Histoire de l’Œuvre de la Rédemption

Introduction

L’œuvre de la rédemption se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde.

Les générations humaines qui ont commencé après la chute, selon l’ordre naturel, participent de la corruption originelle qui en a été la suite, et ces générations, destinées à propager la race humaine, doivent se succéder jusqu’à la fin du monde. Ce sont ici les deux points extrêmes entre lesquels sont comprises ces générations sur la terre : d’un côté la chute de l’homme, de l’autre la fin du monde ou le jugement dernier. La rédemption est aussi comprise entre ces deux époques, pour ce qui est des œuvres successives par lesquelles Dieu l’accomplit, mais non quant à ses fruits, car ils doivent être éternels.

L’œuvre de la rédemption et celle du salut sont une seule et même chose. L’idée qui est exprimée quelquefois dans l’Écriture par ces mots : Dieu sauve son peuple, est ailleurs rendue par cette autre expression : il le rachète. Aussi Christ est-il appelé à la fois le Sauveur et le Rédempteur de son peuple.

Avant d’en venir à l’histoire de l’œuvre de la rédemption, je montrerai dans quel sens le terme rédemption est employé, comment cette œuvre est accomplie et quel est son but.

Cette expression est prise quelquefois dans un sens plus restreint pour désigner le rachat ; car la signification rigoureuse du mot est rachat d’un captif. Si nous prenons le mot dans ce sens restreint, l’œuvre de la rédemption n’a pas été si longtemps à s’accomplir : elle a eu son commencement et sa fin avec l’humiliation de Christ ; elle a commencé avec l’incarnation de Christ, pour se poursuivre durant sa vie et se terminer par son séjour dans le sépulcre, qui aboutit à sa résurrection. Ainsi, nous disons que le jour de sa résurrection Christ acheva l’œuvre de la rédemption ; le rachat fut accompli, l’œuvre en elle-même et tout ce qui s’y rattache fut accompli et terminé virtuellement, mais non actuellement.

Mais quelquefois on prend cette expression dans un sens plus étendu ; l’œuvre de la rédemption comprend tout ce que Dieu fait en vue d’elle, non seulement le rachat en lui-même, mais aussi ce qui sert à le préparer et à assurer son succès. De sorte que la dispensation entière, comprenant la préparation et le rachat, l’application et les fruits de la rédemption faite par Christ, est appelée l’œuvre de la rédemption. Cette expression désigne tout ce que Christ a fait en qualité de Médiateur, soit comme Prophète, Sacrificateur ou Roi, soit pendant son incarnation, antérieurement et depuis ; et cette œuvre comprend, non pas uniquement ce que Christ le Médiateur a fait, mais aussi tout ce que le Père et le Saint-Esprit ont accompli en tant qu’unis ou confédérés dans le but de racheter les hommes pécheurs ; en un mot tout ce qui a été fait pour mettre à exécution l’alliance éternelle de rédemption. C’est dans ce sens large que je parle de l’œuvre de la rédemption.

Quand je dis que cette œuvre se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde, je n’entends pas faire entendre par là que rien n’ait été accompli en vue d’elle antérieurement à la chute. Certaines choses ont été faites avant la création du monde, même de toute éternité. Les personnes de la Trinité étaient en quelque sorte confédérées et formaient une alliance rédemptrice dans un but déterminé. Dans cette alliance, le Père avait choisi le Fils, et le Fils avait entrepris l’œuvre ; et tout ce qu’il y avait à accomplir avait été stipulé et convenu. Lors de la création du monde il y a eu des choses faites concernant cette œuvre, car le monde lui-même semble avoir été créé en vue d’elle. La création a lieu en vue de la Providence de Dieu. De sorte que si on demande quelles sont les plus grandes œuvres, celles de la création ou celles de la Providence, je réponds de celles de la Providence, parce que celles-ci sont le but et celles-là le moyen. C’est ainsi qu’on construit une maison en vue de l’usage qu’on en fait. Mais la plus grande œuvre de la Providence de Dieu est celle de la rédemption, comme nous le verrons plus clairement ailleurs. La création des cieux eut lieu en vue de cette œuvre, afin qu’ils fussent une habitation pour les rachetés (Matthieu 25.34). Les anges eux-mêmes ont été créés pour concourir à l’accomplissement de cette œuvre (Hébreux 1.14). Pour ce qui regarde ce monde inférieur, il est hors de doute qu’il a été créé pour être le théâtre sur lequel cette œuvre grande et admirable de la rédemption s’accomplirait. On pourrait montrer que ce monde est, à divers égards, admirablement bien adapté à la condition de l’homme depuis la chute, laquelle condition suppose la possibilité de la rédemption.

Cela ne veut pas dire non plus que cette œuvre ne porte pas ses fruits après la fin du monde. La gloire et le bonheur, résumé de tous ses fruits, seront le partage de tous les saints pendant toute l’éternité. La rédemption n’est pas une œuvre sans cesse en voie d’exécution qui ne se termine jamais ; les résultats sont éternels, mais l’œuvre a son terme. Quand l’œuvre devra se terminer, ses résultats seront obtenus et ils dureront pour toujours. De même que les choses qui ont existé, en vue de cette œuvre, l’amour de Dieu pour ses élus et l’alliance de rédemption n’ont jamais eu de commencement, ainsi ses résultats seront permanents à toujours.

C’est pourquoi, quand je dis que c’est là une œuvre qui se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde, j’entends que tout ce qui constitue cette œuvre et fait partie de son plan est, pendant cette période, en voie d’exécution. Il y a eu des choses préparatoires faites antérieurement à son commencement d’exécution ; ses résultats seront permanents, alors qu’elle aura été achevée. Mais l’œuvre elle-même a commencé immédiatement après la chute et se poursuit jusqu’à la fin du monde. Les diverses dispensations de Dieu pendant cette période font partie de cette œuvre, du même dessein, n’ont toutes qu’un seul et même but. C’est pourquoi elles ne doivent toutes être considérées que comme les évolutions successives d’un même mécanisme, pour aboutir finalement à un grand événement.

Et ici nous devons encore distinguer entre ce qui constitue cette rédemption et les moyens par lesquels cette œuvre est accomplie. Il y a une distinction à établir entre ses avantages ou ses fruits d’une part, et de l’autre l’œuvre de Dieu, au moyen de laquelle ces avantages sont obtenus et accordés. Par exemple, la rédemption des Israélites du pays d’Egypte, considérée comme bienfait dont ils jouirent, consiste en ceci, qu’ils furent délivrés de l’esclavage et du malheur, afin d’être placés dans une condition plus heureuse, comme serviteurs de Dieu et héritiers de Canaan. Mais il est beaucoup d’autres choses faisant partie de cette œuvre, comme, par exemple la vocation de Moïse, son envoi vers Pharaon, les signes et les miracles accomplis par lui en Egypte, les jugements terribles qu’il fait venir sur les Egyptiens, et beaucoup d’autres faits.

Il en est ainsi de l’œuvre par laquelle Dieu accomplit la rédemption ; elle se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde, à deux égards.

1° Pour ce qui est des effets produits sur l’âme des rachetés, ce qui est commun à tous les âges, ses effets sont l’application de la rédemption aux individus, en les convertissant, les sanctifiant et les glorifiant. Par là ils sont actuellement rachetés, ils reçoivent les bienfaits de l’œuvre et en éprouvent les effets. Sous ce rapport, l’œuvre de la rédemption se poursuit dans tous les âges, de la chute de l’homme à la fin du monde. D’abord, après la chute, Dieu a commencé à convertir des âmes ; il a ouvert les yeux des aveugles, rendu l’ouïe aux sourds, ressuscité ceux qui étaient spirituellement morts ; il n’a cessé d’arracher de misérables captifs des mains de Satan ; il l’a fait toujours depuis lors, et il continuera de le faire jusqu’à la fin du monde. Dieu a toujours eu une Église dans le monde. Bien que souvent, elle ait été réduite à fort peu de chose et placée dans des circonstances bien difficiles, toutefois elle n’a jamais entièrement manqué.

De même que Dieu convertit les âmes des hommes à travers tous les âges, il ne cesse de les justifier, d’effacer leurs péchés, de les tenir pour justes en sa présence, par suite de la justice de Christ. Il en est de même de tous les autres faits qui constituent l’appropriation de l’œuvre du salut au cœur de chaque individu. Les paroles de Romains 8.30, trouvent leur application à travers tous les âges.

2° Mais l’œuvre de la rédemption, pour ce qui est de son grand dessein et de son but, se poursuit, non pas seulement en répétant et renouvelant ces mêmes effets dans ceux qui en sont les divers sujets, mais au moyen de diverses dispensations successives de Dieu, qui toutes concourent à un grand effet, s’unissent comme les diverses parties d’un même plan, et forment ensemble un grand tout. Il en est comme d’un temple en construction : on envoie d’abord chercher l’ouvrier, puis on rassemble les matériaux ; le terrain est préparé, les fondements sont posés ; alors on élève l’édifice ; une partie est superposée à l’autre, jusqu’à ce que, enfin, la dernière pierre soit posée et tout l’édifice achevé. L’œuvre de la rédemption, prise dans ce sens large, peut être comparée à un édifice de ce genre. Dieu le commence immédiatement après la chute de l’homme, et en poursuit la construction jusqu’à la fin du monde. Alors la dernière pierre sera posée, et l’édifice apparaîtra complet et magnifique.

Cette œuvre, considérée sous le premier aspect, se poursuit en produisant des effets communs à toutes les générations ; considérée sous le dernier, au contraire, pour ce qui est du grand dessein général, elle est accomplie, non seulement par des faits qui sont les mêmes dans chaque génération, mais par des événements successifs qui se passent à diverses époques, bien qu’ils fassent tous partie d’un grand plan. C’est ce dernier côté qui sera surtout mis en saillie, toutefois d’une manière qui ne laisse pas le précédent complètement dans l’ombre ; car l’un suppose nécessairement l’autre.

Je montrerai à présent quel est le but de cette grande œuvre, ou le résultat auquel elle doit aboutir. Afin d’être en état de voir comment un plan s’exécute, nous devons, tout d’abord, connaître en quoi il consiste. Pour comprendre les procédés d’un ouvrier et les mesures qu’il prend en faisant son ouvrage, nous avons besoin de savoir ce qu’il se propose de faire ; sans cela, nous pourrions le voir travailler et rester dans un grand embarras, faute de voir quel est son plan. Afin donc que les diverses dispensations de Dieu, qui constituent cette grande œuvre de la rédemption, ne nous apparaissent pas dans un état de confusion et de désordre, je ferai remarquer, en peu de mots, quelles sont les principales fins que Dieu s’est proposé d’atteindre.

1° De mettre tous ces ennemis sous ses pieds, afin que sa bonté finisse par triompher de tout mal. Bientôt après la création, le mal entre dans le monde par la chute des anges et de l’homme. Aussitôt après que Dieu eut fait les créatures intelligentes, il s’éleva d’au milieu d’elles des ennemis contre sa personne ; par la chute de l’homme, le mal fut introduit dans le monde. Les ennemis de Dieu s’élevèrent alors contre lui. Satan s’efforça de faire manquer le but que Dieu s’était proposé en créant le monde, de détruire son ouvrage, de lui arracher des mains le gouvernement de l’univers, d’usurper le trône et de s’établir roi de ce monde en lieu et place de Celui qui l’avait créé. Afin de parvenir à ses fins il introduisit le péché dans le monde, et, en faisant de l’homme l’ennemi de Dieu, il y fit entrer aussi le crime, la mort et les plus terribles misères. Une des grandes fins que Dieu s’est proposé, dans l’œuvre de la rédemption, c’est de réduire ces ennemis (1 Corinthiens 15.25). Les choses ont été primitivement arrangées pour désappointer, confondre Satan et triompher de lui, de sorte qu’il fût écrasé sous les pieds de Christ (Genèse 3.15). Il fut promis que la semence de la femme écraserait la tête du serpent. Une des premières choses que Dieu se proposa dans cette œuvre, fut de détruire les œuvres du diable et de confondre tous ses plans (1 Jean 3.8). Il se proposa également de triompher du péché et de la corruption humaine, et de les déraciner du cœur de son peuple, en rendant les hommes conformes à lui-même. Il voulut de même que sa grâce triomphât des crimes des hommes et des conséquences infinies du péché. Le triomphe sur la mort rentrait aussi dans son plan ; et, bien que cet ennemi doive être le dernier vaincu, il sera pourtant finalement vaincu et détruit. Ainsi, dans l’œuvre de la rédemption, Dieu se montre souverainement élevé au-dessus de tout mal et triomphant de ses ennemis.

2° Dieu se propose aussi de réparer complètement les résultats de la chute pour ce qui concerne la partie de ce monde qu’il a élue par son fils. C’est pourquoi il est parlé de la restitution de toutes choses (Actes 3.21) et des temps de rafraîchissement (Actes 3.19-20).

L’âme de l’homme a été entraînée dans la ruine par la chute ; l’image de Dieu a été effacée ; la nature humaine a été corrompue ; depuis lors il est mort dans ses péchés. Dieu s’est proposé de ramener l’âme humaine à la vie, de rétablir l’image divine par la conversion, de poursuivre le changement dans la sanctification et de l’achever dans la gloire. Par suite de la chute, le corps de l’homme est devenu sujet à la destruction et à la mort. Dieu a entrepris de le relever de son abaissement ; non pas seulement de le délivrer de la mort par la résurrection, mais de le mettre au-dessus de la possibilité de mourir, en le rendant semblable au corps glorifié de Christ. En ce qui concerne l’homme, le monde a été entraîné dans la ruine, exactement comme s’il était retombé dans le chaos. Les cieux et la terre ont été bouleversés ; mais Dieu s’est proposé de tout rétablir, en quelque sorte de créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre (2 Pierre 3.13 ; Ésaïe 65.17). L’œuvre par laquelle cela devait être accompli commença immédiatement après la chute, et elle se poursuit jusqu’à ce que tout soit terminé ; alors que le monde entier, les cieux et la terre seront restaurés. Il y aura à la fin du monde, en quelque sorte, de nouveaux cieux et une nouvelle terre dans un sens spirituel (Apocalypse 20.1).

3° Un autre grand but que Dieu se proposa dans l’œuvre de la rédemption, ce fut de réunir toutes choses en Christ dans les cieux et sur la terre, et d’unir tout à Dieu le Père en un seul corps. Cela a également eu un commencement d’exécution bientôt après la chute, et se poursuit à travers les âges pour être accompli à la fin du monde.

4° Dieu eut aussi en vue la gloire parfaite et complète de tous les élus par Christ : une gloire telle que l’œil n’en a point vue, l’oreille pas entendue, et qui n’est pas montée au cœur de l’homme. Il se propose de les élever au plus haut degré de la perfection et de beauté selon sa sainte image, ce qui est la beauté qui convient aux êtres spirituels ; de les élever aux premières places d’honneur et de gloire, et de les rendre participants d’un bonheur et d’une joie ineffables. Ainsi, il entreprit de glorifier l’Église entière dans l’âme et dans le corps, et en même temps d’élever avec eux les anges élus au plus haut degré d’honneur, sous un même Chef.

5° En tout cela, Dieu eut particulièrement en vue la gloire de la très sainte Trinité. De toute éternité, Dieu avait le dessein de se glorifier lui-même, ainsi que chacune des personnes de la Trinité. Naturellement, le but se présente le premier, puis viennent les moyens ; c’est pourquoi nous devons nous représenter qu’après avoir arrêté un certain but Dieu dut, en quelque sorte, faire le choix des moyens pour l’atteindre, et la grande œuvre de la rédemption fut le principal moyen qu’il adopta. Il se proposa, par cette œuvre, de glorifier son Fils unique Jésus-Christ, et par le Fils, le Père (Jean 13.31-32). Il voulut que le Fils fût glorifié et glorifiât le Père par ce qui serait accompli par l’Esprit, à la gloire de l’Esprit même, de façon qu’il en revînt une très grande gloire et à la Trinité entière et à chacune de ses personnes. L’œuvre par laquelle il se propose d’atteindre ce but commence immédiatement après la chute ; elle se poursuit jusqu’à la fin du monde. Alors elle sera terminée, et la gloire que Dieu a en vue sera réalisée en toutes choses.

Ces explications données, j’en viens à l’histoire, afin de montrer comment ce que Dieu s’est proposé dans l’œuvre de la rédemption s’accomplit et se développe progressivement, depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde. A cet effet, je diviserai ce temps en trois périodes.

Quelques personnes pourront être disposées à trouver cette division très inégale ; mais la seconde période, bien que plus courte qu’aucune des autres, se trouve embrasser plus qu’elles.

L’œuvre de la rédemption se poursuit durant chacune de ces trois périodes, ainsi que les trois propositions suivantes l’indiquent :

  1. De la chute de l’homme à l’incarnation de Christ, Dieu fait les choses destinées à préparer sa venue, à en être les avant-coureurs et les gages.
  2. Le temps compris entre l’incarnation de Christ et sa résurrection est employé à procurer et à accomplir le rachat.
  3. Le temps compris entre la résurrection de Christ et la fin du monde, est entièrement consacré à produire les grands effets et les fruits de l’œuvre qu’il a accomplie.

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