Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 7 : Débuts du monachisme

Le mot moine dérive du grec monachos, qui signifie solitaire.

1. Anachorètes. On donna ce nom ou celui d’ermite à ceux qui se retiraient dans une solitude complète. Quelques chrétiens avaient donné l’exemple, pour fuir la persécution de Décius. L’Egyptien Antoine chercha la solitude, non pour sa sécurité, mais pour obéir à l’ordre donné par Jésus au jeune homme riche. Il vendit ses biens, et tout seul, se livra à de terribles austérités pour résister aux tentations qui l’assaillaient. D’autres imitèrent son exemple. Il mourut à 105 ans. Athanase, à qui son orthodoxie le rendait sympathique, raconta sa vie.

Certains anachorètes au 5e se retirèrent au haut d’une colonne. On les appela stylites. Le plus célèbre fut Siméon, qui pratiqua cette existence pendant 37 ans. On venait de loin pour le consulter et de nombreux miracles lui étaient attribués.

2. Cénobites. Les chutes graves de certains anachorètes discréditèrent ce genre de monachisme. Pachôme eut l’idée de réunir plusieurs moines dans une même maison. Cette vie commune, qui leur valu le nom de cénobites, devait leur faciliter la pratique de la sainteté. Le premier monastère fut fondé sur la rive du Nil, à Tabenne. Le chef avait le titre de père, Abbas, d’où notre mot abbé. Pachôme imposa aux cénobites certaines règles. Les repas étaient pris en commun et l’emploi du temps fixé d’avance. D’autres couvents se fondèrent comme autant de succursales de la maison mère. Marie, la sœur de Pachôme, fonda un couvent de nonnes…

Basile le Grand a favorisé le monachisme ; alors que les premiers moines étaient parfois méprisants envers l’Eglise officielle jugée trop mondaine, et qu’ils étaient considérés avec suspicion par les évêques, Basile a su canaliser le mouvement au sein de l’Eglise. Il préconisait de petites communautés de moines, et non d’immenses couvents comme ceux des Tabennites. Il composa des règles qui sont encore en usage en Orient. Les moines basiliens passaient par un noviciat et prêtaient, avant d’être admis, des vœux de pauvreté, de chasteté et de résidence au monastère. Ce vœu n’était d’ailleurs pas perpétuel. Ils avaient la tête rasée en signe d’esclavage. Ils pratiquaient entre eux la confession de leurs péchés et contribuèrent à généraliser cet usage dans l’Eglise. Ils n’étaient pas considérés comme membres du clergé, mais les ecclésiastiques se sont souvent recrutés parmi eux.

3. Premiers mouvements monastiques en Occident. Le monachisme s’est développé plus tardivement en Occident. Cependant, dès le IVe siècle, Ambroise groupa des ascètes à Milan, Jérôme à Bethléem. Martin de Tours fonda un monastère à Liguré, puis un autre à Marmoutiers, destinés à répandre l’Evangile parmi le peuple. Au Ve siècle, Augustin favorisa le mouvement Honorat, évêque d’Arles, fonda le monastère de Lérins, remarquable par l’érudition de ses moines.

4. Appréciation. L’idéal monacal est en contradiction avec le désir de Jésus de ne pas voir les siens quitter le monde (Jean 17.15). Ce qui s’y manifeste trop souvent, c’est le désir humain de faire son salut par des austérités. Il y a également un triste indice de la mondanité qui s’était infiltrée dans l’Eglise, puisque tant d’âmes pieuses ne voyaient que dans cette évasion la possibilité de vivre saintement. Cependant, beaucoup de moines de ce temps étaient vraiment sincères, et se sont montrés, à leur façon, de fidèles témoins de l’Evangile.

Les joies de la solitude à Bethléem.

Mais pour revenir à notre petit bourg de Bethléem et à la demeure de Marie (car on se fait un plaisir de louer ce qu’on possède), quelle idée assez grande puis-je vous inspirer de cet endroit où le Sauveur du monde est né, et de cette crèche où il jeta ses premiers cris ? Il vaut mieux ne rien dire d’un lieu si saint, que de n’en point dire assez. Où sont ces vastes galeries, ces lambris dorés, ces maisons magnifiques qui ne sont ornées, pour ainsi dire, que des sueurs de malheureux et des travaux des criminels ? Où sont ces superbes palais que des citoyens bâtissent, pour procurer à une créature méprisable le plaisir de se promener dans des appartements richement meublés et d’en considérer la beauté plutôt que celle du ciel ; comme sur le firmament n’était pas le plus agréable de tous les objets et le plus digne d’attirer nos regards ? C’est à Bethléem, c’est dans ce petit coin de la terre que le Créateur du ciel a voulu naître ; c’est là qu’il a été enveloppé de langes ; c’est là que les bergers l’ont vu, que l’étoile l’a fait connaître, que les mages l’ont adoré. Peut-on douter que ce lieu, tout petit qu’il est, ne soit plus saint que le mont Tarpéin, qui n’a été si souvent frappé de la foudre que parce que Dieu l’avait en aversion ? Il est vrai que l’Eglise de Rome est sainte, qu’on y voit les tombeaux des Apôtres et des martyrs, que c’est là qu’ils ont prêché l’Evangile et rendu témoignage à Jésus-Christ, et que la gloire du nom chrétien s’élève tous les jours sur les ruines mêmes du paganisme. Mais au reste, la magnificence, la pompe, la grandeur de cette ville ; l’envie qu’on a de voir et d’être vu, des faire des politesses et d’en recevoir, de louer et de médire, d’écouter et de parler ; cette foule de monde qu’on y trouve tous les jours, tout cela est entièrement contraire à la profession et au repos des solitaires. Car si on reçoit de la société, on est obligé de rompre le silence ; si on ne veut voir personne, on passe pour un orgueilleux ; si on veut rendre les visites qu’on a reçues, il faut aller à la porte des grands du monde et entrer dans des antichambres dorées, au milieu d’une foule d’esclaves qui vous critiquent en passant.

A Bethléem tout est champêtre, et le silence n’y est interrompu que par la psalmodie. De quelque côté qu’on se tourne, on entend le laboureur chanter alléluia, le moissonneur tout en eau psalmodier pour alléger son travail, et le vigneron réciter quelques psaumes de David en taillant sa vigne. Voilà les airs, et, comme on dit communément, les chansons amoureuses que l’on entend ici. Adieu en Jésus-Christ.

JÉRÔME
Lettre à Marcella.
Traduit par Guill. ROUSSEL.

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