Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 7 : L’Eglise sous la féodalité

La renaissance carolingienne ne fut guère durable. Les fils de Louis le Débonnaire se partagèrent l’Empire, et la brillante civilisation carolingienne s’effondra.

Trois grands royaumes, puis mille petits états, s’élevèrent sur les débris de l’Empire.

1. Essor et affaiblissement de la papauté. Il restait en Occident un seul pouvoir incontesté, celui du pape. Un faux document vint à ce moment ajouter à son prestige. Depuis longtemps on avait pris l’habitude de recueillir les décrétales par lesquelles les papes prenaient position sur des questions de dogme ou de discipline. Vers 850, l’on ajouta à la collection une série de fausses décrétales attribuées à des évêques de Rome des IIe, IIIe et IVe siècles, et par lesquelles ceux-ci auraient déclaré l’indépendance de l’Eglise sur le pouvoir civil et l’autorité absolue du pape sur tous les ecclésiastiques. Ces écrits ont grandement favorisé les ambitions papales jusqu’au moment où l’on reconnut leur fausseté.

Sur ce, un pontife très énergique et capable, Nicolas Ier (858-867) devint pape. Il intervint dans la vie privée du roi Lothaire II qui voulait répudier sa femme Theutberge pour en épouser une autre. Nicolas Ier destitua les archevêques de Cologne et de Trèves qui soutenaient le roi, et ce dernier dut se soumettre. Il imposa sa loi aux grands dignitaires, comme l’archevêque Hincmar de Reims, et tâcha de faire valoir son autorité même à Constantinople.

Hincmar de Reims avait destitué son suffragant Rothade de Soissons (860). Celui-ci fit appel au pape qui le rétablit dans ses fonctions.

Jean VIII (872-882) conféra en 875 la dignité impériale à Charles le Chauve qui appartenait à la lignée cadette. Ainsi le pape semblait pouvoir disposer à son gré de la couronne et la donner à qui lui plaisait.

Mais dès la fin du siècle, la papauté tomba sous la coupe des grandes familles de Rome, souvent très corrompues. Ce fut la période de la « pornocratie ». S’il y a des doutes sur l’existence à cette époque d’une « papesse Jeanne », les scandales inouïs de la cour de Rome ne sont que trop bien attestés.

Etienne VI (896-897) fit déterrer le corps de son prédécesseur Formose (891-896) pour faire son procès et le jeter dans le Tibre.

Jean XII (956-964) était à son avènement un tout jeune garçon. Il fut accusé d’adultère, d’inceste et de sacrilège ; il buvait à la santé du diable et invoquait les dieux païens.

A ce moment, les souverains d’Allemagne intervinrent, dans l’intention de réformer l’Eglise et de reconstituer à leur profit l’empire de Charlemagne.

Othon le Grand (936-973) se fit couronner empereur par Jean XII, puis il se brouilla avec lui, le destitua et fit nommer le pape Léon VIII par un synode (963-964). En Allemagne même, il fit don de vastes territoires aux évêques et aux abbés qui, de la sorte, devenaient princes temporels et prêtaient le serment d’allégeance au souverain. Celui-ci restait maître des territoires et pouvait de ce fait investir les ecclésiastiques. Ses successeurs, Othon II (973-983) et Othon III (983-1002) manifestèrent également de tendances césaro-papistes. Les évêques furent d’ailleurs tentés dès lors plus que jamais de négliger leurs devoirs spirituels au profit de leurs intérêts terrestres.

Au XIe siècle, la papauté retomba dans l’anarchie. Il y eut jusqu’à trois papes rivaux. Henri III d’Allemagne (1039-1056) les destitua tous les trois et fit nommer Clément II (1046-1047). Il stipula que désormais la nomination du pape devait être soumise à l’approbation de l’empereur.

2. Conquêtes. Les pays scandinaves furent évangélisés : la Suède par Ansgar au IXe siècle, le Danemark, la Norvège, l’Islande au Xe siècle. Peu après l’an 1000, le paganisme était officiellement aboli dans les quatre pays.

Adalbert de Prague porta l’Evangile aux Hongrois, population mongole émigrée dans la plaine du Danube au Xe siècle. Il baptisa Etienne, l’héritier de Hongrie, qui fut couronné quelques années plus tard à Gran. La Hongrie se constitua en état vassal du Saint-Siège.

Le duc de Bohême Venceslas Ier (928-935) introduisit le christianisme latin dans son pays qui avait d’abord subi l’influence de l’église grecque.

Un peu plus tard, le duc de Pologne Miezislav établit la religion chrétienne dans ce pays. Au début, l’église polonaise dépendait de l’archevêché allemand de Magdebourg, mais dans la suite le roi Boleslav (992-1025) fonda un archevêché polonais à Gniezno (Gnesen).

Adalbert de Prague contribua à fortifier le christianisme de rite romain en Bohême et en Pologne. Il mourut martyr en Prusse.

3. Réforme de Cluny. La vie monastique s’était dégradée avec les siècles. Sous le règne de Louis le Débonnaire, Benoît d’Aniane essaya de rétablir dans les couvents la règle bénédictine. Chrodegang de Metz entreprit de réglementer la vie des chanoines.

Au Xe siècle, l’abbé Bernon fonda, près de Châlon s. Saône, l’abbaye de Cluny où il voulait observer la règle de Benoît de Nursie et restaurer une vie sévère. A cet effet, il ne plaça pas la maison sous l’autorité des évêques, mais directement sous celle du pape. Son successeur, Odon de Cluny (926-942) obtint de pouvoir placer d’autres monastères sous la dépendance de la maison mère. Ainsi l’abbé de Cluny se trouvait à la tête de tout un ensemble de maisons où le même idéal était recherché. Ce furent des centres de piété, de travail, d’érudition, de bienfaisance et dont le rayonnement influença l’organisation de l’Eglise entière.

Le mouvement bénéficia des longs « règnes » de ses abbés.

Odilon (994-1048) eut l’idée de La Trève de Dieu : tous les combats devaient s’interrompre du jeudi matin au dimanche soir. Elle fut adoptée et bien observée en France et ailleurs.

Hugues le Grand (1048-1109) favorisa les pèlerinages, surtout à Saint-Jacques de Compostelle (Espagne). Ce fut l’amorce de la reconquête de l’Espagne. Des églises romanes s’élevèrent le long des routes qui y conduisaient.

Les Empereurs d’Allemagne firent appel à des moines de Cluny pour réformer l’Eglise ; plusieurs d’entre eux devinrent papes, et préparèrent l’essor de l’Eglise pendant la période suivante.

4. La Théologie. Au IXe siècle, un moine de Corbie Pascase Radbert avance l’idée de la transsubstantiation : le pain et le vin deviennent le corps et le sang que Jésus-Christ avait reçus de la vierge Marie. Il fut combattu par Ratramne, aussi moine de Corbie, qui croyait à une présence et à une nourriture spirituelles.

Une controverse sur la prédestination surgit entre divers théologiens au IXe siècle. Un moine de Fulda, Gottschalk, reprit les idées d’Augustin, en les accentuant. Ses idées prévalurent en partie, mais il ne put empêcher l’Eglise dans son ensemble de glisser sur la pente de la doctrine du salut par les œuvres.

Gottschalk fut combattu par les archevêques Raban Maure de Mayence et Hincmar de Reims qui le firent condamner par un concile, battre de verges et enfermer dans un couvent. Hincmar chargea Scot Erigène d’attaquer le dogme de la prédestination ; mais celui-ci le fit avec tant de désinvolture et des tendances si évidemment pélagiennes, qu’il fut condamné à son tour. Ratramne et l’archevêque Rémi de Lyon intervinrent en faveur de l’augustinisme, et Hincmar lui-même finit par accepter que le salut des élus était dû à une grâce spéciale de Dieu.

Jean Scot Erigène était plus philosophe que théologien. Il penchait vers le rationalisme et le panthéisme. Pour lui l’Ecriture doit être a priori en accord avec la raison. Originaire d’Irlande, il fut appelé en France par Charles le Chauve qui aimait l’avoir à sa cour.

Contrairement à ce qu’on pense, il n’y eut pas de grands remous vers l’an 1000 à la pensée d’un prochain retour de Jésus-Christ. Il n’y eut que quelques prédications isolées dans ce sens.

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