toi ni à moi ! » Et en effet, aussitôt la terre s’ouvrit et engloutit le moulin.

La fête qu’on célèbre en ce jour ne commémore point la mort de saint Remi, mais bien sa « translation ». Car, comme on transportait le corps du saint à l’église des saints Timothée et Appollinaire, voici qu’en passant devant l’église de Saint-Christophe la châsse se mit tout à coup à peser si lourd qu’aucune force humaine ne pouvait la soulever. Alors les porteurs prièrent Dieu de leur faire voir par un signe s’il voulait que le corps fût déposé dans cette église de Saint-Christophe, où se trouvaient déjà conservées d’innombrables reliques de saints. Et aussitôt la châsse se laissa soulever comme un fétu de paille ; et on la déposa solennellement dans cette église, où elle fit force miracles.

Plus tard, on agrandit cette église, et l’on construisit une crypte, derrière l’autel, pour recevoir le corps de saint Remi. Mais, de nouveau, la châsse qui contenait ce corps se trouva si lourde qu’on dut renoncer à la transporter. Et voilà que, le lendemain matin, qui était le premier jour d’octobre, on vit que la châsse de saint Remi avait été transportée par des anges dans la crypte. Et, plus tard encore, les restes du saint furent transportés dans une autre crypte plus belle, où ils reposent aujourd’hui dans une châsse d’argent.

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