Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 5 : La formation du catholicisme primitif

1. Renforcement de l’organisation

1. La notion d’Eglise catholique. Le mot catholique, qui veut dire universel, est appliqué pour la première fois à l’Eglise dans une lettre d’Ignace (aux Smyrniotes 8.2). Il tend, de plus en plus, à désigner les fidèles qui sont restés dans la vérité et qui se trouvent dans tout l’Empire romain et au-delà, par opposition aux hérétiques et aux schismatiques qui en général sont limités à une région géographique.

Dès le IIe siècle, des questions d’ordre général amènent la convocation de conciles provinciaux. Ainsi le montanisme et plus tard l’hérésie de Paul de Samosate furent condamnés par des conciles qui groupaient plusieurs évêques.

2. Recul des ministères charismatiques. Encore pratiqués à la fin du Ier siècle, et attestés dans la Didaché, ces ministères perdent de leur importance. La tentative faite par Montanus de les revaloriser n’aboutit qu’à les discréditer tout à fait dans l’Eglise officielle.

3. L’épiscopat. Le mot évêque ou surveillant, au temps du Nouveau Testament, était synonyme d’ancien. C’est encore le cas chez Clément de Rome et dans la Didaché. Avec Ignace, la hiérarchie à trois étapes s’établit. L’évêque devient le pasteur unique de l’Eglise locale, et même il se trouve à la tête de plusieurs paroisses qui forment un diocèse. Les anciens (ou presbytres) tendent à devenir des prêtres. Les diacres occupent le troisième rang. Les Eglises anciennes étaient fières d’avoir une série ininterrompue d’évêques qui remontaient au temps des apôtres (succession apostolique).

L’ignorance des fidèles et leur nombre grandissant, la nécessité de prendre des mesures rapides en temps de persécution, la lutte contre les hérésies qui demandaient une connaissance avertie de la vérité, certains excès du montanisme, et, il faut le dire, les qualités personnelles de plusieurs évêques ont favorisé le développement de ce régime épiscopal.

4. Les ordres mineurs. Certains laïques avaient une part active au culte ; les lecteurs, chargés des livres saints, les exorcistes qui imposaient les mains aux candidats au baptême pour en chasser le démon ; les portiers chargés de la discipline du culte, les chantres et les acolythes.

2. Prétentions de l’évêque de Rome

1. Les débuts. En écrivant aux Corinthiens, Clément de Rome n’assumait pas plus d’autorité papale qu’Ignace en écrivant à diverses églises d’Asie Mineure.

Irénée recommandait l’accord avec Rome, mais uniquement parce que la tradition apostolique s’y est maintenue.

Le titre même de pape ne distinguait pas l’évêque de Rome, car d’autres pouvaient le recevoir.

C’est à la fin du IIe et au IIIe siècle que les prétentions romaines se font jour.

2. La controverse pascale. Victor (189-199) menaça d’excommunier les églises d’Asie Mineure, parce qu’elles célébraient Pâques le 14 nisan, et non le 1er dimanche après la pleine lune du printemps. Irénée intervint et Victor usa de modération. Peu à peu l’usage occidental prévalut.

Irénée fit valoir qu’un demi-siècle auparavant, Polycarpe et l’évêque Anicet (155-166) de Rome avaient communié ensemble malgré cette divergence.

3. Le baptême des hérétiques. Etienne 1er (254-257) entra en conflit avec Cyprien, parce que ce dernier rebaptisait les hérétiques, ce qui était contraire à l’usage romain. Cyprien qui tenait à ses pratiques pour raison doctrinale et qui n’admettait pas qu’un évêque empiète sur le domaine d’un autre, serait probablement tombé dans le schisme, si Etienne n’était pas mort. Son successeur (Sixte II, 257-258) se montra plus coulant et le conflit s’apaisa. Dans la suite, l’usage romain finit par s’imposer.

L’évêque au début du IIe siècle

Suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ suit son Père, et le presbytérium comme les apôtres ; quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne ne fasse, en dehors de l’évêque, rien de ce qui regarde l’Eglise. Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l’évêque ou de celui qu’il en aura chargé. Là où paraît l’évêque que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Eglise catholique. Il n’est permis en dehors de l’évêque ni de baptiser ni de faire l’agape, mais tout ce qu’il approuve, cela est agréable à Dieu aussi. Ainsi tout ce qui se fait sera sûr et légitime.

IGNACE
Lettre aux Smyrniotes. – Chap. 8.
Traduit par P.T. CAMELOT.

Hors de l’Eglise pas de salut.

… L’épiscopat est un, et chaque évêque en possède solidairement une portion. L’Eglise de même est une, et elle se répand par sa fécondité et plusieurs personnes… Elle étend ses branches par tout le monde, et fait couler ses ruisseaux de tous côtés ; et néanmoins c’est un seul tronc, une seule origine et une seule mère extrêmement féconde et abondante. C’est elle qui nous a fait naître, qui nous nourrit de son lait, et qui nous anime de son esprit. L’épouse de Jésus-Christ ne peut pas être corrompue, car elle est chaste et incorruptible… Quiconque se sépare de l’Eglise et s’unit à un adultère, n’a point de part aux promesses qui lui ont été faites. Celui qui abandonne l’Eglise de Jésus-Christ ne recevra jamais les récompenses de Jésus-Christ. C’est un étranger, c’est un profane, c’est un ennemi. Celui-là ne peut avoir Dieu pour Père, qui n’a point d’Eglise pour mère. Si quelqu’un s’est pu sauver hors de l’arche de Noé, on se peut sauver aussi hors de l’Eglise. Notre Seigneur dit : « Celui qui n’est point avec moi, est contre moi, et celui qui ne recueille point avec moi, dissipe. » Celui qui rompt la paix et la concorde de Jésus-Christ, dissipe l’Eglise du Seigneur… Ce sacrement de l’unité, ce lien indissoluble de la concorde, est marqué dans l’Evangile, lorsque la robe de Jésus-Christ n’y est point divisée, mais tirée au sort et possédée tout entière par un seul.

CYPRIEN
de l’Unité de l’Eglise
Traduit par LAMBERT.

La tradition conservée à Rome

Or la tradition des apôtres, qui est manifestée dans tout le monde peut être considérée dans toute église par tous ceux qui veulent voir les choses vraies. En nous pouvons énumérer ceux qui ont été institués évêques par les apôtres, dans les églises, et leurs successions jusqu’à nous : ils n’ont rien enseigné ni connu de ces divagations hérétiques.

Mais comme il serait très long dans un tel volume d’énumérer les successions de toutes les églises, nous parlerons de l’église très grande, très connue et très antique parmi toutes, fondée et constituée par les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul à Rome, de celle qui a la tradition des apôtres et la foi annoncée aux hommes, parvenue à nous par des successions d’évêques et nous confondrons tous ceux qui d’une manière quelconque, soit par outrecuidance, soit par vaine gloire, soit par aveuglement et jugement faux se rassemblent inopportunément ailleurs.

C’est avec cette église, à cause de sa principauté plus forte qu’il est nécessaire que s’accorde toute église, c’est-à-dire ceux qui sont des fidèles de partout, elle en qui toujours, par ceux qui viennent de partout, a été conservée cette tradition tenue des apôtres.

IRÉNÉE
Contre les hérésies. – Livre 3.
Traduit par Albert GARREAU.

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