Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 3 : L’Eglise d’Orient aux VIe et VIIe siècles

1. Justinien (527-565). C’était un homme capable, énergique, lucide, très attaché aux questions doctrinales. C’est le type de l’empereur césaro-papiste. Il nommait et destituait les évêques, influençait les conciles.

Il n’hésita pas à destituer le pape Sévère et à faire nommer à sa place ses créatures, Vigile (537-555), puis Pélage Ier (555-560), qui de ce fait rencontrèrent de l’opposition auprès de leurs fidèles.

Malheureusement pour lui, il avait épousé une danseuse intrigante, Théodora, qui prit une part active et funeste à sa politique.

Il a combattu le paganisme. Il ferma l’Académie, fondée 8 siècles auparavant par Platon. Il a enlevé aux païens leurs droits d’héritage. Enfin il a promulgué la peine de mort pour les renégats baptisés.

Il construisit de beaux édifices, en particulier la basilique de Sainte-Sophie à Constantinople, qui est considérée comme le chef d’œuvre du style byzantin. Ce style est caractérisé par un plan en général carré ; la partie principale a la forme d’une croix grecque. Une coupole centrale couronne l’église. L’autel est caché par un paravent décoré, appelé iconostase. L’édifice ne contient pas de statues, mais il est orné de peintures et de mosaïques, représentant le Christ et les saints, et appelées icones.

Parmi les théologiens de cette époque, mentionnons Léonce de Byzance qui tâcha de concilier la pensée d’Aristote avec la foi chrétienne. La mystique apparaît dans des ouvrages placés sous le nom de Denys L’Aréopagite ; elle vise à la divinisation de l’homme et s’inspire du néoplatonisme. Le moine Denys de Petit, originaire d’Orient mais qui a passé sa vie à Rome, a inauguré l’habitude de compter les années à partir de la naissance de Jésus-Christ. Il s’est d’ailleurs trompé de 4 ans en fixant l’an 1.

2. Controverse monophysite. Malgré la décision du concile de Chalcédoine, un grand nombre de chrétiens en Orient continuaient à professer des idées eutychiennes. Parce qu’ils ne voyaient qu’une nature en Jésus-Christ, on les appela monophysites. Ils étaient d’ailleurs divisés en plusieurs écoles.

Avant Justinien, l’empereur Zénon avait tâché de résorber la dissidence monophysite en promulguant l’Hénotique qui approuvait les trois premiers conciles, mais se taisait sur celui de Chalcédoine. Le patriarche Acace signa ce document. Il en résultat un schisme (484-519) entre l’Orient et l’Occident, sans que les monophysites se rallient. Les rapports entre Rome et Constantinople ne se rétablirent que lorsque l’autorité du concile de Chalcédoine eut été de nouveau proclamée en Orient.

Justinien voulut gagner les monophysites par voie de conciliation ; ceux-ci trouvaient d’ailleurs un appui secret auprès de l’impératrice Théodora. Il pensa que le meilleur moyen était de flétrir la mémoire du principal théologien de l’école d’Antioche, rivale de celle d’Alexandrie, savoir Théodore de Mopsueste, et de condamner deux écrits de Théororet de Cyr et d’Ibas d’Edesse qui avaient eu des controverses avec Cyrille.

Il publia à cet effet un ouvrage intitulé : Contre les trois chapitres. Un bon nombre de monophysites se rallia en Orient. En Occident, le pape Vigile opposa une certaine résistance. On le fit venir à Constantinople, où il prit la défense des trois théologiens incriminés, puisque Théodore était mort dans la communion de l’église, et que Théodoret et Ibas avaient été réhabilités à Chalcédoine. En 553, un Concile œcuménique convoqué par Justinien à Constantinople se prononça dans le même sens que l’empereur sur les trois chapitres. Vigile, pour pouvoir rentrer à Rome, dut se soumettre et avouer que sa résistance à Justinien lui avait été inspirée par le diable. D’ailleurs plusieurs évêques occidentaux protestèrent, et il en résulta un schisme en Occident qui dura plusieurs années. Le schisme en Orient n’était pas résorbé. Le Concile de Constantinople porta aussi une condamnation rétrospective sur les écrits d’Origène.

3. Controverse monothélite. Au VIIe siècle, l’Empereur Héraclius (611-641) voulut reprendre la question. Il publia un ouvrage : l’Ecthèse, où il disait que Jésus-Christ avait deux natures mais une seule volonté. Le pape Honorius Ier (625-638) le soutint. Ce fut la controverse monothélite.

En Orient et surtout en Occident, la résistance fut forte.

En 680, on convoqua un concile œcuménique à Constantinople qui condamna le monothélisme, et la mémoire du pape Honorius comme hérétique

Cet anathème sur Honorius fut confirmé par les papes Agathon (678-681) et Léon II (681-683).

Dans l’intervalle les Arabes avaient envahi l’Egypte et la Syrie et ces pays échappaient au pouvoir et à l’influence de Constantinople.

Il y eut quatre églises monophysites :

L’hérésie monothélite aboutit au schisme de l’Eglise maronite, fondée par Jean Maron d’Antioche.

Le résultat de toutes ses controverses est consigné dans un texte rédigé en Occident : Le Symbole dit d’Athanase (VIe siècle) sur la Trinité, ainsi que sur la divinité et l’humanité de J.-C.

4. Conquêtes musulmanes. Au cours du VIIe siècle, Damas, Jésuralem puis l’Egypte tombèrent sous le joug musulman. En Egypte, les Arabes furent appelés par les monophysites qui étaient persécutés par les orthodoxes. La liberté de réunion était donnée aux chrétiens, mais ils ne pouvaient faire de la propagande, ils étaient soumis à des impôts vexatoires, et le résultat fut une régression du christianisme. Au Liban seulement, les chrétiens ont une faible majorité aujourd’hui.

Condamnation des monothélites.

Mais puisque celui qui dès le début est l’inventeur du mal a trouvé maintenant aussi des organes appropriés pour ses propres desseins, nous voulons dire Théodore, qui a été évêque de Phara, Sergius, Pyrrhus, Paul, Pierre, qui ont été présidents de cette ville royale ; et en plus Honorius qui a été pape de l’ancienne Rome ; il n’a pas manqué par eux de susciter pour l’ensemble de l’Eglise les scandales de l’erreur, et de semer l’erreur nouvelle selon laquelle il y aurait une volonté et une opération dans les deux natures de l’une des Personnes de la Sainte Trinité, Christ notre Seigneur.

Nous prêchons qu’il y a en Lui deux volontés naturelles et deux opérations naturelles, sans division, sans transformation, sans séparation, sans confusion, selon la doctrine des saints Pères, et que ces deux volontés ne sont pas contraires comme l’ont prétendu les hérétiques impies, à Dieu ne plaise, mais que sa volonté humaine suivant sans résistance et sans opposition sa volonté divine et toute puissance et s’y soumettait.

Concile de Constantinople
MANSI XI, pp. 636, 637

Lettre de Léon II, pape.

C’est pourquoi, comme nous recevons et prêchons fermement les cinq conciles œcuméniques, celui de Nicée, celui de Constantinople, celui d’Ephèse, celui de Chalcédoine et celui de Constantinople, que toute l’Eglise approuve et suit ; de même nous recevons avec le même respect et la même approbation le sixième concile qui a été célébré récemment dans cette ville impériale… comme expliquant ces conciles et comme les suivants.

Nous anathématisons de même les inventeurs de la nouvelle erreur, Théodose, évêque de Phara, Cyrus d’Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul, Pierre, usurpateurs plutôt que présidents de l’église de Constantinople, et de plus Honorius qui n’a pas illustré cette église apostolique en y enseignant la doctrine apostolique, mais qui a essayé de renverser la foi immaculée par une trahison profane.

MANSI T. XI, pp. 730, 731.

Le Symbole dit d’Athanase.

Quiconque veut être sauvé doit avant toutes choses professer la foi catholique ; et à moins de conserver cette foi tout entière et sans tache, il sera certainement perdu éternellement.

Et voici la foi catholique : Nous adorons un Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’unité, sans confusion des Personnes et sans division de la substance. Car le Père est une Personne, et le Fils une autre, et le Saint-Esprit une autre. Mais la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est une, leur gloire est égale, et leur majesté co-éternelle. Tel est le Père, tel est le Fils, et tel est le Saint-Esprit. Les Père est incréé, le Fils est incréé, et le Saint-Esprit est incréé. Le Père incompréhensible, le Fils incompréhensible, et le Saint-Esprit incompréhensible. Le Père éternel, le Fils éternel, et le Saint-Esprit éternel. Et cependant il n’y a pas trois Etres éternels, mais un seul Etre éternel, comme il n’y a pas trois Etres incompréhensibles, ni trois Etres incréés, mais un seul Etre incréé, et un seul Etre incompréhensible.

De même le Père est tout puissant, le Fils est tout puissant et le Saint-Esprit est tout puissant. Cependant il n’y a pas trois Etres tout puissant mais un seul tout puissant. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, et le Saint-Esprit est Dieu, et cependant il n’y a pas trois Dieux, mais un Dieu. De même le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, et le Saint-Esprit est Seigneur, et cependant il n’y a pas trois Seigneurs, mais un seul Seigneur.

En effet, de même que la vérité chrétienne nous oblige à reconnaître que chaque Personne prise isolément est Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous interdit de déclarer qu’il y a trois Dieux ou trois Seigneurs.

Le Père n’a pas été fait par personne, ni créé, ni engendré. Le Fils tient son existence du Père seul. Il n’est pas fait, ni créé, mais il est engendré. Le Saint-Esprit tient son existence du Père et du Fils, il n’est pas fait, ni créé, ni engendré, mais il procède. Ainsi il y a un Père et non trois Pères, un fils et non trois Fils, un Saint-Esprit et non trois Saints-Esprits.

Dans cette Trinité aucune des Personnes n’est avant ou après une autre, aucune supérieure ou inférieure à l’autre. Mais les trois Personnes sont co-éternelles et égales. De telle sorte qu’ainsi que nous l’avons dit il faut adorer l’Unité dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité. Celui qui veut donc être sauvé, doit avoir cette opinion touchant la Trinité.

De plus, il est nécessaire pour son salut éternel qu’il croie correctement à l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Car la Foi correcte, c’est que nous croyons que Notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est Dieu et homme ; Dieu de la substance du Père, engendré avant les mondes, et homme de la substance de Sa mère, né dans le monde ; Dieu parfait et homme parfait constitué par l’âme raisonnable et par une chair humaine ; égal au Père, par sa divinité, inférieur au Père, par son humanité ; qui tout en étant Dieu et homme, cependant n’est pas deux, mais un seul Christ ; un, non par changement de la divinité dans la chair, mais pas assomption de l’humanité en Dieu ; un, absolument sans confusion des substances, mais par l’Unité de la Personne.

Car de même que l’âme raisonnable et la chair sont un seul homme, Dieu et l’homme sont un seul Christ.

Il a souffert pour notre salut, il est descendu aux enfers, il est ressuscité des morts le troisième jour, il est monté au ciel, il est assis à la droite du Père, le Dieu tout puissant, d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts. A sa venue, tous les hommes ressusciteront avec leur corps, et rendront compte de leurs œuvres. Ceux qui ont fait le bien iront à la vie éternelle, et ceux qui ont fait le mal iront au feu éternel.

C’est là la Foi catholique, si l’homme n’y croit pas fidèlement, il ne peut être sauvé.

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