Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 8 : Le culte

1. Caractères généraux

1. Edifices. En raison de l’augmentation du nombre des fidèles, les petites églises du IIIe siècle ne suffisent plus. On construit de grandes basiliques somptueuses, divisées en plusieurs nefs, décorées de peintures, de fresques, de mosaïques. A mesure que le baptême des enfants se généralise, le narthex devient de plus en plus petit.

2. Fêtes. Nous avons déjà parlé du fait que le dimanche devient un jour de fête légal. Les fêtes annuelles prennent une importance plus grande que précédemment. Le concile de Nicée fixa pour toute l’Eglise la date de Pâques au premier dimanche après la pleine lune du printemps. On se met à célébrer Noël le 25 décembre, surtout en Occident, et l’Epiphanie en souvenir du baptême de Jésus, le 6 janvier, surtout en Orient.

3. Eléments. Le culte en deux parties de la période précédente subsiste. La liturgie, surtout en Orient, devient de plus en plus longue et pompeuse. Les liturgies les plus importantes de cette époque sont celle de Basile et celle de Chrysostome. Ambroise voua ses soins au chant sacré, auquel, selon lui, l’assemblée devait prendre part. La prédication prend une grande importance, à cause de la nécessité d’instruire les foules mal affermies. Les prédicateurs de cette époque prononçaient en général des homélies, qui permettaient de faire connaître et comprendre un texte assez étendu des Ecritures. Ambroise est le premier à employer le terme de messe pour désigner l’office religieux.

4. Sacrements. Le baptême est considéré, surtout depuis Augustin, comme effaçant le péché originel et opérant la régénération. La conséquence a été la généralisation de l’usage de baptiser les enfants, les parrain et marraine prenant les engagements à la place de l’enfant. L’habitude de se faire baptiser à l’article de la mort a toujours été découragée par l’Eglise. Les baptistères de ce temps montrent que l’immersion était encore pratiquée en général. La confirmation, qui autrefois suivait immédiatement le baptême, en est dissociée en Occident. Elle est administrée quand l’enfant atteint l’âge de raison, ou encore lorsqu’un baptisé infidèle doit être réadmis dans l’Eglise. Cette cérémonie est réservée à l’évêque, qui seul est censé pouvoir transmettre le Saint-Esprit.

L’eucharistie est entourée d’une superstition de plus en plus grande. On y voit la présence réelle du Christ et le renouvellement de son sacrifice.

La pénitence n’aboutir plus aussi régulièrement à une confession publique de la faute. L’usage de la confession privée s’introduit chez les moines d’abord, et de là dans le reste de l’Eglise.

5. Déviations du culte. Avec l’introduction des masses plus ou moins païennes dans l’Eglise, le culte se paganise. Le culte de Marie, des apôtres, des martyrs se substitue à l’ancien polythéisme. Les églises et même les individus étaient placés volontiers sous la protection d’un saint ; bientôt dans chaque autel on désira placer une relique sacrée. Les moines inaugurèrent un trafic scandaleux de reliques vraies ou fausses. Le culte des images, les pèlerinages, les processions satisfaisaient aussi le goût du faste et la superstition qui animait les foules. Ceux qui protestaient contre ces déviations étaient traités d’impies, et leur réaction resta sans résultat.

Nous pouvons mentionner parmi eux Vigilance, âprement combattu par Jérôme. Un fait qui contribua beaucoup au culte des reliques, fut la prétendue découverte en 326 de la vraie croix par l’impératrice Hélène, mère de Constantin, à Jérusalem.

2. Grands prédicateurs

1. Divers. Etant donné l’importance de la prédication, nous ne sommes pas surpris de voir surgir un grand nombre de prédicateurs remarquables. Athanase, Ephrem le Syrien, Basile le Grand, les deux Grégoire, Cyrille en Orient, Ambroise et Augustin en Occident se sont distingués dans cet art. Augustin en particulier manifesta au fur et à mesure qu’il prenait de l’expérience, toujours moins de recherche oratoire et toujours plus de simplicité évangélique.

2. Chrysostome. Jean, surnommé Chrysostome, c’est-à-dire Bouche d’or, a été le plus remarquable de tous. Né à Antioche, il reçut de sa pieuse mère une excellente éducation ; il fréquenta les meilleures écoles. Malgré son désir d’être solitaire, il fut consacré prêtre. Après une insurrection à Antioche, il prêcha une série de sermons sur la repentance et provoqua un vrai réveil. Contre son gré, il fut nommé évêque de Constantinople. Il acquit dans cette ville une immense popularité, qui lui valut bien des jalousies. Il provoqua la colère de l’impératrice Eudoxie par sa sévérité vis-à-vis de tout ce qui était mondain. A la suite de basses intrigues, il fut destitué par le concile du Chêne près de Chalcédoine, et exilé ; mais la colère populaire et une tempête frappèrent tellement les esprits, qu’il fut rappelé immédiatement. Peu après, pour avoir protesté contre une fête mondaine organisée par Eudoxie, et pour n’avoir pas été réinstallé par un concile, il fut exilé une seconde fois. Il fut entraîné de lieu en lieu par des gardiens brutaux et mourut en Asie Mineure. Ses restes furent transportés solennellement dans l’Eglise des apôtres, à Constantinople.

Son œuvre comprend de nombreux traités ; ce sont surtout ses sermons qui lui ont valu sa célébrité. Ils forment une sorte de commentaire oratoire sur plusieurs livres de la Bible. Il est simple, ardent, inflexiblement sévère pour le péché, mais débordant d’amour pour ses ouailles. Ses images sont saisissantes, ses applications toujours directes. Ses sermons ont probablement moins vieilli que ceux qui datent d’il y a cent ou deux cents ans.

Un des adversaires les plus acharnés de Chrysostome était l’évêque Théophile d’Alexandrie († 412), oncle de Cyrille. Une fois de plus, les rivalités entre les deux sièges orientaux s’étaient manifestées.

Le réveil à Antioche.

L’Eglise n’est point un théâtre où l’on vienne écouter pour se divertir. Il n’en faut sortir que pour en emporter d’utiles avantages. Il est bon de la quitter riche d’un bien plus considérable et plus solide que celui-là. Ne serait-ce pas venir ici vraiment en pure perte si, après des enseignements donnés tout exprès pour la réflexion de nos âmes, nous en sortions sans un profit réel, sans aucun avantage ? Que me rapportent à moi vos applaudissements ? Quel avantage me revient-il de vos éloges et de vos acclamations ? Mon éloge, il est dans votre docilité à tous mes conseils. Je me trouverai digne d’admiration, je serai heureux, non quand vous m’aurez applaudi, mais quand avec toute l’ardeur du plus grand zèle, vous aurez mis en pratique les enseignements que vous recevez de notre bouche.

CHRYSOSTOME
(2me Homélie des statues, § 4, pp. 17 ss)
Traduit par JEANNIN.

Sermon de Chrysostome à son retour de l’exil.

Quelles paroles, quel discours puis-je avoir sur les lèvres ? Béni soit le Seigneur ! Telle était mon exclamation à mon départ, je ne cessai de la répéter dans mon exil, et je n’en ai point d’autre à mon retour. Ne vous souvenez-vous pas qu’alors je vous rappelai l’image de Job et cette parole de sa bouche : Qu’il soit béni à jamais le nom du Seigneur ! C’est le gage que je vous laissai, c’est l’action de grâces que je vous rapporte. Oui, béni soit à jamais le nom du Seigneur ! Les circonstances ont changé, mais notre hymne est le même. Exilé, je bénissais ; rappelé, je bénis encore. Les saisons sont diverses, mais l’été et l’hiver ont le même but, la fertilité de la terre. Béni soit Dieu qui a permis mon exil, béni soit Dieu qui ordonne mon rappel. Beni soit Dieu quand Il déchaîne les orages ; qu’Il soit béni de même quand Il dissipe la tempête et fait revenir la sécurité. Si je répète ces paroles, c’est pour vous exciter à bénir Dieu de tous les événements. La prospérité vous arrosé, bénissez Dieu pour qu’elle soit durable. Les épreuves vous frappent-elles ? Bénissez-le tout de même et sa bonté y mettra fin. Voyez Job : Dans son opulence, il rend grâces à Dieu, dans la misère, il le glorifie encore… Les temps changent, mais son cœur jamais… Voyez, mes Frères, le résultat des embûches de nos adversaires ! Ces persécuteurs n’ont fait qu’enflammer votre amour, surexciter votre passion, et multiplier mes amis… Autrefois, l’église seule était remplie, maintenant la place publique est transformée en église et du fond de la place jusqu’ici, on dirait une seule assemblée, une seule tête ! Nul ne commande le silence, et tous sont silencieux et recueillis… Il y a jeux au cirque, et personne n’y assiste ; mais comme un torrent on se précipite vers la maison de Dieu… Voyez maintenant si j’avais tort de vous dire : qui supporte l’épreuve avec courage en recueillera les plus grandes bénédictions.

CHRYSOSTOME
Traduit par JEANNIN.

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