Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre premier : Déclin de la puissance papale

1. Les papes d’Avignon. Lorsque les Etats Généraux de France proclamèrent que le roi était soumis à Dieu seul dans les affaires temporelles, le pape Boniface VIII répondit vainement en 1302 par la bulle Unam Sanctam. Ses successeurs se montrèrent dociles au roi Philippe le Bel. L’un d’eux, Clément V (1305-1314), de nationalité française, ne prit même pas la peine d’aller à Rome, mais établit sa résidence à Avignon. Pendant près de 70 ans, les papes résidèrent dans cette ville. On parlait de « seconde captivité de Babylone ». La papauté, assujettie au roi de France, ne pouvait plus prétendre à sa domination sur les souverains temporels. Les papes d’Avignon se discréditèrent d’ailleurs par leur amour de l’argent et du luxe.

2. Le schisme d’Occident. Lorsque le pape Grégoire XI (1370-1378) se décida enfin à rentrer à Rome et à établir un peu d’austérité à la cour pontificale, certains cardinaux nommèrent un antipape, qui s’installa à Avignon. L’Europe fut ainsi divisée pendant plus de 30 ans, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie tenant pour le pape de Rome, la France et l’Espagne pour celui d’Avignon.

Jean XXIII (antipape)

3. Les conciles de la Réforme. Il apparaissait nécessaire de réformer l’Eglise dans sa tête et dans ses membres. Un concile, convoqué à Pise à cet effet, déposa les deux papes et en nomma un troisième. Mais les papes déposés ne renoncèrent pas à leurs prétentions, et pour comble du malheur, le successeur du pape nommé à Pise fut l’abominable Jean XXIII, perdu de vices et rongé d’ambition.

Jean XXIII et son prédécesseur Alexandre V (1409-1410) sont considérés aujourd’hui comme des antipapes par l’Eglise catholique, puisque le pape nommé en 1958 a pris le nom de Jean XXIII. Pendant longtemps cependant ils ont été considérés comme légitimes ; car il n’y a pas eu d’autre Alexandre V.

Un nouveau concile (16e œcuménique), convoqué par l’empereur d’Allemagne Sigismond (1410-1438), et réuni à Constance, déposa en 1415 les trois papes. Pour éviter la prépondérance des évêques italiens, on décida de donner une voix à chaque nation (italienne, française, anglaise, allemande, espagnole). Le concile décida que son autorité lui venait directement du Christ, que ses décrets faisaient loi pour le pape lui-même, et que les conciles devaient être convoqués à intervalles réguliers. Il nomma un pape honnête, Martin V (1417-1431) qui promit d’exécuter les réformes projetées.

En ce qui concerne les papes destitués, Jean XXIII, après un séjour en prison, se contenta d’un chapeau de cardinal ; Grégoire XII, le pape de Rome, abdiqua ; Benoit XIII, le pape d’Avignon se retira en Espagne, d’où il lançait vainement l’anathème contre le monde entier.

Un 17e concile œcuménique fut convoqué quelques années plus tard à Bâle, pour donner suite à la décision prise à Constance. Il envisagea des réformes très radicales. Le pape Eugène IV (1431-1447) effrayé, se hâta de déplacer le concile à Ferrare puis à Florence, sous prétexte de réaliser l’union avec l’Eglise grecque. D’ailleurs, beaucoup de pères restèrent à Bâle, nommèrent un antipape et préconisèrent des mesures de plus en plus énergiques. Il y avait ainsi deux papes et deux conciles. Les conciles ne s’avéraient pas plus compétents que la papauté pour réformer l’Eglise.

Comme nous l’avons vu, les décisions prises à Florence, où les délégués orientaux acceptèrent toutes les exigences du pape, n’aboutirent quand même à rien, car les délégués furent désavoués à leur retour.

Les ecclésiastiques restés à Bâle avaient nommé comme antipape le duc de Savoie, sous le nom de Félix V. Mais au fur et à mesure que le concile durcissait sa position, les modérés s’en allaient, et pour finir, il ne restait que peu de gens, lorsque le concile accepta de se dissoudre en 1449. Félix V se contenta d’un chapeau de cardinal. Ce résultat fut obtenu par l’habilité de Nicolas V (1447-1451), fondateur de la bibliothèque vaticane.

Un de ses successeurs, Pie II (1458-1464) condamna tout appel d’une décision papale à un concile comme hérétique et décréta qu’il n’y aurait plus de conciles à intervalles réguliers.

4. La papauté à la fin du XVe et au début du XVIe siècles. Aux papes énergiques qui régnèrent au milieu du siècle et sauvegardèrent l’autorité papale en face des prétentions des conciles, succéda une série de pontifes indignes. Alexandre VII Borgia (1492-1503) passa son temps à assurer une principauté à son fils adultérin César. Il était totalement dénué de scrupules. Son poison est resté célèbre. La légende l’a peut-être noirci, mais l’histoire reconnaît que sa vie fut scandaleuse. Jules II (1503-1513) chercha à unifier l’Italie sous le sceptre pontifical, et à cet effet, il mit le pays à feu et à sang, paraissant tout armé à la tête de ses troupes. Léon X (1513-1521) était un ami des arts et de la vie facile. Il poussa la vente des indulgences pour achever la construction de la basilique de Saint-Pierre. C’est sous son pontificat que Luther afficha en 1517 ses 95 thèses et lança un mouvement de réforme qui acheva d’ébranler le système catholique et inaugura une période toute nouvelle de l’histoire de l’Eglise.

Sous Léon X le 18me concile œcuménique à Latran eut lieu (1512-1517). Il proclama la suprématie du pape sur les conciles ; lui seul pouvait les convoquer, les déplacer, les dissoudre.

Suprématie du Concile sur le pape.

Ce saint Synode de Constance, tenant un Concile Général pour l’abolition du schisme présent, ainsi que pour l’union et la réformation de l’Eglise de Dieu dans sa tête et dans ses membres, à la louange de Dieu tout-puissant, est rassemblé d’une manière légitime par le Saint-Esprit ; pour atteindre plus facilement, plus sûrement, plus librement et plus abondamment l’union et la réformation de l’Eglise, il ordonne, dispose, établit, décrète et déclare ce qui suit :

En premier lieu, que le Synode lui-même, rassemblé d’une manière légitime par le Saint-Esprit, qui tient un Concile Général et qui représente l’Eglise Catholique militante, tient son pouvoir directement du Christ, et que chacun, de quelque état ou dignité qu’il soit, même de rang papal, est tenu de lui obéir en ce qui concerne la foi et l’abolition dudit schisme.

Décret du Concile de Constance
30 mars 1415
Mansi, XXVII, p. 585.

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