Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 3 : Les Apologistes

On donne ce nom à ceux qui ont défendu le christianisme contre les attaques dont il était l’objet.

1. Justin Martyr. Il est né en Samarie au début du second siècle. Après avoir étudié la philosophie sans y trouver le bonheur, il rencontra un chrétien âgé et se convertit. Il continua à porter la robe de philosophe de façon à pouvoir plus facilement lier conversation avec les gens, et dans ses nombreux voyages il amena un grand nombre d’âmes à la foi. Dans ses deux Apologies, dédiées l’un à l’empereur Antonin (138-161), l’autre à Marc-Aurèle (161-180), il donne un tableau très vivant de l’Eglise du second siècle. Il reconnaît qu’il y a dans le paganisme une part de vérité, et il cherche, en partant de ce point de départ, à amener ses lecteurs à embrasser la vérité totale qui resplendit dans l’Evangile. Il mourut martyr à Rome.

Nous avons encore de lui Le Dialogue avec Tryphon, où il défend la foi chrétienne contre les Juifs.

Les ouvrages de Justin nous renseignent sur la vie des églises du IIe siècle. Il distingue le Logos parfait, qui s’est incarné et le Logos spermatikos ou disséminé, qui se manifeste dans la raison humaine.

2. Autres apologistes grecs.

Au IIe siècle, nous pouvons mentionner Aristide, Théophile d’Antioche, le premier à user du mot Trinité, Athénagore, Méliton de Sardes et Tatien, ce dernier disciple de Justin, mais qui tomba dans l’hérésie gnostique.

Au troisième siècle, Clément d’Alexandrie, dans son Discours aux païens (appelé aussi Protreptique) combattit le paganisme avec la même modération que Justin. Dans son ouvrage Contre Celse, Origène composa l’apologie la plus profonde du christianisme. Le païen Celse avait critiqué les évangiles, émis des blasphèmes sur Jésus et condamné la doctrine chrétienne comme absurde. Origène le réfute avec une précision et une justesse inégalables.

3. Apologistes latins. Tertullien, dans son Apologétique, rejette en bloc toute la philosophie païenne : son ironie mordante et sa logique juridique flagellent les hontes et les inconséquences du paganisme. Son style est souvent tourmenté, mais il a une vigueur splendide ; et plusieurs phrases de lui sont restées universellement et justement célèbres.

Le contemporain et compatriote de Tertulien, Minuscius Félix a composé une apologie sous forme de Dialogue entre un chrétien, Octavius, et un païen, Cécilius, qui se convertit à la fin de l’entretien.

Plus tard, Lactance (IIIe – IVe siècles) a composé un traité de doctrine dédié à Constantin, les Institutions divines. Son style est élégant, mais sa pensée est plus forte pour attaquer le paganisme que pour proclamer la vérité.

La Parole comme par les Philosophes.

Ils n’ont saisi qu’une partie de la raison disséminée partout ; et celle qui se trouvait à leur portée, ils l’ont exprimée d’une manière admirable.

Ce qu’ils ont dit d’admirable appartient à nous autres chrétiens, qui aimons, qui adorons après Dieu le Père, la Parole divine, le Verbe engendré de ce Dieu incréé, inénarrable.

A la faveur de la raison qu’il a mise en nous comme une semence précieuse, vos philosophes ont pu quelquefois entrevoir la vérité, mais toujours comme un faible crépuscule. Ce simple germe, cette légère ébauche de la vérité, proportionnée à notre faiblesse, peut-elle se comparer avec la vérité elle-même, communiquée dans toute sa plénitude et selon toute l’étendue de la grâce ?

JUSTIN
2me apologie. – chap. 13.
Traduit par de GENOUDE.

Le sang des chrétiens, une semence.

Pour vous, dignes magistrats, assurés comme vous l’êtes des applaudissements du peuple, tant que vous lui immolerez des chrétiens, condamnez-nous, tourmentez-nous, écrasez-nous : votre injustice est la preuve de notre innocence ; c’est pourquoi Dieu permet que nous soyons persécutés. Dernièrement, condamnant une chrétienne à être exposée dans un lieu infâme plutôt qu’aux lions, vous avez reconnu que la perte de la chasteté est pour nous le plus grand des supplices, et plus terrible que la mort même.

Mais vos cruautés les plus raffinées ne servent de rien : c’est un attrait de plus pour notre religion. Nous multiplions à mesure que vous nous moissonnez : notre sang est une semence de chrétiens.

TERTULIEN
Apologétique ou Défense des chrétiens contre les gentils – chap. 50.
Traduit par GOURCY.

Les chrétiens qui remplissent la terre.

Cependant avez-vous remarqué que nous ayons jamais cherché à nous venger de cet acharnement qui nous poursuit au-delà du tombeau ? Une seule nuit avec quelques flambeaux, c’en serait assez s’il nous était permis de rendre le mal pour le mal : mais à Dieu ne plaise qu’une religion divine ait recours à des moyens humains pour se venger, ou qu’elle se laisse abattre par les épreuves ! Si au lieu de nous venger sourdement, nous voulions agir en ennemis déclarés, nous ne manquerions ni de forces ni de troupes. Les Maures, les Marcomans, les Parthes même, quelle nation que ce soit, renfermée après tout dans ses limites, est-elle plus nombreuse qu’une nation qui n’en a d’autres que l’univers ? Nous ne sommes que d’hier, et nous remplissons tout, vos villes, vos îles, vos châteaux, vos bourgades, vos conseils, vos camps, vos tribus, vos décuries, le palais, le sénat, le forum : nous ne vous laissons que vos temples.

TERTULIEN
Apologétique ou Défense des chrétiens contre les gentils – chap. 37.
Traduit par GOURCY.

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