Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 2 : La controverse arienne

1. Origine. Arius était prêtre d’Alexandrie, qui niait la divinité de Jésus-Christ, en particulier sa préexistence éternelle. Il le considérait comme le premier être créé. Il fut déposé par son évêque, Alexandre, mais trouva des appuis chez d’autres évêques, en particulier Eusèbe de Nicomédie qui était très en faveur à la cour. L’Eglise d’Orient était donc divisée.

2. Concile de Nicée. Pour rétablir la paix, Constantin convoqua un concile à Nicée en 325. Deux cent cinquante à trois cents évêques y prirent part, en grande majorité orientaux. Cependant Osius de Cordoue y joua un rôle important, ainsi qu’un jeune diacre d’Alexandrie, Athanase. Une formule équivoque fut proposée par Eusèbe de Césarée, qui appartenait à la majorité désireuse d’un compromis. Mais la minorité orthodoxe fit savoir qu’ainsi la question ne serait pas réglée. En conséquence le concile adopta le symbole de Nicée qui proclame la divinité et la préexistence éternelle du Fils, engendré et non créé, consubstantiel (homoousios) au Père, et qui prononce l’anathème sur les ariens. Les deux évêques qui refusèrent de signer cette formule et Arius lui-même furent exilés.

Eusèbe de Nicomédie qui avait signé la formule, mais qui retira ensuite sa signature, fut banni, lui aussi, pendant quelque temps.

3. La lutte. Mais les ariens ne se tinrent pas pour battus. Ils s’unirent aux membres du parti du centre qui avaient signé le symbole de Nicée sans grande conviction, et à qui le terme de consubstantiel surtout ne plaisait guère. Ils se rendirent compte que le principal adversaire à combattre était Athanase, devenu peu après le concile évêque d’Alexandrie (328-373). Ils le destituèrent au concile de Tyr sous des prétextes ignobles et le discréditèrent dans l’esprit de Constantin qui le bannit à Trèves. Arius fut rappelé, mais mourut la veille du jour où il devait être solennellement réintégré dans l’Eglise, à Constantinople.

L’avènement des fils de Constantin fut marqué par une amnistie générale, grâce à laquelle Athanase revint à Alexandrie. Mais Constantin qui régnait en Orient était très favorable aux ariens. Athanase fut de nouveau destitué, sous prétexte qu’il n’avait pas été réinstallé par l’autorité ecclésiastique, et dut se réfugier à Rome où il jouissait de fortes sympathies.

Un évêque arien, Grégoire de Cappadoce, occupa le siège d’Alexandrie et se livra à des telles violences qu’il finit par être assassiné par la populace. Les évêques orientaux, réunis en concile à Antioche, proposèrent aux occidentaux diverses formules ambigües que ceux-ci repoussèrent. Pour éviter le schisme, les empereurs convoquèrent en 343 un concile à Sardique, où quatre-vingt-dix occidentaux et quatre-vingts orientaux se présentèrent. Mais la plupart des orientaux quittèrent le concile parce qu’Athanase y siégeait, et les occidentaux réaffirmèrent le symbole de Nicée. Par crainte de son frère Constant, Constance permit qu’Athanase retourne à Alexandrie (346).

Devenu seul empereur, Constance reprit la lutte contre l’orthodoxie. Au concile de Milan, il fit condamner Athanase par les évêques occidentaux. Ceux qui refusèrent, Libère de Rome, Osius de Cordoue, Hilaire de Poitiers furent exilés. Athanase fut chassé d’Alexandrie par la troupe et remplacé par un évêque arien.

Celui-ci nommé Georges, se discrédita par des violences inouïes. Athanase se réfugia auprès des moines de Haute-Egypte, ses amis.

Au concile de Sirmium, même Libère de Rome et Osius de Cordoue consentirent à condamner Athanase et à signer une formule qui, sans être hérétique prêtait à confusion, moyennant quoi tous deux purent rentrer de l’exil.

Par voie de compensation, le concile condamnait quelques ariens notoires. Hilaire de Poitiers resta ferme dans son orthodoxie.

D’ailleurs les adversaires de la formule de Nicée étaient loin d’être d’accord entre eux. A côté des ariens qui prétendaient que le Fils était dissemblable (anomoïos) du Père, il y avait les semi-ariens qui le déclaraient semblable (homoïos) ou encore de substance semblable (homoïousios). Ces derniers, après leur victoire à Sirmium, furent rapidement effrayés des progrès réalisés par les ariens.

Aussi beaucoup d’entre eux se rallièrent à l’orthodoxie quand Athanase leur en donna l’occasion. Julien l’Apostat avait permis à tous les proscrits de rentrer chez eux. Au concile d’Alexandrie, Athanase tendit la main à tous ceux qui signeraient le symbole de Nicée quelle qu’ait été leur attitude auparavant.

Certains orthodoxes intransigeants, comme Lucifer de Cagliari, trouvèrent cette mesure trop clémente, et firent schisme à ce moment. Julien l’Apostat de son côté, effrayé du regroupement des forces chrétiennes, bannit Athanase qui se retira en Haute-Egypte, mais revint après la mort de Julien.

4. Triomphe de l’orthodoxie. Cependant, une nouvelle génération de théologiens se levait, guidée par les Cappadociens, Basile-le-Grand, Grégoire de Naziance et Grégoire de Nysse. Ils acceptaient sans réserve le symbole de Nicée, et tout en maintenant l’unité de la substance divine, soulignaient la distinction des Personnes. Côte à côte avec Athanase, ils combattirent aussi efficacement ceux qui niaient la divinité du Saint Esprit. L’empereur Valens (364-378) qui était arien, persécuta encore les orthodoxes ; mais ses violences achevèrent de déconsidérer son parti.

Athanase fut frappé pour la cinquième fois de l’exil, mais le désordre devint tel à Alexandrie, que Valens lui permit de revenir. Par des menaces, il obtint plusieurs défections dans les rangs orthodoxes, mais ne vint pas à bout de la fermeté de Basile-le-Grand. On appelait pneumatomaques ceux qui niaient la divinité du Saint-Esprit.

Quand Valens mourut, Théodose devint empereur en Orient (379-395). Dès le début, il favorisa ouvertement l’orthodoxie. Il convoqua en 381 le concile de Constantinople, où seuls ceux qui acceptaient le symbole de Nicée furent admis. Le concile compléta la formule par une clause qui proclamait la divinité du Saint-Esprit.

L’arianisme disparut de l’empire romain. Mais dans l’intervalle, l’évêque Ulphilas l’avait introduit chez les Goths, et pendant plusieurs siècles il devait se maintenir de ce fait parmi les Germains.

Symbole de Nicée-Constantinople.

Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles.

Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père et par qui tout a été fait ; qui, pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux et s’est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme. Il a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, il a souffert et il a été enseveli ; il est ressuscité des morts le troisième jour, d’après les Ecritures ; il est monté aux cieux ; il siège à la droite du Père. De là, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts et son Règne n’aura pas de fin.

Nous croyons en l’Esprit-Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père (et du Fils), qui a parlé par les Prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est adoré et glorifié ; nous croyons une seule Eglise, universelle et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés ; nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen.

Cruautés de l’évêque Georges de Cappadoce à Alexandrie.

Il était nuit ; le peuple était dans l’église pour y attendre la fête du lendemain. Le chef militaire Syrianus apparut tout à coup avec des soldats, au nombre de plus de cinq mille, ayant des épées nues, des arcs, des flèches, des lances. Il fit intervenir l’église. Ne voulant pas abandonner le peuple dans cette cruelle conjoncture, et jugeant que mon devoir était de m’exposer le premier au péril, j’ordonnai au diacre de lire le psaume : la miséricorde de Dieu demeure éternellement. J’invitai le peuple à y répondre, après quoi je lui demandai de se retirer chacun dans sa maison…

Lorsque la plus grande partie du peuple fut hors de l’église, je sortis sous la conduite du Seigneur, et j’échappai sans être reconnu, glorifiant Dieu de ce que je n’avais pas abandonné mon peuple, et de ce que, l’ayant mis d’abord en sûreté, j’avais pu être sauvé moi-même, et me dérober aux mains qui me poursuivaient… Dans la semaine après la Pentecôte, le peuple s’était assemblé au cimetière pour faire ses dévotions, ne voulant avoir aucune communion avec Georges. Celui-ci l’ayant appris, anima contre eux Sébastien. Il fit allumer un grand feu, auprès duquel il fit placer de saintes vierges ; et il voulut les contraindre à déclarer qu’elles suivaient la foi d’Arius. Les ayant trouvées inébranlables dans leur fidélité aux saines doctrines, et insensibles au feu dont il les menaçait, il les fit dépouiller et battre au visage de telle sorte qu’elles en furent toutes défigurées et longtemps méconnaissables. Il traita avec non moins de barbarie des hommes, au nombre de quarante, qu’il fit déchirer avec des branches de palmier fraîchement cueillies, hérissées de leurs pointes qui entraient si profondément dans la chair, que plusieurs moururent, soit par le supplice même, soit par les suites de l’opération qu’il leur fallut subir.

ATHANASE
Apologie de sa fuite.
Traduction de GONTHIER.

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