Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre premier : L’Eglise et les empereurs romains

1. Constantin-le-Grand (305-337). Fils d’un collègue de Dioclétien, il fut d’abord César des Gaules, et tâcha d’y limiter les méfaits de la persécution contre les chrétiens. A la veille de la bataille au Pont Vilnius contre un usurpateur, il eut une vision de la croix accompagnée d’un ordre : « Remporte la victoire par ce signe ». Dès lors il prit le labarum comme emblème. Devenu maître de tout l’Occident, il promulgua avec l’empereur d’Orient Licinius en 313 peut-être d’abord à Milan, ensuite à Nicomédie, un édit de tolérance pour les chrétiens. Tout en gardant son titre païen de souverain pontife, il favorisa le christianisme, surtout lorsqu’après sa victoire sur Licinius il devint seul empereur. Il rendit obligatoire le chômage du dimanche, donna le droit de propriété aux Eglises, reconnut l’autorité des tribunaux ecclésiastiques et restreignit certains usages païens. Cependant il ne se fit baptiser que peu avant sa mort par Eusèbe de Nicomédie.

Ses fils, qui avaient été élevés dans la foi chrétienne, interdirent de sacrifier aux idoles, puis ordonnèrent de fermer les temples païens.

Des trois frères, Constantin II régna peu de temps (337-340). Constant le plus capable, domina sur l’Occident (337-350), Constance (337-361) après avoir d’abord régné sur l’Orient, finit par devenir seul empereur.

2. Julien l’’Apostat (361-363), neveu de Constantin, renia l’éducation chrétienne qu’il avait reçue, abolit les privilèges dont les chrétiens jouissaient, et tenta de rétablir le paganisme. Il n’y eut pas de persécution officielle, mais bien quelques violences locales. Le règne de Julien fut court et ses efforts vains. Il mourut, dit-on, en s’écriant : « Galiléen, tu as vaincu. »

3. Théodose. Les successeurs de Julien se hâtèrent de rétablir le christianisme. A la fin du IVe siècle, l’empereur Théodose (379-395) interdit le culte païen, assimila les sacrifices et la divination au crime de lèse-majesté, et toléra que les moines fanatiques détruisissent les temples. Le paganisme se réfugia dans les campagnes reculées. (Le mot païen, paganus, veut dire paysan). En même temps, Théodose cherchait à combattre l’hérésie. Son respect pour l’Eglise se manifesta surtout par l’humilité avec laquelle, après l’injuste massacre de Thessalonique, il se soumit à la pénitence que lui imposa l’évêque Ambroise de Milan. La lettre que ce dernier lui écrivit est un modèle de fermeté, de prudence et de douceur.

L’union de l’Eglise avec l’Etat fut un bien pour la société. L’immoralité diminua. Mais l’Eglise se mondanisa, au désespoir des âmes pieuses.

Il est affligeant de constater que si peu de temps après avoir été persécutés, les chrétiens sont devenus à leur tour persécuteurs. C’est ainsi qu’une femme de distinction, Hypatie, professeur de philosophie païenne, fut sauvagement maltraitée et tuée par des moines d’Alexandrie. En Gaule, Martin de Tours († 397) tâchait au contraire de gagner les païens par la douceur. Originaire de Hongrie, il se rendit en Gaule en qualité de soldat. Sa vocation date d’un acte de charité qu’il accomplit en coupant son manteau pour en donner la moitié à un mendiant d’Amiens. A la suite d’une vision qu’il eut la nuit suivante, il se fit baptiser, renonça au métier des armes, et après avoir fréquenté quelque temps Hilaire de Poitiers, il fut élu évêque de Tours. Il parcourait inlassablement tout le pays pour détruire les temples païens et pour instruire les populations. Il se faisait aussi le défenseur des pauvres et des opprimés.

4. Les Eglises en dehors de l’empire romain. L’Arménie fut évangélisée par Grégoire l’Illuminateur à la fin du troisième siècle. Le souverain lui-même se convertit et voulut imposer le christianisme par la loi. Après une réaction païenne, vers 400 le premier ministre Miesrob se convertit et traduisit la Bible en arménien. L’attachement à l’Ecriture permit à l’église arménienne de subsister jusqu’à nos jours malgré la pression de l’Islam.

En Perse, des Eglises furent fondées dès le IIIe siècle ; elles eurent à subir des persécutions de la part des Mazdéens.

En Ethiopie, dès le IVe siècle, des Eglises se constituent sous l’égide de l’évêque d’Alexandrie.

Les Goths furent évangélisés par l’évêque arien Ulphilas au IVe siècle. Il traduisit la Bible en gothique.

Edit de Nicomédie.

Lorsque moi, Constantin Auguste, et moi Licinius Auguste, nous sommes venus sous d’heureux auspices à Milan et que nous y recherchions tout ce qui importait à l’avantage et au bien publics, parmi les autres choses qui nous paraissaient devoir être utiles à tous à beaucoup d’égards, nous avons décidé, en premier lieu et avant tout, de donner des ordres de manière à assurer le respect et l’honneur de la divinité, c’est-à-dire nous avons décidé d’accorder aux chrétiens et à tous les autres le libre choix de suivre la religion qu’ils voudraient, de telle sorte que ce qu’il peut y avoir de divinité et de pouvoir céleste puisse nous être bienveillant, à nous et à tous ceux qui vivent sous notre autorité.

Et, en outre, voici ce que nous décidons en ce qui regarde les chrétiens. Leurs locaux, où ils avaient coutume de s’assembler auparavant, si des gens paraissent les avoir achetés, soit à notre fisc, soit à quelque autre, qu’ils les restituent auxdits chrétiens sans paiement et sans réclamer aucune compensation, toute négligence et équivoque étant mise de côté. Et si certains ont reçu ces locaux en présent, qu’ils les restituent au plus vite auxdits chrétiens. Ainsi si les acquéreurs de ces dits locaux ou ceux qui les ont reçus en présent réclament quelque chose à notre bienveillance, qu’ils se présentent au tribunal du magistrat local, afin que, par notre générosité, une compensation leur soit accordée. Tous ces biens devront être rendus au corps des chrétiens par les soins sans aucun retard et intégralement.

Et, afin que les termes de notre présente loi et notre générosité puissent être portés à la connaissance de tous, il est convenable que ce que nous avons écrit soit affiché par ton ordre, soit publié partout et parvienne à la connaissance de tous, de telle sorte que la loi due à notre générosité ne puisse échapper à personne.

EUSÈBE DE CÉSARÉE
Histoire Ecclésiastique
Livre 10, chap. 5.
traduit par Gustave BARDY.

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