Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 2 : Lutte contre les infidèles

1. Disparition du paganisme en Europe. Les derniers îlots de paganisme qui subsistaient encore aux XIe siècle, en Finlande, en Livonie, en Prusse, en Lituanie finissent par accepter le christianisme catholique romain au cours de cette période.

2. Les Croisades. Dans la deuxième moitié du XIe siècle, Jérusalem fut prise par les Turcs, qui étaient plus fanatiques que les autres musulmans, et qui se mirent à molester les chrétiens. D’autre part, les papes, parvenus au comble de la puissance politique, rêvèrent de coaliser l’Occident pour de grandes expéditions destinées à reprendre les lieux saints aux infidèles.

Grégoire VII fut trop occupé par la querelle des investitures pour réaliser ce dessein. Mais à la fin du siècle, Urbain II (1088-1099) convoqua un grand synode à Clermont, et le peuple, aux cris de « Dieu le veut », décida d’entreprendre l’expédition désirée. On promettait aux participants des indulgences ecclésiastiques, des exemptions d’impôts, sans compter d’autres avantages. On les appela croisé parce qu’ils adoptèrent pour insigne une croix rouge sur l’épaule droite.

Par divers chemins, les croisés gagnèrent Constantinople, puis livrèrent de rudes combats aux Turcs en Asie Mineure. Enfin, décimés par les batailles et les épidémies, après trois ans, ils parvinrent devant Jérusalem et s’en emparèrent en 1099. Un de leurs chefs, Godefroy de Bouillon, devint Protecteur du Saint-Sépulcre. Son frère prit plus tard le titre de roi de Jérusalem.

La situation de ce lointain état chrétien, en Orient, restait précaire, aussi fallut-il constamment de nouvelles croisades.

La deuxième croisade, prêchée par Bernard de Clairvaux, et dirigée par l’empereur d’Allemagne Conrad III et le roi de France Louis VII n’eut aucun résultat. Son échec fut attribué par Bernard aux péchés des croisés.

La troisième, entreprise après la chute de Jérusalem sous les coups du Sultan d’Egypte Saladin, avait à sa tête l’empereur Frédéric Barberousse qui mourut en route, le roi de France Philippe Auguste qui ne tarda pas à rentrer chez lui, et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion qui guerroya quelque temps en terre sainte, sans arriver à reconquérir Jérusalem.

La quatrième croisade, prêchée par Foulques de Neuilly-sur-Marne et dirigée par la noblesse française et vénitienne, tourna ses efforts non contre les musulmans, mais contre Constantinople, qui fut prise et mise à sac. Les croisés créèrent en Orient un Empire Latin qui subsista un demi-siècle (1204-1261).

Une croisade particulièrement lamentable fut celle des enfants en 1212. Les malheureux périrent tous de faim, de fatigue et de misère.

La cinquième croisade, ordonnée par Innocent III et menée par les souverains Léopold VI d’Autriche et André II de Hongrie n’eut pas de succès appréciable.

Plus efficace fut la sixième croisade, entreprise par l’empereur d’Allemagne, Frédéric II (1211-1250) qui traita avec les musulmans et obtint pour les chrétiens la possession des villes saintes et de la côte de Palestine. Saint-Louis, roi de France (1226-1270) organisa une septième croisade, inefficace, puis une huitième au cours de laquelle il mourut de la peste, à Tunis.

Dans la suite, les papes essayèrent en vain de déterminer les princes à de nouvelles expéditions en Terre Sainte. Le succès des croisades, au début, contribua à augmenter le prestige du pape ; leur échec, à la fin, nuisit à son autorité. On ne peut les assimiler à des entreprises missionnaires, ce sont plutôt des pèlerinages militaires. Elles sont la manifestation d’un zèle mal éclairé, mais réel.

3. Refoulement de l’islam en Occident. Au XIe siècle, les Normands, alliés au pape, chassèrent les musulmans qui s’étaient établis en Sicile et en Italie méridionale.

En Espagne, au début de cette période, les royaumes chrétiens étaient réduits à une mince bande de territoire au nord du pays. Ces royaumes parvinrent, au prix de luttes dramatiques, à reconquérir peu à peu la presque totalité de la péninsule. A la fin du XIIIe siècle, seul le petit royaume de Grenade restait sous le joug musulman. Cette conquête fut d’ailleurs un déplacement de puissance politique et non un effort de conversion religieuse ; car les Espagnols autochtones étaient restés chrétiens sous le joug musulman, et les envahisseurs maures continuèrent à professer l’islam dans les royaumes de Castille, d’Aragon et du Portugal.

L’appel à la croisade.

La 1095me année de l’incarnation du Seigneur, un grand concile fut célébré en Auvergne, dans une ville appelée Clermont. Le pape Urbain II accompagné d’évêques et de cardinaux le présida. Ce concile fut très remarquable par l’affluence des Français et des Allemands, tant évêques que princes, et après avoir réglé quelques questions ecclésiastiques, le Seigneur pape sortit sur une place d’une grande largeur parce qu’aucun édifice ne pouvait contenir la foule. Le pape s’adressa à tous d’une manière persuasive et avec beaucoup de charme oratoire en ses termes : « Peuple de France, peuple d’au-delà des monts, peuple aimé et choisi par Dieu, vous vous distinguez entre toutes les nations par la situation de votre pays, par la foi catholique et par l’honneur de la Sainte Eglise ; c’est à vous que notre discours s’adresse… De tristes nouvelles nous viennent du territoire de Jérusalem et de la ville de Constantinople. Un peuple du royaume de Perse, peuple maudit, peuple étranger, peuple éloigné de Dieu, a envahi les terres de ces chrétiens, les a dépeuplées par le fer, le brigandage et le feu, a renversé de fond en comble les églises de Dieu, ou les a livrées au rite de leur religion.

L’empire grec a déjà été mutilé par eux et privé de ses moyens. A qui donc revient la tâche d’exercer la vengeance, d’arracher ces terres, sinon à vous, auxquels Dieu a donné plus qu’à d’autres nations la gloire militaire, le courage moral, l’agilité corporelle, la capacité d’abaisser le sommet de la tête de ceux qui vous résistent ? Puissiez-vous être poussés à la vaillance pour les hauts-faits de vos prédécesseurs, par la piété et la grandeur du roi Charlemagne et de son fils Louis, et de vos autres rois, qui ont détruit des royaumes turcs et y ont élargi les frontières de la Sainte Eglise. Pensez surtout au Saint Sépulcre de notre Seigneur qui est au pouvoir de peuples impurs, qui souillent sans respect les lieux saints de leurs impuretés. Soldats courageux, descendants de parents invincibles, ne dégénérez pas, mais souvenez-vous des vertus de vos ancêtres. Si l’amour de vos enfants, de vos parents, de vos épouses vous retient, souvenez-vous de ce que notre Seigneur dit dans l’évangile : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. »

Engagez-vous donc sur cette voie pour le pardon de vos péchés, sûrs de la gloire incorruptible du royaume de cieux.

C’est par ces paroles et d’autres de ce genre que le pape Urbain acheva son discours, et il provoqua chez tous ceux qui étaient là une telle unanimité que tous crièrent ensemble : « Dieu le veut, Dieu le veut ».

MIGNE
Chroniques de Robert, Moine de Reims.
T. 155, pp. 669-672.

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