Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 4 : La théologie aux IIe et IIIe siècles

Les apôtres avaient parfaitement formulé la doctrine chrétienne. Il n’y avait rien de nouveau à y ajouter. Mais il appartenait aux docteurs des époques suivantes de la défendre contre les attaques des païens, de la maintenir en face des hérésies et de l’expliquer aux fidèles.

1. Les grandes hérésies

1. Le judéo-christianisme. Il continue à sévir aux IIe et IIIe siècles, et même il se précise. Les diverses sectes judéo-chrétiennes niaient la divinité de Jésus-Christ et, enseignaient le salut par les œuvres, en particulier les œuvres rituelles : circoncision, observation du Sabbat.

Les judéo-chrétiens avaient des écrits apocryphes, Evangile des Hébreux, Constitutions apostoliques. Les principaux groupements étaient les Nazaréens, assez modérés, les Ebionites ou Pauvres, plus virulents, et les Elkesaïtes, portés aux spéculations.

2. Le gnosticisme. Le mot gnose veut dire connaissance. Les gnostiques prétendaient connaître les mystères de l’existence. Leur principe fondamental consistait à identifier le bien avec l’esprit, et le mal avec la matière. En conséquence, ils étaient obligés de nier :

a) La création. Un Dieu esprit ne peut créer un monde matériel. Ils admettaient entre Dieu et les hommes une multitude d’éons, esprits intermédiaires, dont l’un, très inférieur, pouvait être le démiurge ou créateur. Aussi n’avaient-ils pas foi en l’autorité de l’Ancien Testament qu’ils considéraient parfois comme l’œuvre du diable.

b) L’incarnation. Un Dieu esprit ne peut devenir chair, Jésus n’est qu’un éon et son corps n’était qu’une apparence (docétisme).

c) La rédemption par le sang. Pour les gnostiques, on est sauvé par la connaissance. Jésus n’est qu’un révélateur. Comme les doctrines gnostiques étaient compliquées, seuls quelques-uns, les spirituels, étaient admis à les connaître. Les autres, les psychiques, ne pouvaient espérer qu’un salut inférieur. Les matériels étaient perdus.

d) La morale chrétienne. Sur ce point les gnostiques se répartissaient en deux classes. Les uns, pour mater la matière mauvaise, se livraient à l’ascétisme ; ils jeûnaient, condamnaient le mariage, etc. Les autres, considérant que la matière importait peu, se livraient aux débordements de la chair (antinomiens).

Il y eut surtout en Egypte, de multiples écoles gnostiques.

Les principales furent celles de Basilide, qui préconisait un ascétisme modéré.

De Valentin qui propagea ses idées jusqu’à Rome.

De Carpocrate qui était antinomien.

Des Ophrites ou Nasseniens qui vénéraient le serpent.

En Syrie, nous pouvons mentionner Bardesane et Tatien, de dernier d’abord disciple de Justin Martyr.

Les gnostiques avaient eux aussi, des écrits apocryphes, comme par exemple, l’Evangile des Egyptiens.

Le plus redoutable des gnostiques fut Marcion, originaire d’Asie Mineure, qui vint s’établir à Rome et se joignit à l’église. Il s’en sépara pour fonder une église rivale, avec un clergé bien organisé, un canon des Ecritures bien délimité qui excluait l’Ancien Testament et une partie du Nouveau Testament. Il gardait Luc, en y faisant des coupures, et dix épîtres de Paul. Il est dualiste : le demiurge ou Dieu mauvais a donné la loi. Le Dieu bon a envoyé Jésus-Christ comme Sauveur. Le demiurge l’a crucifié et a suscité les 12 apôtres. Mais le Dieu bon a inspiré Paul. Marcion pratiquait un ascétisme rigoureux. Le marcionisme a constitué une grave menace pour l’Eglise et s’est maintenu jusqu’au VIe siècle.

Marcion a composé un ouvrage, Antithèses, où il oppose l’Ancien au Nouveau Testament. Cet ouvrage nous est connu par le Contre Marcion de Tertullien.

3. Le montanisme. Cette hérésie a pris naissance en Asie Mineure au second siècle et doit son nom à un prophète Montanus, qui s’identifiait avec le Consolateur. Elle est une réaction violente contre le gnosticisme, et aussi le cléricalisme.

Les montanistes rejettent tout compromis avec la philosophie païenne. Ils acceptent la seule autorité du Saint-Esprit, qui a parlé par les Ecritures et qui parle encore par les prophètes et prophétesses montanistes. Ceux-ci doivent leur vocation, non à une nomination régulière, mais à une inspiration directe. Ils s’appellent spirituels par opposition aux psychiques de l’église officielle. Alors que les gnostiques envisageaient l’histoire comme une longue évolution, les montanistes annoncent le retour immédiat de Jésus et l’établissement d’un millénium assez matériel. Comme les gnostiques se vantaient de leur ascétisme comparé au relâchement qui caractérisait l’église officielle, les montanistes sont des ascètes et des rigoristes. Les secondes noces sont proscrites… Guerre au luxe ! Pas de ménagement pour les chrétiens déchus, ils doivent être exclus à jamais de l’Eglise.

Tertullien a été momentanément montaniste, ensuite il a fondé la secte des tertullianistes.

4. Les antitrinitaires. Parmi eux, les uns sont subordinatiens, c’est-à-dire qu’ils nient la divinité de Jésus et la personnalité du Saint-Esprit. Le plus célèbre d’entre eux est Paul de Samosate, évêque d’Antioche, qui fut destitué par un synode d’évêques, et chassé de sa demeure épiscopale par Aurélien (270-275) à l’instigation des chrétiens orthodoxes.

Un autre subordinatien fut Théodote qui avait renié Christ pendant la persécution, et prétendait n’avoir pas renié Dieu. Il fut excommunié par l’évêque de Rome, Victor, en 190.

D’autres antitrinitaires appelés modalistes envisageaient que le Dieu unique avait été d’abord Père, sous l’ancienne Alliance, puis Fils pendant la vie de Jésus, puis Saint-Esprit, sous la nouvelle Alliance. Le plus célèbre de ces docteurs était Sabellius, qui vivait au IIIe siècle, et d’après lequel cette hérésie a été appelée sabellianisme.

Les premiers modalistes furent Noët, d’Asie Mineure, et Praxéas qui apporta cette doctrine à Rome. On appelait aussi les modalistes patripassiens parce qu’ils disaient que le Père avait souffert à la croix.

2. Théologiens ayant exercé leur ministère en Occident

1. Irénée. Originaire d’Asie mineure, il avait connu Polycarpe. Il succéda à Pothin comme évêque de Lyon à la fin du second siècle. Dans son ouvrage Contre les hérésies écrit en grec, il combat surtout les gnostiques. Il désire ramener les hérétiques et avertir les chrétiens. Il en appelle à l’Ecriture et à la tradition des Eglises apostoliques, en particulier celle de Rome, dans laquelle il voit une chaîne de témoins fidèles, mais sans lui donner la prééminence. Il insiste sur l’unité entre l’Ancien et le Nouveau Testament, sur la réalité de l’incarnation. Le Christ récapitule en sa personne l’humanité pour la réconcilier avec Dieu. Il attache beaucoup d’importance à l’eschatologie.

2. Hippolyte. Comme Irénée, il écrivit en grec. Il entra en conflit avec les évêques de Rome qu’il trouvait trop mous à l’égard du sabellianisme. Pour finir Calliste (217-222) l’excommunia lui et Sabellius, et il fonda une église rivale. Il mourut déporté en Sardaigne, en même temps que son rival l’évêque Pontien (230-235). Il a composé un ouvrage Contre toutes les hérésies (appelé aussi Philosophoumena), ainsi que le premier commentaire biblique connu, sur Daniel.

3. Tertullien. Né à Carthage, au milieu du 2e siècle, il devint juriste ; il se convertit vers l’âge de 40 ans et mit au service de la foi toute la fougue de sa nature passionnée. Avant de devenir lui-même hérétique, il a combattu l’hérésie, en particulier le gnosticisme. Il ne veut pas discuter avec les hérétiques en se basant sur l’Ecriture. Il se borne à les condamner, s’appuyant sur la tradition dans ses Prescriptions contre les hérétiques.

Comme premier écrivain chrétien latin, il a rendu de grands services à l’Eglise, en créant la terminologie théologique latine (Trinité, sacrement, etc.).

Déjà pendant sa période catholique, il se montre très rigoriste en morale, par exemple dans son traité Des spectacles. Il combat le service militaire et les ornements féminins. Devenu montaniste, il attaque vivement les secondes noces et entra en conflit avec l’évêque de Rome Calliste au sujet de la réconciliation des pécheurs. La fin de sa vie est peu connue.

Voici une liste de quelques autres ouvrages de Tertullien : Contre Marcion ; Contre Praxeas, où il affirme la personnalité du Saint-Esprit ; De la chair du Christ ; De l’Âme ; De la fuite dans la persécution ; De la couronne, il réprouve le service militaire à cause de l’idolâtrie qui s’y attache ; Du Baptême ; De la pénitence ; De la pudicité, contre la réintégration des pécheurs dans l’église.

4. Cyprien. Issus d’une bonne famille de Carthage, il se convertit et devint évêque de cette ville au milieu du IIIe siècle. Il était plein d’amour pour les fidèles, mais il savait les maintenir dans l’obéissance. Pour lui, « hors de l’Eglise, il n’y a pas de salut ». L’unité de l’Eglise repose sur l’apôtre Pierre, mais tous les évêques sont les héritiers de son autorité. Il dit que la tradition n’est valable que si elle est d’accord avec l’Ecriture.

Après la persécution sous Décius, il a eu de grosses difficultés avec les Lapsi qui voulaient se faire réintégrer sans pénitence ecclésiastique, grâce à des billets de recommandation des martyrs.

Il entra en conflit avec l’évêque de Rome Etienne Ier au sujet de la validité du baptême des hérétiques. Il croit à la régénération par le baptême, ce qui correspondit à son expérience personnelle, et recommande le baptême des enfants.

La partie la plus intéressante de son œuvre est sa Correspondance, ainsi que l’ouvrage De l’unité de l’Eglise.

Il mourut martyr décapité à Carthage.

Voici encore quelques ouvrages dus à la plume de Cyprien : A Donatus, où il parle de son expérience personnelle ; Au sujet des lapsi ; Exhortation au martyre ; De la peste.

3. Ecole catéchétique d’Alexandrie

1. Origine. On donnait dans toutes les églises une instruction religieuse à ceux qui voulaient se faire baptiser. A Alexandrie, grand centre de philosophie, cet enseignement à donné naissance à une célèbre école, dont le fondateur, Pantène, finit par devenir missionnaire dans ce que l’on appelait alors les Indes c’est-à-dire les régions extérieures à l’Empire romain.

2. Clément d’Alexandrie. Comme Justin, c’est après avoir étudié les philosophes qu’il embrassa le christianisme. Successeur de Pantène, il exerça son activité aux IIe et IIIe siècles. Dans son Discours aux Païens, il défend le christianisme contre les attaques du dehors. Dans son Pédagogue, il initie à la vie chrétienne les catéchumènes : il y présente une morale très détaillée. Enfin il a composé un ouvrage de doctrine, sans ordre, à l’usage des chrétiens déjà avertis, les Stromates (Tapis).

Sa grande érudition et son esprit libéral lui donnent une place importante parmi les docteurs de l’ancienne Eglise. Il est très attaché à l’autorité des Ecritures. Il a bien montré que l’amour de Dieu est la notion centrale du christianisme.

Il distingue deux catégories de chrétiens, les simples fidèles qui en restent à la foi et les parfaits qui ont la connaissance. Ainsi, aux gnostiques hérétiques, il peut opposer des gnostiques orthodoxes.

3. Origène. Son père Léonidas est mort martyr sous Septime Sévère. A 18 ans, en pleine persécution, il a été appelé à remplacer Clément d’Alexandrie dans l’école catéchétique. Il vivait très pauvrement, dormait peu et travaillait sans se lasser. Dans son enseignement, il passait d’abord en revue les sciences profanes, puis la philosophie, pour aboutir à l’étude des Ecritures. Il s’intéressait personnellement à ses élèves. Des foules venaient l’entendre, non seulement parmi les catéchumènes, mais même parmi les chrétiens et aussi les païens. Beaucoup se convertissaient. Après plusieurs années, il fut destitué par l’évêque d’Alexandrie Démétrius, parce qu’il s’était fait consacrer prêtre en Palestine. Il ouvrit une école à Césarée et continua son activité bienfaisante. Sous Décius, il fut mis en prison ; les tortures n’eurent pas raison de sa foi ; mais il ne survécut guère aux mauvais traitements qu’il avait subis.

Il a écrit plus que d’autres ne peuvent lire. Nous avons déjà parlé de son ouvrage Contre Celse. Il a rétabli le texte du Nouveau Testament dans lequel, à son époque, des fautes de copistes s’étaient glissées ; il a fait des commentaires sur toute la Bible, dans lesquels il a posé les bases de l’exégèse. Il a composé plus de mille Homélies. Il entretenait une vaste correspondance.

Son ouvrage Des principes est particulièrement important. C’est le premier grand essai de systématisation de la doctrine chrétienne. La première partie est consacrée à la doctrine de Dieu ; il développe le mystère de la Trinité et de la création, qu’il considère comme éternelle. Dans la seconde partie, il aborde le monde, le péché, l’incarnation et la rédemption. La troisième partie est consacrée au problème de la responsabilité ; Origène défend le libre arbitre contre les déterministes. Enfin, dans la quatrième partie, il établit l’inspiration des Ecritures et donne des règles pour leur interprétation ; les textes bibliques peuvent, selon lui, avoir trois sens, un sens littéral, un sens moral, et un sens allégorique, correspondant aux trois parties de l’être humain : corps, âme et esprit.

Malgré son attachement à l’Ecriture, Origène s’est quelquefois laissé entraîné par la spéculation. Ceci l’a amené à affirmer la préexistence de l’âme humaine, la possibilité d’un salut universel après la mort, et à considérer que le sacrifice de Jésus-Christ était une rançon payée à Satan en échange de la perdition des pécheurs. Il était difficile de ne jamais errer dans un premier ouvrage de dogmatique. Cependant, comme Père de l’introduction à la Bible, de l’exégèse, et de la théologie systématiques, Origène a rendu des services incalculables à l’Eglise de tous les temps.

4. Autres théologiens orientaux. Parmi les disciples d’Origène, il faut mentionner Denys d’Alexandrie, d’abord directeur de l’Ecole catéchétique, puis évêque d’Alexandrie. Dans son désir de spiritualiser l’espérance chrétienne et son aversion pour la doctrine du millénium, il émit des doutes sur l’authenticité de l’Apocalypse. Il se montra très courageux pendant les persécutions de Décius et de Valérien. Il combattit le sabellianisme, mais se montra dans ce conflit trop subordinatien, ce pourquoi il fut repris par Denys de Rome. Il reconnut humblement son erreur.

On peut encore citer Grégoire le Thaumaturge qui fut disciple d’Origène à Césarée. Il favorisa le culte des saints. Pamphile de Césarée continua les travaux d’Origène sur le texte du Nouveau Testament.

Méthodius, évêque de Tyr, attaqua violemment la mémoire d’Origène.

4. Résultats du travail théologique

1. Doctrines universellement admises. Ce sont celles qui sont exprimées dans le symbole des apôtres, formule baptismale de Rome. Irénée a une belle page sur l’unanimité de l’église à proclamer ce message.

2. Doctrines encore flottantes. Certains dogmes, aujourd’hui reconnus dans toute l’Eglise fidèle, n’étaient pas encore bien fixés. Nous avons déjà souligné les idées particulières d’Origène. Certains croyants attendaient un millénium terrestre ; d’autres n’y voyaient qu’une allégorie spirituelle. D’autre part, si certains livres du Nouveau Testament étaient universellement acceptés (Evangiles, Actes, Epîtres de Paul, 1 Pierre, 1 Jean), d’autres étaient encore contestés par quelques chrétiens, rejetés par les uns et acceptés par les autres. Quelques chrétiens désiraient aussi joindre au Nouveau Testament des livres comme le pasteur d’Hermas, la Didaché ou l’épître de Barnabas, qui, fort heureusement, n’y ont finalement pas été admis.

3. Début des erreurs romaines. Déjà à cette époque, on donnait une valeur excessive à la tradition ; on parlait de Marie en termes trop élogieux ; certains docteurs enseignaient même le salut par les œuvres, en particulier les rites ecclésiastiques. Toutes ces erreurs ne sont qu’ébauchées, timidement, et nous ne pourrions rendre les chrétiens des IIe et IIIe siècles responsables des déviations subséquentes. Cependant, nous sommes obligés de constater certaines orientations dangereuses.

La doctrine chrétienne au IIe siècle

L’Eglise donc, disséminée par tout le monde jusqu’aux extrémités de la terre, a reçu des apôtres et de leurs disciples cette foi en un seul Dieu, Père tout-puissant, qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, et en un seul Jésus-Christ, fils de Dieu, incarné pour notre salut, et en l’Esprit Saint qui a annoncé par les prophètes les dispositions de Dieu, la venue, la naissance d’une vierge, la passion, la résurrection des morts et l’ascension corporelle dans les cieux de notre bien aimé Jésus-Christ, notre Seigneur, et sa venue des cieux dans la gloire du Père pour la récapitulation universelle et la résurrection de toute chair de tout le genre humain, afin que devant le Christ Jésus notre Seigneur, notre Dieu, notre Sauveur et notre Roi, conformément au bon plaisir du Père invisible, tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers et que toute langue le loue, et qu’il juge tous les êtres avec équité : les esprits du mal et les anges rebelles, les hommes tombés dans l’apostasie, les impies, les injustes, les iniques, les blasphémateurs, qu’il les envoie au feu éternel ; mais les justes, les saints et ceux qui obéissent à ses préceptes et qui persévèrent dans son amour, soit depuis le début, soit depuis leur conversion, il leur donnera en grâce la vie, leur conférera l’incorruptibilité et les entourera d’une gloire éternelle.

Cette prédication qu’elle a reçue, et cette foi, comme nous l’avons dit plus haut, l’Eglise bien que disséminée dans le monde entier les garde avec diligence, comme si elle habitait une seule maison : et de même elle croit à toutes ces choses comme si elle n’avait qu’une âme et un cœur, et elle les prêche, les enseigne et les transmet d’une seule voix, comme si elle ne possédait qu’une seule bouche. Si les langues que l’on parle dans le monde sont diverses, la force de la tradition est une et toujours la même. Ni les églises qui ont été établies en Germanie n’ont d’autre foi ou d’autre tradition, ni celles qui sont chez les Ibères, ni celles qui sont chez les Celtes, ni celles qui sont en Orient, en Egypte, en Libye, ni celles qui sont au milieu du monde. Mais de même qu’il n’y a dans tout le monde qu’un seul et même soleil, créé par Dieu, de même la prédication de la vérité brille partout et illumine tous les hommes qui veulent parvenir à la connaissance de la vérité. Et ni celui qui excelle en discours ne dit autre chose que cela, car personne n’est au-dessus du maître ; ni celui qui est faible en paroles ne minimise la tradition. Car de même qu’il n’y a qu’une seule et même foi, celui qui peut en parler beaucoup ne l’augmente pas et celui qui en dit moins ne la diminue pas.

IRÉNÉE
Contre les hérésies.
Livre I, chap. 10.1, 2.
Traduit par A. GARREAU.

Ecriture et tradition

D’ailleurs la dispute sur les Ecritures n’est bonne qu’à épuiser la tête et les poumons.

… Il ne faut donc pas en appeler aux Ecritures ni hasarder un combat où la victoire sera toujours incertaine, du moins le paraîtra. Mais quand même ce ne serait point là l’issue de toutes les disputes sur l’Ecriture, l’ordre des choses demanderait encore qu’on commençât par examiner ce qui va nous occuper : à qui appartiennent les Ecritures et la foi, de qui est-elle émanée, par qui, quand, et à qui a été donnée la doctrine qui fait les chrétiens ? Car où nous verrons la vraie foi, la vraie doctrine du christianisme, là indubitablement se trouvent aussi les vraies Ecritures, les vraies interprétations, les vraies traditions chrétiennes.

… Les apôtres établirent des Eglises, d’abord dans la Judée ; ensuite s’étant partagé l’univers, ils annoncèrent la même foi et la même doctrine aux nations, et fondèrent des Eglises dans les villes. C’est de ces Eglises que les autres ont emprunté la semence de la doctrine, et qu’elles l’empruntent encore tous les jours, à mesure qu’elles se forment.

… Mais qu’ont prêché les apôtres, c’est-à-dire que leur a révélé Jésus-Christ ? Je prétends, fondé sur la même prescription, qu’on ne peut le savoir que pas les Eglises que les apôtres ont fondées, et qu’ils ont instruites de vive voix, et ensuite par leurs lettres. Si cela est, il est incontestable que toute doctrine qui s’accorde avec la doctrine de ces Eglises apostoliques et matrices, aussi anciennes que la foi est véritable, puisque c’est celle que les Eglises ont reçue des apôtres, les apôtres de Jésus-Christ, Jésus-Christ de Dieu ; et que toute autre doctrine par conséquent ne peut être que fausse, puisqu’elle est opposée à la vérité des Eglises, des apôtres, de Jésus-Christ et de Dieu.

TERTULLIEN
Les Prescriptions contre les Hérétiques.
Chap. 16, 19, 20, 21.
Traduit par GOURCY.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant