Histoire de l’Œuvre de la Rédemption

2.2 — Acquisition de la rédemption

Maintenant que nous nous sommes occupé de la venue de Christ dans le monde et que nous avons vu qu’il a pris notre nature pour se mettre en état d’accomplir l’œuvre de la rédemption, j’en viens à montrer ce qu’il faut entendre par le rachat et à faire quelques observations générales touchant les moyens par lesquels il fut accompli ; ensuite, nous en viendrons à considérer en particulier ce que Christ fit et souffrit pour l’accomplir.

2.2.1 – Le rachat

Le rachat accompli par Christ comprend deux choses : sa satisfaction et son mérite. Tout est accompli par la rançon que Christ paie ; celle-ci a un double effet : elle paie notre dette, et ainsi elle satisfait ; par sa valeur intrinsèque et par suite de l’accord entre le Père et le Fils, elle nous donne le droit au bonheur, et ainsi elle mérite. La satisfaction de Christ nous délivre de notre misère ; le mérite de Christ nous acquiert le bonheur.

Le mot rachat, employé dans ce sens, peut avoir une signification générale ou une autre plus spéciale. Il est quelquefois employé dans un sens plus rigoureux pour signifier seulement le mérite de Christ, et quelquefois dans un sens plus large pour désigner à la fois sa satisfaction et son mérite. Au fait, la plupart des mots employés au sujet de la rédemption ont diverses significations. Ainsi, quelquefois les théologiens emploient le mot mérite pour désigner la rançon entière offerte par Christ, soit pour satisfaire, soit pour mériter. De même, le mot satisfaction est quelquefois employé pour désigner, non seulement sa propitiation, mais aussi son obéissance méritoire ; car, dans un certain sens, pour satisfaire à la loi, il ne suffit pas de souffrir la peine, mais il faut encore lui obéir d’une manière positive. La raison de cet usage varié de ces termes semble être que la satisfaction et le mérite diffèrent seulement d’une manière relative plutôt que réelle. Les deux consistent à payer un grand prix, une rançon d’une valeur infinie. Mais cette rançon, quand il est question d’une dette à payer, est appelée satisfaction ; et lorsqu’il s’agit d’un bien positif à obtenir, on l’appelle mérite. La différence entre payer une dette et faire un achat est plus relative qu’essentielle. Celui qui donne une somme pour payer une dette fait, dans un certain sens, un achat ; il acquiert libération de l’obligation contractée. Et celui qui donne une somme pour acheter un objet, fait, en quelque sorte, satisfaction ; il satisfait aux conditions exigées par celui qu’il paie. Cela suffira au sujet de ce qu’il faut entendre par le rachat accompli par Christ.

2.2.2 – Accomplissement du rachat

Observations générales touchant les choses par lesquelles le rachat fut fait.

1° Et ici, nous observons que tout ce qui en Christ eut un caractère de satisfaction, le reçut en vertu de ses souffrances et de son humiliation ; et tout ce qui fut mérite le fut en vertu de son obéissance ou de sa justice. La satisfaction de Christ consiste en ce qu’il répond à toutes les exigences de la loi contre Lui, résultant de sa violation. Il satisfit à ces exigences en souffrant la punition réclamée par la loi. Le mérite de Christ consiste en ce qu’il fit pour répondre aux exigences de la loi avant d’avoir été transgressée par l’homme, et l’accomplissement des exigences de la loi avant que l’homme péchât ; savoir, l’obéissance.

La satisfaction ou la propitiation de Christ comprend, soit sa souffrance, soit l’humiliation à laquelle il se soumit. Christ. ne fit pas seulement satisfaction par sa souffrance proprement dite, mais par tout ce qui eut le caractère d’humiliation et d’abaissement. Ainsi, il fit satisfaction en restant sous le pouvoir de la mort durant le temps qu’il fut dans le sépulcre, bien que ni son corps ni son âme n’aient réellement rien souffert après sa mort. Tout ce à quoi Christ fut soumis fut la conséquence juridique du péché, eut le caractère d’une satisfaction pour le péché ; mais sa souffrance proprement dite ne fut pas la seule conséquence juridique du péché : son abaissement, son humiliation, sa renonciation à sa dignité et à ses honneurs passés, comme le fait du séjour de son corps dans le sépulcre, la séparation de son corps et de son âme eurent ce même caractère. Et tout ce que Christ fit dans un état d’humiliation, ayant le caractère d’une obéissance, sa vertu morale ou sa bonté eut une valeur méritoire et fit partie de la rançon par laquelle il acquit le bonheur pour les rachetés.

2° La satisfaction de Christ pour le péché ainsi que sa justice, qui a mérité le bonheur, ont duré pendant tout le temps de son humiliation. Christ ne satisfit pas pour le péché seulement par ses dernières souffrances, bien que ce fût surtout par elles ; mais toutes ses souffrances et son humiliation depuis le moment de son incarnation jusqu’à sa résurrection eurent un caractère de propitiation et de satisfaction. Christ satisfit principalement par sa mort, parce qu’alors sa souffrance et son humiliation furent plus grandes que précédemment. Mais toutes ses autres souffrances et toutes ses autres humiliations eurent le caractère de satisfaction. — Ainsi les circonstances dans lesquelles il naquit, sa naissance d’une vierge pauvre, sa déposition dans la crèche, le fait qu’il prit la nature humaine sous sa forme, humble, avec ses infirmités résultant de la chute, sa naissance sous la forme d’une chair pécheresse, et de même toutes ses souffrances dans son bas âge et dans son enfance, cette peine, ce mépris, ces reproches, ces tentations, ces difficultés de tout genre qu’il eut à rencontrer dans tout le cours de sa vie. — Tout cela eut un caractère de propitiation et de satisfaction. De même l’acquisition du bonheur au moyen de sa justice s’accomplit pendant tout le temps de son humiliation jusqu’à sa résurrection, non seulement alors qu’il obéit pendant sa vie entière, mais lorsqu’il le fit encore en donnant sa vie.

3° Ce fut par les mêmes choses que Christ satisfit à la justice de Dieu et qu’il acquit la félicité éternelle. Il ne fit pas satisfaction par certaines choses pour, acquérir ensuite la justice par d’autres. Mais par les mêmes actes par lesquels il acquit la justice, il fit aussi satisfaction sous un autre rapport. Le même acte de Christ, considéré au point de vue de son obéissance, fit partie de sa justice et acquit le ciel ; mais considéré sous le rapport de son abnégation de lui-même, des difficultés et des humiliations qui en accompagnèrent l’accomplissement, il eut le caractère d’une humiliation pour le péché et procura notre pardon. Ainsi en allant çà et là faisant le bien, prêchant l’Évangile et enseignant ses disciples, il accomplit en partie sa justice et acquit le ciel, parce que tout cela était fait par obéissance à son Père. Et ces mêmes choses furent une partie de sa satisfaction, vu qu’il les fit avec beaucoup de peine, de fatigue, de travail, et au milieu de grandes tentations, s’exposant, en les accomplissant au reproche et au mépris.

Ainsi la circoncision de notre Seigneur Jésus-Christ, considérée comme punition soufferte à notre place, a le caractère d’une satisfaction faite à la colère de Dieu offensé ; mais considérée comme un acte d’obéissance à Dieu, qui avait ordonné l’observation de cette cérémonie, elle fait partie de sa justice et du rachat ; le sang qui fut versé alors eut un caractère propitiatoire ; mais comme elle eut lieu conformément à la loi de Moïse, ce fut aussi une partie de sa justice méritoire. Bien que ce ne fût pas, à proprement parler, un acte de sa nature humaine puisqu’il était un enfant, cependant comme la nature humaine en fut le sujet, et comme l’action s’accomplit en sa personne, Dieu l’accepta comme une portion de son obéissance, en tant que notre Médiateur. Sa naissance même, dans une condition si humble, eut le caractère d’une satisfaction par suite de l’humiliation qu’elle impliquait, et elle fit aussi partie de sa justice, puisque ce fut un acte libre et personnel, en obéissance à son Père, que sa volonté humaine accepta, bien qu’il n’y eût pas d’acte de cette volonté antérieure à cet événement.

2.2.3 – L’obéissance et la justice de Christ

Les choses par lesquelles le rachat fut particulièrement accompli. — L’obéissance et la justice de Christ.

J’en viens maintenant à considérer les choses qui s’accomplirent pendant le temps de l’humiliation de Christ, et d’abord ce qui concerne son obéissance et sa justice. On peut diviser le sujet en trois parties. C’est pourquoi je considérerai dans cette obéissance : les lois auxquelles il obéit, — les diverses époques de sa vie dans lesquelles il le fit, — et les vertus qui se manifestèrent dans cette obéissance.

2.2.3.1 – Son obéissance aux lois

La première chose à considérer dans la justice de Christ, ce sont les lois auxquelles il obéit. Mais ici il faut observer en général que tous les préceptes auxquels Christ obéit peuvent se réduire à une loi que l’Apôtre appelle la loi des œuvres. Chaque commandement auquel Christ obéit peut être ramené à cette grande loi de Dieu renfermée dans l’alliance des œuvres, cette règle éternelle de justice que Dieu avait établie entre Lui et l’humanité. Christ vint dans le monde pour accomplir l’alliance des œuvres, c’est-à-dire l’alliance qui durera toujours, pour servir de règle au jugement. L’alliance même que nous avions violée était celle qui devait avoir son accomplissement.

Au fait, cette loi des œuvres comprend toutes les lois de Dieu qui ont été données à l’humanité. Car c’est une règle générale de la loi des œuvres, aussi bien que de la loi naturelle, que Dieu doit être obéi, et qu’il faut se soumettre à tous les préceptes positifs qu’il juge bon de donner. C’est un précepte de la loi des œuvres, que les hommes doivent obéir’à leurs parents terrestres, et c’est une règle non moins certaine de cette même loi, que nous devons obéir à notre Père céleste. Ainsi la loi des œuvres réclame obéissance à tous les commandements positifs de Dieu. Elle réclamait d’avance qu’il obéît à ce commandement positif de ne pas manger du fruit défendu, et elle exigeait de la part des Juifs obéissance à tous les commandements positifs de leurs institutions. Quand Dieu ordonna à Jonas de se lever et d’aller à Ninive, la loi des œuvres demandait qu’il obéît, et elle exigeait de même que Christ obéît à tous les commandements positifs que Dieu lui donna.

Les commandements de Dieu auxquels Christ obéit, considérés de plus près, étaient de trois espèces : il y en avait auxquels il était soumis simplement comme homme ; d’autres auxquels il eut à se soumettre en sa qualité de Juif ; d’autres qu’il eut à observer simplement en qualité de Médiateur.

1° Il obéit aux commandements auxquels il était soumis simplement comme homme. C’étaient les commandements de la loi morale qui était la même que celle donnée au mont Sinaï, écrite sur deux tables de pierre ; ils sont obligatoires pour l’humanité tout entière, chez tous les peuples et dans tous les âges du monde.

2° Il obéit à toutes les lois auxquelles il était soumis en tant que Juif. Ainsi il était soumis à la loi cérémonielle et il s’y conforma. Il s’y conforma en étant circoncis le huitième jour, il les observa rigoureusement en montant au temple de Jérusalem trois fois par an, du moins dès qu’il eut atteint l’âge de douze ans, qui, ce semble, était l’époque à laquelle les enfants mâles commençaient à monter au temple. Et ainsi Christ assista constamment au culte du temple et de la synagogue.

Sa soumission au baptême de Jean-Baptiste rentre dans ce genre d’obéissance. Car il était spécialement ordonné aux Juifs d’aller vers Jean et de se faire baptiser par lui. Ainsi quand Christ vint pour être baptisé par Jean-Baptiste, et que Jean objecta qu’il avait plus besoin lui-même d’aller à Lui pour être baptisé, il donna pour raison de son baptême qu’il était nécessaire qu’il le fît pour accomplir toute justice (Matthieu 3.13-15).

3° Christ fut sujet à la loi qui avait rapport à son caractère de Médiateur. Il faut entendre par là les commandements que Dieu lui donna d’enseigner telle ou telle doctrine, de prêcher l’Évangile, d’accomplir des miracles, de choisir des disciples, d’établir certaines ordonnances, et finalement de donner sa vie. En effet, il fit toutes ces choses pour obéir au commandement qu’il avait reçu de son Père, comme il nous le dit souvent (Jean 10.18 ; 14.31). Il n’était pas soumis à ces commandements simplement en tant qu’homme, car ils ne regardaient pas les autres hommes ; il ne leur était pas non plus soumis en tant que Juif, car ils ne faisaient pas partie de la loi mosaïque ; mais il les avait reçus du Père, et ils ne concernaient simplement que son office de Médiateur.

La justice de Christ, par laquelle il mérite le ciel pour lui-même et pour tous ceux qui croient en Lui, consiste principalement dans son obéissance à la loi qui lui était donnée en tant que Médiateur ; car sa grande œuvre et sa grande affaire, en venant dans le monde, était d’accomplir cette loi. L’histoire des évangélistes est surtout composée des récits qui concernent son obéissance à cette loi. Cette partie de son obéissance eut lieu au milieu des plus grandes difficultés ; c’est ce qui fit qu’elle fut très méritoire. Ce que Christ avait à accomplir dans le monde comme Médiateur, était beaucoup plus difficile que ce qu’il avait à faire simplement comme homme ou comme Juif. Ses dernières souffrances, qui commencèrent par son agonie pour finir à sa résurrection, font partie de son obéissance.

L’obéissance du premier Adam, qui aurait constitué sa justice s’il avait résisté au péché, aurait consisté principalement dans l’observation de cette loi particulière à laquelle il était soumis comme tête morale et caution de l’humanité : le commandement de s’abstenir de toucher du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Celle du second Adam, qui constitua sa justice, est surtout l’observation de cette loi spéciale à laquelle il était soumis en tant que Médiateur et caution pour l’homme. Avant d’en venir à considérer un nouveau côté de la justice de Christ, j’observerai trois choses touchant son obéissance à ces lois.

1° Son obéissance fut à tous égards parfaite. Elle fut parfaite pour ce qui est de l’œuvre ordonnée, et pour ce qui concerne le principe qui le fit obéir. Elle fut parfaite sous le rapport des fins qu’il se proposa ; car il ne se proposa jamais aucun autre but que celui indiqué par la loi de Dieu. Elle fut parfaite pour ce qui est de la manière d’observer les commandements, puisque chaque circonstance dans chaque acte était parfaitement en accord avec le commandement. Elle fut parfaite au sujet du degré de l’accomplissement ; il se conforma en tout complètement à la règle. Elle fut parfaite quant à la constance de l’obéissance ; elle eut lieu sans interruption, et aussi pour ce qui est de la persévérance. Il obéit parfaitement jusqu’à la fin, malgré tous les changements par lesquels il eut à passer et toutes les épreuves qu’il rencontra sur son chemin.

Le caractère méritoire de l’obéissance de Christ dépend de la perfection de celle-ci. Si elle avait fait défaut dans quelque cas, elle n’aurait pas pu être méritoire ; car une obéissance imparfaite n’est pas acceptable comme accomplissement de la loi des œuvres à laquelle Christ était soumis. Ce qui n’est pas parfaitement conforme à une loi ne saurait être accepté comme obéissance à cette loi.

2° Christ obéit au milieu des plus grandes épreuves et tentations. Son obéissance fut accompagnée des plus grandes difficultés et d’un abaissement extrême ; ce fut ce qui la rendit encore plus méritoire et plus précieuse. Il n’est pas aussi méritoire d’obéir à quelqu’un quand les commandements sont faciles, que de le faire malgré de grandes difficultés.

3° Il obéit à Dieu avec un respect infini et en rendant honneur à sa loi. Son obéissance fut accompagnée de beaucoup plus d’amour pour Dieu et de respect pour son autorité que celle des anges. Les anges obéissent avec un amour parfait, avec une perfection qui exclut le péché, mais Christ obéit avec un amour infini. Bien que la nature humaine de Christ ne pût pas aimer, à proprement parler, d’une manière absolument infinie, cependant son obéissance est celle du Dieu-Homme, et, par conséquent, cette obéissance fut la manifestation d’un amour infini ; et cela, joint à la dignité infinie de la personne qui obéit, rendit son obéissance infiniment méritoire.

2.2.3.2 – Les phases de sa vie

Il y a, en second lieu, à considérer les différentes phases de sa vie dans lesquelles il obéit. Et ici, nous pouvons distinguer les actes de sa vie privée de ceux de son ministère public.

1° Les actes qu’il accomplit dans sa vie privée.

Il fut parfaitement obéissant dans son enfance. Il différa infiniment des autres enfants qui, aussitôt qu’ils commencent à agir, commencent à pécher et à se révolter. Il se soumit à ses parents selon la chair, bien qu’il fût le Maître de toutes choses. On le trouva s’occupant des affaires de son Père, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. C’est alors qu’il commença à observer, en qualité de Médiateur, la loi que son Père lui avait donnée. Il resta environ trente ans dans la vie privée, habitant à Nazareth dans la maison de Joseph, qui passait pour son père. Il servit Dieu dans la vie privée et en suivant un art mécanique, celui de charpentier.

2° Les actes qu’il accomplit pendant son ministère public, qui commença quand il fut âgé d’environ trente ans et qui continua pendant les trois dernières années et demie de sa vie. Le récit de ce qui se passa pendant ce temps-là occupe la plus grande portion des quatre Évangiles : tout Matthieu, excepté les deux premiers chapitres, tout Marc et Jean, et Luc en entier, excepté les deux premiers chapitres, et ce que nous trouvons dans cet Évangile concernant le ministère de Jean-Baptiste. La première apparition publique de Christ pour son ministère est souvent appelée, dans l’Écriture, sa venue. Ainsi, Jean parla de la venue de Christ comme d’une chose à venir, bien qu’il fût-né depuis longtemps.

Au sujet du ministère public de Christ, j’observerai ce qui suit :

Le précurseur de Christ, dans son apparition pour son ministère public, fut Jean-Baptiste. Il vint prêcher la repentance en rémission des péchés, pour préparer la venue de Christ, conformément aux prophéties à son sujet. On suppose que Jean-Baptiste commença son ministère environ trois ans et demi avant Christ ; de sorte que le ministère de Jean et celui de Christ, mis ensemble, firent sept ans, ce qui fut la dernière des semaines de Daniel. « Et il confirmera l’alliance à plusieurs dans une semaine (Daniel 9.27). « Christ vint au milieu de cette semaine d’années, comme Daniel l’avait prédit, « et, à la moitié de cette semaine, il fera cesser le sacrifice de l’oblation. »

Le ministère de Jean-Baptiste était destiné à réveiller les hommes et à les convaincre de péché, à les préparer pour la venue de Christ et à les encourager. Une effusion très remarquable du Saint-Esprit de Dieu accompagna le ministère de Jean, et l’effet en fut tel, que « tout le pays de Judée et les habitants de Jérusalem allaient vers lui, et ils étaient tous baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain, confessant leurs péchés (Marc 1.5). » Jean fut le plus grand de tous les prophètes qui vinrent avant Christ. « Entre ceux qui sont nés de femme, il n’y a aucun prophète plus grand que Jean-Baptiste, » c’est-à-dire il eut la charge la plus honorable. Il fut comme l’étoile du matin, qui annonce le jour qui s’approche et le lever du soleil. Les autres prophètes étaient des étoiles brillant dans les ténèbres ; mais ces étoiles disparurent à l’approche du jour de l’Évangile. Et la venue de Christ étant maintenant très rapprochée, l’étoile du matin la précède, la plus brillante de toutes les étoiles, comme Jean-Baptiste était, dans le sens que nous venons d’indiquer, le plus grand de tous les prophètes. Et lorsque Christ commença son ministère public, l’éclat de cette étoile du matin alla aussi en diminuant, de même que, quand le soleil se lève, nous voyons diminuer l’éclat de l’étoile du matin. Ainsi, Jean-Baptiste dit de lui-même : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Et bientôt après que Christ eut commencé son ministère public, Jean-Baptiste fut mis à mort. Ainsi, l’étoile du matin est visible pendant un peu de temps après le lever du soleil, mais elle disparaît bientôt.

2° Christ commença son ministère public par son baptême, qui fut bientôt suivi de la tentation dans le désert. Son baptême fut en quelque sorte, l’inauguration solennelle par laquelle il entra dans son ministère. Il fut ensuite oint du Saint-Esprit d’une manière solennelle et visible ; le Saint-Esprit descendit sur Lui sous une forme visible, semblable à une colombe, et une voix se fit entendre du ciel, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai pris mon bon plaisir. » Après cela, il fut conduit dans le désert par le diable. Satan se livra à une violente attaque contre Lui au moment où il commença son œuvre ; son obéissance fut mise à une épreuve remarquable, mais il remporta la victoire. Celui qui avait si bien réussi avec le premier Adam, échoua auprès du second.

L’œuvre dans laquelle Christ fut engagé durant son ministère. Et ici, il y a trois choses qu’il faut surtout remarquer, savoir : sa prédication, ses miracles, la vocation des disciples pour en faire les ministres de son royaume.

a) La prédication de l’Évangile. C’est en cela que consista une grande partie de son œuvre dans son ministère public, et beaucoup de cette obéissance, par laquelle il acquit le salut pour nous, consista à prêcher les choses que le Père lui avait commandées. Il révéla plus clairement et plus complètement l’intention et la volonté de Dieu que cela n’avait jamais été fait auparavant. Il vint du sein du Père, connaissant parfaitement sa volonté, et se trouvant dans la meilleure position pour la révéler. De même que le soleil, aussitôt qu’il se lève, commence à briller, de même Christ, aussitôt qu’il entra dans son ministère public, commença à éclairer le monde au moyen de sa doctrine. La loi avait été donnée sur le mont Sinaï ; Christ aussi exposa sa doctrine évangélique (pleine de bénédictions et non de malédictions) à la multitude sur une montagne (Matthieu 5.7).

Quand il prêchait, il n’enseignait pas comme les scribes, mais comme quelqu’un ayant autorité, de sorte que ses auditeurs étaient étonnés de sa doctrine. Il ne révéla pas les intentions et la volonté de Dieu dans le style des prophètes. « Ainsi dit l’Éternel, » mais dans un style comme celui-ci : « Moi je vous dis en vérité, en vérité, je vous dis. » Il donna ses doctrines, non seulement comme celles de Dieu son Père, mais comme les siennes propres. Il donna des commandements en les présentant, non seulement (ainsi que les prophètes avaient l’habitude de le faire) comme ceux de Dieu, mais comme les siens. « C’est ici mon commandement. Vous serez mes amis, si vous faites tout ce que je vous commande. »

b) Une autre chose dont Christ s’occupa pendant son ministère, ce fut de faire des miracles. Nous remarquerons à ce sujet plusieurs choses :

Leur grand nombre. Outre les cas particuliers, il est souvent parlé de multitudes qui venaient vers Lui avec leurs maladies et qui étaient guéries.

Ils étaient des œuvres de miséricorde. Ils manifestaient, non seulement son pouvoir infini et sa grandeur, mais sa miséricorde et sa bonté infinies. Il allait de lieu en lieu, guérissant les malades, rendant la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, et l’usage de leurs membres aux paralytiques et aux boiteux, nourrissant les affamés, nettoyant les lépreux et ressuscitant les morts.

La plupart de ces miracles étaient de ceux qui, dans l’Ancien Testament, avaient été représentés comme étant l’œuvre particulière de Dieu. De ce nombre était l’apaisement de la tempête : « Il arrête la tourmente, la changeant en calme, et les ondes sont calmes (Psaumes 107.29). » Sa marche sur la mer pendant un orage : « C’est lui seul qui étend les cieux, qui marche sur les hauteurs de la mer (Job 9.8). » L’expulsion des démons : « Tu as brisé les têtes du Léviathan (Psaumes 74.14). » Ce fut le cas aussi du rassasiement de la multitude dans un désert : « Qui te donne à manger dans ce désert la manne (Deutér.8.16). » Il découvrit aussi les pensées des hommes : « Car voici, celui qui déclare à l’homme quelle est sa pensée, l’Éternel, le Dieu des armées, est son nom (Amos 4.13). » Il ressuscita les morts : « Les issues de la mort sont à l’Éternel, le Seigneur (Psaumes 68.20). » Il en fut de même quand il ouvrit les yeux des aveugles : « L’Éternel ouvre les yeux aux aveugles (Psaumes 146.8). » Quand il guérit les malades : « C’est lui qui guérit toutes tes infirmités (Psaumes 103.3), » et éleva ceux qui étaient abaissés : « L’Éternel redresse ceux qui sont courbés (Psaumes 146.8). »

Ils étaient, en général, une image de la grande œuvre qu’il était venu accomplir dans le cœur de l’homme ; ils représentaient cette purification spirituelle, intérieure, cette rénovation et résurrection qu’il devait accomplir chez tous les rachetés.

Il les accomplit par son propre pouvoir et non comme les autres prophètes. Ils avaient l’habitude de faire tous leurs miracles au nom de l’Éternel ; mais Christ les accomplit en son propre nom. L’entrée de Canaan fut défendue à Moïse, parce que, par sa manière de parler, il eut l’air de s’attribuer à lui-même l’honneur d’avoir accompli un miracle. Il ne fit pas non plus les siens comme les apôtres, mais par sa propre autorité et volonté. C’est ainsi qu’il dit : « Je le veux, sois guéri (Matthieu 8.3). » Et il ajoute ailleurs, dans le même sens : « Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez (Matthieu 9.28). »

c) Une autre chose que Christ fit pendant le cours de son ministère, ce fut le choix de ses disciples. Il appela plusieurs disciples qu’il employa comme ministres ; il en envoya à l’œuvre soixante-dix une fois ; mais il y en eut douze de mis à part pour être apôtres, comme les principaux ministres de son royaume, et en quelque sorte, les douze fondements de son Église (Apocalypse 21.14). Ceux-ci furent les principaux instruments pour établir son royaume dans le monde ; aussi seront-ils assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël.

Je ferai remarquer comment il termina son ministère. Ce fut en donnant ses derniers conseils à ses disciples et à tous ceux qui le deviendraient ; ils nous ont été conservés particulièrement dans les 14e, 15e et 16e chapitres de l’Évangile selon saint Jean. Il institua aussi un monument solennel de sa mort, la sainte Cène, dans laquelle nous avons une représentation de son corps rompu et de son sang versé. Il s’offrit lui-même en sacrifice à Dieu dans ses dernières souffrances en qualité de souverain sacrificateur de Dieu. Il accomplit cet acte en qualité de ministre de Dieu, de sacrificateur oint de Dieu. Ce fut le plus grand acte de son ministère public et de son obéissance par lequel il acquit le ciel pour les croyants. Les sacrificateurs de l’Ancien Testament faisaient beaucoup de choses en qualité de ministres de Dieu ; mais leur plus grande fonction était d’offrir des sacrifices à l’autel. De même, la plus grande chose que Christ accomplit dans l’exercice de ses fonctions de sacrificateur, et la plus grande de toutes celles qu’il fit jamais et qui fut jamais faite, ce fut l’offrande qu’il fit de lui-même à Dieu. En cela il fut l’antitype de tout ce qui avait été fait par les sacrificateurs dans leurs sacrifices et offrandes depuis le commencement du monde.

2.2.3.3 – Ses vertus

Nous avons encore à considérer dans le rachat de la rédemption les vertus que Christ mit en évidence et manifesta. Il y a, à la vérité, certaines vertus particulières que les hommes pensent avoir et qui ne se trouvèrent pas en Christ, non qu’il manquât de quelques vertus, mais parce que sa vertu était parfaite à tous égards. De ce nombre sont : la repentance, le cœur brisé à cause du péché, la renonciation à la convoitise. Christ n’avait pas de péchés dont il pût se repentir ni aucune convoitise à laquelle il dût renoncer ; mais toutes les vertus qui n’impliquent pas péché se trouvèrent en Lui à un plus haut degré que chez aucune créature. Chaque vertu en lui fut parfaite. La vertu en elle-même fut plus grande chez lui que chez personne d’autre, et elle pouvait paraître beaucoup plus avantageuse chez lui que chez qui que ce fût. Plus la vraie vertu est éprouvée, mieux elle paraît. Or, aucune vertu ne fut soumise à d’aussi grandes épreuves que celle de Christ.

On peut diviser en trois classes les vertus que Christ déploya dans son œuvre, suivant qu’elles concernent plus immédiatement Dieu, Christ lui-même ou les hommes.

1° Les vertus qui se rapportent plus immédiatement à Dieu. Il y eut en Lui une sainte crainte et du respect envers Dieu le Père. La vertu de Christ fut à cet égard mise à une plus grande épreuve que celle d’aucun autre être, par suite de la dignité de sa personne. Les anges cédèrent à la tentation de renoncer au culte de Dieu et au respect qui lui était dû, parce qu’ils étaient eux-mêmes des êtres très distingués ; mais Christ était infiniment plus digne d’honneur que les anges ; car il était le Fils éternel du Père, et sa personne était égale à celle du Père, et toutefois, après s’être chargé des fonctions de Médiateur et avoir pris sur lui la nature humaine, il fut plein de, respect pour Dieu, il manifesta un grand amour pour Dieu. Les anges donnent une grande preuve de leur amour de Dieu par leur constante promptitude à faire sa volonté, et plusieurs saints ont donné de grandes preuves de leur amour pour Dieu en endurant des souffrances et de grandes peines ; mais personne ne donna jamais une aussi grande preuve d’amour pour Dieu que Christ lui-même. Personne n’accomplit jamais une œuvre d’amour comme la sienne ni ne souffrit autant par amour pour Dieu. Il montra la soumission la plus admirable à la volonté de Dieu. La soumission de personne ne fut jamais si éprouvée que la sienne, et il manifesta le plus admirable esprit d’obéissance.

2° Dans cette œuvre, il manifesta les vertus qui le concernaient lui-même plus immédiatement, comme l’humilité, la patience et le mépris du monde. Bien que Christ fût éminemment excellent et honorable, il fut pourtant le plus humble de toutes les créatures. Aucun ange ni aucun homme ne l’égala jamais en humilité, bien qu’il fût le plus grand en dignité et en honneur. Christ aurait été exposé à tomber dans l’orgueil, si quelque chose avait pu le tenter. Les anges qui tombèrent furent tentés par la dignité de leur nature et par les circonstances honorables dans lesquelles ils se trouvaient placés ; mais Christ était infiniment plus élevé qu’eux. La nature humaine de Christ fut honorée au point de coexister avec le Fils éternel de Dieu qui était l’égal du Père, et toutefois cette nature humaine ne s’enfla pas d’orgueil. Et l’homme Jésus-Christ ne s’enfla nullement d’orgueil, malgré toutes les œuvres admirables qu’il accomplit : la guérison des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques et la résurrection des morts. Et, bien qu’il sût que Dieu l’avait établi pour être roi dans les cieux et sur la terre, sur les anges et sur les hommes, comme il le dit : « Toutes choses, m’ont été accordées par mon Père (Matthieu 11.27) ; » bien qu’il se connût comme un être infiniment honorable et qu’il n’eût point regardé comme une usurpation d’être égal à Dieu, et bien qu’il sût qu’il était l’héritier du royaume du Père, malgré tout cela son humilité était si grande, qu’il ne dédaigna pas d’être placé dans des circonstances plus humbles et d’être soumis à des souffrances plus grandes que ne le furent jamais celles d’aucune créature élue, de sorte qu’il devint le dernier et le plus humble de tous. L’épreuve et la preuve de l’humilité consistent en ceci que, quand on y est appelé, on s’abaisse et on se soumet à des actes très humbles qui impliquent un grand abaissement ; mais personne ne s’abaissa jamais aussi bas que Christ, si nous considérons, soit l’infinie hauteur dont il descendit, soit la profondeur à laquelle il s’abaissa. Son humilité fut si grande que, bien qu’il se sût digne d’être honoré dix mille fois plus que les plus grands princes de la terre ou que les anges du ciel, toutefois il ne crut pas, quand il y fut appelé, que ce fût trop d’être lié comme un malfaiteur, de devenir un objet de raillerie pour les plus vils des hommes, d’être couronné d’épines, d’être revêtu d’une robe par raillerie, et d’être crucifié comme un esclave et un malfaiteur, comme un des plus bas et des plus méchants des hommes, comme un ennemi de Dieu et des hommes, comme un être indigne de vivre. Et cela il le fit, non pour lui-même, mais dans l’intérêt des plus viles d’entre les créatures, dans l’intérêt même de quelques-uns de ces misérables qui le crucifièrent. Ne manifeste-t-il pas une humilité surprenante, en se soumettant librement et volontairement à un tel abaissement ? Et combien sa patience éclata au milieu des terribles souffrances qu’il eut à endurer, lorsqu’il garda le silence et n’ouvrit pas sa bouche, mais alla comme un agneau à la boucherie. Et quel mépris de la gloire de ce monde il manifesta lorsqu’il fit choix de cet abaissement et de ces souffrances, plutôt que d’être revêtu de toute la gloire extérieure d’un prince de la terre, que les multitudes voulurent souvent lui imposer.

3° Christ exerça d’une manière admirable ces vertus qui se rapportent plus immédiatement aux autres hommes. On peut les résumer en deux : débonnaireté et amour.

La débonnaireté de Christ fut son humble calme d’esprit au milieu des provocations qu’il rencontra. La grandeur d’une provocation consiste en deux choses : le degré d’opposition qui produit la provocation, et le degré d’arbitraire de cette opposition, soit qu’elle ait lieu sans cause, soit que tout porte à supposer qu’il devrait en être autrement. Or, si nous considérons ces deux choses, personne ne rencontra jamais de provocation comme celle de Christ pendant son séjour sur cette terre. Comme il fut haï, quelles injures il eut à supporter de la part des plus vils des hommes ! combien grandes furent ses souffrances, et qu’ils furent méchants et méprisables en le maltraitant ainsi ! Combien déplacés et arbitraires étaient ces mauvais traitements ; qu’il était loin de les mériter ! au contraire, combien il avait droit à de l’amour, à du respect et à de bons traitements de leur part ! Si nous réfléchissons à ces choses, aucun homme ne fut jamais en butte à un millième des provocations que Christ rencontra de la part des hommes. Et pourtant, de quelle douceur ne fit-il pas preuve dans toutes ces circonstances ! combien calme et composé fut son esprit ! qu’il fut loin d’être agité et troublé ! Lorsqu’il fut insulté, il ne rendit point injure pour injure ; de même qu’une brebis est muette devant celui qui la tond, ainsi il n’ouvrit pas la bouche. Il n’y eut pas la moindre apparence d’un esprit de vengeance ; au contraire, de quel esprit de pardon ne fit-il pas preuve ! Si bien, qu’il put demander avec ferveur leur pardon, alors qu’ils le provoquaient au plus haut degré et qu’ils le clouaient à la croix. « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »

Jamais on n’eut un pareil exemple d’amour des hommes. L’amour de, Christ pour les hommes, qui se manifeste au plus haut degré au milieu de ses dernières souffrances, alors qu’il livre sa vie et son âme, est sans comparaison. Il y a eu des manifestations d’amour bien remarquables chez quelques-uns des saints et les apôtres Paul, Jean et autres ; mais l’amour des hommes, dont Christ fit preuve pendant qu’il était sur la terre, ne peut pas plus être comparé à celui des autres hommes que l’Océan à un petit ruisseau.

Il faut remarquer encore que toutes les vertus qui apparurent en Christ brillèrent d’un plus vif éclat vers la fin de sa vie, au milieu des épreuves qu’il rencontra. C’est surtout dans le fourneau que l’or pur montre sa pureté. Ce fut surtout au milieu de ces souffrances que Christ eut à endurer, vers la fin de sa vie, que se manifestèrent son amour de Dieu, le respect de sa majesté et de sa loi, son esprit d’obéissance, son humilité, son mépris du monde, sa patience, sa douceur et sa disposition miséricordieuse. Au fait, tout ce que Christ accomplit pour notre rédemption apparut surtout vers la fin de sa vie. C’est alors qu’il fit satisfaction pour le péché, qu’il mérita la vie éternelle pour les pécheurs, et qu’il exposa dans tout son éclat cet exemple qu’il nous a laissé pour que nous l’imitions. Ainsi, nous avons un aperçu des choses par lesquelles le rachat eut lieu pour ce qui est de la justice qu’elles servirent à manifester.

2.2.4 – Souffrances et humiliations de Christ

Parmi les choses en particulier par lesquelles le rachat fut accompli, nous devons compter les souffrances et les humiliations que Christ eut à supporter et d’où résulta la satisfaction qu’il fit pour le péché.

2.2.4.1 – Dans son enfance

Il fut soumis dans son enfance à des humiliations et à des souffrances extraordinaires. Il naquit pour mourir, et, par conséquent, il commença, en quelque sorte, à mourir aussitôt qu’il naquit. Sa mère ne souffrit pas seulement alors qu’elle le portait dans son sein ; mais quand le moment de le mettre au monde arriva, il est dit : « qu’il n’y avait pas de place dans l’hôtellerie (Luc 2.7). » Elle fut obligée de se retirer dans une étable, où Christ naquit. C’est ainsi qu’il souffrit à sa naissance, comme s’il eût été plus humble et plus vil qu’un homme. Et nous sommes en droit de supposer que les circonstances de sa mère, à d’autres égards, étaient aussi assez difficiles, et qu’elle n’avait pas pour ce jeune enfant toutes les commodités qu’on a ordinairement. De plus, il fut persécuté dans son enfance. On commença à vouloir lui enlever la vie dès qu’il fut né. Hérode, le roi du pays, désirait tellement le mettre à mort, que, pour y parvenir, il fit périr tous les enfants de Bethléhem et des environs, âgés de deux ans et au-dessous. De plus, Christ fut banni dans son enfance ; il fut chassé de son pays, et dut s’enfuir en Egypte, et il est hors de doute qu’il souffrit beaucoup pendant ce long voyage, alors qu’on le transporta d’un lieu à l’autre dans ce pays étranger.

2.2.4.2 – Dans sa vie privée

Il fut sujet à une grande humiliation dans sa vie privée, à Nazareth. Il mena là une vie servile, obscure, dans une occupation commune et pénible ; car il est appelé, non seulement le fils du charpentier, mais le charpentier. « Celui-ci n’est-il pas charpentier, fils de Marie, frère de Jacques et de Joses, et de Jude, et de Simon ? Il gagna son pain par un travail pénible, et souffrit ainsi la malédiction que Dieu avait prononcée contre Adam (Marc 6.3). — Tu mangeras le pain à la sueur de ton visage (Genèse 3.19). » Qu’on pense seulement quel degré d’humiliation ce doit être pour le Fils de Dieu, le Créateur des cieux et de la terre, d’être obligé, pendant environ trente ans, de mener une vie obscure parmi des ouvriers, sans être plus respecté que le commun des artisans. L’humiliation de Christ, à quelques égards, fut plus grande dans sa vie privée que dans son ministère public Sa gloire se manifesta de plusieurs manières, quand il prêcha et qu’il accomplit des miracles ; mais il passa les trente premières années de sa vie au milieu du commun peuple et comme en silence. Il ne se distinguait par rien, si ce n’est par sa pureté sans tache et la grande sainteté de sa vie ; et tout cela était en grande partie enveloppé dans son obscurité, de sorte qu’on fit peu d’attention à lui jusques après son baptême.

2.2.4.3 – Dans sa vie publique

Christ eut à endurer de grandes humiliations et des souffrances pendant sa vie publique, depuis son baptême jusqu’à la nuit dans laquelle il fut livré.

1° Il souffrit une grande pauvreté, au point qu’il n’avait point de lieu où reposer sa tête (Matthieu 8.20 ; Jean 18.1-2 ; Luc 21.37 ; 22.39) ; de sorte que ce qui avait été dit de Christ dans le Cantique des Cantiques, (Cantique des cantiques 5.2) : « Ma tête est pleine de rosée, et mes cheveux de l’humidité de la nuit, » s’accomplit à la lettre. Et pendant sa longue pauvreté, il eut sans doute souvent à souffrir de la faim, de la soif et du froid (Matthieu 4.2 ; 21.18). Sa mère et ses parents étaient pauvres, hors d’état de l’assister, et pendant sa vie il fut soutenu par la charité de quelques-uns de ses disciples. Ainsi, il est parlé, dans Luc 8.2-3, de quelques femmes qui le suivaient et l’assistaient de leurs biens. Il était si pauvre que, pour payer le tribut qu’on lui demanda, il dut faire un miracle (Matthieu 17.27). Quand il célébra la Pâque pour la dernière fois, les dépenses ne furent pas à sa charge, mais à celle d’un autre (Luc 22.7). Il était si pauvre, qu’il n’avait pas de sépulcre dans lequel il pût être déposé. C’était la coutume des Juifs, à moins qu’ils ne fussent pauvres, de se préparer un sépulcre pendant leur vie. Mais Christ n’avait pas un coin de terre à Lui, bien qu’il fût le possesseur des cieux et de la terre. C’est pourquoi Joseph d’Arimathée l’ensevelit par charité dans le sépulcre qu’il s’était préparé pour lui-même.

2° Il eut à souffrir la haine et le reproche. Il fut le rejeté et le méprisé des hommes, un de ceux dont on fait peu de cas, dédaigné par suite de son humble extraction et qu’on croyait être de Nazareth, sa ville natale. Il fut accusé d’être un mangeur et un buveur, un ami des péagers et des gens de mauvaise vie ; on l’appela séducteur du peuple, quelquefois samaritain, possédé du démon (Jean 7.20 ; 8.48 ; 10.20). On l’appela blasphémateur, démoniaque ; on prétendit qu’il faisait des miracles par Beelzébuth. On l’excommunia et on décida d’excommunier quiconque se déclarait de ses disciples (Jean 9.22). On souhaita sa mort, et sans cesse on chercha à le faire mourir, quelquefois par la violence, d’autres fois par la ruse. On prit souvent des pierres pour le lapider, et une fois on le conduisit sur le haut d’une colline, dans l’intention de le jeter en bas pour qu’il fût écrasé contre les rochers.

C’est ainsi qu’il fut haï et insulté par son propre peuple. « Il est venu chez soi, et les siens ne l’ont point reçu (Jean 1.11). » Il fut surtout haï par ceux qui étaient en bonne renommée et parmi les hommes distingués. Au fait, la haine fut générale. Dans quelque partie du pays qu’il allât, il rencontra de la haine et du mépris : à Capernaüm, à Jéricho, à Jérusalem qui était la ville sainte, même quand il entrait au temple pour prier, aussi bien qu’à Nazareth, où il avait été élevé, de la part de ses parents et de ses voisins.

3° Il eut beaucoup à souffrir des attaques de Satan. Dans une circonstance particulière, il eut une longue lutte avec le diable, alors qu’il passa quarante jours dans le désert parmi les bêtes sauvages et les démons. Il fut si exposé au pouvoir du démon que celui-ci le transporta d’un lieu à un autre, alors que, à d’autres égards, il était dans la souffrance.

2.2.4.4 – Dans sa passion

J’en viens maintenant à ses dernières humiliations et souffrances, comprises entre le soir de la nuit dans laquelle il fut trahi et sa résurrection. Ce furent là ces grandes humiliations et souffrances par lesquelles il fit surtout satisfaction à la justice de Dieu pour les péchés des hommes. Premièrement, sa vie fut vendue par un de ses disciples pour trente pièces d’argent, ce qui était le prix de la vie d’un esclave (Exode 21.32). Ensuite il fut dans une terrible agonie dans le jardin ; un si grand chagrin s’empara de son âme qu’il commença à être très triste, et il dit que son âme était saisie de tristesse jusqu’à la mort. L’agonie de son âme fut telle, que le sang lui sortit par les pores ; de sorte que, pendant que son âme était saisie d’une profonde tristesse, son corps était couvert de sang. Ses disciples, qui constituaient ordinairement ses amis et sa famille, furent, dans cette circonstance, d’une froideur extrême à son égard ; ils ne songèrent pas à Lui au moment où la face de son Père lui était voilée. Judas, envers qui Christ avait été si miséricordieux et qui avait été traité comme un membre de la famille, comme un ami intime, vient et le trahit de la manière la plus hypocrite et la plus perfide. Les officiers et les soldats s’emparent de Lui et le lient ; ses disciples l’oublient et s’enfuient ; ses meilleurs amis ne se tiennent pas près de Lui pour le fortifier dans sa détresse. On l’emmène comme un malfaiteur pour comparaître devant les prêtres et les scribes, ses mortels ennemis, afin qu’ils le jugent. Maintenant qu’ils l’ont en leur pouvoir, ils siègent toute la nuit pour avoir le plaisir de l’insulter. Mais, comme ils ne seront satisfaits qu’en lui ôtant la vie, ils cherchent quelque prétexte pour le mettre à mort, et demandent des témoins contre lui. Comme aucun ne se présente, ils en suscitent de faux, et, comme ceux-ci ne s’entendent pas entre eux, ils l’examinent lui-même, espérant obtenir quelque chose de sa bouche. Ils espéraient qu’il se déclarerait le Fils de Dieu et que cela suffirait. Mais, comme ils voient qu’ils ne pourront rien obtenir de lui, ils l’adjurent, au nom de Dieu, de déclarer s’il est ou non le Fils de Dieu, et, lorsqu’il confesse qu’il l’est, ils manifestent leur joie en lui crachant au visage, en lui bandant les yeux, en le frappant, pour lui demander ensuite de prophétiser qui l’a frappé. C’est ainsi qu’ils le tournent en ridicule, parce qu’il se donne pour un prophète. Les domestiques eux-mêmes s’en mêlent : « Les sergents lui donnaient des coups avec leurs verges (Marc 14.65). »

Pendant les souffrances de cette nuit, Pierre, un des principaux d’entre ses disciples, au lieu de se tenir près de Lui pour le fortifier, a honte de le confesser, et le renie avec serment et exécration. Et, lorsque les principaux sacrificateurs et les anciens ont ainsi passé la nuit à le maltraiter, le matin (le matin du jour le plus remarquable qu’il y eut jamais) ils le conduisent à Pilate pour être condamné à mort, parce qu’ils n’ont pas eux-mêmes le droit de vie et de mort. Il est conduit devant le tribunal de Pilate, et là les sacrificateurs et les anciens l’accusent d’être un traître. Et lorsque Pilate, après examen, déclare ne trouver aucun crime en lui, les Juifs n’en deviennent que plus furieux et plus violents pour obtenir sa condamnation. Alors Pilate, qui l’avait absous, le soumet injustement à un autre examen, et, ne trouvant pas de faute en lui, il l’acquitte de nouveau. Pilate le traite comme un pauvre malheureux ; mais il a honte de le condamner comme traître sur un si faible prétexte.

Il est alors envoyé à Hérode pour être jugé, et apparaît devant son tribunal ; ses ennemis le suivent et l’accusent avec violence d’être un traître et d’aspirer à se faire roi. Hérode ne le condamne pas, mais le considère de la même manière que Pilate, comme un pauvre malheureux dont il ne vaut pas la peine de s’occuper, et se contente de rire quand il entend les Juifs l’accuser d’être l’ennemi de César. Aussi, par dérision, il le revêt d’un vêtement blanc, il s’amuse de lui et le renvoie ainsi revêtu à Pilate à travers les rues de Jérusalem.

Les Juifs alors lui préfèrent Barabbas et demandent avec instance et violence à Pilate de le crucifier. De sorte que Pilate, après l’avoir acquitté deux fois, et lorsque Hérode a fait de même, est assez injuste pour le juger une troisième fois, afin de voir s’il ne découvrira pas de motifs suffisants pour le crucifier. Christ fut frappé de verges et fouetté. C’est ainsi qu’il ne s’éloigna pas de ceux qui le frappaient. Ensuite, bien que Pilate déclarât toujours qu’il ne trouvait aucun crime en lui, il fut assez injuste, par peur des Juifs, pour le livrer afin d’être crucifié ; mais, avant d’exécuter la sentence, ses ennemis, méchants et cruels, se plaisent à se moquer de lui ; ils l’environnent et en font l’objet de leurs railleries ; ils lui enlèvent ses vêtements, le revêtent d’une robe écarlate, lui placent un roseau dans la main et une couronne d’épines sur la tête. Les Juifs et les soldats romains se donnent la main dans cette affaire ; ils s’agenouillent devant lui, et s’écrient en se raillant : « Nous te saluons roi des Juifs. » Alors ils lui crachent au visage, lui prennent le roseau de la main et lui en frappent la tête. Après cela, ils l’emmènent pour le crucifier, ils l’obligent à porter sa croix jusqu’à ce que, ses forces étant épuisées, il est obligé de céder sous le poids, et alors ils la font porter par Simon le Cyrénéen.

Enfin, étant arrivés au mont Calvaire, ils exécutent la sentence inique que Pilate a prononcée. Ils le clouent à la croix par les mains et les pieds ; ils élèvent la croix, en enfoncent un bout en terre, tandis qu’il y est toujours attaché par les mains et les pieds. Alors les souffrances de Christ sont extrêmes ; la coupe, dont il avait si instamment demandé l’éloignement, est venue ; il doit la boire, il la boit. Dans ces jours, la crucifixion était le plus cruel genre de mort. Il n’y avait pas de mort qui fût autant que celle-là la suite de souffrances ; aussi le mot latin qui signifie tourment est pris de ce genre de mort. Outre ce que notre Seigneur eut à endurer en son corps dans cette mort cruelle, il souffrit encore plus en son âme. Alors eut lieu « ce travail de son âme » dont il est parlé dans les Prophètes ; c’est alors que Dieu jugea bon de le navrer et de le froisser, et de mettre son âme en oblation pour le péché. Et, si la seule pensée de cette coupe qu’il lui fallait boire suffit pour lui faire suer du sang, combien plus terribles et cruelles dûrent être ses souffrances quand il fallut la boire. Beaucoup de martyrs ont enduré de grandes souffrances dans leurs corps, tandis que leurs âmes étaient dans la joie, ce qui les a soutenus dans leurs souffrances et leur a fait remporter la victoire. Mais ce ne fut pas le cas avec Christ ; il n’eut pas un pareil soutien ; ses souffrances furent surtout spirituelles, bien que celles de son corps fussent extrêmes. Dans sa crucifixion, Christ ne sua pas du sang, comme il l’avait fait précédemment, non pas que son agonie ne fût pas si grande, mais parce que son sang s’écoulait d’une autre manière. Mais, quoiqu’il ne suât pas de sang, les souffrances de son âme furent telles que probablement elles causèrent sa mort ; quand son côté fut percé, il en coula du sang et de l’eau. Ainsi s’accomplit à la lettre cette parole : « Je me suis écoulé comme de l’eau, et tous mes os sont déjoints ; mon cœur est comme de la cire, s’étant fondu dans mes entrailles (Psaumes 22.14). »

Or, au milieu de toutes ces souffrances, les Juifs continuent à se railler de Lui, et secouant leurs têtes, ils disent : « Toi qui détruis le temple et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même ; si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. » Pareillement aussi, les principaux sacrificateurs, avec les scribes et les anciens, se moquent et s’écrient : « Il a sauvé les autres, il ne se peut sauver lui-même. » Et probablement, au même moment, le diable le tourmenta autant qu’il fut en son pouvoir. Aussi est-il dit : « C’est ici votre heure et la puissance des ténèbres. »

Au milieu de ces souffrances, Christ, après avoir crié par deux fois à haute voix, dit enfin : Tout est accompli ; et ayant baissé la tête, il rendit l’esprit. Ainsi se termina l’événement le plus grand et le plus surprenant qui ait jamais eu lieu. Alors les anges contemplèrent le spectacle le plus étrange dont ils eussent jamais été témoins. Alors fut accompli le grand fait qui avait été préfiguré par diverses institutions de la loi cérémonielle, par toutes les dispensations typiques et par tous les sacrifices depuis le commencement du monde.

Christ étant ainsi tombé au pouvoir de la mort, resta dans cet état jusqu’au matin du surlendemain. Alors fut accomplie cette grande œuvre, ce rachat en vue duquel de si grandes préparations avaient été faites depuis le commencement du monde. Alors fut accompli tout ce qui était exigé pour satisfaire aux menaces de la loi, tout ce qui était nécessaire pour satisfaire la justice divine. Tout ce que la justice vengeresse demandait, la dette entière fut alors payée. L’entière acquisition de la vie éternelle fut alors achevée. Et maintenant il n’y a plus rien à faire pour acquérir le salut des pécheurs, rien n’a été fait depuis, il ne sera plus rien fait dans toute l’éternité.

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