Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre premier : La papauté et l’Etat

1. Grégoire VII (1073-1084). Déjà avant de monter sur le trône pontifical, le moine Hildebrand a été le conseiller de plusieurs papes et les a influencés pour faire prévaloir dans toute l’Eglise la réforme de Cluny.

Léon IX (1049-1054) se mit à conférer le titre de cardinal, jusqu’alors réservé aux principaux évêques, prêtres et diacres de la région romaine, à des ecclésiastiques d’autres pays. De ce fait il avait dans toute la chrétienté des représentants sur qui compter ; de plus le collège des cardinaux apparaissait comme l’expression de l’Eglise universelle.

Sous Nicolas II (1058-1061) Hildebrand émancipa la papauté à la fois de l’empereur et des familles romaines en faisant décréter par un synode à Latran que désormais le pape serait élu par les cardinaux. Cela donnait à ces derniers une importance qu’ils n’avaient jamais eue auparavant, si bien qu’ils ont pris le pas sur tous les autres dignitaires catholiques.

Enfin Hildebrand fut élevé lui-même à la dignité papale sous le nom de Grégoire VII. Il se proposa un triple but : 1) imposer le célibat à tout le clergé ; les prêtres mariés durent renoncer à leurs fonctions ou répudier leur femme ; l’opposition que cette mesure rencontra finit par être brisée, et la volonté du pape prévalut. 2) supprimer la simonie, c’est-à-dire le trafic à prix d’argent des charges ecclésiastiques. 3) supprimer l’investiture laïque ; il fallait, en effet, ôter aux princes le droit de nommer les dignitaires ecclésiastiques pour être sûr que les deux autres mesures fussent appliquées

Bien entendu, Grégoire rencontra l’opposition des princes, et en particulier du roi Henri IV d’Allemagne (1056-1106). Ce dernier avec l’appui de quelques évêques allemands, déclara déposer le pape. Mais Grégoire riposta en déliant les sujets du roi de leur serment de fidélité ; et Henri, abandonné par ses amis et en butte aux menaces des nombreux ennemis qu’il avait dans son pays même, dut s’humilier. A Canossa, en Toscane, en 1077, il implora pendant 3 jours, pieds-nus et en vêtement de pénitent, le pardon du pape avant de l’obtenir.

La lutte ne tarda d’ailleurs pas à reprendre, et Grégoire VII dut, pour finir, s’enfuir de Rome ; il mourut en exil, en Italie méridionale. Mais la victoire morale qu’il avait remportée sur le premier souverain d’Europe ne devait pas tarder à porter des fruits ; la longue querelle des investitures se termina par un accord aux termes duquel les dignitaires ecclésiastiques allemands (évêques, abbés, etc.) devaient être nommés par les clercs de leur ressort, et confirmés par le pape et l’empereur.

Ce concordat fut conclu en 1122 entre le pape Calixte II (1119-1124) et l’empereur Henri V (1106-1125). L’empereur devait conférer aux ecclésiastiques le sceptre, emblème de leur pouvoir temporel, et le pape la crosse et l’anneau, signes de leur autorité spirituelle. Cette décision fut entérinée dans un 9me concile œcuménique à Latran en 1123.

Cependant en Italie même le pape rencontrait des difficultés. Arnauld de Brescia prêchait une réforme selon laquelle les dignitaires de l’Eglise devaient renoncer à leurs biens temporels. Condamné au 10me concile œcuménique de Latran (1139), il promit au pape Innocent II (1130-1143) de se taire. Mais après la mort de ce dernier, il fut rappelé par les Romains, chassa le pape Eugène III (1145-1153) et proclama la république à Rome. Le pape Adrien IV (1154-1159) frappa la ville d’interdit si bien qu’Arnauld dut s’enfuir. Livré aux mains du pape, il fut exécuté par le préfet de la ville.

Le couronnement d'Alexandre III.
Fresque faisant partie de la série illustrant L'Histoire du pape Alexandre III,
peinte par Spinello Aretino.
Palazzo Pubblico (Sienne). 1407-1408.

2. Alexandre III (1159-1181). Ce pape a humilié le roi d’Angleterre Henri II. Ce dernier ayant voulu soumettre les ecclésiastiques aux tribunaux civils, était entré en conflit avec l’archevêque de Canterbury, Thomas Becket, qui fut assassiné. Le pape le canonisa, et le roi pour conserver sa couronne fut obligé de se faire flageller sur la tombe de l’archevêque, et de rétablir l’immunité des ecclésiastiques.

Alexandre III eut une longue querelle avec l’empereur d’Allemagne, Frédéric Barberousse, et finit par avoir gain de cause ; après la paix de Venise, l’empereur du parcourir la ville, la main sur l’étrier du pape.

Un 11me concile œcuménique tenu à Latran en 1179 précisa que le pape devait être élu par les deux tiers des cardinaux. Ce concile prit aussi des mesures contre les Albigeois.

Innocent III
Détail d’une fresque du cloître du sanctuaire du Sacro Speco.
Vers 1219.

3. Innocent III (1198-1216). Malgré sa jeunesse, ce pape réussit, par son austérité et sa sagesse, à imposer un immense respect à toute l’Europe. En Allemagne, deux rois rivaux se disputaient le pouvoir. Il sut se faire flatter par l’un et l’autre, et obtint le droit de nommer les évêques.

La France fut placée sous l’interdit, parce que le roi Philippe II Auguste (1180-1223) avait été infidèle à sa femme. En fin de compte, le roi dut se réconcilier avec elle.

Innocent III priva de ses états le roi d’Angleterre Jean sans Terre, qui avait exilé l’archevêque de Canterbury. Après un conflit de plusieurs années, le roi se soumit et proclama son pays vassal du Saint-Siège, avec obligation de payer un tribut annuel. La noblesse anglaise, irritée, arracha au roi la Grande Charte des Libertés anglaises.

Les rois d’Aragon, de Hongrie, de Pologne et de Bulgarie se rendirent spontanément tributaires de Rome.

Enfin par la ruine de l’empire d’Orient, après la 4e Croisade, la péninsule balkanique passa, elle aussi, sous la domination du pape, sous le nom d’Empire Latin. Un patriarche latin prit la place, à Sainte-Sophie, du patriarche grec, fugitif, et le bas clergé grec se soumit, bon gré mal gré, à la juridiction romaine.

Le concile de Latran, 12e œcuménique, en 1215, marque l’apogée de la puissance papale au Moyen-Age.

4. Les autres papes du XIIIe siècle. Ils essayèrent de maintenir la papauté au niveau élevé qu’elle avait atteint sous Innocent III. Cependant leur ambition, leur cupidité et leur politique provoquait souvent du scandale chez les âmes pieuses. C’est à cette époque que pour la première fois le pape est identifié avec l’Antichrist.

Grégoire IX (1227-1241) obligea l’empereur Frédéric II (1215-1250) à faire une croisade, puis se brouilla avec lui à propose de la Lombardie.

Innocent IV (1243-1254) convoqua un concile œcuménique à Lyon en 1245 pour excommunier l’empereur.

Grégoire X (1271-1276) entreprit de rallier l’Eglise grecque au concile de Lyon, 14me œcuménique, en 1274. Les délégués grecs acceptèrent toutes ses exigences, mais ils furent désavoués en rentrant chez eux. Ce même concile stipula que les cardinaux devaient se réunir 10 jours après la mort d’un pape pour élire son successeur, et qu’on devait restreindre leur menu s’ils ne se décidaient pas assez vite. En effet, au cours du XIIIe siècle, il y avait eu à plusieurs reprises de longs inter-règnes.

Le dernier des grands papes du Moyen-Age fut Boniface VIII (1294-1303) qui lança, en 1302, la Bulle Unam sanctam dans laquelle il affirmait la suprématie du pape sur les souverains dans les domaines temporel aussi bien que spirituel. Mais le roi de France Philippe IV le Bel (1285-1314) le mit en prison, ce qui porta un coup terrible au prestige papal.

Canossa.

Avant même de pénétrer en Italie, il a envoyé en avant des messagers suppliants ; il a offert de donner pleine satisfaction à Dieu, à saint Pierre et à nous, il a promis de conserver une obéissance entière pour amander sa vie, pourvu qu’il pût obtenir de notre part la grâce de l’absolution et de la bénédiction apostolique ; et comme nous lui reprochions aigrement tous ses excès par l’intermédiaire de tous les messagers qui venaient, enfin, sans rien manifester d’hostile ou de téméraire, il vint avec peu de gens à la ville de Canossa, où nous nous étions arrêtés, et là il resta trois jours devant la porte, dépouillé de ses ornements royaux, misérablement déchaussé et en vêtement de laine. Il ne cessa pas d’implorer avec beaucoup de pleurs l’aide et la consolation de la pitié apostolique. Tous ceux qui étaient là… furent émus à tant de pitié et de compassion miséricordieuse, qu’ils intercédaient pour lui avec beaucoup de prières et de larmes ; ils s’étonnaient même de la dureté inusitée de notre esprit, et quelques-uns même criaient que nous ne faisions pas preuve de la gravité et de la sévérité apostoliques, mais pour ainsi dire d’une cruauté et d’une férocité tyrannique. Enfin, vaincu par les instances de sa componction, et les grandes supplications de tous les assistants, nous avons pour finir relâché les liens de l’anathème qui pesaient sur lui et nous l’avons reçu dans la grâce de la communion et dans le giron de la sainte mère, l’Eglise.

GRÉGOIRE VII
Lettres IV, 12w (aux Allemands).

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