Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 2 : Les grandes persécutions

1. Persécutions occasionnelles. Après les persécutions tout à fait accidentelles du premier siècle, nous entrons dans une période où, tout en restant occasionnelles, elles sont réglementées. La procédure est indiquée dans la correspondance de l’empereur Trajan (98-117) avec Pline, gouverneur d’Asie Mineure. Les chrétiens sont de suspects. Il ne faut pas les rechercher. Mais si l’on en dénonce un, il doit se purger du soupçon d’athéisme (en sacrifiant aux idoles), de lèse-majesté (en jurant par l’empereur ou en sacrifiant à l’empereur), et de christianisme (en reniant le Christ). Le chrétien qui abjure est immédiatement libéré. Mais ceux qui persistent dans leur foi sont mis à mort : les citoyens romains sont décapités, les autres sont brûlés vifs, crucifiés ou jetés aux bêtes. Les femmes sont souvent exilées ou vouées à l’infamie. Les assemblées chrétiennes pouvaient jouir parfois d’une certaine tolérance, mais elles n’avaient pas de statut légal et étaient à la merci de la première dénonciation venue.

Parfois aussi les chrétiens étaient accusés de pratiques infâmes dans leur culte, qui se célébrait à huis clos. Il est à remarquer que ce sont en général les empereurs les plus capables et les plus soucieux de l’ordre qui ont été les persécuteurs les plus violents.

Au début du second siècle, Ignace fut martyrisé sous Trajan. Dans la seconde moitié du siècle, Marc-Aurèle (161-180) persécuta les chrétiens. Ses principales victimes furent Justin Martyr ; et les martyrs de Lyon, l’évêque Pothin, la jeune Blandine, et l’esclave Bibliade, qui avait abjuré, mais qui sous la torture se souvint des peines de l’enfer, et mourut en confessant sa foi avec les autres. Au début du troisième siècle, Septime Sévère (193-211) fit tuer un certain nombre de chrétiens à Carthage, entre autres Perpétue et l’esclave Félicité, et à Alexandrie.

Maximin de Thrase (235-238) s’attaqua surtout aux évêques. L’évêque de Rome Pontien et son rival Hippolyte furent exilés en Sardaigne.

2. Persécutions générales. La première, heureusement fort courte, eut lieu en 250 sous Décius (249-251). Beaucoup de chrétiens abjurèrent et sacrifièrent aux idoles ; d’autres se firent donner des certificats de complaisance comme ayant abjuré, alors qu’ils ne l’avaient pas fait. La situation de ces Lapsi, posa de graves problèmes aux églises. D’autres encore s’enfuirent dans les déserts. Plusieurs supportèrent héroïquement la persécution et toutes ses tortures ; citons parmi eux Origène. Quelques années plus tard la persécution reprenait. Cyprien fut décapité. Puis l’Eglise eut environ 40 ans de paix.

En 303 commença la persécution la plus féroce. Dioclétien, poussé par son gendre Galère (305-311), rêver d’exterminer le christianisme. Par ses quatre édits successifs, il ordonna la destruction des édifices du culte et des livres sacrés, il fit emprisonner tous les ecclésiastiques, il fit torturer ceux d’entre eux qui n’abjuraient pas, et enfin il obligea tous les chrétiens à sacrifier aux idoles. Cette persécution dura dix ans, car ni l’abdication de Dioclétien, ni la mort de Galère, qui, malade fit demander les prières des chrétiens, ne l’interrompirent. Le nombre des victimes fut énorme, surtout en Orient. Enfin, en 313, le triomphe de Constantin rendit la paix à l’Eglise. Le paganisme était vaincu par la douceur.

Décret de Trajan.

Tu as fait ce que tu devais faire, mon cher Pline, dans l’examen des poursuites dirigées contre les chrétiens. Il n’est pas possible d’établir une forme certaine et générale dans cette sorte d’affaires ; il ne faut pas faire de recherches contre eux. S’ils sont accusés et convaincus, il faut les punir. Si pourtant l’accusé nie qu’il soit chrétien et qu’il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu’il ait été auparavant chargé. Au reste, dans nul genre d’accusation, il ne faut recevoir de dénonciation sans signature : cela serait d’un pernicieux exemple et contraire aux maximes de notre règle.

Réponse de Trajan à Pline.
Traduit par SACY.

Les Martyrs de Lyon.

Quant à Sanctus, lui aussi se montrait supérieur. « Je suis chrétien ». C’était là ce qu’il confessait, successivement à la place de son nom, de sa cité, de sa race. Aussi y eut-il une grande émulation du gouvernement et des bourreaux contre lui, si bien que, ne sachant plus que lui faire, ils finirent par appliquer des lames de cuivre rougies au feu aux parties les plus délicates de son corps… Son pauvre corps était le témoin de ce qui était arrivé : tout entier, blessure et meurtrissure, contracté, privé de l’apparence d’une forme humaine…

Restait la bienheureuse Blandine… Après les fouets, après les fauves, après le gril, elle fut finalement jetée dans un filet et livrée à un taureau. Longtemps, elle fut projetée par l’animal, mais elle ne sentait rien de ce qui lui arrivait, à cause de l’espérance et de l’attente de ce en quoi elle avait cru et de sa conversation avec le Christ : elle fut sacrifiée elle aussi ; et les païens eux-mêmes avouaient que jamais chez eux une femme n’avait souffert d’aussi grandes et aussi nombreuses tortures.

Lettre des Eglises de Vienne et de Lyon
citée par
EUSÈBE DE CÉSARÉE
Histoire Ecclésiastique
Livre 5, chap. 1
Traduit par Gustave BARDY.

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