Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 6 : Gouvernement ecclésiastique et clergé

1. La notion d’Eglise. Déjà au IIIe siècle, on avait insisté sur l’unité de l’Eglise visible dirigée par ses évêques. Cette notion s’accentue au IVe. L’unité administrative est réalisée. L’Eglise est considérée comme seule dépositaire des moyens de grâce qui régénèrent et sanctifient. Elle est appelée catholique en tant que répandue dans tous les pays. Elle est en possession des traditions apostoliques. Grâce à la paix intérieure et extérieure, on peut facilement convoquer des conciles, où les évêques réunis prennent, en matière de foi et de discipline, des décisions valables pour toute une région et même au-delà. Quatre conciles (Nicée 325, Constantinople 381, Ephèse 431, Chalcédoine 451) ont été appelé œcuméniques, et leurs décisions furent considérées comme infaillibles. Ils sont la manifestation visible de l’autorité ecclésiastique.

2. Séparation entre clergé et laïques. Les IVe et Ve siècles voient se creuser cette séparation, déjà trop semblable au IIIe. L’on ne pouvait confier aux immenses foules mal affermies de responsabilité dans l’Eglise, et il était nécessaire de les diriger d’une main ferme.

Une place spéciale est réservée aux ecclésiastiques dans le lieu de culte. Ils commencent à porter un vêtement spécial, même en dehors de l’exercice de leurs fonctions. La tonsure s’introduit. Le célibat, sans être imposé, leur est recommandé. D’autre part le clergé se mondanise, malgré les actes des conciles, qui donnent des règles de plus en plus précises à son sujet.

3. Développement hiérarchique. La puissance des évêques ne s’accroît pas beaucoup. Même avec l’afflux des nouveaux convertis et la généralisation du baptême des enfants, l’administration des sacrements incombe de plus en plus aux simples prêtres. La confirmation et l’ordination restent du ressort des évêques qui ont pleine autorité pour nommer, déplacer ou révoquer les prêtres et diacres de leur diocèse. Ajoutons que certains évêques ont beaucoup accru l’importance de leur rôle par leurs qualités personnelles. Qu’on pense par exemple à Athanase, Basile-le-Grand, Grégoire de Naziance, Chrysostome, Cyrille en Orient, à Martin de Tours, Ambroise et Augustin en Occident.

Les évêques des grandes villes (ou métropoles), appelés métropolitains, s’arrogent le droit de confirmer dans leurs fonctions les évêques de leur région, bien que l’élection se fasse encore souvent par acclamation populaire.

Les métropolitains les plus en vue entrèrent en contestation les uns avec les autres pour porter le titre de patriarche. Pour finir, ce dernier fut réservé, par le concile de Chalcédoine, aux évêques de Rome, de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem. Le même concile stipula que « le siège de la nouvelle Rome devait jouir des mêmes privilèges que celui de l’ancienne ». Le pape refusa d’enregistrer ce dernier canon.

4. Essor de la papauté. Plusieurs circonstances ont favorisé l’accroissement du pouvoir exercé par les évêques de Rome au cours de cette période. D’abord, contrairement à leurs collègues orientaux, ils n’avaient pas de concurrent en Occident. Ensuite ils étaient souvent pris comme arbitres dans les conflits qui opposaient les patriarches de Constantinople, d’Alexandrie et d’Antioche. Les injustices notoires commises par certains conciles provinciaux firent que souvent l’on en appela de leur autorité à celle de Rome. Enfin les papes ont su se garder d’hérésie criantes, si bien que leur siège apparaissait comme le rempart de l’orthodoxie. Dès cette époque, ils monopoliseront le titre de papes, qui autrefois était donné à tout dignitaire ecclésiastique important.

Voici quelques jalons de la marche ascendante de la papauté.

Sous Jules Ier (337-352), le concile de Sardique (343) décida qu’un évêque condamné par un concile pouvait s’adresser au pape, lequel jugeait s’il y avait lieu de réexaminer le cas et désignait à cet effet des arbitres.

Pendant le pontificat de Damase Ier (366-384), l’empereur Gratien (375-383) enjoignit en 378 aux autorités civiles de tout l’Occident de faire comparaître à Rome le évêques rebelles à une décision synodale.

Sirice (384-399) fut le premier à communiquer ses avis aux autres évêques sous forme de décrétales.

Léon Ier, le Grand (440-461) a été le promoteur le plus averti de l’autorité papale. Il a fait triompher l’orthodoxie au concile de Chalcédoine. Il a, en revanche, refusé d’accepter un canon de ce concile qui proclamait l’égalité entre les patriarches de Rome et de Constantinople. Il se disait le successeur de Pierre et semble être le premier à vouloir monopoliser au profit de l’évêque de Rome les promesses faites par Jésus à l’apôtre (Matthieu 16.18-20). Sous son pontificat l’on a falsifié le 6e canon de Nicée en ajoutant ces mots : « Rome a toujours eu la primauté ». Son intervention auprès d’Attila, roi des Huns, qu’il amena à rebrousser chemin, le fit apparaître comme le principal personnage politique de l’Italie. Il a été surnommé avec raisons « le premier pape ».

Il est possible que déjà Calliste et Etienne au IIIe siècle aient lancé l’interprétation romaine de Matthieu 16.18-20. Nous pouvons aussi signaler en passant le conflit entre Léon-le-Grand et l’évêque Hilaire d’Arles qui revendiquait, comme primat des Gaules, une autorité particulière.

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